Rapports sur la santé
Les tendances associées à l’insécurité alimentaire des ménages tirées de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2017 à 2022

par Jane Y. Polsky

Date de diffusion : le 16 octobre 2024

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202401000002-fra

Résumé

Contexte

L’insécurité alimentaire liée au revenu est un déterminant important de la santé. La présente étude visait à faire le point sur la situation de sécurité alimentaire des ménages canadiens à l’aide des plus récentes données disponibles tirées d’une enquête nationale axée sur la santé. L’étude porte également sur les tendances associées à l’insécurité alimentaire depuis 2017 et leur évolution selon les variations de l’inflation des prix.

Données et méthodologie

Les données sur la situation de sécurité alimentaire des ménages dans les 10 provinces canadiennes proviennent de cinq cycles annuels de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), une enquête transversale représentative de la population : 2017, 2018, 2020 (de septembre à décembre), 2021 et 2022. Le module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages a servi à classer la situation de sécurité alimentaire des ménages au cours des 12 mois précédents comme étant adéquate ou marginalement, modérément ou extrêmement précaire.

Résultats

Avant 2019, environ 1 ménage sur 10 avait connu un certain niveau d’insécurité alimentaire au cours des 12 mois précédents (9,6 % en 2017 et 11,6 % en 2018). La prévalence de l’insécurité alimentaire des ménages a été légèrement plus faible et stable durant les années de la pandémie de COVID-19 (8,5 % à l’automne 2020 et 9,1 % en 2021), puis elle a augmenté pour atteindre 15,6 % en 2022. Les niveaux d’insécurité alimentaire des ménages suivaient généralement l’évolution du taux d’inflation des prix à la consommation. Comparativement à 2021, on observe en 2022 une augmentation marquée des niveaux d’insécurité alimentaire modérée et grave parmi les ménages monoparentaux ayant des enfants, les locataires et les ménages dépendant d’une aide financière gouvernementale. 

Interprétation

La prévalence de l’insécurité alimentaire des ménages dans l’ESCC a été relativement stable de 2017 à 2021, a augmenté en 2022 et a généralement suivi les variations de l’inflation des prix. L’inflation des prix affichant un ralentissement mais le coût de la vie demeurant élevé, il continuera d’être important de surveiller les niveaux d’insécurité alimentaire des ménages.

Mots-clés

Canada, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, insécurité alimentaire, sécurité alimentaire, inégalités

Auteure

Jane Y. Polsky travaille à la Division de l’analyse de la santé de Statistique Canada.

 

Ce que l’on sait déjà sur le sujet

  • L’insécurité alimentaire liée au revenu est un déterminant important de la santé.
  • L’insécurité alimentaire est un indicateur sensible de la situation financière des ménages. Elle reflète la sensibilité à la hausse du coût de la vie et la capacité à répondre aux besoins fondamentaux.

Ce qu’apporte l’étude

  • L’auteure a examiné les tendances associées aux niveaux d’insécurité alimentaire des ménages canadiens de 2017 à 2022 à l’aide des données provenant d’une enquête axée sur la santé (l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes). Elle s’est également penchée sur la façon dont ces tendances ont suivi les variations de l’inflation des prix.
  • Avant 2019, environ 1 ménage sur 10 avait connu un certain niveau d’insécurité alimentaire au cours des 12 mois précédents (9,6 % en 2017 et 11,6 % en 2018).
  • La prévalence de l’insécurité alimentaire a été légèrement plus faible et stable au début de la pandémie de COVID-19 (8,5 % à l’automne 2020 et 9,1 % en 2021), puis elle a augmenté pour atteindre 15,6 % en 2022.
  • Les niveaux d’insécurité alimentaire des ménages suivaient généralement l’évolution du taux d’inflation des prix à la consommation. 

Introduction

L’insécurité alimentaire, qui désigne un accès inadéquat ou précaire à la nourriture en raison de contraintes financières, est un puissant déterminant de la santé et un indicateur sensible de difficultés financières omniprésentesNote 1, Note 2. Les ménages ayant des enfants, les ménages monoparentaux, les locataires et les ménages dépendant de l’aide gouvernementale pour assurer leur revenu sont particulièrement vulnérables à l’insécurité alimentaire au CanadaNote 2, Note 3.

L’Enquête transversale nationale sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) a mesuré les niveaux d’insécurité alimentaire des ménages au Canada à l’aide du module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages (MESAM) de 18 éléments selon un calendrier en rotation depuis 2005. À la suite de la pandémie de COVID-19 qui a commencé en mars 2020, ce module a été inclus chaque année pour tous les répondants. L’analyse la plus récente disponible des données de l’ESCC de l’automne 2020 a permis d’estimer que 9,6 % des Canadiens et Canadiennes âgés de 12 ans et plus ont déclaré un certain niveau d’insécurité alimentaire au sein de leur ménage au cours des 12 mois précédents l'entrevue4. Ce chiffre était inférieur à celui précédant la pandémie et était inchangé ou inférieur parmi les groupes sociodémographiques vulnérables à l’insécurité alimentaire4. Diverses mesures de soutien gouvernemental relatif à la pandémie, ainsi que la faible inflation des prix et la réduction des dépenses au cours de cette période, ont probablement compensé une hausse potentielle de la faiblesse du revenu et de l’insécurité alimentaire dues à la pandémieNote 4, Note 5, Note 6, Note 7.

L’année 2021 a été marquée par l’élimination progressive de la plupart des prestations et des transferts gouvernementaux liés à la pandémie, ainsi que par la hausse de l’inflation généralisée des prix au cours de la deuxième moitié de l’annéeNote 8, Note 9. Cela a été suivi d’une autre augmentation du coût de la vie, en particulier du prix des aliments, en 2022Note 10, Note 11. Si ces conditions économiques changeantes se reflètent dans les niveaux d’insécurité alimentaire liée au revenu, comme mesurés par l’ESCC, n’a pas été exploré auparavant. La présente étude vise à faire le point sur les niveaux d’insécurité alimentaire des ménages canadiens à l’aide des plus récentes données représentatives de la population disponibles provenant d’une enquête axée sur la santé, jusqu’en décembre 2022. Cette étude examine en outre les tendances liées à l’insécurité alimentaire depuis 2017 et leur évolution selon les variations de l’inflation des prix.

Méthodologie

Sources des données

La présente étude repose sur les données tirées de cinq cycles de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) : 2017, 2018, 2020 (de septembre à décembre), 2021 et 2022. Les données sur l’insécurité alimentaire n’ont pas été recueillies auprès de l’échantillon complet en 2019 ou au cours de la période précédant la pandémie de COVID-19, de janvier à la mi-mars 2020. Ces périodes sont donc exclues de la présente analyse. Les fichiers de données annuels excluant les données des territoires, la présente analyse ne présente que les données pour les 10 provinces canadiennes.

L’ESCC transversale permet de recueillir des renseignements sur l’état de santé, le recours aux soins de santé et les déterminants de la santé pour la population canadienne âgée de 12 ans et plus. Sont exclues du champ de l’enquête les personnes vivant dans des réserves et d’autres établissements autochtones dans les provinces, les membres à temps plein des Forces armées canadiennes, les jeunes de 12 à 17 ans vivant dans un foyer d’accueil, la population institutionnalisée et les résidents de certaines régions éloignées. Ensemble, ces exclusions représentent moins de 3 % de la population canadienne âgée de 12 ans et plus. Les taux de réponse globaux à l’enquête étaient de 62,8 % pour le cycle de 2017, 58,8 % pour 2018, 24,6 % pour 2020 (septembre à décembre), 24,1 % pour 2021 et 42,7 % pour 2022Note 12, Note 13, Note 14, Note 15, Note 16.

Cette analyse présente également les données par période de collecte infra-annuelle de l’ESCC. Les périodes de collecte, chacune d’environ trois mois, sont toutes représentatives de la population canadienne.

Mesures et définitions

La situation de sécurité alimentaire des ménages a été évaluée à l’aide du module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages (MESAM), échelle normalisée et validée de gravité de l’insécurité alimentaire à 18 éléments. Lorsque le répondant sélectionné était âgé de 12 à 17 ans, une personne mieux renseignée du ménage répondait aux questions relatives à la sécurité alimentaire du ménage. Les questions saisies portaient sur les expériences d’insécurité alimentaire liées à l’insuffisance de fonds pour la nourriture au cours des 12 mois précédents pour les adultes et les enfants du ménage. Les réponses ont été codées à l’aide d’une méthodologie déjà publiéeNote 17 pour classer les ménages dans les catégories « sécurité alimentaire » (aucune indication de difficulté liée au revenu à accéder à des aliments), « insécurité alimentaire marginale » (une seule indication de difficulté liée au revenu à accéder à des aliments, comme l’inquiétude de manquer de nourriture), « insécurité alimentaire modérée » (indication d’un compromis en matière de qualité ou de quantité des aliments consommés), « insécurité alimentaire grave » (indication d’une diminution de la consommation d’aliments et d’une perturbation des habitudes alimentaires).

La situation de sécurité alimentaire des ménages a été calculée en fonction de caractéristiques sociodémographiques pour les cycles d’enquête les plus récents de 2021 et 2022 (les données des cycles d’enquête antérieurs ont déjà été présentées)Note 4. Comme le MESAM évalue la situation de sécurité alimentaire de l’ensemble du ménage, l’accent a été mis sur les caractéristiques sociodémographiques au niveau du ménage. Celles-ci comprenaient la composition du ménage (les enfants désignant les personnes âgées de moins de 18 ans), le niveau de scolarité le plus élevé dans le ménage, la principale source de revenu du ménage, la suffisance du revenu du ménage (quintiles du ratio corrigé du revenu du ménage par rapport au seuil de faible revenu) et si le ménage était propriétaire ou locataire du logement.

L’Indice des prix à la consommation (IPC) représente les variations temporelles des prix d’un panier fixe de biens et de services et est la mesure de l’inflation des prix la plus largement utilisée au CanadaNote 18. Les tendances de l’IPC de 2017 à 2022 (variation en pourcentage sur 12 mois) ont été obtenues à partir de l’Outil de visualisation des données de l’Indice des prix à la consommationNote 19. Pour refléter les périodes de collecte des données d’environ trois mois de l’ESCC, la moyenne de la variation en pourcentage sur 12 mois de l’IPC a été calculée pour des périodes comparables.

Techniques d’analyse

Des fréquences pondérées ont été générées pour estimer le pourcentage de ménages déclarant une insécurité ou une sécurité alimentaire selon le cycle d’enquête et la période de collecte infra-annuelle. Des tableaux croisés ont été utilisés pour examiner la situation de sécurité alimentaire lors des deux cycles les plus récents selon les caractéristiques sociodémographiques. Les présentes analyses ont appliqué des poids au niveau du ménage pour refléter le nombre de ménages canadiens connaissant la sécurité alimentaire ou une insécurité alimentaire. Toutes les analyses ont appliqué des poids de sondage au niveau du ménage pour tenir compte du plan d’échantillonnage complexe et de la probabilité de non-réponse, ainsi que pour maintenir la représentativité de la population. Des poids bootstrap fournis avec chaque cycle d’enquête ont été utilisés pour calculer des erreurs-types robustes, qui ont servi à calculer des intervalles de confiance de 95 % autour des estimations de la prévalence. Toutes les analyses ont été réalisées au moyen de la version 9.4 de SAS et du logiciel SUDAAN 11.0 exécutable par SAS.

Résultats

Le graphique 1 présente les données disponibles sur la prévalence de l’insécurité alimentaire dans les ménages des 10 provinces entre 2017 et 2022. Avant 2019, environ 1 ménage sur 10 avait connu un certain niveau d’insécurité alimentaire au cours des 12 mois précédents (9,6 % en 2017 et 11,6 % en 2018). Cette proportion a diminué pour s’établir à environ 1 ménage sur 9 au début de la pandémie à l’automne 2020 (septembre à décembre) et en 2021, pour passer à 15,6 % en 2022. Au cours de la même année, plus de 11 % des ménages canadiens ont connu des niveaux modérés à graves d’insécurité alimentaire.

Graphique 1 Pourcentage de ménages en situation d’insécurité alimentaire selon la gravité de la situation, Canada (sauf les territoires), 2017 à 2022

Description de la graphique 1 
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Insécurité alimentaire (total), Marginale, Modérée et Grave, calculées selon pourcentage de ménages unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Insécurité alimentaire (total) Marginale Modérée Grave
pourcentage de ménages
2017 9,6 1,7 4,5 3,4
2018 11,6 3,5 5,4 2,7
2019 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Automne 2020 8,5 2,9 3,9 1,8
2021 9,1 3,3 4,2 1,5
2022 15,6 4,1 7,3 4,2

Le graphique 2 illustre la prévalence de l’insécurité alimentaire selon la période de collecte infra-annuelle de l’ESCC, parallèlement à la variation en pourcentage sur 12 mois de l’IPC. En général, l’insécurité alimentaire des ménages suit l’évolution de l’indice d’ensemble et de l’indice des aliments achetés en magasin; par exemple, à la suite de niveaux relativement stables en 2020 et au premier semestre de 2021, les niveaux d’insécurité alimentaire ont commencé à augmenter parallèlement à une hausse d’environ 5 % d’une année à l’autre de l’IPC d’ensemble à l’automne 2021. La hausse de l’inflation des prix en 2022 (passant de 6 % à 7 % pour l’indice d’ensemble et de 8 % à 11 % pour les aliments achetés en magasin) a coïncidé avec des niveaux particulièrement élevés d’insécurité alimentaire des ménages tout au long de 2022, en particulier pour les catégories modérée et grave.

Graphique 2 Pourcentage de ménages en situation d’insécurité alimentaire et Indice des prix à la consommation (variation en pourcentage sur 12 mois), Canada (sauf les territoires), 2017 à 2022

Description de la graphique 2 
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2 Insécurité alimentaire marginale, Insécurité alimentaire modérée, Insécurité alimentaire grave, IPC : Indice d’ensemble et IPC : Indice des aliments achetés en magasin, calculées selon pourcentage de ménages et variation sur 12 mois (%) unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Insécurité alimentaire marginale Insécurité alimentaire modérée Insécurité alimentaire grave IPC : Indice d’ensemble IPC : Indice des aliments achetés en magasin
pourcentage de ménages variation sur 12 mois (%)
2017
janvier à mars 1,8 4,4 3,9 1,9 -3,9
avril à juin 1,5 4,3 3,1 1,3 -1,4
juillet à septembre 1,6 4,3 3,3 1,4 0,4
octobre à décembre 1,9 4,8 3,3 1,8 1,0
2018
janvier à mars 3,6 5,9 2,6 2,1 1,2
avril à juin 4,1 5,8 3,1 2,3 2,3
juillet à septembre 3,2 5,3 2,5 2,7 0,3
octobre à décembre 3,0 4,8 2,7 2,0 1,7
2019
janvier à décembre Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 1,9 3,7
2020
janvier à août Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,7 2,9
septembre 3,5 3,8 1,8 0,5 1,3
octobre 2,9 4,4 1,7 0,7 2,3
novembre et décembre 2,6 3,6 1,7 0,9 1,1
2021
janvier et février 3,2 4,3 1,2 1,1 0,7
mars et avril 3,3 4,5 1,5 2,8 0,7
juin à août 3,1 3,6 1,5 3,6 1,4
septembre à mi-novembre 3,2 4,3 1,7 4,6 4,1
Mi-novembre 2021 au 7 février 2022 4,0 4,9 1,8 4,9 5,6
2022
février et mars 4,1 7,2 3,8 6,2 8,1
avril à juin 4,3 7,3 4,1 7,5 9,6
juillet à septembre 3,8 6,8 4,7 7,2 10,7
octobre à décembre 4,2 7,9 4,2 6,7 11,1

L’augmentation de la prévalence globale de l’insécurité alimentaire des ménages de 2021 à 2022 s’explique principalement par l’augmentation des catégories d’insécurité alimentaire modérée (4,2 % en 2021 par rapport à 7,3 % en 2022) et grave (1,5 % par rapport à 4,2 %) (tableau 1). Au cours de ces deux années, l’insécurité alimentaire était la plus élevée parmi les ménages ayant des enfants, ceux sans diplôme d’études secondaires, ceux dont la principale source de revenu était une aide gouvernementale, ceux du quintile de revenu le plus bas et les locataires. Les niveaux d’insécurité alimentaire modéré et grave ont augmenté dans presque tous les sous-groupes sociodémographiques, en particulier les ménages monoparentaux ayant des enfants de moins de 18 ans (15,9 % souffrant d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2021 par rapport à 27,8 % en 2022). La prévalence d’une insécurité alimentaire grave était notamment plus élevée en 2022 parmi les ménages comptant sur l’assurance-emploi ou une indemnité d’accident du travail comme principale source de revenu (4,6 % en 2021 par rapport à 12,8 % en 2022), ceux bénéficiant de l’aide sociale comme principale source de revenu (17,3 % en 2021 par rapport à 23,9 % en 2022), ceux gagnant un revenu autre ou aucun (3,4 % en 2021 par rapport à 8,8 % en 2022) et ceux se trouvant dans le quintile inférieur de la suffisance du revenu du ménage (3,9 % en 2021 par rapport à 8,9 % en 2022).


Tableau 1
Pourcentage de ménages selon la situation de sécurité alimentaire et les caractéristiques sociodémographiques, Canada (sauf les territoires), 2021 et 2022
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Pourcentage de ménages selon la situation de sécurité alimentaire et les caractéristiques sociodémographiques 2021, 2022, Sécurité alimentaire, Insécurité marginale, Insécurité modérée, Insécurité grave, % et Intervalle de confiance à 95 %(figurant comme en-tête de colonne).
2021 2022
Sécurité alimentaire Insécurité marginale Insécurité modérée Insécurité grave Sécurité alimentaire Insécurité marginale Insécurité modérée Insécurité grave
% Intervalle de confiance à 95 % % Intervalle de confiance à 95 % % Intervalle de confiance à 95 % % Intervalle de confiance à 95 % % Intervalle de confiance à 95 % % Intervalle de confiance à 95 % % Intervalle de confiance à 95 % % Intervalle de confiance à 95 %
de à de à de à de à de à de à de à de à
Tous les ménages 90,9 90,4 91,3 3,3 3,1 3,6 4,2 3,9 4,6 1,5 1,4 1,7 84,4 83,9 84,9 4,1 3,9 4,4 7,3 6,9 7,7 4,2 4,0 4,5
Composition du ménage
Ayant des enfants de moins de 18 ans 88,3 87,3 89,3 4,4 3,8 5,1 5,6 4,9 6,4 1,7 1,3 2,1 80,4 79,2 81,5 5,1 4,5 5,7 10,1 9,2 11,1 4,4 3,9 5,0
Ayant des enfants de moins de 6 ans 87,6 85,8 89,2 4,5 3,6 5,6 6,4 5,2 7,8 1,5Note E: à utiliser avec prudence 1,0 2,2 81,5 79,6 83,2 5,0 4,2 6,0 9,8 8,3 11,6 3,7 3,0 4,4
Couple ayant des enfants 91,3 90,3 92,3 3,6 3,0 4,4 4,1 3,5 4,9 0,9Note E: à utiliser avec prudence 0,6 1,3 83,7 82,4 85,0 4,8 4,1 5,5 8,5 7,6 9,6 3,0 2,5 3,6
Ménage monoparental 77,7 74,5 80,6 6,4Note E: à utiliser avec prudence 4,7 8,6 10,7 8,7 13,1 5,2Note E: à utiliser avec prudence 3,8 7,2 66,5 62,8 70,1 5,7Note E: à utiliser avec prudence 4,4 7,4 18,0 14,8 21,6 9,8 8,0 12,0
Autre 83,2 79,4 86,4 6,4Note E: à utiliser avec prudence 4,5 9,1 8,4Note E: à utiliser avec prudence 6,1 11,6 1,9Note E: à utiliser avec prudence 1,1 3,3 79,3 75,7 82,5 Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié 9,2Note E: à utiliser avec prudence 7,1 12,0 Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié
Sans enfant de moins de 18 ans 91,8 91,3 92,2 3,0 2,7 3,2 3,8 3,4 4,1 1,5 1,3 1,7 85,9 85,4 86,5 3,8 3,5 4,1 6,2 5,8 6,6 4,1 3,8 4,4
Personne hors famille vivant seule 88,8 88,1 89,6 3,7 3,2 4,1 5,0 4,5 5,6 2,5 2,1 2,8 82,3 81,5 83,0 4,1 3,8 4,5 7,7 7,2 8,2 5,9 5,5 6,4
Plus d’un adulte vivant ensemble 94,4 93,9 95,0 2,3 2,0 2,7 2,6 2,2 3,1 0,6 0,5 0,8 89,4 88,6 90,1 3,4 3,0 3,8 4,8 4,3 5,3 2,5 2,1 2,9
Autre 89,9 85,6 93,1 3,8Note E: à utiliser avec prudence 2,4 6,0 4,0Note E: à utiliser avec prudence 2,0 7,8 Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié 85,7 81,8 88,8 Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié
Niveau de scolarité le plus élevé du ménage
Sans diplôme d’études secondaires 85,5 83,5 87,3 4,8 3,7 6,0 6,6 5,4 8,0 3,2 2,5 4,1 78,7 76,8 80,5 4,7 3,9 5,6 9,3 8,0 10,7 7,3 6,1 8,7
Diplôme d’études secondaires, sans études postsecondaires 87,3 85,9 88,5 3,9 3,2 4,7 5,9 5,1 6,9 3,0 2,3 3,7 79,8 78,5 81,0 4,5 3,9 5,2 9,4 8,5 10,3 6,3 5,6 7,1
Certificat ou diplôme d’études postsecondaires ou grade universitaire 91,9 91,4 92,4 3,1 2,9 3,4 3,7 3,4 4,1 1,2 1,0 1,4 86,1 85,5 86,6 4,0 3,7 4,3 6,6 6,2 7,0 3,4 3,1 3,6
Principale source de revenu du ménage
Salaires, traitements ou revenu provenant d’un travail autonome 91,8 91,3 92,3 3,3 3,0 3,7 3,7 3,4 4,1 1,1 1,0 1,3 85,3 84,7 86,0 4,3 4,0 4,7 7,0 6,5 7,5 3,3 3,0 3,7
Revenu de personne âgée 95,1 94,5 95,6 2,1 1,8 2,5 2,2 1,8 2,6 0,6 0,5 0,8 92,9 92,2 93,5 2,6 2,2 3,0 3,2 2,8 3,7 1,3 1,1 1,6
Assurance-emploi, indemnité d’accident du travail 79,2 75,1 82,7 5,2Note E: à utiliser avec prudence 3,4 7,9 11,1 8,5 14,4 4,6Note E: à utiliser avec prudence 3,1 6,7 68,0 63,5 72,1 Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié 13,0Note E: à utiliser avec prudence 10,3 16,4 12,8Note E: à utiliser avec prudence 10,0 16,3
Assistance sociale 49,8 44,2 55,5 11,1Note E: à utiliser avec prudence 8,1 15,0 21,8 17,3 27,2 17,3 13,7 21,5 48,5 42,3 54,8 Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié Note F: trop peu fiable pour être publié 21,5Note E: à utiliser avec prudence 17,0 26,8 23,9 19,5 28,9
Autre ou aucun 81,3 78,8 83,6 5,6 4,4 7,1 9,7 7,9 11,8 3,4Note E: à utiliser avec prudence 2,5 4,6 71,0 67,8 74,1 7,6 6,1 9,6 12,5 10,2 15,2 8,8 7,0 11,1
Non déclaré 89,6 87,2 91,5 3,7Note E: à utiliser avec prudence 2,6 5,1 5,0Note E: à utiliser avec prudence 3,7 6,9 1,7Note E: à utiliser avec prudence 1,0 3,0 82,2 81,1 83,3 3,9 3,4 4,4 8,6 7,8 9,5 5,3 4,8 5,9
Suffisance du revenu du ménage
Quintile 1 (le plus faible) 81,1 79,8 82,3 5,7 5,0 6,5 9,3 8,4 10,3 3,9 3,3 4,5 75,0 73,6 76,3 5,6 4,9 6,4 10,5 9,5 11,5 8,9 8,1 9,9
Quintile 2 89,5 88,5 90,5 3,8 3,2 4,5 5,3 4,6 6,1 1,4 1,1 1,8 84,6 83,4 85,8 4,1 3,5 4,9 7,2 6,3 8,2 4,0 3,5 4,7
Quintile 3 93,5 92,7 94,3 3,1 2,5 3,7 2,4 2,0 2,9 1,0Note E: à utiliser avec prudence 0,7 1,4 88,4 87,3 89,4 3,6 3,0 4,2 5,2 4,6 6,0 2,8 2,4 3,4
Quintile 4 96,2 95,6 96,7 1,8 1,4 2,2 1,6 1,3 2,1 0,4Note E: à utiliser avec prudence 0,3 0,7 90,7 89,7 91,7 3,0 2,5 3,6 4,3 3,6 5,1 2,0 1,6 2,4
Quintile 5 (le plus élevé) 96,6 95,9 97,2 1,7 1,3 2,2 1,2Note E: à utiliser avec prudence 0,8 1,8 0,4Note E: à utiliser avec prudence 0,3 0,7 93,2 92,4 93,8 2,2 1,8 2,6 2,9 2,5 3,4 1,8Note E: à utiliser avec prudence 1,4 2,2
Mode d’occupation du logement
Propriétaire 94,1 93,7 94,5 2,5 2,3 2,8 2,6 2,3 2,9 0,7 0,6 0,9 88,9 88,5 89,4 3,6 3,3 3,8 5,1 4,8 5,5 2,4 2,1 2,6
Locataire 81,8 80,6 82,9 5,6 4,9 6,4 8,8 8,0 9,7 3,8 3,3 4,4 73,0 71,8 74,2 5,5 4,9 6,2 12,6 11,7 13,6 8,8 8,2 9,5

Discussion

La présente étude s’appuie sur les données de l’ESCC nationale axée sur la santé pour examiner les tendances de la prévalence de l’insécurité alimentaire liée au revenu dans les ménages des 10 provinces canadiennes entre 2017 et 2022. À l’instar des conclusions d’autres grands échantillons représentatifs de la population du Canada et des États-UnisNote 20, Note 21, Note 22, Note 23, la présente étude a documenté un plafonnement de la prévalence de l’insécurité alimentaire des ménages après le début de la pandémie de COVID-19 en 2020 et 2021, puis une augmentation en 2022. Diverses mesures de soutien liées à la pandémie, ainsi que la faible inflation des prix, ont probablement empêché une hausse des cas de faible revenu et d’insécurité alimentaire due aux perturbations des revenus d’emploi liées à la pandémie en 2020 et 2021Note 4, Note 5, Note 6, Note 7. Procédant à un examen des données par cycle de collecte des données d’enquête et de l’IPC, cette étude a également révélé que les niveaux d’insécurité alimentaire ont généralement suivi les variations des prix à la consommation, en particulier en 2022, lorsque l’inflation a atteint des niveaux recordsNote 11. Cela reflète des données probantes indiquant que l’insécurité alimentaire est un indicateur de la situation financière des ménages, reflétant la sensibilité à la hausse des coûts non seulement des aliments, mais aussi d’autres besoins essentiels comme le logement et le transportNote 2, Note 24.

En 2019, Statistique Canada a commencé à mesurer annuellement l’insécurité alimentaire des ménages dans le cadre de l’Enquête canadienne sur le revenu (ECR)Note 25, une enquête transversale menée à l’échelle nationale. Même si l’ESCC et l’ECR utilisent les mêmes questions du MESAM et la même période rétrospective de suivi de 12 mois, l’ECR a produit des estimations de l’insécurité alimentaire significativement plus élevées que l’ESCCNote 25. Des estimations de prévalence différentes provenant de différentes enquêtes auprès de la population ne sont pas inhabituelles et sont probablement attribuables à une combinaison de différences méthodologiques entre les enquêtes et d’effet de base de sondage (c.-à-d., les répondants peuvent répondre différemment aux mêmes questions sur l’insécurité alimentaire liée au revenu lorsqu’elles sont formulées dans le contexte d’une enquête axée sur le revenu par rapport à une enquête axée sur la santé)Note 25, Note 26. Toutefois, l’incidence de tout facteur pouvant expliquer l’écart dans les estimations est difficile à déterminer et à quantifier. Malgré les différences dans les estimations de l’insécurité alimentaire de l’ESCC et de l’ECR, il convient de noter que les tendances au fil du temps semblent constantes dans les deux enquêtes; par exemple, l’ECR a documenté de façon similaire des niveaux relativement stables d’insécurité alimentaire des ménages pendant les années de pandémie de 2020 et 2021, suivis d’une augmentation en 2022Note 2.

L’ECR permet de recueillir des données sur la situation de sécurité alimentaire de janvier à juin de chaque année; en revanche, l’ESCC est menée de janvier à décembre, fournissant ainsi des estimations plus actuelles pour une année civile donnée. La présente étude a révélé qu’en 2022, 15,6 % des ménages canadiens ont déclaré une insécurité alimentaire marginale, modérée ou grave; chiffre significativement plus élevé que dans les cycles d’enquête précédents et plus conforme à l’estimation plus ou moins contemporaine de l’ECR (17,8 % des ménages, selon les données recueillies entre janvier et juin 2022)Note 2. Des données de l’ECR récemment diffusées et recueillies au cours du premier semestre de 2023 indiquent une nouvelle augmentation des niveaux d’insécurité alimentaire modérée et grave au Canada, représentant la deuxième hausse consécutive depuis le début de la pandémieNote 27. La façon dont ces tendances reflètent celles de cycles plus récents de l’ESCC devrait être examinée après la diffusion de ces données.

Il est important de noter que l’ESCC de 2022 a fait l’objet d’un remaniement méthodologique axé sur un changement de mode de collecte, qui est passé d’interviews téléphoniques assistées par ordinateur ou d’interviews sur place à des questionnaires électroniques autoadministrés par les répondantsNote 16. Ce remaniement peut avoir contribué à des différences entre les estimations de 2022 et les cycles précédents de l’ESCC, même si l’incidence de ce changement est difficile à quantifier. De plus, les consommateurs canadiens ont connu des augmentations de prix record en 2022, en particulier pour ce qui est de l’alimentation, du logement et du transportNote 11; nombreux sont ceux ayant déclaré être inquiets et avoir de la difficulté à assumer leurs dépenses quotidiennesNote 28. La plus grande conscience de l’augmentation du coût de la vie en 2022 pour une grande partie de la population canadienne a pu contribuer à atténuer certaines différences d’effet de base de sondage entre l’ESCC axée sur la santé et l’ECR axée sur le revenu; contribuant ainsi à des niveaux plus comparables d’insécurité alimentaire dans les deux enquêtes.

En plus de la prévalence globale plus élevée de l’insécurité alimentaire des ménages en 2022, la présente étude a également relevé une gravité plus élevée de l’insécurité alimentaire; un nombre plus élevé de ménages canadiens ayant déclaré avoir vécu des expériences modérées ou graves d’insécurité alimentaire au cours des 12 mois précédents. Les plus touchés étaient des sous-groupes de ménages connus pour être exposés à un risque accru de difficultés financières, en particulier les ménages monoparentaux ayant des enfants, ceux dépendant de l’aide gouvernementale l’année précédente et les locataires. Ces résultats concordent avec les données probantes d’une diminution du revenu disponible dans le contexte de l’augmentation du coût de la vie en 2022, en particulier pour les ménages à faible revenuNote 29, et d’un taux de pauvreté plus élevé en 2022 qu’en 2021Note 27.

Forces et limites

Parmi les forces de cette étude, mentionnons l’utilisation de cinq cycles annuels de grands échantillons de population représentatifs des 10 provinces canadiennes et de plusieurs périodes de collecte infra-annuelles; ce qui facilite l’examen des variations de l’insécurité alimentaire et de l’inflation des prix au cours de l’année en cours. D’autres forces sont l’utilisation d’une échelle validée de 18 éléments pour évaluer de multiples catégories d’insécurité alimentaire des ménages et l’examen d’un éventail de caractéristiques sociodémographiques au niveau du ménage.

Plusieurs limites méritent d’être mentionnées. Même si l’ESCC est une enquête nationale bien établie, la pandémie a eu des répercussions majeures sur les opérations de collecte des données pour les cycles de 2020 et de 2021, notamment le passage à des interviews téléphoniques seulement et des taux de réponse significativement plus faibles. Malgré l’atténuation des faibles taux de réponse par des procédures de pondération, ils soulèvent néanmoins des préoccupations quant au biais et justifient une certaine prudence lors de l’interprétation. Les importantes répercussions sur l’analyse et la qualité des données des cycles de l’ESCC recueillies pendant la pandémie ont déjà été décritesNote 14, Note 15. Comme cela a été mentionné ci-dessus, l’ESCC de 2022 a fait l’objet d’un remaniement important; ce qui signifie qu’il faut faire preuve de prudence lors de la comparaison des données de 2022 avec celles des cycles précédentsNote 16. De plus, l’insécurité alimentaire des ménages est une mesure subjective autodéclarée qui, comme d’autres mesures subjectives, peut être influencée par le mode de collecte des données et l’effet de base de sondageNote 26Note 30. Enfin, les données des territoires n’étant pas disponibles dans les fichiers de données annuels de l’ESCC, les estimations sont uniquement représentatives des 10 provinces.

Conclusions

Conformément aux résultats d’autres enquêtes représentatives de la population, les données de l’ESCC axée sur la santé ont permis de déterminer que les niveaux d’insécurité alimentaire des ménages ont été relativement stables pendant les années de pandémie de 2020 et de 2021, puis qu’ils ont augmenté en 2022. Les niveaux d’insécurité alimentaire, en particulier les catégories de niveau modéré et grave, ont généralement suivi l’évolution du taux d’inflation des prix à la consommation et ont augmenté en 2022 dans les sous-groupes vulnérables, dont les ménages monoparentaux ayant des enfants, ceux dépendant d’une aide financière gouvernementale et les locataires. Pour ce qui est de l’avenir, même si l’inflation globale des prix a ralenti après avoir atteint un sommet en 2022, les prix demeurent élevés pour de nombreux biens et services de base, notamment pour les aliments, les loyers et les intérêts hypothécairesNote 11. Les données de l’ECR recueillies au cours du premier semestre de 2023 ont récemment permis d’observer une augmentation du nombre de Canadiens vivant dans un ménage en situation d’insécurité alimentaire modérée ou graveNote 27. La surveillance continue de l’insécurité alimentaire liée au revenu au sein de la population canadienne sera essentielle pour mesurer l’ampleur de ce défi de santé publique et pour éclairer l’élaboration de politiques et de programmes appropriés.

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