Décisions rendues par les tribunaux dans les causes d’homicides de femmes et de filles autochtones, 2009 à 2021

par Marta Burczycka et Adam Cotter

Début de l'encadré

Faits saillants

  • De 2009 à 2021, le taux d’homicides contre les femmes et les filles des Premières Nations, métisses et inuites était six fois plus élevé que celui enregistré chez leurs homologues non autochtones. Les homicides de femmes et de filles autochtones suivent des voies complexes devant les tribunaux de juridiction criminelle canadiens, allant du dépôt ou de la recommandation d’accusations par la police jusqu’aux procédures judiciaires et aux décisions des tribunaux.
  • La majorité (87 %) des homicides de femmes et de filles autochtones déclarés par la police de 2009 à 2021 ont été classés par la police, c’est-à-dire qu’un auteur présumé a été identifié relativement à l’affaire. Cette proportion était légèrement inférieure à celle observée pour les affaires classées d’homicides de femmes et de filles non autochtones (90 %).
  • La plupart des femmes et des filles autochtones ont été tuées par une personne qu’elles connaissaient (81 %), y compris un partenaire intime (35 %), une connaissance (24 %) ou un membre de la famille (22 %). Dans la majorité des cas, l’auteur présumé était également autochtone (86 %).
  • La police était moins susceptible de porter ou de recommander une accusation de meurtre au premier degré — le type d’accusation d’homicide le plus grave — lorsque la victime était autochtone (27 %) que lorsqu’elle ne l’était pas (54 %). En revanche, les accusations de meurtre au deuxième degré (60 %) et d’homicide involontaire coupable (13 %) étaient plus courantes. Les accusations d’homicide involontaire coupable étaient également plus fréquentes lorsque l’auteur présumé était autochtone.
  • Les accusations d’homicide involontaire coupable étaient deux fois plus courantes dans les affaires d’homicides de femmes et de filles autochtones portées devant les tribunaux (41 % des accusations d’homicide) que dans les affaires impliquant des victimes non autochtones (20 %).
  • Les accusations d’homicide involontaire coupable étaient les accusations les plus susceptibles d’entraîner un verdict de culpabilité, tant dans les affaires impliquant des femmes et des filles autochtones (66 %) que dans celles impliquant des femmes et des filles non autochtones (72 %). Dans l’ensemble, 45 % des accusations portées dans les affaires d’homicides de femmes et de filles autochtones (y compris les accusations d’homicide involontaire coupable et les autres accusations d’homicide) ont abouti à un verdict de culpabilité. Il y a eu peu d’acquittements dans les affaires d’homicides de femmes et de filles autochtones (1,6 %), tout comme dans celles où les victimes n’étaient pas autochtones (0,4 %).
  • Les verdicts de culpabilité dans les affaires d’homicides de femmes et de filles autochtones étaient les plus fréquents dans les causes où l’auteur présumé était un conjoint (82 %) ou un étranger (79 %). Dans l’ensemble, les homicides commis par des étrangers étaient moins courants chez les victimes autochtones (8 % par rapport à 12 % chez les femmes et les filles non autochtones assassinées).
  • La détention était de loin le type de peine le plus courant imposé dans les affaires couplées à des homicides de femmes et de filles autochtones aussi bien que de femmes et de filles non autochtones. La durée moyenne des peines de détention après condamnation était plus courte de trois ans pour les personnes déclarées coupables dans des affaires d’homicide où la victime était une femme ou une fille autochtone, comparativement aux homicides où la victime était non autochtone.

Fin de l'encadré

Introduction

Au Canada, les femmes et les filles autochtones continuent d’afficher des taux plus élevés de nombreuses formes de violence que leurs homologues non autochtones, y compris l’homicide, la forme la plus extrême de violence (Miladinovic et Mulligan, 2015; David et Jaffray, 2022; Perreault, 2022). Depuis longtemps, les Autochtones et leurs défenseurs signalent le taux disproportionné de violence subie par les femmes et les filles des Premières Nations, métisses et inuites et ont associé ce phénomène au colonialisme et à l’assimilation forcée. Plus récemment, les organismes nationaux et internationaux ont amplifié ces voix pour dénoncer le traumatisme intergénérationnel et la marginalisation socioéconomique créés par de telles politiques (Plan d’action national pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées, 2021; Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2019; Association des femmes autochtones du Canada, 2010; Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015; Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, 2015). Comme c’est le cas dans de nombreuses communautés aux prises avec des problèmes de santé mentale et physique, de pauvreté, de toxicomanie et de discrimination, les femmes et les filles en subissent souvent les pires conséquences, y compris la violence extrême (David et Jaffray, 2022; Heidinger, 2022a; Heidinger, 2022b; Sutton, 2023).

Les effets conjugués des problèmes d’accès à la justice et de la surreprésentation des Autochtones chez les victimes et les auteurs présumés de crimes se font sentir dans le processus judiciaire. Le cheminement d’une cause dans le système de justice pénale canadien suit des voies parfois complexes, qui commencent là où les enquêtes policières prennent fin et qui se soldent par le prononcé d’un verdict et d’une peine. En cours de route, des décisions sont prises concernant les accusations portées devant les tribunaux, le règlement de ces accusations et le prononcé des verdicts et des peines. Fondé sur les données de l’Enquête sur les homicides et de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle, cet article de Juristat porte sur le cheminement des causes d’homicides de femmes et de filles autochtones dans le système judiciaire au cours de la période allant de 2009 à 2021, sur la façon dont ces causes ont été traitées à des points de décision cruciaux en cours de route et sur les résultats auxquels elles aboutissent comparativement aux homicides impliquant des victimes non autochtones. Les données couplées utilisées pour cette analyse fournissent des renseignements importants qui permettent de contextualiser les décisions rendues par les tribunaux dans les causes d’homicides de femmes et de filles autochtones. Toutefois, ces données ne sont pas exemptes de limites. Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter la section « Sources de données et méthodologie ».

Bien qu’une approche fondée sur les distinctions — une approche qui permet de considérer séparément les cas impliquant des femmes et des filles des Premières Nations, métisses et inuites — soit idéale, le nombre relativement faible de victimes individuelles appartenant à ces groupes signifie que, dans la plupart des cas, une approche panautochtone est adoptée pour l’analyse. En outre, tout au long du présent article, le principal groupe de comparaison avec les femmes et les filles autochtones est celui des femmes et des filles non autochtones. Pour faciliter la lecture, les termes « victimes autochtones » et « victimes non autochtones » sont souvent utilisés, sans faire référence au genre des victimes. Sauf indication contraire, ces termes désignent les femmes et les filles de ces groupes.

Section 1 : Homicides de femmes et de filles autochtones

Le taux d’homicides de femmes et de filles autochtones est six fois plus élevé que celui observé chez leurs homologues non autochtones

De 2009 à 2021, 490 femmes et filles autochtones ont été victimes d’homicide. Le taux de femmes et de filles autochtones tuées s’est ainsi établi à 4,27 pour 100 000 femmes et filles autochtones dans la population, un taux six fois plus élevé que celui enregistré par leurs homologues non autochtones (0,73). Au cours de cette période, les femmes et les filles autochtones représentaient de 2 % à 3 % de la population canadienne, alors qu’elles représentaient de 5 % à 7 % des victimes d’homicide (tableau 1). La surreprésentation des Autochtones, et des femmes et des filles autochtones en particulier, parmi les victimes d’homicides et d’autres crimes violents au Canada est bien documentée (voir l’encadré 1).

Parmi les 490 femmes et filles autochtones tuées au cours de la période allant de 2009 à 2021, 60 % étaient membres des Premières Nations, 8 % étaient inuites et 7 % étaient métisses. Pour 24 % des victimes, la police ne connaissait pas le groupe autochtone auquel appartenaient les victimes ou n’a pas déclaré cette information à Statistique Canada (tableau 2).

Le taux d’homicides contre les femmes et les filles autochtones a varié d’une année à l’autre, allant d’un creux de 3,28 pour 100 000 en 2016 à un sommet de 5,15 en 2009. Chaque année, le taux de femmes et de filles autochtones victimes d’homicide a été plus élevé que le taux de femmes et de filles non autochtones et le taux d’hommes et de garçons victimesNote  (tableau 1).

Début de l'encadré 1

Encadré 1
La victimisation des femmes et des filles autochtones au Canada

Les données autodéclarées révèlent que de nombreuses formes de violence, y compris la violence qui n’est jamais signalée à la police, sont plus fréquentes chez les femmes autochtones qu’au sein des autres groupes de population au Canada. Ces formes de violence comprennent la violence subie pendant l’enfance et à l’âge adulte, la violence entre partenaires intimes et la violence fondée sur le genre (Burczycka, 2017; Heidinger, 2022a et Heidinger, 2022b; Perreault, 2022; Sutton, 2023). Ces constatations font écho à celles de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (2019), qui soutient que les effets dévastateurs du colonialisme continuent d’avoir un effet disproportionné sur les femmes et les filles.

Pour de nombreuses femmes autochtones, l’exposition à la violence commence dès l’enfance. Un plus grand nombre de femmes autochtones (42 %) que de femmes non autochtones (27 %) ont indiqué avoir été victimes de violence physique et sexuelle avant l’âge de 15 ans (Heidinger, 2022b).

Fait intéressant, une analyse de cohorte a montré que la disparité relative à la victimisation pendant l’enfance se retrouve surtout chez les femmes plus âgées : dans la cohorte des personnes âgées de 30 ans ou moins en 2014, la prévalence de la violence sexuelle subie pendant l’enfance était similaire chez les femmes autochtones et les femmes non autochtones (Burczycka, 2017). Autrement dit, même si les femmes autochtones plus âgées étaient plus susceptibles de déclarer avoir été victimes de violence pendant leur enfance que les femmes non autochtones du même groupe d’âge, cette différence n’a pas été observée chez les femmes plus jeunes.

De nombreuses études ont démontré qu’il existe une corrélation entre la violence subie pendant l’enfance et la victimisation à l’âge adulte (Heidinger, 2022a; Perreault, 2022). Encore une fois, les taux de violence chez les femmes autochtones étaient plus élevés que ceux enregistrés chez leurs homologues non autochtones. Par exemple, près de la moitié (46 %) des femmes autochtones avaient été victimes d’agression sexuelle, comparativement à 33 % des femmes non autochtones (Heidinger, 2022b). Les femmes autochtones étaient également plus susceptibles de déclarer avoir été victimes de violence entre partenaires intimes depuis l’âge de 15 ans (61 % par rapport à 44 % chez les femmes non autochtones; Heidinger, 2021).

En outre, les femmes autochtones sont surreprésentées parmi les victimes d’homicides fondés sur le genre. Les homicides fondés sur le genre désignent les homicides de femmes commis par un auteur présumé de genre masculin qui était un partenaire intime ou un membre de la famille de la victime, qui a infligé des actes de violence sexuelle à la victime lors du meurtre, ou qui a tué une femme ou une fille identifiée comme une travailleuse du sexe. Au cours de la période allant de 2011 à 2021, 21 % des homicides fondés sur le genre déclarés par la police impliquaient des femmes et des filles autochtones (Sutton, 2023).

Fin de l’encadré 1

De 2009 à 2021, 9 homicides de femmes et de filles autochtones sur 10 ont été résolus

Au cours de la période allant de 2009 à 2021, la majorité (87 %) des affaires d’homicides de femmes ou de filles autochtones déclarées par la police ont été classées (résolues), c’est-à-dire qu’un auteur présumé a été identifié relativement à l’affaire (tableau 2). Cette proportion est légèrement inférieure à celle enregistrée pour les affaires classées d’homicides de femmes et de filles non autochtones (90 %).

Alors que 13 % des homicides de femmes et de filles autochtones ― représentant 65 victimes ― n’étaient toujours pas résolus au moment de rédiger la présente étude, la proportion variait selon le groupe d’identité autochtone. Notamment, chez les femmes et les filles des Premières Nations, 12 % des homicides n’avaient pas été résolus; la proportion correspondante s’établissait à 23 % pour les femmes et les filles métisses, à 5 % pour les femmes et les filles inuites et à 16 % pour les femmes et les filles autochtones dont la distinction était inconnue ou non déclarée par la police. Il convient de souligner que les enquêtes sur les homicides peuvent être longues et complexes; par conséquent, pour certaines victimes, l’homicide peut être considéré comme non résolu parce que l’enquête est toujours en cours. En particulier, en ce qui concerne les homicides les plus récents qu’englobe cette étude — ceux déclarés par la police en 2021 —, des proportions plus élevées d’homicides non résolus ont été enregistrées, notamment 29 % des homicides où la victime était une femme ou une fille autochtone, et 17 % des homicides où la victime était non autochtone.

Les données de 2015 à 2021Note  révèlent que les homicides de femmes et de filles autochtones non résolus impliquaient plus souvent des victimes portées disparues au moment de leur décès (32 %) que de victimes non portées disparues (13 %). De même, les homicides de femmes et de filles autochtones étaient plus souvent non résolus lorsque la cause du décès était inconnue ou non déclarée par la police (66 %). La police peut choisir de ne pas déclarer certains faits d’un homicide dans le cadre de l’Enquête sur les homicides si une enquête policière est en cours.

Il est important de souligner que de nombreux Autochtones ainsi que les organisations qui se portent à leur défense décrivent les difficultés auxquelles sont confrontés les survivants et les familles des victimes autochtones dans leurs interactions avec la police (Association des femmes autochtones du Canada, 2010; Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2019). Ces difficultés peuvent nuire au partage des renseignements nécessaires aux enquêtes policières et faire en sorte que des homicides demeurent non résolus plus longtemps.

Le plus souvent, les homicides impliquaient un auteur présumé qui était également autochtone

La recherche a montré que la plupart des femmes et des filles, peu importe leur origine ethnique ou leur identité autochtone, sont tuées par un partenaire intime, un membre de leur famille ou une personne qu’elles connaissent (David et Jaffray, 2022). Par conséquent, leurs assassins font souvent partie de leur communauté et peuvent donc être des personnes avec lesquelles elles partagent des traits culturels et d’autres points communs. Dans l’ensemble, 8 femmes et filles autochtones sur 10 (81 %) ont été tuées par une personne qu’elles connaissaient, le plus souvent une connaissance (24 %), un conjoint (23 %) ou un membre de la famille (22 %) (tableau 2)Note  . La plupart des homicides résolus de femmes et de filles autochtones impliquaient un auteur présumé qui était également autochtone. Plus précisément, de 2014 à 2021Note  , 8 auteurs présumés sur 10 (86 %) d’un homicide sur une femme ou une fille autochtone étaient eux-mêmes autochtones; dans les cas où la victime était une femme ou une fille non autochtone, plus de 9 auteurs présumés sur 10 (94 %) n’étaient pas autochtones (tableau 3). De nombreux observateurs ont fait remarquer que l’exposition précoce à la violence familiale, l’éclatement des familles en raison des pensionnats et la prise en charge forcée d’enfants autochtones, ainsi que d’autres facteurs liés au colonialisme, sont associés à la violence au sein des communautés autochtones (Clark, 2019; Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015).

L’identité autochtone des auteurs présumés d’homicides de femmes et de filles autochtones est un facteur important pour plusieurs raisons, y compris les répercussions de cette identité sur le traitement des délinquants dans le système de justice (voir l’encadré 2). Aux fins de la présente étude, qui comprend un examen des décisions rendues par les tribunaux dans les causes couplées à des victimes autochtones, le cheminement des délinquants dans le système de justice est particulièrement pertinent. Au Canada, les Autochtones sont surreprésentés parmi les auteurs présumés d’actes criminels et les personnes incarcérées (ministère de la Justice, 2016; Robinson et autres, 2023; Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015). Les défenseurs et le gouvernement ont donc cherché à mieux comprendre cette disparité et à y remédier.

Au total, 8 homicides de femmes et de filles autochtones sur 10 ont donné lieu au dépôt ou à la recommandation d’accusations d’homicide par la police

Lorsqu’un homicide est porté à l’attention de la police, cela entraîne le plus souvent le dépôt ou la recommandation d’une accusation. Dans les cas où la victime était une femme ou une fille autochtone, il était plus probable que des accusations soient portées ou recommandées relativement à l’affaire. Des accusations ont été portées ou recommandées par la police dans la majorité (79 %) des 490 homicides de femmes et de filles autochtones survenus au cours de la période allant de 2009 à 2021; le taux s’est établi à 81 % pour les victimes membres des Premières Nations, à 71 % pour les victimes métisses, à 79 % pour les victimes inuites et à 77 % pour les victimes dont le groupe autochtone était inconnu (tableau 2). En revanche, une proportion plus faible (71 %) d’homicides de femmes et de filles non autochtones ont été classés par le dépôt d’accusations.

Début de l'encadré 2

Encadré 2
Surreprésentation des Autochtones dans le système de justice canadien

Les Autochtones sont surreprésentés parmi les auteurs présumés d’actes criminels et les personnes incarcérées (ministère de la Justice, 2016; Robinson et autres, 2023; Saghbini et autres, 2021; Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015). Les tribunaux et les assemblées législatives du Canada tentent de s’attaquer au problème depuis les années 1980 au moyen d’enquêtes, de commissions et de révisions, de décisions de la Cour suprême et de changements législatifs (ministère de la Justice, s. d.). Les constatations et les avis découlant de ces initiatives ont fait ressortir le lien qui existe entre le colonialisme, le traumatisme intergénérationnel et la délinquance, ainsi que les préjugés systémiques entretenus au sein du système de justice et de la société canadienne, lesquels contribuent à désavantager encore plus les Autochtones en ce qui concerne la criminalité et l’incarcération.

La jurisprudence et les changements législatifs sont particulièrement pertinents dans les décisions rendues par les tribunaux dans les affaires d’homicide. Par exemple, la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 1999 dans l’arrêt R. c. GladueNote  mettait l’accent sur l’obligation pour les juges de tenir compte, au moment de la détermination de la peine, des facteurs systémiques et historiques pouvant avoir amené une personne autochtone à avoir des démêlés avec le système de justice pénale (même dans le cas précis de l’arrêt Gladue, où une personne autochtone a été reconnue coupable d’homicide). D’autres décisions de la Cour suprême (p. ex. R. c. IpeeleeNote ) ont consolidé la position selon laquelle les juges doivent tenir compte des conséquences du colonialisme sur les délinquants autochtones au moment de déterminer des peines appropriées.

Étant donné que Statistique Canada n’a pas eu accès aux renseignements sur l’identité autochtone des auteurs présumés d’homicide avant 2015, les données recueillies dans le cadre de l’Enquête sur les homicides et de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle ne peuvent servir à dégager les incidences possibles de ces dispositions législatives sur les types de peines imposées aux Autochtones reconnus coupables d’homicide. Cependant, les changements auxquels l’arrêt Gladue a donné lieu au sein du système de justice sont évidents. Ils comprennent l’utilisation, dans le processus de détermination de la peine, de « rapports Gladue », dans lesquels sont consignés les antécédents personnels des délinquants autochtones (y compris la façon dont ces derniers, leurs familles et leurs communautés ont été touchés par le colonialisme, les pensionnats et l’assimilation forcée). Dans certains secteurs de compétence, des tribunaux Gladue spécialisés sont en place, et dans d’autres, il y a la possibilité d’imposer des peines qui sont harmonisées avec les modèles de justice autochtones, y compris des cercles de détermination de la peine. Bien que l’analyse décrite dans le présent rapport ne puisse rendre compte du rôle que les mesures ancrées dans les principes de l’arrêt Gladue, dont celles décrites ici, ont joué dans les décisions rendues par les tribunaux dans les affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones au cours de la période allant de 2009 à 2021, il est possible que ces principes aient eu une incidence sur les décisions rendues.

Il est important de noter que l’application de l’arrêt Gladue et des principes connexes par les tribunaux canadiens n’est pas à l’abri des critiques. Par exemple, certains ont soulevé que les principes de l’arrêt Gladue n’ont pas été adoptés de façon uniforme dans l’ensemble des secteurs de compétence canadiens, qu’ils sont appliqués de façon incohérente, et que des obstacles entravent l’accès aux rapports Gladue et à d’autres mesures pour de nombreux délinquants autochtones (April et Orsi, 2013; Pfefferle, 2008; Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015). De plus, certains sont d’avis que les principes de l’arrêt Gladue reposent sur des stéréotypes qui vont à l’encontre des intérêts des Autochtones, qui continuent d’imposer des structures colonialistes aux communautés autochtones et qui peuvent en fait nuire à la promotion de l’égalité dans le système de justice (Gevikoglu, 2013). D’autres estiment en revanche que les principes de l’arrêt Gladue devraient être étendus pour inclure des règles sur les pratiques en matière de poursuite (Manikis, 2016). Enfin, les principes de l’arrêt Gladue ne constituent qu’une seule tentative pour lutter contre la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice canadien, et d’autres recherches sont nécessaires pour faire la lumière sur l’utilisation, la fréquence d’application et l’efficacité de ces mesures et d’autres mesures pour s’attaquer au problème. 

Fin de l’encadré 2

Moins d’homicides de femmes et de filles autochtones sont considérés par la police comme des meurtres au premier degré

Selon les définitions, pour qu’un meurtre soit considéré comme un meurtre au premier ou au deuxième degré, il faut que l’auteur présumé ait eu l’intention de causer la mort de la victime, ou qu’il ait eu l’intention de causer des blessures dont il savait qu’elles entraîneraient probablement la mort de la victime, dans les situations où il y a culpabilité (p. ex. le décès n’est pas accidentel ou ne résulte pas de la légitime défense; Wilson, 2010). Le meurtre au premier degré diffère du meurtre au deuxième degré principalement en raison du fait que le meurtre au premier degré est planifié et délibéré; de plus, il s’applique dans des situations particulières décrites dans le Code criminel du Canada (p. ex. lorsqu’un meurtre est commis au cours d’une agression sexuelle)Note  . Par ailleurs, l’homicide involontaire coupable est plus difficile à définir : selon le Code criminel, « [l]’homicide coupable qui n’est pas un meurtre ni un infanticide constitue un homicide involontaire coupable »Note  .

Lorsque la police enquête sur un homicide, elle détermine quelle était l’infraction la plus grave dans l’affaire — par exemple, si l’infraction la plus grave était un meurtre au premier degré, un meurtre au deuxième degré ou un homicide involontaire coupable. Les données déclarées par la police révèlent que, dans l’ensemble, les homicides de femmes et de filles autochtones avaient tendance à être classés par la police comme des infractions relativement moins graves comparativement aux homicides de femmes et de filles non autochtones. Plus précisément, des déclarations de meurtre au premier degré — le type d’homicide le plus grave — ont été considérées comme infraction la plus grave deux fois moins souvent lorsque la victime était une femme ou une fille autochtone (27 %) que lorsqu’elle n’était pas autochtone (54 %) (tableau 4). En revanche, les déclarations de meurtre au deuxième degré étaient plus courantes lorsque les victimes étaient autochtones (60 %) que lorsque les victimes n’étaient pas autochtones (39 %). En outre, les déclarations d’homicide involontaire coupable comme infraction la plus grave étaient plus fréquentes dans les affaires d’homicides de femmes et de filles autochtones (13 %) que dans les affaires d’homicides de victimes non autochtones (7 %).

Les accusations de meurtre au premier degré étaient les moins courantes lorsque la victime et l’auteur présumé étaient autochtones

La façon dont les décisions relatives aux accusations sont prises au Canada varie d’un secteur de compétence à l’autre. Les différences dépendent essentiellement des administrations locales, provinciales ou territoriales, ainsi que de l’autorité — les services de police ou la Couronne — à qui incombe la décision des accusations à porter dans les affaires d’homicide. Dans la plupart des secteurs de compétence, le degré de contribution des procureurs de la Couronne influe sur les accusations portées par la policeNote  .

Dans les affaires d’homicides de femmes et de filles autochtones, il semble exister une corrélation entre la gravité des accusations portées ou recommandées par la police et l’identité autochtone de la victime et de l’auteur présumé du crime. Selon les données déclarées par la police pour la période allant de 2014 à 2021, les accusations de meurtre au premier degré étaient les plus courantes lorsque la victime et l’auteur présumé n’étaient pas autochtones (44 %) et les moins fréquentes lorsque les deux étaient autochtones (18 %) (graphique 1). Il convient de souligner que, dans les affaires d’homicides de femmes et de filles autochtones, les accusations de meurtre au premier degré portées ou recommandées étaient plus fréquentes lorsque l’auteur présumé n’était pas autochtone (35 % par rapport à 18 % lorsque l’auteur présumé était autochtone).

Les accusations d’homicide involontaire coupable étaient le type d’accusation le plus courant dans les affaires d’homicides de femmes et de filles lorsque l’auteur présumé était autochtone, peu importe l’identité autochtone de la victime. Les homicides de femmes et de filles où l’auteur présumé était autochtone ont entraîné un dépôt ou une recommandation d’accusation d’homicide involontaire coupable dans 17 % des cas lorsque la victime était autochtone, comparativement à 16 % des cas lorsque la victime n’était pas autochtone. Dans les cas où l’auteur présumé n’était pas autochtone, les proportions correspondantes s’établissaient à 10 % et à 9 %, respectivement.

Graphique 1 début

Graphique 1 Accusations portées ou recommandées par la police dans les affaires d’homicide résolues, selon l’identité 
autochtone de l’auteur présumé et l’identité autochtone et le genre de la victime, 2014 à 2021

Tableau de données du graphique 1 
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Meurtre au premier degré, Meurtre au deuxième degré et Homicide involontaire coupable, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Meurtre au premier degré Meurtre au deuxième degré Homicide involontaire coupable
pourcentage
L’auteur présumé est autochtoneTableau de données du graphique 1 Note 1
Femmes et filles autochtonesTableau de données du graphique 1 Note 1 17,8 65,4 16,8
Femmes et filles non autochtonesTableau de données du graphique 1 Note 2 28,0 56,0 16,0
L’auteur présumé n’est pas autochtoneTableau de données du graphique 1 Note 2
Femmes et filles autochtonesTableau de données du graphique 1 Note 1 35,5 54,8 9,7
Femmes et filles non autochtonesTableau de données du graphique 1 Note 2 44,3 47,0 8,6

Graphique 1 fin

Le fait que la victime soit autochtone augmente la probabilité qu’une accusation d’homicide involontaire coupable soit portée

Pour aider à déterminer les facteurs susceptibles de faire augmenter ou diminuer la probabilité qu’une accusation d’homicide involontaire coupable soit portée contre un auteur présumé, plutôt qu’une accusation de meurtre au premier ou au deuxième degré, une analyse multivariée a été effectuée (tableau 5)Note  . Diverses caractéristiques liées aux victimes, aux auteurs présumés et aux homicides déclarés par la police survenus au cours de la période allant de 2014 à 2021 ont été entrées dans un modèle, afin de déterminer si un facteur particulier a indépendamment fait augmenter ou diminuer la probabilité qu’une accusation d’homicide involontaire coupable soit portée ou recommandée par la police.

Les résultats de cette analyse ont permis de conclure que le fait que la victime soit autochtone augmente la probabilité que la police porte une accusation d’homicide involontaire coupable, par opposition à une accusation de meurtre. Même lorsque d’autres facteurs pertinents liés à l’homicide ont été pris en compte, y compris le genre de la victime, l’identité autochtone de l’auteur présumé et sa relation avec la victime, la probabilité que la police ait porté ou recommandé une accusation d’homicide involontaire coupable plutôt qu’une accusation de meurtre au premier ou au deuxième degré était 1,5 fois plus élevée lorsque la victime était autochtone.

Il s’avère que d’autres facteurs sont liés de façon indépendante à des probabilités accrues d’accusation d’homicide involontaire coupable, soit une cause de décès autre qu’un homicide commis à l’aide d’une arme à feu ou d’une arme pointue (7,3 fois plus probable), le fait que l’auteur présumé ait commis une autre infraction connexe en même temps que l’homicide (1,5 fois plus probable), et un mobile de dispute ou de querelle (1,3 fois plus probable). Ces facteurs peuvent être liés à l’absence de préméditation et d’intention, qui sont associées au meurtre au premier et au deuxième degré, mais pas aux homicides involontaires coupables.

L’identité autochtone de l’auteur présumé n’a pas eu d’incidence sur la probabilité qu’une accusation d’homicide involontaire coupable soit portée ou recommandée par la police, par opposition à une accusation de meurtre au premier ou au deuxième degré. Il en allait de même pour ce qui est de savoir si la victime et l’auteur présumé entretenaient une relation familiale ou intime, si l’auteur présumé avait les facultés affaiblies au moment du crime ou encore s’il participait à des activités illicites au moment de l’homicide.

Il convient de souligner que les renseignements déclarés par la police sur certains aspects des homicides reposent sur les perceptions et les interprétations des policiers et des autres intervenants du système de justice. Des critiques ont laissé entendre que des préjugés systémiques s’insinuent dans le système de justice canadien, y compris au sein des services de police, ce qui est particulièrement préjudiciable pour les Autochtones, et que ces préjugés sont enracinés dans des stéréotypes racistes (Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015).

Les homicides classés autrement que par le dépôt d’une accusation sont plus courants dans les affaires impliquant des victimes non autochtones

Dans certains cas, un homicide peut être considéré comme résolu sans qu’aucune accusation ne soit portée contre l’auteur présumé. Par exemple, l’auteur présumé peut être décédé, à la suite d’un suicide ou d’un autre événement, ou il peut avoir été admis à un établissement psychiatrique et être incapable de subir un procès. Ces affaires sont considérées comme « classées sans mise en accusation » et, à ce titre, elles ne se retrouveront jamais devant les tribunaux de juridiction criminelle.

De 2009 à 2021, notamment, les homicides classés sans mise en accusation ont été beaucoup plus fréquents lorsque la victime était une femme ou une fille non autochtone que lorsqu’elle était autochtone. Dans l’ensemble, 19 % des homicides de femmes et de filles non autochtones ont été classés de cette façon, comparativement à 7 % des homicides de femmes et de filles autochtones (tableau 2). Autrement dit, les homicides de femmes et de filles autochtones étaient plus susceptibles de se retrouver devant les tribunaux, du moins pour ce qui était de les classer par mise en accusation ou sans mise en accusation.

Les homicides dont l’auteur présumé se suicide sont plus fréquents dans les situations de violence entre partenaires intimes ou de violence familiale (Brennan et Boyce, 2013). Dans l’ensemble, 57 % des homicides contre des femmes et des filles autochtones ont été commis par un conjoint ou un partenaire intime actuel ou ancien ou par un membre de la famille, une proportion inférieure à celle observée pour les homicides de femmes et de filles non autochtones (64 %; tableau 2). Étant donné que le décès de l’auteur présumé est plus fréquent dans le cas des homicides commis par des partenaires intimes et des membres de la famille, la différence peut aider à expliquer pourquoi le classement par des moyens autres qu’une accusation était plus fréquent lorsque la victime n’était pas autochtone. Toutefois, les homicides classés sans mise en accusation étaient moins courants lorsque les victimes étaient autochtones, même dans ces catégories de relations : par exemple, 18 % des homicides où une femme autochtone a été tuée par son conjoint ont été classés sans mise en accusation, comparativement à 34 % des homicides commis par le conjoint d’une victime non autochtone (tableau 2). Cette tendance était la même pour les homicides commis par un partenaire intime actuel ou ancien (9 % pour les victimes autochtones par rapport à 18 % pour leurs homologues non autochtones) et les homicides commis par un membre de la famille (6 % par rapport à 17 %).

Section 2 : Accusations portées devant les tribunaux dans les affaires couplées à des homicides de femmes et de filles autochtones

Explication du couplage et sélection de l’unité d’analyse

Pour comprendre de quelle façon les accusations liées aux homicides de femmes et de filles autochtones sont traitées dans le système de justice pénale canadien, les données déclarées par la police tirées de l’Enquête sur les homicides ont été couplées aux données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité et à celles de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC), afin qu’il soit possible d’analyser la manière dont les affaires ont cheminé au sein du système judiciaire.

Les homicides déclarés par la police au cours de la période allant de 2009 à 2021, où au moins un auteur présumé a été identifié et où des accusations ont été portées ou recommandées par la police, ont été considérés comme faisant partie du champ de l’enquête, et les données à leur sujet ont été couplées aux fichiers de données de l’EITJC pour les exercices 2009‑2010 à 2020‑2021Note  . Les homicides non classés (non résolus) et les homicides pour lesquels un auteur présumé a été identifié, mais aucune accusation n’a été portée (affaires classées sans mise en accusation), ont été exclus de l’étude, car ces affaires n’ont pas été portées devant les tribunaux.

À partir de ces critères, il a été établi que, de 2009 à 2021, 389 femmes et filles autochtones ont été victimes d’homicides pour lesquels la police a déposé ou recommandé des accusations contre au moins un auteur présumé compris dans cette analyse. De ce nombre, 185 victimes d’homicide (48 %) ont pu être couplées à au moins une accusation portée devant les tribunaux. Ce taux de couplage est comparable à celui observé pour les femmes et les filles non autochtones (512 victimes sur 1 156, ou 44 %) (figure 1). Certaines affaires qui n’ont pas été couplées avec succès à une accusation réglée peuvent encore se trouver devant les tribunaux, et cela semble être particulièrement le cas depuis les dernières années où les taux de couplage étaient nettement plus faiblesNote  .

Figure 1 début

Figure 1 Progression des homicides de femmes et de filles dans le système de justice pénale, selon l’identité autochtone, Canada, 2009 à 2021

Tableau de données du figure 1 
Tableau de données de la figure 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données de la figure 1 . Les données sont présentées selon Progression dans le système de justice pénale (titres de rangée) et Homicides de femmes et de filles autochtones et Homicides de femmes et de filles non autochtones, calculées selon nombre et pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Progression dans le système de justice pénale Homicides de femmes et de filles autochtones Homicides de femmes et de filles non autochtones
nombre pourcentage nombre pourcentage
Victimes d’homicideTableau de données de la figure 1  Note 1 490 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 1 633 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Victimes d’homicide avec mise en accusationTableau de données de la figure 1  Note 2 389 79 1 156 71
Victimes d’homicides dont l’affaire a résulté en une cause complétée par les tribunaux de juridiction criminelleTableau de données de la figure 1  Note 3 185 48 512 44
Causes réglées par un tribunalTableau de données de la figure 1  Note 4 193 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 503 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Verdicts de culpabilitéTableau de données de la figure 1  Note 5 106 55 277 55
Causes visant des adultes ayant donné lieu à une peine d’emprisonnementTableau de données de la figure 1  Note 6 59 91 156 94

Figure 1 fin

Étant donné que l’analyse porte essentiellement sur le traitement des affaires d’homicide et sur les décisions rendues par les tribunaux de juridiction criminelle dans ces affaires, les principales unités d’analyse employées dans les deux prochaines sections sont axées sur les accusations (section 2) et sur les causes (section 3) couplées à des affaires d’homicideNote  Note  . Les causes et les accusations peuvent être couplées à plusieurs affaires ou à plusieurs victimes si elles sont traitées par les tribunaux dans une seule cause. De ce fait, il arrive dans certains cas, en particulier si plusieurs auteurs présumés sont impliqués, que la même victime ou la même affaire soit comptabilisée plus d’une fois dans cette analyse si plus d’une cause est associée à l’homicideNote  . Toutefois, la présente analyse met l’accent sur les caractéristiques et les contextes de chaque cause afin de fournir un aperçu des décisions rendues et des peines imposées dans les affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones au Canada.

Les accusations d’homicide involontaire coupable portées devant les tribunaux de juridiction criminelle canadiens étaient plus courantes lorsque la victime était autochtone

De 2009 à 2021, 193 causes réglées par les tribunaux canadiens ont été couplées à l’homicide d’une femme ou d’une fille autochtone, y compris 601 accusations individuelles au criminel. Ces accusations allaient du meurtre au premier degré aux crimes contre les biens et aux infractions contre l’administration de la justice. Parmi ces accusations, 221, ou 37 %, étaient des accusations d’homicide; plus précisément, 22 % étaient des accusations de meurtre au premier ou au deuxième degré, et 15 % étaient des accusations d’homicide involontaire coupable. Aucune accusation d’infanticide n’a été portée (tableau 6). Il y avait plus d’accusations d’homicide qu’il n’y avait de victimes, car certains homicides impliquaient plusieurs auteurs présumés, et chacun de ces auteurs présumés aurait été accusé de façon individuelle. De plus, les procureurs de la Couronne peuvent décider de déposer plusieurs accusations d’homicide différentes les unes des autres (p. ex. meurtre au deuxième degré et homicide involontaire coupable) relativement à la même victime d’homicide.

Il convient de souligner que les accusations de meurtre au premier ou au deuxième degré étaient moins courantes dans les affaires couplées à des homicides de femmes et de filles autochtones que dans celles où la victime n’était pas autochtone (tableau 6). En ce qui concerne les accusations d’homicide en particulier, 59 % des accusations couplées à des homicides de femmes et de filles autochtones étaient des accusations de meurtre au premier ou au deuxième degré, soit une proportion beaucoup plus faible que celle enregistrée lorsque la victime n’était pas autochtone (80 %). À l’opposé, les accusations d’homicide involontaire coupable portées devant les tribunaux étaient deux fois plus fréquentes lorsque les victimes étaient des femmes et des filles autochtones (41 %) que lorsqu’elles ne l’étaient pas (20 %).

De façon générale, la répartition des accusations de meurtre au premier degré, de meurtre au deuxième degré et d’homicide involontaire coupable portées devant les tribunaux reflète celle des accusations portées ou recommandées par la police (voir la section 1) : qu’elles aient été portées ou recommandées par la police ou portées devant les tribunaux, les accusations d’homicide plus graves étaient plus courantes lorsque la victime était une femme ou une fille non autochtone. Comme il en a été question à la section 1, les services de police et la Couronne tiennent compte de divers facteurs au moment de décider du type précis d’accusation d’homicide à porter.

Fait intéressant, la proportion des accusations d’homicide involontaire coupable a augmenté de la police aux tribunaux, comparativement aux accusations de meurtre au premier et au deuxième degré. Cette hausse peut être le résultat de la négociation de plaidoyer, où des auteurs présumés accusés de meurtre au deuxième degré par la police acceptent de plaider coupable à une accusation moindre d’homicide involontaire coupable. Des observateurs ont souligné le fait que les auteurs présumés autochtones en particulier pourraient avoir tendance à accepter des plaidoyers de culpabilité, pour des raisons de méfiance à l’égard du processus judiciaire ou pour avoir accès à des services de soutien auxquels ils n’ont autrement pas droit, entre autres (Bressan et Coady, 2017; Clark, 2016; Rudin, 2009). Selon les données déclarées par la police, 86 % des auteurs présumés d’homicides commis contre une femme ou une fille autochtone au cours de la période allant de 2014 à 2021 étaient autochtones (tableau 3).

En ce qui concerne les accusations portées devant les tribunaux, la différence entre la proportion d’accusations de meurtre et la proportion d’accusations d’homicide involontaire coupable était la plus notable entre les affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones et celles de victimes non autochtones. D’autres écarts importants ont notamment été observés par rapport aux accusations de voies de fait graves (présentes dans 6 % des causes couplées à des victimes autochtones et 2 % de celles couplées à des victimes non autochtones), de manquement aux conditions de la probation (8 % et 2 %) et de défaut de se conformer à une ordonnance (8 % et 5 %). À l’inverse, les accusations de possession d’armes étaient plus courantes dans les causes où la victime d’homicide était une femme ou une fille non autochtone (9 %) que dans celles impliquant une victime autochtone (4 %).

Les verdicts de culpabilité sont les plus courants relativement aux accusations d’homicide involontaire coupable

L’examen de l’ensemble des accusations portées dans les affaires couplées à des homicides de femmes et de filles autochtones révèle que la proportion des accusations pour lesquelles un verdict de culpabilité a été prononcé était semblable dans les affaires impliquant des femmes ou des filles autochtones et dans celles contre des victimes non autochtones. Moins du tiers (31 %) des accusations (d’homicide et autres accusations) dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones ont abouti à un verdict de culpabilité pour l’auteur présumé; la proportion correspondante était de 29 % dans les causes où la victime était non autochtone (tableau 7).

Les verdicts de culpabilité propres aux accusations d’homicide associées aux causes affichaient également des proportions semblables. Parmi les 221 accusations d’homicide portées dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones, 45 % ont abouti à un verdict de culpabilité. Les acquittements étaient rares : environ 1 accusation d’homicide sur 100 (1,6 %) dans les causes où la victime était une femme ou une fille autochtone s’est soldée par un acquittement; dans les causes où la victime était non autochtone, la proportion était de 0,4 %. En revanche, les arrêts, les retraits et les rejets étaient beaucoup plus fréquents, représentant 49 % des accusations d’homicide couplées à des causes d’homicide de femmes et de filles autochtones et 45 % des accusations où la victime était non autochtone.

La similarité dans les taux de causes ayant mené à un verdict de culpabilité entre les accusations d’homicide couplées à des victimes qui étaient des femmes et des filles autochtones et celles couplées à des victimes non autochtones a été observée par rapport aux accusations d’homicide involontaire coupable. Les accusations d’homicide involontaire coupable, qui étaient beaucoup plus fréquentes lorsque la victime était autochtone, affichaient le taux le plus élevé de causes ayant mené à un verdict de culpabilité parmi toutes les accusations criminelles, autant dans les causes où la victime était une femme ou une fille autochtone (66 %) que dans celles où elle ne l’était pas (72 %). Le taux de causes ayant mené à un verdict de culpabilité pour un homicide involontaire coupable était un peu plus faible lorsque les victimes étaient autochtones, tout comme c’était le cas des condamnations pour meurtre au premier et au deuxième degré (30 % par rapport à 36 %). Cependant, la plus grande proportion d’accusations d’homicide involontaire coupable — et leurs taux élevés de verdicts de culpabilité — dans les causes couplées à des victimes autochtones a fait gonfler le taux global de verdicts de culpabilité pour les accusations couplées à des victimes autochtones, ce qui le rend comparable au taux observé pour les causes impliquant des victimes non autochtones.

Les négociations préalables au procès peuvent expliquer en partie la différence entre les taux de causes ayant mené à un verdict de culpabilité. Les plaidoyers de culpabilité sont comptés comme des condamnations dans les données des tribunaux; par conséquent, les accusations comportant une proportion plus élevée de plaidoyers de culpabilité peuvent également s’assortir d’un taux de condamnation plus élevé. Ainsi, le taux élevé de verdicts de culpabilité pour des accusations d’homicide involontaire coupable peut être le fait de négociations préalables au procès, au cours desquelles un auteur présumé plaide coupable à une accusation d’homicide involontaire coupable au lieu de subir un procès pour meurtre au premier ou au deuxième degré. Comme il en a été question précédemment, les accusations d’homicide involontaire coupable sont plus courantes chez les auteurs présumés autochtones et lorsqu’elles sont couplées à des homicides de femmes et de filles autochtones.

Section 3 : Causes portées devant les tribunaux couplées à des homicides de femmes et de filles autochtones

Les 601 accusations distinctes couplées à des homicides de femmes et de filles autochtones qui ont été réglées par les tribunaux au cours de la période allant de 2009 à 2021 sont réparties en 193 causes individuelles traitées par les tribunaux. L’analyse de la cause permet d’examiner différents aspects du traitement des homicides de femmes et de filles autochtones par les tribunaux de juridiction criminelle. Cette analyse est fondamentalement différente de l’analyse de l’accusation, présentée à la section 2 : bien que l’analyse de l’accusation fournisse des renseignements sur chacune des accusations (plusieurs accusations peuvent être portées dans une seule affaire), l’analyse de la cause fournit des renseignements sur l’ensemble de la cause. Pour cette raison, les pourcentages observés relativement à l’accusation (p. ex. le pourcentage d’accusations donnant lieu à un verdict de culpabilité) peuvent être différents de ceux observés relativement à la cause. Pour obtenir de plus amples renseignements sur les accusations et les causes, voir la section « Sources de données et méthodologie ».

Même si les 193 causes examinées dans la présente étude ont été couplées à des homicides de femmes ou de filles autochtones, dans certains cas, aucune accusation d’homicide n’a été réglée dans la cause. Plus précisément, parmi les 193 causes couplées à des victimes d’homicide, 150 comprenaient une accusation d’homicide, tandis que 43 n’en comprenaient pas. Différents facteurs peuvent expliquer le fait que le nombre de causes comportant une accusation d’homicide réglée par les tribunaux est inférieur au nombre de causes couplées à des affaires d’homicide déclarées par la police, notamment le pouvoir discrétionnaire de poursuite ou le pouvoir judiciaire discrétionnaire, les procédures préalables à l’instruction ou les problèmes de qualité des données liés au couplage. Il convient de noter que le taux de rétention des accusations d’homicide dans ces causes était de 78 % lorsque la victime était une femme ou une fille autochtone, et de 88 % lorsqu’elle n’était pas autochtone. Sauf indication contraire, le reste de l’analyse dans la présente étude portera sur les 150 causes qui comprenaient une accusation d’homicide. Ces 150 causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones concernaient 169 victimes distinctesNote  .

Près de 7 causes couplées à une affaire d’homicide de femme ou de fille autochtone sur 10 donnent lieu à un verdict de culpabilité

La police recueille divers renseignements sur les victimes d’un homicide, y compris des données démographiques, la relation entre la victime et le délinquant, et la méthode utilisée pour causer la mort de la victime. Chez les femmes et les filles autochtones victimes d’un homicide, 62 % étaient des membres des Premières Nations, 7 % étaient des Inuit, 5 % étaient des Métis et 23 % étaient des personnes dont le groupe d’identité autochtone était inconnu ou non déclaré par la police (tableau 8). La proportion globale de victimes autochtones dont la cause s’est soldée par un verdict de culpabilité était de 65 %Note  Note  . À titre de comparaison, 57 % des causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles non autochtones se sont soldées par un verdict de culpabilité.

Le taux de causes ayant mené à un verdict de culpabilité couplées à des homicides de femmes et de filles autochtones était plus élevé lorsque l’auteur présumé n’était pas autochtone. Dans un sous-ensemble de causes réglées au cours de la période allant de 2014 à 2021Note  , près de 9 causes sur 10 (88 %) où l’auteur présumé était non autochtone couplées à l’homicide d’une femme ou d’une fille autochtone ont donné lieu à un verdict de culpabilité (tableau 9). Lorsque l’auteur présumé était autochtone, 59 % des causes se sont soldées par un verdict de culpabilité.

On observe un taux élevé de verdicts de culpabilité dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes autochtones commis par un conjoint ou un étranger

Des proportions semblables d’affaires d’homicide concernaient des femmes ayant été tuées par un conjoint ou un partenaire intime, qu’elles soient autochtones (33 %) ou non (37 %) (tableau 8). Fait intéressant, dans les causes couplées à des victimes autochtones, des verdicts de culpabilité ont été rendus beaucoup plus souvent lorsque l’auteur présumé était un conjoint (82 %) que lorsqu’il s’agissait d’un partenaire intime autre qu’un conjoint (57 %); ce n’était pas le cas lorsque la victime n’était pas autochtone (63 % par rapport à 70 %).

Environ le quart des causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones et non autochtones impliquaient un membre de la famille autre qu’un conjoint (24 % pour chaque groupe). Les taux de condamnation étaient également semblables (59 % et 54 %) dans les causes couplées à des affaires d’homicide familial de femmes et de filles autochtones et non autochtones.

Il était un peu plus fréquent qu’une connaissance soit impliquée dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones (35 %) que dans celles couplées à des affaires d’homicide de personnes non autochtones (28 %). Par ailleurs, des étrangers étaient plus souvent en cause lorsque la victime n’était pas autochtone (12 % par rapport à 8 % lorsque la victime était autochtone). Cependant, les taux de causes ayant mené à un verdict de culpabilité étaient assez élevés dans les cas d’homicide de femmes ou de filles autochtones (79 %) commis par un étranger et relativement faibles lorsque les victimes n’étaient pas autochtones (46 %).

Les condamnations antérieures sont plus courantes pour les auteurs présumés dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones

Dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones, un verdict de culpabilité était un peu moins probable lorsque l’auteur présumé avait déjà été déclaré coupable d’un crime (63 %) que s’il ne l’avait pas été (70 %) (tableau 10). L’inverse était également vrai lorsque la victime était une femme ou une fille non autochtone (65 % par rapport à 50 %). Selon les données déclarées par la police, près des trois quarts (72 %) des auteurs présumés dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones avaient déjà été reconnus coupables d’un acte criminel. Dans les causes couplées à des affaires d’homicide de personnes non autochtones, la proportion correspondante était nettement plus faible (44 %).

Il est intéressant de noter que la participation actuelle d’un auteur présumé à des activités illicites liées aux gangs ou à la vente de stupéfiants semble avoir l’effet inverse. Les auteurs présumés qui participaient à des activités criminelles ont été reconnus coupables moins souvent, peu importe si la cause était couplée à une affaire d’homicide de femme ou de fille autochtone (57 %) ou à une affaire d’homicide de femme ou de fille non autochtone (44 %), comparativement aux auteurs présumés qui ne participaient pas à des activités criminelles (67 % et 58 %) (tableau 10). Les auteurs présumés liés à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones étaient également un peu plus susceptibles, selon la police, d’avoir participé à des activités criminelles (liées aux gangs, à la vente de stupéfiants ou à la traite de personnes, par exemple; 13 %), comparativement aux auteurs présumés liés à des affaires d’homicide de personnes non autochtones (9,5 %).

Dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones, les auteurs présumés étaient plus susceptibles de consommer des substances intoxicantes

Une différence notable a été constatée entre les auteurs présumés dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones et les auteurs présumés dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles non autochtones en ce qui concerne la consommation d’alcool, de drogues et d’autres substances intoxicantes (p. ex. des inhalants). Selon les données policières, 7 auteurs présumés sur 10 (69 %) d’homicide de femmes ou de filles autochtones avaient consommé de l’alcool ou une autre substance intoxicante au moment de l’affaire; la proportion correspondante était de 41 %Note  chez les auteurs présumés d’homicide de femmes ou de filles non autochtones. L’intoxication peut être prise en compte par le procureur de la Couronne lorsqu’il décide d’accepter le plaidoyer de culpabilité à l’homicide involontaire coupable de l’auteur présumé initialement accusé de meurtre (Wilson, 2010).

Selon les données déclarées, lorsqu’un auteur présumé avait consommé de l’alcool ou une autre substance intoxicante, 68 % des causes couplées à une affaire d’homicide de femme ou de fille autochtone se sont soldées par un verdict de culpabilité. Cette proportion était très semblable à celle observée pour les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles non autochtones (65 %) qui se sont soldées par un verdict de culpabilité.

Les disputes ou les querelles constituent les mobiles les plus courants dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones

En ce qui concerne les mobiles des homicides, des différences notables ont été constatées en ce qui concerne les deux mobiles les plus fréquemment déclarés par la police, soit les disputes ou les querelles, et la frustration, la colère ou le désespoir (tableau 11). Dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones, une dispute ou une querelle était le mobile le plus souvent déclaré par la police (49 %); ce type de mobile était beaucoup moins courant lorsque la victime n’était pas autochtone (25 %). À l’inverse, la frustration, la colère ou le désespoir, deuxième mobile en importance dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones (19 %), étaient plus fréquents lorsque la victime n’était pas autochtone (28 %).

Selon le Code criminel, un acte qui autrement serait un meurtre peut être réduit à un homicide involontaire coupable si l’auteur présumé a agi dans un accès de colère causé par une provocation soudaine; la provocation, à son tour, existe si la conduite de la victime constituait un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus qui aurait privé une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser (Code criminel, paragr. 232(1), paragr. 232(2), al. 232(3)a) et 232(3)b)). Une dispute qui s’est transformée en altercation physique, au cours de laquelle la victime a commis une agression assez grave contre l’auteur présumé, pourrait représenter une telle situation.

La peine moyenne pour un homicide est plus courte si la victime est une femme ou une fille autochtone

Dans les cas où une accusation d’homicide portée devant un tribunal pour adultes a abouti à un verdict de culpabilité, la majorité des causes couplées à une affaire d’homicide de femme ou de fille autochtone se sont soldées par la condamnation de l’auteur présumé à une peine d’emprisonnement (91 %) (tableau 12). Ce pourcentage était légèrement inférieur à celui observé pour les causes avec condamnation lorsque la victime n’était pas autochtone, 94 % des causes ayant donné lieu à une peine privative de liberté. Il convient de souligner que cela exclut les causes pour lesquelles les renseignements sur la détermination de la peine n’étaient pas disponibles, c’est-à-dire pour 18 % des causes ayant donné lieu à un verdict de culpabilité couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones, et pour 30 % des causes ayant donné lieu à un verdict de culpabilité couplées à des affaires d’homicide de personnes non autochtones.

Dans les causes s’étant soldées par un verdict de culpabilité pour une accusation d’homicide où une peine d’emprisonnement a été imposée à l’auteur présumé et pour laquelle la durée de la détention était connue et supérieure à 0 jourNote  , la durée moyenne de la détention était de 11,4 ans lorsque la victime était une femme ou une fille autochtone (tableau 13)Note  . Cette durée était en moyenne trois ans moins longue que lorsque la victime n’était pas autochtone (14,4 ans). La durée médiane des peines, déterminée en tenant compte des peines « aberrantes » exceptionnellement longues ou exceptionnellement courtes, était de 5,6 ans pour les causes couplées à des affaires d’homicide de personnes autochtones — une durée un peu plus courte que les 7,9 ans pour les causes couplées à des affaires d’homicide de personnes non autochtones.  

Les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones sont réglées, en moyenne, en 531 jours

Les affaires d’homicide portées devant les tribunaux sont souvent complexes et peuvent durer de nombreuses semaines; en outre, elles prennent plus de temps à régler que les affaires liées à d’autres infractions portées devant les tribunaux de juridiction criminelle (Karam et autres, 2020). Divers facteurs contribuent à la durée d’un processus judiciaire, y compris la complexité de la preuve présentée et des procédures régissant le procès, le nombre de témoins et les ressources du système de justice.

Dans le cas des 193 causes réglées au cours de la période allant de 2009 à 2021 et couplées à une affaire d’homicide de femme ou de fille autochtone, 531 jours ont été nécessaires, en moyenne, pour régler la cause (tableau 13)Note  . La durée médiane était de 433 jours. Le règlement des causes qui se sont soldées par un verdict de culpabilité a pris plus de temps (moyenne de 607 jours, médiane de 530 jours) que le règlement des causes qui n’ont pas donné lieu à un verdict de culpabilité (437 et 353), probablement en raison du temps additionnel requis pour régler la partie de la détermination de la peine (applicable aux causes avec condamnation seulement).

Comparativement aux causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles non autochtones, les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones ont pris un peu moins de temps à régler; la différence moyenne était de 54 jours, et la médiane, de 56 jours.

Les observateurs ont fait remarquer que les longs processus judiciaires imposent un fardeau aux personnes qui s’intéressent aux procédures, comme la famille des victimes et les membres de la collectivité (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2019). Ce fardeau est particulièrement fortement ressenti par les membres des communautés autochtones, car les procès ont souvent lieu loin de l’endroit où ils vivent, et le temps et les coûts associés aux déplacements pour assister aux procédures peuvent être importants.

Résumé

Malgré les efforts constants déployés pour déterminer les causes profondes de la violence commise contre les Autochtones et s’y attaquer, les femmes et les filles autochtones au Canada continuent d’être surreprésentées parmi les victimes d’homicide. De 2009 à 2021, 490 femmes et filles autochtones ont été tuées; il s’agit d’un taux six fois plus élevé que celui enregistré chez les femmes et les filles non autochtones (4,27 pour 100 000 femmes et filles autochtones par rapport à 0,73 pour 100 000 femmes et filles non autochtones).

L’issue d’une cause traitée par un tribunal repose sur plusieurs facteurs, à commencer par l’enquête policière sur l’homicide. Le fait qu’une affaire d’homicide soit résolue ou non et la façon dont elle est classée par la police déterminent si elle sera entendue par un tribunal. De 2009 à 2021, la plupart des homicides de femmes et de filles autochtones ont été résolus par la police, c’est-à-dire qu’un auteur présumé a été identifié relativement à l’homicide. La proportion d’affaires résolues lorsque la victime n’était pas autochtone était semblable.

La police mène également des enquêtes et documente diverses caractéristiques de chaque affaire, y compris le lien de l’auteur présumé avec la victime et les mobiles possibles, et ces caractéristiques peuvent avoir une incidence sur le type d’accusation portée relativement à l’homicide. Pour la plupart des femmes et des filles autochtones qui ont été tuées, l’auteur présumé était un membre de la famille ou un partenaire actuel ou ancien. L’intoxication de l’auteur présumé a parfois joué un rôle dans l’homicide, et bon nombre d’entre eux ont été motivés par une dispute ou une querelle. Dans la plupart des homicides de femmes et de filles autochtones, l’auteur présumé était également autochtone.

Les différences entre les types d’accusations liées aux homicides de femmes et de filles autochtones par rapport aux homicides de femmes et de filles non autochtones persistent une fois qu’une affaire est portée devant les tribunaux. Encore une fois, les accusations de meurtre au premier degré étaient moins courantes lorsque la victime était une femme ou une fille autochtone. En revanche, beaucoup plus d’homicides de femmes et de filles autochtones ont été traités par les tribunaux comme des homicides involontaires coupables, et les accusations d’homicide involontaire coupable affichaient le taux de condamnation le plus élevé parmi toutes les accusations. La fréquence des accusations d’homicide involontaire coupable dans les homicides de femmes et de filles autochtones traitées par les tribunaux signifiait que le taux global de verdicts de culpabilité pour toutes les accusations liées aux homicides de femmes et de filles autochtones était semblable à celui observé chez les victimes non autochtones.

Les deux tiers des causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones au cours de la période allant de 2009 à 2021 se sont soldées par un verdict de culpabilité, une proportion plus élevée que celle enregistrée chez les victimes non autochtones. Les verdicts de culpabilité étaient moins fréquents chez les auteurs présumés autochtones. En ce qui concerne la détermination de la peine, 9 causes sur 10 couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones ayant abouti à un verdict de culpabilité se sont soldées par une peine d’emprisonnement, une proportion moins élevée que celle observée pour les homicides de personnes non autochtones.

En moyenne, les auteurs présumés qui ont été condamnés à une peine d’emprisonnement dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones ont été condamnés à une peine d’emprisonnement légèrement supérieure à 11 ans. Lorsque la victime était une femme ou une fille non autochtone, la durée de la peine était plus longue (un peu plus de 14 ans). La durée des peines imposées dans les affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones et non autochtones est révélatrice des types d’accusations sur lesquelles elles sont fondées. Les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles non autochtones sont plus susceptibles de se solder par une condamnation pour les types d’accusations qui entraînent les peines les plus longues, tandis que les types d’accusations d’homicide qui entraînent le plus souvent des peines plus courtes sont plus souvent observés dans les causes couplées à des affaires d’homicide de personnes autochtones.

Tableaux de données détaillés

Tableau 1 Homicides, selon le genre et l’identité autochtone, Canada, 2009 à 2021

Tableau 2 Homicides de femmes et de filles, selon l’identité autochtone, l’état de classement de l’affaire et certaines caractéristiques liées à la victime, Canada, 2009 à 2021

Tableau 3 Identité autochtone des victimes et des auteurs présumés d’homicide, Canada, 2014 à 2021

Tableau 4 Homicides de femmes et de filles, selon l’identité autochtone, l’état de classement de l’affaire et certaines caractéristiques liées à l’affaire, Canada, 2009 à 2021

Tableau 5 Modèle de régression logistique : probabilité qu’une accusation d’homicide involontaire coupable soit portée ou recommandée par la police dans une affaire d’homicide par rapport à une accusation de meurtre, selon certaines caractéristiques liées à l’affaire, à la victime et à l’auteur présumé, 2014 à 2021

Tableau 6 Accusations réglées couplées à des affaires d’homicide déclarées par la police, selon le type d’accusation réglée par un tribunal de la jeunesse ou un tribunal de juridiction criminelle pour adultes et selon l’identité autochtone et le genre de la victime, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 7 Accusations réglées couplées à des affaires d’homicide déclarées par la police, selon le type d’accusation réglée par un tribunal de la jeunesse ou un tribunal de juridiction criminelle pour adultes et selon l’identité autochtone et le genre de la victime et la décision finale, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 8 Caractéristiques liées aux victimes associées aux causes réglées par les tribunaux comportant une accusation d’homicide, selon l’identité autochtone, la décision finale et certaines caractéristiques liées à la victime, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 9 Décisions dans les causes réglées par les tribunaux comportant une accusation d’homicide réglée, selon l’identité autochtone de la victime et de l’auteur présumé et selon le genre de la victime, Canada, 2014-2015 à 2020-2021

Tableau 10 Caractéristiques liées aux auteurs présumés associés aux causes réglées par les tribunaux comportant une accusation d’homicide et une décision finale dans l’affaire, selon l’identité autochtone et le genre de la victime, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 11 Caractéristiques liées aux affaires associées aux causes réglées par les tribunaux comportant une accusation d’homicide et une décision finale dans la cause, selon l’identité autochtone et le genre de la victime, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 12 Palier de juridiction et décision finale dans les causes couplées à des affaires d’homicide de femmes et de filles autochtones déclarées par la police, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 13 Temps nécessaire pour régler une cause couplée à un homicide déclaré par la police, selon l’identité autochtone et le genre de la victime et selon le type de décision, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Sources de données et méthodologie

Enquête sur les homicides

L’Enquête sur les homicides permet de recueillir des données auprès de la police sur les caractéristiques de l’ensemble des affaires, des victimes et des auteurs présumés d’homicide au Canada. Dans le cadre de l’Enquête sur les homicides, on a commencé à recueillir des renseignements sur l’ensemble des meurtres en 1961, puis le champ de l’enquête s’est élargi en 1974 afin d’inclure les affaires d’infanticide et d’homicide involontaire coupable. Les renseignements sur ces affaires ne sont pas disponibles pour les années antérieures à 1974, mais des chiffres tirés du Programme de déclaration uniforme de la criminalité le sont, et ils sont pris en compte dans les totaux historiques globaux.

Lorsque la police prend connaissance d’un homicide, le service de police qui mène l’enquête remplit les questionnaires de l’Enquête sur les homicides, puis les envoie à Statistique Canada. Certains homicides sont portés à l’attention de la police des mois ou des années après avoir été commis. Ces affaires sont comptabilisées dans l’année au cours de laquelle la police en a été informée (d’après la date du rapport). Les renseignements sur les auteurs présumés d’homicide sont accessibles uniquement en ce qui concerne les affaires résolues (c.-à-d. celles dans lesquelles au moins un auteur présumé a été identifié). Les caractéristiques des auteurs présumés sont mises à jour à mesure que les affaires d’homicide sont résolues et que de nouveaux renseignements sont envoyés aux responsables de l’Enquête sur les homicides. Les données recueillies au moyen des questionnaires sur la victime et sur l’affaire sont également mises à jour lorsque l’affaire est résolue. En ce qui concerne les affaires comptant plus d’un auteur présumé, seul le lien de l’auteur présumé ayant le lien le plus proche avec la victime est consigné.

L’identité autochtone est déclarée par la police à l’Enquête sur les homicides et est déterminée au moyen des renseignements trouvés sur la victime ou l’auteur présumé, comme une carte de statut, ou à partir de l’information fournie par la famille de la victime ou de l’auteur présumé, l’auteur présumé lui-même, des membres de la communauté ou d’autres sources (c.-à-d. les registres de la bande). Les preuves médicolégales, comme les résultats de tests génétiques, peuvent aussi être acceptées pour déterminer l’identité autochtone des victimes.

Dans le cadre de l’Enquête sur les homicides, l’identité autochtone comprend les personnes identifiées comme Premières Nations (Indiens inscrits ou non inscrits), Métis, Inuit ou comme membres d’un groupe autochtone inconnu de la police. Une identité non autochtone désigne les cas où la police a confirmé qu’une victime ou un auteur présumé n’a pas été identifié comme Autochtone.

L’identité autochtone déclarée comme étant inconnue de la police désigne les cas où la police a été incapable de déterminer l’identité autochtone de la victime ou de l’auteur présumé, lorsque l’identité autochtone n’a pas été consignée par le service de police ou lorsque l’auteur présumé a refusé de révéler son identité autochtone à la police.

L’Enquête sur les homicides permet de recueillir des données sur les homicides qui se sont produits dans les réserves et hors réserve.

C’est durant le cycle de 2019 que des renseignements sur l’identité de genre des victimes et des auteurs présumés d’homicides ont été recueillis pour la première fois dans le cadre de l’Enquête sur les homicides. Étant donné le petit nombre de victimes et d’auteurs présumés déclarés ou identifiés comme des personnes non binaires, pour des raisons de protection des renseignements personnels et de confidentialité, leurs données ne peuvent pas être présentées.

Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle      

L’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle sert à recueillir des renseignements statistiques sur les causes portées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes et les tribunaux de la jeunesse qui comportent des infractions au Code criminel et aux autres lois fédérales. Les données dont il est question dans le présent article représentent tant la composante des tribunaux de juridiction criminelle pour adultes que la composante des tribunaux de la jeunesse de cette enquête.

Tous les tribunaux de la jeunesse au Canada déclarent des données à la composante de l’enquête sur les jeunes depuis l’exercice 1991-1992. Depuis l’exercice 2005‑2006, tous les tribunaux (de juridiction criminelle pour adultes) provinciaux et territoriaux dans les 10 provinces et 3 territoires déclarent des données à l’enquête. Cependant, les données provenant des cours supérieures de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, de même que les données obtenues auprès des cours municipales du Québec, n’ont pas pu être extraites des systèmes de déclaration électronique de ces provinces et, par conséquent, ne figurent pas dans l’enquête. Les données provenant de la Cour supérieure de l’Île-du-Prince-Édouard n’étaient pas disponibles avant l’exercice 2018‑2019.

L’unité d’analyse de base est la cause. Une cause comprend une ou plusieurs accusations contre une personne ou une société qui ont été traitées par les tribunaux en même temps et qui ont fait l’objet d’une décision finale. Elle regroupe toutes les accusations portées contre la même personne et dont une ou plusieurs dates clés se chevauchent (date de l’infraction, date de l’introduction, date de la première comparution, date de la décision ou date de la détermination de la peine) en une seule cause.

Une cause qui comporte plus d’une accusation est représentée par l’infraction la plus grave, qui est choisie selon les règles ci-après. On tient d’abord compte des décisions rendues par les tribunaux, et l’accusation ayant abouti à la décision la plus sévère est choisie. Les décisions sont classées de la plus sévère à la moins sévère, comme suit : 1) auteur présumé reconnu coupable; 2) auteur présumé reconnu coupable d’une infraction moindre; 3) auteur présumé acquitté; 4) procédure suspendue; 5) procédure retirée ou rejetée, ou auteur présumé absous; 6) auteur présumé non criminellement responsable; 7) autre; 8) cause renvoyée à un autre palier de juridiction.

Ensuite, dans les cas où deux accusations ou plus ont entraîné la même décision la plus sévère (p. ex. auteur présumé reconnu coupable), il faut tenir compte des peines imposées en vertu du Code criminel. L’accusation pour l’infraction la plus grave est choisie selon une échelle de gravité des infractions, qui est fondée sur les peines qui ont effectivement été imposées par les tribunaux au Canada. Chaque infraction est classée en fonction de : a) la proportion d’accusations avec verdict de culpabilité qui ont donné lieu à une peine de détention; b) la durée moyenne des peines d’emprisonnement imposées pour le type précis d’infraction. Ces valeurs sont ensuite multipliées, ce qui permet d’obtenir le classement final de la gravité de chaque type d’infraction. Si au moins deux accusations obtiennent toujours le même classement à la suite de cet exercice, on tient alors compte des renseignements sur le type de peine et sur la durée de la peine (p. ex. l’emprisonnement et la durée de l’emprisonnement, ensuite la probation et la durée de la probation).

Fichier de couplage : aperçu et limites

Les sections 2 et 3 du présent article de Juristat sont fondées sur un fichier de couplage des données déclarées par la police dans le cadre de l’Enquête sur les homicides et du Programme de déclaration uniforme de la criminalité et des données administratives de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle.

Les homicides déclarés par la police au cours de la période allant de 2009 à 2021 pour lesquels au moins un auteur présumé a été identifié et des accusations ont été portées ou recommandées par la police étaient considérés comme admissibles au couplage. Bien que la présente analyse porte principalement sur les homicides de femmes et de filles autochtones, toutes les affaires d’homicide ont été incluses dans le couplage afin de permettre des comparaisons avec les homicides de femmes et de filles non autochtones et, dans certains cas, les homicides d’hommes et de garçons.

Le couplage a été effectué en plusieurs étapes à l’aide de renseignements clés sur les auteurs présumés dans les affaires d’homicide. Premièrement, les identificateurs personnels comme la province, le sexe, l’âge ou la date de naissance, et le code Soundex (un algorithme qui encode les noms) ont été pris en compte. Ensuite, tous les appariements ont été couplés en fonction de la date de l’affaire, de la date à laquelle elle a été signalée à la police et de la date à laquelle les accusations ont été portées.

Selon les résultats de l’Enquête sur les homicides, de 2009 et 2021, 389 femmes et filles autochtones ont été victimes d’un homicide, et la police a déposé ou recommandé des accusations contre au moins un auteur présumé dans l’affaire. De ce nombre, 48 % ont pu être couplées à au moins une accusation portée devant les tribunaux. Ce taux de couplage était comparable à celui des femmes et des filles non autochtones victimes d’un homicide (44 %) et à celui des hommes et des garçons victimes d’un homicide (49 %) au cours de la même période.

Limites

Le couplage permet un examen plus approfondi des décisions en fonction des caractéristiques de la victime, de l’auteur présumé et de l’affaire qui ont été recueillies dans le cadre de l’Enquête sur les homicides. Par ailleurs, le taux de couplage des données de l’Enquête sur les homicides, bien qu’il soit comparable entre les groupes, est inférieur à ce qu’on observe habituellement pour le couplage des données déclarées par la police et des données des tribunaux. Par conséquent, il y a des limites dont il faut tenir compte au moment d’interpréter les résultats, notamment la couverture des données, dont l’incidence est particulièrement notable sur les données sur les homicides, et le temps qui s’est écoulé entre une affaire et le règlement d’une cause portée devant un tribunal.

Pour ce qui est de la couverture des données, ce ne sont pas tous les secteurs de compétence canadiens qui déclarent actuellement des données dans le cadre de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC); les données des cours supérieures de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, ainsi que les données des cours municipales du Québec, ne sont pas déclarées, et les données provenant de la Cour supérieure de l’Île-du-Prince-Édouard n’étaient pas disponibles avant l’exercice 2018-2019. Cette absence de données des cours supérieures de ces secteurs de compétence est particulièrement importante aux fins de la présente analyse, car les causes plus graves, comme les homicides, sont traitées par les cours supérieures.

En matière de temps, certaines affaires d’homicide qui n’ont pas été couplées avec succès à une accusation réglée peuvent encore se trouver devant les tribunaux, et cela semble être particulièrement le cas depuis les dernières années où les taux de couplage étaient nettement plus faibles. De plus, des retards, des fermetures ou des modifications aux processus des tribunaux de juridiction criminelle attribuables à la pandémie de COVID-19 et aux mesures connexes ont eu lieu au cours des dernières années comprises dans le couplage. Comme les données de l’EITJC ne rendent compte que des accusations réglées, celles qui sont encore actives dans le système judiciaire ne sont pas comprises dans ce couplage.

Il est également possible que les affaires ne soient pas couplées correctement en raison de renseignements manquants ou incomplets dans un ou plusieurs des fichiers. Néanmoins, malgré ces limites, le fichier couplé permet d’examiner des facteurs quantitatifs et contextuels, comme l’identité autochtone, le lien de l’auteur présumé avec la victime et le mobile, ainsi que d’autres caractéristiques qui peuvent être liées aux causes portées devant les tribunaux et à leur issue de façon plus détaillée que ne le permettrait l’utilisation exclusive des données de l’EITJC.

Les affaires peuvent comporter plusieurs victimes de différents genres et de différentes identités autochtones. Pour éviter que la même affaire soit comptabilisée plusieurs fois, les affaires ont été classées selon la hiérarchie suivante : si l’affaire concernait une victime qui était une femme ou une fille autochtone, toutes les victimes et tous les auteurs présumés liés à l’affaire sont inclus dans la catégorie « homicides de femmes et de filles autochtones ». Pour cette raison, un petit nombre de femmes non autochtones et d’hommes peuvent également avoir été inclus en tant que victimes d’un homicide d’une femme ou d’une fille autochtone.

Ensuite, si l’affaire concernait une victime qui était une femme ou une fille non autochtone, elle était incluse dans la catégorie « homicides de femmes et de filles non autochtones ». Enfin, tous les autres homicides pour lesquels aucune femme ou fille ne comptait parmi les victimes ont été classés dans la catégorie « homicides d’hommes et de garçons ». Les victimes dont le genre a été déclaré comme inconnu par la police sont exclues de l’analyse, tout comme les femmes et les filles victimes d’un homicide et dont l’identité autochtone a été déclarée comme inconnue (2 % des femmes et des filles qui ont été victimes d’un homicide au cours de la période allant de 2009 à 2021).

Références

April, S. et Magrinelli Orsi, M. (2013). Les pratiques provinciales et territoriales liées à l'arrêt Gladue. (Division de la recherche et de la statistique). Ministère de la Justice du Canada.

Association des femmes autochtones du Canada. (2010). Ce que leurs histoires nous disent : Résultats de recherche de l’initiative Sœurs par l’esprit.

Brennan, S. et Boyce, J. (2013). Section 2 : Les meurtres-suicides dans la famille. Dans M. Sinha (dir.), La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2011. (Juristat). Statistique Canada.

Bressan, A. et Coady, K. (2017). Plaidoyers de culpabilité par des Autochtones au Canada. (Recherches et données du ministère de la Justice). Ministère de la Justice du Canada.

Burczycka, M. (2017). Section 1 : Profil des adultes canadiens ayant subi des mauvais traitements durant l’enfance. Dans M. Burczycka et S. Conroy (dir.), La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2015. (Juristat). Statistique Canada.

Clark, S. (2016). Evaluation of the Gladue Court Old City Hall, Toronto. Aboriginal Legal Services.

Clark, S. (2019). Surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale canadien : Causes et réponses. (Recherches et données du ministère de la Justice). Ministère de la Justice du Canada.

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.

Commission de vérité et réconciliation du Canada. (2015). Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. (2015). Report of the Inquiry Concerning Canada of the Committee of the Elimination of Discrimination against Women under Article 8 of the Optional Protocol to the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women. Nations Unies.

David, J.-D. et Jaffray, B. (2022). L’homicide au Canada, 2021. (Juristat). Statistique Canada.

Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. (2019). Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Gevikoglu, J. (2013). Ipeelee/Ladue and the conundrum of Indigenous identity in sentencing. The Supreme Court Law Review: Osgoode’s Annual Constitutional Cases Conference, 63.

Heidinger, L. (2021). La violence entre partenaires intimes : expériences des femmes des Premières Nations, métisses et inuites au Canada, 2018. (Juristat). Statistique Canada.

Heidinger, L. (2022a). Profil des Canadiens ayant fait l’objet de victimisation durant l’enfance, 2018. (Juristat). Statistique Canada.

Heidinger, L. (2022b). La victimisation avec violence et les perceptions à l’égard de la sécurité : expériences des femmes des Premières Nations, métisses et inuites au Canada. (Juristat). Statistique Canada.

Karam, M., Lukassen, J., Miladinovic, Z., et Wallace, M. (2020). Mesure de l’efficacité du système des tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au Canada : indicateurs du traitement des causes par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes et de leur charge de travail. (Juristat). Statistique Canada.

Manikis, M. (2016). Towards Accountability and Fairness for Aboriginal People: The Recognition of Gladue as a Principle of Fundamental Justice That Applies to Prosecutors. Canadian Criminal Law Review, 21, 173-194.

Miladinovic, Z., et Mulligan, L. (2015). L’homicide au Canada, 2014. (Juristat). Statistique Canada.

Ministère de la Justice du Canada. (sans date). Initiatives gouvernementales, législatives et judiciaires

Ministère de la Justice du Canada. (2016). La lumière sur l’arrêt Gladue : défis, expériences et possibilités dans le système de justice pénale canadien.

Perreault, S. (2022). La victimisation des Premières Nations, Métis et Inuits au Canada. (Juristat). Statistique Canada.

Pfefferle, B. R. (2008). Gladue Sentencing: Uneasy Answers to the Hard Problem of Aboriginal Over-Incarceration. Manitoba Law Journal, 113-143.

Plan d’action national pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées. (2021).

Robinson, P., Small, T., Chen, A., et Irving, M. (2023). Surreprésentation des Autochtones détenus dans des établissements provinciaux pour adultes, 2019-2020 et 2020-2021. (Juristat). Statistique Canada.

Rudin, J. (2009). Addressing Aboriginal Overrepresentation Post-Gladue: A Realistic Assessment of How Social Change Occurs. Criminal Law Quarterly, 54, 447.

Saghbini, C., Bressan, A., et Paquin-Marseille, L. (2021). Représentation des Autochtones devant les tribunaux de juridiction criminelle au Canada : Étude fondée sur l’indice de taux relatif. (Division de la recherche et de la statistique). Ministère de la Justice du Canada.

Sutton, D. (2023). Les homicides de femmes et de filles liés au genre au Canada. (Juristat). Statistique Canada.

Wilson, L. C. (2010). Beatty, JF, and the law of manslaughter. Alberta Law Review, 47, (3), 651-674.

Date de modification :