Regards sur la société canadienne
Le rôle de la Prestation canadienne d’urgence dans l’atténuation des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur le revenu d’emploi des travailleurs racisés

Aperçu de l’étude

À l’aide des données du Recensement de 2021, cette étude examine l’incidence de la pandémie de COVID-19 sur les finances des travailleurs racisés, et ce en mettant l’accent sur les variations de revenu d’emploi annuel médian survenues entre 2019 et 2020, ainsi qu’en évaluant dans quelle mesure les paiements de soutien au revenu de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) ont compensé les pertes de revenu en 2020 chez les travailleurs touchés par la pandémie. Les différences entre les travailleurs racisés et non racisés sont étudiées, ainsi que les différences entre les groupes de travailleurs racisés, de même que l’intersectionnalité de la race et du genre. Parce que l’accent est mis sur la compensation des pertes de revenus des travailleurs racisés et non racisés, l’étude porte sur les employés âgés de 25 à 54 ans dont le revenu d’emploi s’élevait à au moins 10 600 $ en 2019, et à au moins 3 980 $ en 2020, et exclut les travailleurs autonomes, les nouveaux immigrants, les résidents temporaires et les personnes autochtones.

• La pandémie a eu des répercussions négatives plus marquées sur l’emploi des travailleurs racisés que sur l’emploi de leurs homologues non racisés et une plus grande proportion de travailleurs racisés (29 %) que de travailleurs non racisés (24 %) ont reçu un soutien financier par l’intermédiaire de la PCU en 2020, les femmes racisées (30 %) étant plus susceptibles que les hommes racisés (27 %) de recevoir la PCU.
• En 2019, le revenu d’emploi médian des travailleurs racisés (54 100 $) était inférieur de 11 % à celui de leurs homologues non racisés (61 000 $). De 2019 à 2020, l’écart entre le revenu d’emploi médian des travailleurs racisés (56 100 $) et celui des travailleurs non racisés (62 100 $) est passé de 11 % à 10 %.
• Ce résultat découle de deux effets contrastés :
  • Premièrement, le revenu d’emploi des travailleurs racisés n’ayant pas reçu la PCU a augmenté plus rapidement que celui de leurs homologues non racisés, ce qui a réduit l’écart pour ce groupe de 8 % en 2019 à 5 % en 2020.
  • Deuxièmement, parmi les travailleurs ayant reçu la PCU, l’écart de revenu d’emploi entre les travailleurs racisés et non racisés est passé de 10 % à 16 % au cours de la même période.
• Les paiements de soutien au revenu de la PCU ont aidé à stabiliser les pertes de revenu d’emploi pour ceux les ayant reçu. En 2020, lorsque les paiements de la PCU étaient ajoutés au revenu d’emploi, l’écart de revenu entre les travailleurs racisés et les travailleurs non racisés ayant reçu la PCU était de 11 %, ce qui est inférieur à l’écart de revenu observé lorsque les paiements de la PCU ne sont pas pris en compte (16 %), et plus près de l’écart observé pour ce groupe en 2019 (10 %).
• De 2019 à 2020, les travailleurs ayant reçu la PCU ont perdu en moyenne 8 100 $ en revenu d’emploi, une perte qui a été compensée par une aide financière de 7 600 $ de la part du programme de la PCU (c.-à-d. 0,95 $ d’aide par dollar perdu). Les hommes (9 500 $) et les femmes (7 900 $) racisés ont perdu respectivement 500 $ et 1 300 $ de plus que leurs homologues non racisés (9 000 $ et 6 600 $, respectivement).
• Les femmes racisées ont connu la plus forte baisse du revenu d’emploi médian entre 2019 et 2020 (-23 %). Elles étaient également plus susceptibles de recevoir la PCU (30 %). Toutefois, les paiements de la PCU ont en moyenne plus que compensé leurs pertes de revenu (1,09 $ d’aide par dollar perdu). Le taux de remplacement des femmes racisées était plus élevé que celui des hommes racisés (0,83 $/dollar) et des hommes non racisés (0,78 $/dollar), mais était inférieur à celui des femmes non racisées (1,17 $/dollar).
• Les paiements de soutien de la PCU ont compensé une plus grande part des pertes de revenu d’emploi subies par les travailleurs racisés, en particulier chez les hommes, lorsque les caractéristiques personnelles et d’emploi étaient prises en compte. Néanmoins, ces mêmes caractéristiques n’expliquaient pas à elles seules les écarts de revenu d’emploi observés entre les travailleurs racisés et non racisés.

Introduction

La pandémie de COVID-19 a mis en lumière les disparités de revenus et les inégalités systémiques préexistantes. Les recherches menées depuis le début de la pandémie de COVID-19 ont montré que la pandémie avait eu des répercussions différentes sur le bien-être économique de différents groupes de la population, en particulier les groupes racisés, les immigrants, les femmes et les jeunes^{Note Note Note Note Note} . Les travailleurs racisés, en particulier les femmes racisées, connaissent des taux plus élevés de sous-emploi et de chômage, occupent des emplois précaires avec moins d’avantages sociaux, subissent des pertes d’emploi, sont victimes de discrimination et subissent des niveaux de stress plus élevés que les autres groupes^{Note Note Note Note Note Note} . La situation des personnes racisées sur le marché du travail peut en l’occurrence exacerber les écarts de rémunération existants et laisser de nombreux travailleurs racisés dans des situations précaires, en particulier face aux chocs économiques, comme celui causé par la pandémie de COVID-19.

Selon l’Enquête sur la population active, en 2020, près du double de la proportion de personnes racisées âgées de 15 ans et plus (29 %) ont déclaré avoir de la difficulté à répondre à leurs besoins financiers, comparativement aux personnes non racisées (16 %)^{Note Note} . De plus, dans le cadre d’une enquête par approche participative conduite en début de pandémie, en 2020, les participants racisés étaient plus susceptibles de signaler une incidence « modérée » ou « majeure » de la COVID-19 sur leur capacité à respecter leurs obligations financières (35 %), comparativement aux participants non racisés (22 %)^{Note Note} .

En ce qui concerne le revenu et l’aide financière reçus pendant la pandémie, plus de 4 travailleurs racisés sur 10 (de tous les groupes d’âge) qui avaient un revenu d’emploi d’au moins 5 000 $ en 2019 ont reçu des paiements de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) en 2020, comparativement à 3 travailleurs non racisés sur 10 (32 %)^Note . Les femmes étaient également légèrement plus susceptibles que les hommes d’avoir reçu des prestations de la PCU (42 % contre 41 %)^Note . Cela s’explique en partie par la représentation plus élevée des groupes racisés dans les secteurs touchés par les confinements et les fermetures, comme le secteur de l’alimentation et de l’hébergement^Note . Par ailleurs, certains sous-groupes racisés (p. ex., les immigrantes noires et philippines) étaient surreprésentés dans des professions comme les services et les soins personnels, lesquelles présentent des risques plus élevés de contracter la COVID-19^Note et qui offrent moins d’avantages sociaux^Note , ce qui a pu entraîner des arrêts de travail et des pertes de revenu.

À partir des données du Recensement de la population de 2021, cette étude examine l’incidence de la pandémie sur les revenus d’emploi des groupes racisés et non racisés, selon le genre, et évalue dans quelle mesure les paiements de soutien au revenu de la PCU ont compensé les pertes de revenus d’emploi survenues en 2020.

Deux ensembles de données sur le revenu sont utilisés : l’un comprend le revenu d’emploi seulement et l’autre intègre les paiements de la PCU (revenu d’emploi plus paiements de la PCU). Cette distinction permet d’isoler l’incidence de la pandémie et d’examiner l’effet compensatoire des paiements de soutien au revenu accordés au cours de la pandémie.

La population d’intérêt de la présente étude est constituée d’employés âgés de 25 à 54 ans, dont les revenus d’emploi étaient d’au moins 10 600 $ en 2019 et de 3 980 $ en 2020^{Note Note} . Afin de s’assurer d’une exposition adéquate au marché du travail avant le début de la pandémie, l’analyse exclut les immigrants arrivés après 2017. L’étude exclut également les résidents temporaires, les travailleurs autonomes et les populations autochtones.

Dans la présente étude, le terme « travailleurs » désigne les employés seulement puisque les travailleurs autonomes sont exclus de l’analyse. Le terme « revenus d’emploi » désigne quant à lui tous les revenus reçus sous forme de salaires, traitements et commissions d’un emploi rémunéré.

Encadré 1. Le programme de Prestation canadienne d’urgence (PCU)

Dans le cadre du programme de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), un montant imposable de 2 000 $ a été versé pour chaque période admissible de quatre semaines, et ce jusqu’à concurrence de sept périodes (ou 500 $ par semaine pour une période maximale de 28 semaines). La période d’admissibilité à la prestation s’étendait du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020.

Pour être admissible à la PCU, il fallait avoir satisfait aux critères d’admissibilité suivants^Note  :

1. avoir gagné des revenus d’emploi, des revenus nets d’un travail indépendant ou des prestations provinciales liées aux congés de maternité ou parentaux d’au moins 5 000 $ en 2019 ou au cours des 12 mois précédant la demande de la PCU;
2. avoir gagné moins de 1 000 $ pendant au moins 14 jours consécutifs au cours de chaque période de 4 semaines de la période d’admissibilité de la PCU;
3. avoir enregistré une baisse de revenus du fait de l’une de quatre raisons liées à la COVID‑19.

Ces raisons incluaient des heures de travail réduites en raison de la COVID‑19; un arrêt de travail en raison de la COVID‑19; une incapacité de travailler en raison de la COVID‑19 (p. ex., pour prendre soin de quelqu’un) ou avoir reçu des prestations régulières ou de pêcheur de l’assurance-emploi pendant au moins une semaine depuis le 29 décembre 2019 et avoir épuisé ses droits à ces prestations. À compter du 27 septembre 2020, les personnes toujours dans l’incapacité de travailler ont fait l’objet d’une transition vers un programme d’assurance-emploi (AE) simplifié ou vers la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE).

Les travailleurs ayant un niveau de revenu inférieur étaient plus susceptibles de recevoir des paiements de soutien au revenu de la PCU

Dans l’ensemble, un travailleur sur quatre (25 %) a reçu un soutien financier par l’entremise de la PCU en 2020. Une plus grande proportion de travailleurs racisés (29 %) que de travailleurs non racisés (24 %) ont reçu la prestation (tableau 1)^Note . Les femmes racisées (30 %) étaient légèrement plus enclines que les hommes racisés (27 %) à bénéficier de la PCU, tandis qu’on ne trouvait aucune différence selon le genre parmi les travailleurs non racisés (24 % pour les hommes et les femmes). Ces résultats correspondent aux résultats de précédentes études^Note .

Dans l’ensemble, les bénéficiaires de la PCU avaient tendance à avoir un revenu d’emploi inférieur à celui des non-bénéficiaires, avant la pandémie, avec environ les deux tiers (66 %) gagnant moins de 50 000 $ en 2019. Les travailleurs racisés (45 %) étaient plus susceptibles que les travailleurs non racisés (37 %) d’avoir un revenu d’emploi inférieur à 50 000 $.

Parmi les groupes racisés, les femmes de l’Asie du Sud-Est avaient le revenu d’emploi médian le plus bas en 2019 (44 400 $), avec la probabilité la plus élevée de recevoir la PCU en 2020 (40 %). Venaient ensuite les femmes de l’Asie occidentale, dont le revenu d’emploi médian en 2019 était de 47 300 $ et dont le taux de participation à la PCU de 35 % était le deuxième parmi tous les groupes racisés. Parmi les femmes coréennes, 34 % ont reçu la PCU en 2020 ; leur revenu d’emploi médian de 2019 était également relativement faible (48 500 $).

En revanche, les femmes chinoises, qui avaient le revenu d’emploi médian le plus élevé (57 800 $) en 2019, étaient moins susceptibles (25 %) que toutes les autres femmes racisées de recevoir la PCU. Elles étaient seulement légèrement plus susceptibles de recevoir la PCU que les femmes non racisées (24 %) qui avaient le deuxième revenu d’emploi médian le plus élevé (52 800 $) en 2019.

Chez les hommes, la proportion de travailleurs racisés recevant la PCU était la plus élevée chez les Asiatiques du Sud-Est (33 %), suivis des Noirs (31 %) et des Philippins (30 %), qui avaient tous un revenu d’emploi médian bien inférieur à la médiane globale chez les hommes (67 200 $). Les hommes japonais (73 800 $) et chinois (70 400 $) avaient le revenu d’emploi médian le plus élevé en 2019 et étaient les moins susceptibles de recevoir la PCU en 2020 (20 % et 22 % respectivement). En comparaison, 24 % des hommes non racisés ont reçu la PCU, et leur revenu d’emploi médian s’élevait à 69 200 $.



Les paiements de la PCU ont atténué les pertes de revenu d’emploi chez les travailleurs racisés

Parmi les personnes ayant reçu des paiements de la PCU en 2020, le revenu d’emploi a diminué à la fois chez les travailleurs racisés et non racisés entre 2019 et 2020^Note (graphique 1). Toutefois, les baisses étaient proportionnellement plus importantes chez les femmes (-23 %) et les hommes (-20 %) racisés, comparativement à leurs homologues non racisés (-17 % et -15 % respectivement pour les femmes et les hommes).

Les paiements de soutien au revenu de la PCU ont grandement contribué à stabiliser les pertes de revenu d’emploi entre 2019 et 2020 pour les travailleurs qui les ont reçues. En 2020, la médiane du revenu d’emploi plus les paiements de la PCU s’élevait à 41 000 $ chez les hommes racisés, ce qui représente une perte moins importante (-3 %), par rapport à 2019, que la baisse observée lorsqu’on considère le revenu d’emploi seulement (-20 %). Une situation similaire est observée chez les hommes non racisés, pour qui le revenu médian baissait de 2 % (comparativement à 15 %) lorsque les paiements de la PCU étaient pris en compte.

Le revenu d’emploi plus les paiements de la PCU étaient même plus élevés que le revenu d’emploi en 2019 pour les femmes racisées et non racisées. En effet, lorsque les paiements de la PCU étaient ajoutés au revenu d’emploi, le revenu médian des femmes racisées ayant reçu des paiements de la PCU passait de 33 700 $ en 2019 à 34 300 $ en 2020 (+2 %), tandis que celui de leurs homologues non racisées passait de 35 100 $ à 36 600 $ (+4 %) au cours de la même période.

Par ailleurs, lorsque les paiements de la PCU étaient ajoutés au revenu d’emploi, l’écart de revenu entre les travailleurs racisés (37 100 $) et les travailleurs non racisés (41 600 $) ayant reçu la PCU s’élevait à 11 %, ce qui est inférieur à l’écart de revenu d’emploi en 2020 lorsque les paiements de la PCU n’étaient pas pris en compte (16 %), et qui est plus près de l’écart observé pour ce groupe en 2019 (10 %).

Parallèlement, le revenu d’emploi médian des travailleurs racisés et non racisés a augmenté entre 2019 et 2020 chez les travailleurs n’ayant pas reçu la PCU. De plus, le revenu d’emploi des hommes (+7 %) et des femmes (+8 %) racisés a augmenté plus rapidement que celui de leurs homologues non racisés (+3 % et +6 %, respectivement) au cours de cette période.

Par conséquent, lorsque les paiements de la PCU étaient ajoutés au revenu d’emploi en 2020, l’écart de revenu entre les travailleurs racisés (57 300 $) et non racisés (63 000 $), les bénéficiaires de la PCU et les non-bénéficiaires combinés, était plus faible en 2020 (9 %) qu’en 2019 (11 %), et plus faible que l’écart observé en 2020 lorsque seul le revenu d’emploi était pris en compte (10 %).

Tableau de données du graphique 1



Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Personnes ayant reçu la PCU, Personnes n'ayant pas reçu la PCU, Population racisée, Population non racisée, Total - Genre, Femmes+ et Hommes+, calculées selon dollars unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).

	Personnes ayant reçu la PCU						Personnes n'ayant pas reçu la PCU
	Population racisée			Population non racisée			Population racisée			Population non racisée
	Total - Genre	Femmes+	Hommes+	Total - Genre	Femmes+	Hommes+	Total - Genre	Femmes+	Hommes+	Total - Genre	Femmes+	Hommes+
	dollars
Revenu d’emploi médian en 2019	37 300	33 700	42 300	41 300	35 100	49 100	62 800	56 700	69 200	68 400	60 400	75 900
Revenu d’emploi médian en 2020	29 200	25 800	33 700	34 800	29 100	41 700	67 500	61 400	73 700	71 300	63 800	78 200
Revenu d’emploi médian en 2020 plus les versements de la PCU	37 100	34 300	41 000	41 600	36 600	48 000	Note ...: n'ayant pas lieu de figurer	Note ...: n'ayant pas lieu de figurer	Note ...: n'ayant pas lieu de figurer	Note ...: n'ayant pas lieu de figurer	Note ...: n'ayant pas lieu de figurer	Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
... n'ayant pas lieu de figurer Notes : Le revenu d’emploi désigne les salaires et traitements bruts et d’autres sources de revenus d’emploi. L’échantillon analytique comprend les résidents permanents canadiens, à l’exception de la population autochtone, de 25 à 54 ans ayant gagné au moins 10 600 $ en 2019 et au moins 3 980 $ en 2020, et n’ayant pas gagné de revenus d’emploi dépassant 255 890 $ en 2019 et 264 230 $ en 2020. Les données sur les groupes racisés sont mesurées à l’aide de la variable « minorité visible ». Le « groupe non racisé » est mesuré à l’aide de la catégorie « pas une minorité visible » de la variable, à l’exception des répondants autochtones. Aux fins de la présente étude, les répondants autochtones ne sont pas inclus dans l’analyse. Étant donné la petite taille de la population non binaire, il est parfois nécessaire d’agréger les données dans une variable sur le genre à deux catégories pour protéger la confidentialité des réponses fournies. Dans ces cas, les personnes appartenant à la catégorie « personnes non binaires » sont réparties dans les deux autres catégories de genre et sont désignées par le symbole « + ». La catégorie « Hommes+ » comprend les hommes, ainsi que certaines personnes non binaires, et la catégorie « Femmes+ » comprend les femmes, ainsi que certaines personnes non binaires. Source : Statistique Canada, Recensement de la population, 2021.

Les pertes de revenu d’emploi attribuables aux restrictions liées à la pandémie ont été les plus importantes chez les travailleurs racisés

Entre 2019 et 2020, les travailleurs ayant bénéficié de la PCU ont perdu 8 100 $ en revenu d’emploi, en moyenne, et ont bénéficié de 7 600 $ d’assistance financière via le programme de la PCU (c.-à-d., 0,95 $ d’assistance par dollar perdu). Les personnes racisées ont quant à elles perdu 8 600 $, soit 800 $ de plus que les personnes non racisées (7 800 $).

Plus particulièrement, les hommes racisés ont perdu 9 500 $ en revenu d’emploi, soit un peu plus que les hommes non racisés (9 000 $). Venaient ensuite les femmes racisées (7 900 $) et les femmes non racisées (6 600 $) (tableau 2).

Dans l’ensemble, ces pertes de revenu d’emploi ont été partiellement ou totalement compensées par les paiements de soutien au revenu de la PCU. En moyenne, les femmes racisées ont reçu 8 600 $ d’aide financière de la PCU (soit 1,09 $ d’aide par dollar perdu) et les femmes non racisées ont reçu 7 700 $ (soit 1,17 $ d’aide par dollar perdu).

Parallèlement, les hommes racisés ont reçu 7 900 $ (équivalent à 0,83 $ d’aide par dollar perdu) et les hommes non racisés ont reçu 7 000 $ (équivalent à 0,78 $ d’aide par dollar perdu).

Certains groupes racisés ont subi des pertes plus importantes en 2020. Chez les hommes, des pertes élevées de revenus, en pourcentage, ont été observés chez les travailleurs chinois (-32 %), suivis des travailleurs japonais (-29 %), coréens (-29 %) et sud-asiatiques (-24 %)^Note . Les mêmes groupes racisés étaient les plus touchés chez les femmes.

Les paiements de la PCU ont plus que compensé la perte de revenus d’emploi pour tous les groupes racisés de femmes, à l’exception de trois groupes. En 2020, le revenu d’emploi plus les paiements de la PCU ont diminué de 1 700 $ par rapport aux revenus de 2019 pour les femmes chinoises. Les femmes de l’Asie du Sud-Est et les femmes japonaises ont également connu un manque à gagner (moins de 500 $). Pour les hommes, à l’exception des travailleurs noirs, les paiements de la PCU n’ont pas permis d’atténuer totalement les pertes de revenu d’emploi, les pertes allant de 200 $ à 5 900 $ pour l’année.



Les paiements de la PCU compensent une plus grande part des pertes de revenu d’emploi chez les hommes lorsque les différences liées aux caractéristiques des travailleurs sont prises en compte

Les profils sociodémographiques et d’emploi des travailleurs racisés et non racisés peuvent varier, ce qui a une incidence sur le revenu d’emploi et sur la mesure dans laquelle les paiements de soutien du revenu de la PCU ont compensé les pertes de revenus en 2020. Par exemple, les travailleurs racisés ont tendance à être plus jeunes, en moyenne. Ils sont plus susceptibles que les personnes non racisées d’avoir un diplôme universitaire ou supérieur^{Note Note} , bien qu’ils soient moins susceptibles de trouver d’aussi bons emplois que leurs homologues non racisés en début de carrière^Note . Pour évaluer l’incidence possible de ces différences sociodémographiques, une analyse de régression a été utilisée pour analyser de quelle façon les différences en termes d’âge, de scolarité, de statut d’immigrant et de période d’immigration, de connaissance des langues officielles, de secteur d’emploi, de profession et de l’âge du plus jeune enfant de la personne, pouvaient expliquer la mesure dans laquelle les paiements de soutien au revenu de la PCU ont compensé les pertes de revenu d’emploi en 2020^Note .

Les résultats montrent que les paiements de soutien du revenu de la PCU compensent une plus grande part des pertes de revenu d’emploi subies par les travailleurs racisés, en particulier chez les hommes, lorsque ces facteurs sont pris en compte. Cela indique que les différences entre les travailleurs racisés et non racisés expliquent en partie la variation du revenu d’emploi observée pour ces deux groupes entre 2019 et 2020, et donc la mesure dans laquelle les pertes de revenu ont été compensées par la PCU.

En effet, avec des caractéristiques semblables à celles des travailleurs non racisés, les montants ajustés du revenu d’emploi gagné en 2020 plus les paiements de la PCU, pour les hommes et les femmes racisés ayant bénéficié de la PCU, auraient été de 60 200 $ et de 47 300 $, respectivement (tableau A.2). Ainsi, le revenu d’emploi (plus les paiements de la PCU) des hommes racisés en 2020 est supérieur de 100 $ au revenu d’emploi gagné en 2019 lorsque les montants ajustés sont pris en compte, alors que celui-ci est inférieur de 1 600 $ lorsque le revenu d’emploi non ajusté est pris en compte. Chez les femmes racisées, la variation ajustée du revenu d’emploi plus les paiements de la PCU, entre 2019 et 2020, était de 600 $, ce qui est légèrement inférieur au changement non ajusté (+700 $) au cours de la même période.

Dans l’ensemble, les paiements de la PCU ont compensé une plus grande part des pertes de revenu d’emploi survenues en 2020 chez les hommes ayant reçu la PCU lorsque les différences liées aux caractéristiques des travailleurs étaient prises en compte. Chez les hommes racisés, l’écart entre le montant ajusté du revenu d’emploi gagné en 2020 plus les paiements de la PCU et le revenu d’emploi gagné en 2019 variait de -800 $ à +1 200 $, comparativement à -5 900 $ à +600 $ lorsque les différences en ce qui concerne les caractéristiques des travailleurs n’étaient pas prises en compte. Les travailleurs japonais, chinois et philippins étaient parmi ceux ayant subi les pertes les plus importantes, les pertes ajustées atteignant respectivement 800 $, 600 $ et 400 $, en moyenne. Chez les hommes non racisés, l’écart ajusté entre le revenu d’emploi gagné en 2020 plus les paiements de la PCU et le revenu d’emploi gagné en 2019 (-400 $) était également inférieur à l’écart non ajusté (-2 100 $).

Parmi les femmes racisées, les travailleuses japonaises (-300 $) et chinoises (-100 $) subissaient encore des pertes de revenu en 2020, même lorsque les paiements de la PCU et leurs caractéristiques individuelles étaient prises en compte. À l’inverse, les paiements de la PCU compensaient entièrement les pertes de revenu d’emploi des femmes de l’Asie du Sud-Est, dont le montant ajusté du revenu d’emploi gagné en 2020 plus les paiements de la PCU était plus élevé que le revenu d’emploi gagné en 2019 (+300 $). Dans l’ensemble, l’écart ajusté entre le revenu d’emploi gagné en 2020 plus les paiements de la PCU et le revenu d’emploi gagné en 2019 variait de -300 $ à +1 600 $, comparativement à -1 700 $ à +2 900 $ pour les revenus d’emploi non ajustés. Chez les femmes non racisées, le montant ajusté du revenu d’emploi  gagné en 2020 plus les paiements de la PCU était le même que le revenu d’emploi gagné en 2019 (50 800 $ dans les deux cas), alors qu’il était plus élevé (+1 200 $) lorsque les revenus non ajustés étaient pris en compte.

Néanmoins, les différences en termes de caractéristiques personnelles et professionnelles n’expliquaient pas à elles seules les différences de revenu d’emploi observées entre les travailleurs racisés et non racisés. En effet, les résultats montrent qu’il subsiste un écart entre le revenu d’emploi (auquel s’ajoutent les paiements de la PCU) des travailleurs racisés et non racisés, aussi bien parmi ceux ayant reçu la PCU (6 %) (tableau A.2), que parmi les bénéficiaires et les non-bénéficiaires de la PCU combinés (5 %) (tableau A.3). Toutefois, ces écarts sont plus faibles que les écarts non ajustés (11 % et 9 % respectivement).

Conclusion

Cette étude analyse l’incidence de la pandémie de COVID-19 sur les revenus d’emploi, de même que la mesure dans laquelle la PCU a compensé les pertes de revenus d’emploi pour les hommes et les femmes racisés et non racisés en 2020. On y fait le constat que la pandémie a eu un impact négatif plus important sur le revenu d’emploi des travailleurs racisés, en particulier celui des femmes, mais que la PCU a plus que compensé les pertes de revenu d’emploi des femmes, y compris des femmes racisées.

Les paiements de la PCU ont joué un rôle crucial dans la stabilisation du revenu en compensant la perte de revenus des travailleurs racisés et non racisés pendant la pandémie. Cette étude souligne l’importance stratégique des programmes de soutien au revenu, comme la PCU, pour les événements futurs qui pourraient avoir une incidence sur l’emploi et le revenu. De futures recherches pourraient en l’occurrence explorer les changements relativement aux écarts de revenu entre les genres au sein des communautés racisées et examiner certains secteurs d’activité ou certaines professions spécifiques afin d’approfondir notre compréhension à ce sujet.

Sadjad Kalhor est analyste au sein de la Diversité et de la Statistique socioculturelle, à Statistique Canada.

Source des données, méthodes et définitions

Source de données

La présente étude utilise les données du Recensement de la population de 2021 relatives à l’aide financière reçue dans le cadre de la Prestation canadienne d’urgence (PCU)^Note , ainsi que les revenus de 2019 et de 2020, extraits des fichiers de données fiscales^Note . La période de référence pour les variables de revenu est les années civiles 2019 et 2020. Les revenus de 2019 sont présentés en dollars constants de 2020. Le recensement a été mené la semaine du dimanche 2 mai au samedi 8 mai 2021.

Deux ensembles de données sur le revenu sont utilisés : l’un comprend le revenu d’emploi seulement et l’autre intègre les paiements de la PCU (revenu d’emploi plus paiements de la PCU). Cette distinction permet d’isoler l’incidence de la pandémie tout en examinant l’effet compensatoire des paiements de soutien de la PCU. Bien que la PCU ait été lancée au cours des premières semaines de la pandémie pour remplacer temporairement l’assurance-emploi, les prestations d’assurance-emploi n’ont pas été prises en considération dans le cadre de cette étude. D’autres prestations d’aide en cas de pandémie, comme la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants et la Prestation canadienne de la relance économique, sont également exclues de cette étude.

L’échantillon analytique se concentre sur les employés du principal groupe d’âge actif (25 à 54 ans) ayant gagné un montant de revenu d’emploi significatif l’année précédant la pandémie (c.-à-d. d’au moins 10 600 $ en 2019 et d’au moins 3 980 $ en 2020). Le seuil de 10 600 $ est calculé à l’aide du salaire minimum moyen (12,72 $ l’heure en 2019) multiplié par 28 semaines de travail à plein temps (30 heures ou plus par semaine), lorsque la PCU était en vigueur, entre le 15 mars et le 26 septembre. Le seuil de 3 980 $ est calculé en se fondant sur 10 semaines de travail (30 heures par semaine ou plus) multipliées par 13,26 $ l’heure en 2020. Les résultats qualitatifs sont robustes aux seuils choisis ; même un seuil de 5 000 $ (car la PCU était accessible uniquement aux personnes ayant gagné plus de 5 000 $ en 2019) a fourni les mêmes résultats qualitatifs. L’échantillon analytique a également limité l’extrémité supérieure de la répartition en tronquant le 99e centile des revenus d’emploi (seuil à 255 890 $ pour 2019 et à 264 230 $ pour 2020).

De plus, l’échantillon excluait les immigrants arrivés après 2017, les résidents temporaires (RT), parce que leurs conditions de travail différaient de celles du reste de la population active en 2019 et 2020^Note . De plus, les répondants autochtones n’ont pas été inclus dans l’analyse de cette étude^Note . Le nombre total de personnes incluses dans l’analyse est d’environ 6,89 millions d’employés.

Techniques

L’étude utilise une analyse descriptive et multivariée des revenus d’emploi en 2019 et 2020 (avec et sans paiements de la PCU) et de leurs changements au cours de cette période. En tenant compte des variables indépendantes connexes, les revenus d’emploi sont estimés par la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO). Les résultats de la régression multivariée sont présentés en annexe.

Limites de l’étude

Les données de la PCU utilisées dans le cadre de cette analyse ne représentent que les personnes directement touchées par la pandémie de COVID-19, alors que celles touchées indirectement ne sont pas prises en compte. De plus, la prestation de 500 $ par semaine versée dans le cadre du programme de la PCU aux employés touchés peut ne pas avoir suffisamment compensé les pertes réelles des personnes ayant perdu plus de 500 $ de revenus d’emploi par semaine du fait de la pandémie. L’inadmissibilité à la PCU est également problématique, si un employé a perdu une partie de son revenu du fait de la pandémie, sans pour autant être admissible à la prestation. Dans ce cas, les estimations analytiques sous-estimeraient quelque peu l’incidence variable de la pandémie. Enfin, bien que les données du recensement offrent un grand volume de renseignements pour analyser le revenu des particuliers, il y a d’autres facteurs (p. ex., les heures travaillées, les changements d’emploi et les changements de taux de rémunération horaire) que les données ne fournissent pas et, à ce titre, ils ne sont pas pris en compte dans l’analyse.

Définitions

Population racisée : Le concept de la population racisée est mesuré au moyen de la variable « minorité visible ». Ce renseignement est recueilli par Statistique Canada depuis le Recensement de la population de 1996, afin de mettre en œuvre la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Le groupe « non racisé » est mesuré à l’aide de la catégorie « n’appartenant pas à une minorité visible » de la variable, à l’exclusion des répondants autochtones. Les répondants autochtones ne font partie ni du groupe racisé ni du groupe non racisé. « Minorité visible » fait référence au fait qu’une personne est membre ou non d’une minorité visible, telle que définie dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Dans le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, les minorités visibles désignent « les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n’ont pas la peau blanche ». La population des minorités visibles est principalement composée des groupes suivants : Sud-Asiatique, Chinois, Noir, Philippin, Latino-Américain, Arabe, Asiatique du Sud-Est, Asiatique occidental, Coréen et japonais.

Revenu d’emploi : désigne les salaires et traitements bruts avant déductions, comme les impôts sur le revenu, les cotisations à un régime de retraite et les primes d’assurance-emploi, au cours de la période de référence. Alors que d’autres rémunérations d’employés, comme les avantages liés aux options d’achat de titres, le gîte et le couvert ainsi que d’autres allocations et avantages imposables, sont incluses dans cette source, les cotisations de l’employeur aux régimes de retraite et d’assurance-emploi sont exclues. Le solde et les indemnités militaires, les pourboires, les commissions et les primes en espèces associées à un emploi rémunéré, les prestations de régimes d’assurance-salaire ou d’assurance de sécurité du revenu, les prestations supplémentaires de chômage d’un employeur ou d’un syndicat, les subventions de recherche, les redevances d’un travail ou d’une invention sans dépenses associées et tout type de revenu occasionnel au cours de la période de référence sont aussi inclus dans cette source.

Genre : Depuis 2021, le recensement pose des questions sur le sexe à la naissance et le genre des personnes. Bien que les données sur le sexe à la naissance soient nécessaires pour mesurer certains indicateurs, aux fins de la présente diffusion, le genre (par opposition au sexe) est maintenant la variable normalisée utilisée dans les concepts et les classifications. Pour en savoir plus sur le nouveau concept de genre, consultez le Guide de référence sur l’âge, le sexe à la naissance et le genre, Recensement de la population, 2021. Compte tenu du fait que la population non binaire est réduite, il est parfois nécessaire d’agréger les données dans une variable sur le genre à deux catégories pour protéger la confidentialité des réponses fournies. Dans ces cas, les personnes appartenant à la catégorie « personnes non binaires » sont réparties dans les deux autres catégories de genre et sont dénotées par le symbole « + ».

Hommes(+) : Cette catégorie comprend les hommes de même que certaines personnes non binaires.

Femmes(+) : Cette catégorie comprend les femmes de même que certaines personnes non binaires.

Annexe