Rapports sur la santé
Changements dans la consommation de boissons au Canada

par Didier Garriguet

Date de diffusion : le 17 juillet 2019

DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x201900700003-fra

La consommation de boissons, plus particulièrement de l’eau, est essentielle à une alimentation saineNote 1. Non seulement les boissons permettent de s’hydrater, mais elles peuvent également être une source importante d’énergie, de vitamines et de minéraux, selon le type de boissons consommées. Pour la première fois en plus d’une décennie, la consommation d’aliments et de boissons a été mesurée dans le cadre d’un rappel alimentaire de 24 heures lors de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Nutrition (ESCC – Nutrition) de 2015. Les comparaisons précédentes entre l’ESCC – Nutrition de 2004 et l’ESCC – Nutrition de 2015 montrent que les changements dans l’apport énergétiqueNote 2 et l’apport en sucres totauxNote 3 peuvent s’expliquer en partie par un changement des habitudes de consommation de boissons.

Il existait peu de recommandations sur la consommation de boissons lorsque l’enquête de 2015 a été menée. Le document intitulé Bien manger avec le Guide alimentaire canadien que Santé Canada a publié en 2011 (d’après le Guide alimentaire canadien de 2007)Note 4 présente à tous les Canadiens les recommandations suivantes sur la consommation de boissons :

Ces recommandations correspondent en grande partie au Guide alimentaire canadien (GAC) et aux Lignes directrices canadiennes en matière d’alimentation publiés en 2019Note 5:

Aucune quantification n’est disponible en ce moment, et le lait a été regroupé dans la catégorie des aliments protéinés.

Les Lignes directrices canadiennes en matière d’alimentation comportent maintenant des recommandations particulières sur la consommation d’alcoolNote 5Note 6. Il existe aussi des recommandations sur la consommation de caféineNote 7 , mais elles ne font pas partie du GAC.

Bien qu’aucune autre enquête représentative à l’échelle nationale et comportant un rappel alimentaire de 24 heures n’ait été menée entre 2004 et 2015, d’autres données peuvent servir à expliquer les récentes tendances en matière de consommation de boissons. Les données sur les aliments disponibles au CanadaNote 8 indiquent qu’il y a eu une diminution de la disponibilité de la bière, des boissons gazeuses, de tous les types de lait, du jus de pomme et du jus d’orange de 2004 à 2015. L’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) a permis de recueillir des données sur la fréquence de la consommation d’un certain nombre de boissons. L’ECMS révèle qu’entre les périodes de 2007 à 2009 et de 2014 à 2015, la fréquence de la consommation des boissons gazeuses, des jus et du lait a aussi diminuéNote 9.

Les données existantes sur les tendances en matière de consommation de boissons sont présentées par habitant, elles portent sur un nombre limité de boissons ou elles tiennent compte de la fréquence au lieu de la quantité. Les estimations ne sont pas comparées directement aux recommandations existantes. Une enquête sur la nutrition qui comporte un rappel alimentaire de 24 heures permet une analyse plus détaillée des boissons consommées, de la fréquence de consommation, de la quantité consommée et, plus particulièrement, des caractéristiques des consommateurs.

Pour mieux comprendre les répercussions globales de la consommation de boissons sur les changements observés dans l’apport énergétique et l’apport en sucres, la présente étude a pour objectif de décrire en détail les changements survenus dans la consommation de boissons de 2004 à 2015 ainsi que les liens entre ces changements et les recommandations formulées dans le GAC de 2007. En plus de la contribution de la consommation de boissons à l’apport énergétique et à l’apport en sucres totaux, on y décrit la contribution des boissons à l’apport en eau (eau de sources alimentaires) et à l’apport en certains éléments nutritifs.

Méthodes

Sources de données

L’ESCC – Nutrition de 2004 et celle de 2015 ont permis de recueillir des renseignements sur la consommation d’aliments et de boissons dans le cadre d’un rappel alimentaire de 24 heures. La population cible était composée des résidents de logements privés ayant plus de 0 an en 2004 et plus de 1 an en 2015. Les deux enquêtes excluaient les membres de la force régulière des Forces canadiennes, les personnes vivant dans les territoires, les réserves ou d’autres peuplements autochtones, les personnes vivant en établissement, les résidents de certaines régions éloignées ainsi que tous les résidents (militaires et civils) des bases des Forces canadiennes.

Un total de 35 107 personnes ont participé au premier rappel alimentaire de 24 heures en 2004, et 20 487 y ont participé en 2015. De plus, 10 786 personnes (en 2004) et 7 608 personnes (en 2015) ont participé à un deuxième rappel qui a eu lieu 3 à 10 jours plus tard pour permettre d’estimer la consommation habituelle et la variance intra-individuelle. Les données ont principalement été recueillies en personne pour le premier rappel et par entrevue téléphonique pour le deuxième rappel. En 2004, les taux de réponse étaient de 76,5 % pour le premier rappel et de 72,8 % pour le deuxième. En 2015, les taux de réponse étaient de 61,6 % pour le premier rappel et de 72,0 % pour le deuxième.

Pour qu’elles soient représentatives de la population canadienne à l’échelle nationale et provinciale, on a pondéré les deux enquêtes afin de tenir compte du plan d’échantillonnage et de la non-réponse. Le détail du plan d’échantillonnage, de l’échantillon et de la collecte de données est disponible en ligneNote 10Note 11.

Consommation de boissons

On a demandé aux participants à l’enquête d’indiquer tout ce qu’ils avaient mangé et bu au cours des 24 heures précédant l’entrevue. Pour maximiser la remémoration, les deux enquêtes ont eu recours à l’Automated Multiple-Pass MethodNote 12, qui comprend les cinq éléments suivants : 1) une liste rapide des aliments dont les gens se souviennent facilement, 2) des questions supplémentaires sur des aliments couramment oubliés, 3) des regroupements selon l’heure et l’occasion où les aliments sont consommés, 4) des questions détaillées sur les aliments mentionnés précédemment (notamment la portion) et 5) une vérification finale.

On s’est servi d’un livret de modèles de portions pour montrer aux personnes interrogées des images d’assiettes, de bols, de verres et de tasses afin d’accroître l’exactitude de la déclaration des portions d’aliments et de boissons; en 2004, les plats étaient présentés sous forme de dessins, mais on les a remplacés par des photographies en 2015. En général, les portions normalisées de 2015 étaient inférieures à celles de 2004, particulièrement pour les bols, les verres et les tassesNote 10.

On peut classer les boissons en utilisant les catégories d’aliments fondées sur la classification du Bureau des sciences de la nutrition (BSN) ou sur la classification à quatre chiffres du GACNote 13. Les résultats découlant de ces deux systèmes de classification peuvent varier en raison de la manière de coder les recettes dans le GAC. La classification du BSN est un système détaillé d’une grande précision dont un des groupes comprend une recette complète de boisson. Dans la présente analyse, on a utilisé le système de classification du BSN pour décrire la fréquence, la quantité et l’apport nutritionnel (y compris la teneur en eau, ou en en eau de sources alimentaires, et l’apport énergétique) des boissons. La classification du GAC a servi à estimer la contribution des diverses boissons à un groupe du GAC.

La classification de 2015 du BSN (le premier système de classification utilisé dans la présente étude) a permis de classer les boissons dans les catégories suivantes : le lait blanc écrémé, 1 % ou 2 %, liquide ou reconstitué; le lait entier, liquide ou reconstitué et lait aromatisé; les boissons à base de plante; le jus de légumes; le jus de fruits; les boissons gazeuses régulières; les boissons gazeuses hypocaloriques; les boissons aux fruits; les boissons pour sportifs; l’alcool et les digestifs; le vin; la bière et les coolers; les boissons alcoolisées; le thé; le café et l’eau, y compris l’eau vitaminée. On a fait la somme de toutes les catégories de boissons énumérées ci-dessus pour calculer le total des boissons et on y a inclus trois autres catégories mineures pour les adultes : le lait évaporé (principalement ajouté au café), d’autres types de lait (y compris le babeurre, le lait de brebis et le lait de chèvre, mais non le lait maternel) et les boissons énergisantes. Chez les enfants de moins de 19 ans, il n’y avait pas de catégorie distincte pour le vin, l’alcool et les digestifs ainsi que les boissons alcoolisées, mais on a inclus toutes ces boissons dans la catégorie du total des boissons. Même si les catégories des boissons énergisantes, des boissons pour sportifs et de l’eau vitaminée n’existaient pas en 2004, on a utilisé la description des aliments du Fichier canadien sur les éléments nutritifs (FCEN) pour identifier ces boissons. Les préparations pour nourrissons, les substituts de repas liquides et les poudres de protéines ne sont pas inclus dans les boissons.

Le deuxième système de classification a été proposé par Santé Canada en 2014 en tant qu’outil de surveillance pour classer les aliments et les boissons selon le GAC de 2007Note 13. On a d’abord classé les aliments et les boissons dans quatre groupes alimentaires : les légumes et les fruits, les produits céréaliers, le lait et ses substituts, et les viandes et leurs substituts. Par la suite, on a divisé les groupes en quatre niveaux en fonction des seuils pour la teneur en sodium, en lipides totaux, en gras saturés et en sucres. Les trois premiers niveaux aidaient à respecter les recommandations du GAC. Les sous-groupes des jus de légumes et des jus de fruits comprennent les jus de fruits (les sous-groupes 1132 et 1133) et les jus et les cocktails de légumes (les sous-groupes 1252 et 1253). Le groupe alimentaire du lait et de ses substituts comprend des sous-groupes pour les niveaux 1 et 2, qui comprennent le lait blanc écrémé, 1 % ou 2 % et les boissons à base de plante enrichies (les sous-groupes 3101 et 3102), et pour le niveau 3, qui comprend le lait entier et le lait aromatisé (le sous-groupe 3103). Le système de classification du GAC comporte également les dimensions normales de chaque article, de sorte que la quantité de grammes peut être convertie en portions. Comme les recommandations du GAC s’appliquent à la population âgée de 2 ans et plus, les analyses qui reposaient sur le GAC ont été limitées à cette population.

Le FCEN de 2015 a été utilisé pour estimer l’apport énergétique, l’apport en eau (eau de sources alimentaires) et l’apport nutritionnel selon les données de l’ESCC – Nutrition de 2015Note 14. La version 2001b (supplément) du FCEN a été utilisée dans l’ESCC – Nutrition de 2004. On a choisi des éléments nutritifs pour démontrer la variabilité de la contribution de différentes boissons à l’apport nutritionnel total de chaque élément nutritif.

Méthodes d’analyse

Des statistiques descriptives ont été utilisées pour présenter le pourcentage de la population qui avait consommé une boisson particulière le jour précédant l’entrevue, la consommation moyenne de cette boisson (pour toutes les personnes interrogées, y compris les non-consommateurs, ainsi que pour les consommateurs seulement), et la contribution relative (en pourcentage) de cette boisson à l’apport énergétique, à l’apport en eau (eau de sources alimentaires) et à l’apport nutritionnel. À cette étape, seul le premier rappel a été utilisé, puisque seules les moyennes sont présentées et l’apport quotidien moyen est le même que l’apport habituel moyen.

La méthode univariée du National Cancer Institute (NCI)Note 15Note 16Note 17 a été appliquée aux deux rappels pour estimer la proportion de la population qui avait consommé plus de jus que de fruits et de légumes entiers (ou de fruits entiers seulement). Consommer plus de jus que de fruits et de légumes entiers (ou de fruits entiers seulement) représente un apport habituel supérieur à 50 % du ratio de portions de jus par rapport aux portions totales.

La méthode du NCI a d’abord servi à estimer la probabilité de consommer un aliment ou une boisson à l’aide d’une régression logistique, et ensuite, à estimer la quantité consommée à l’aide d’une régression linéaire. Les deux composantes de la méthode utilisent un effet propre à la personne qui peut être corrélé. Dans le cadre de ces analyses, les deux années d’enquête ont été regroupées avec la fin de semaine et la séquence de rappels qui étaient inclus comme covariables dans les deux composantes du modèle. Les estimations pour chaque année ont été présentées séparément.

On a utilisé la méthode bootstrap pour estimer les intervalles de confiance, puisqu’elle tient compte de la nature complexe de l’enquête. Les comparaisons entre les années ont été effectuées à l’aide de tests t ayant différents niveaux de signification pour tenir compte des comparaisons multiples : p < 0,05 pour une comparaison simple, p < 0,001 pour 25 comparaisons (par exemple, pour tenir compte de toutes les boissons au sein d’un groupe d’âge) et p < 0,0001 pour 250 comparaisons (pour tenir compte de toutes les boissons et de tous les groupes d’âge).

Résultats

Chez les enfants de 1 à 13 ans (tableau 1), les boissons les plus consommées la journée précédant l’entrevue étaient l’eau, le lait, les jus de fruits, les boissons gazeuses régulières et les boissons aux fruits. Chez les jeunes de 14 à 18 ans, le thé (y compris le thé glacé) a remplacé les boissons aux fruits parmi les cinq boissons consommées le plus souvent en 2015. Les changements de la proportion de la population âgée de moins de 19 ans ayant consommé des boissons gazeuses régulières et des boissons aux fruits expliquent la plupart des changements dans les quantités consommées qui figurent dans le tableau 2. Les changements de portions (la quantité consommée en moyenne par les consommateurs) expliquent la plupart des changements dans les quantités de lait et de jus de fruits consommées. Le pourcentage d’enfants et d’adolescents qui boivent de l’eau était supérieur à 85 % en 2015, comparativement à environ 75 % en 2004 (tableau 1).

Chez les adultes (tableau 3), l’eau est restée la boisson consommée le plus souvent la journée précédant l’entrevue. Comparativement à 2004, en 2015, le pourcentage de consommateurs d’eau était au moins 7 points plus élevé dans toutes les catégories âge-sexe chez les adultes, le pourcentage de consommateurs de boissons gazeuses régulières et de boissons aux fruits était moins élevé chez les adultes de 19 à 50 ans, et le pourcentage de consommateurs de jus de fruits était moins élevé chez les adultes de 19 ans et plus. Pour le lait écrémé, 1 % ou 2 %, tant le pourcentage de consommateurs que la quantité moyenne consommée étaient moins élevés en 2015 qu’en 2004. Enfin, le pourcentage de personnes qui avaient bu du thé, du café et toutes les boissons alcoolisées était relativement stable de 2004 à 2015.

Éléments nutritifs

Au sein de la population âgée de moins de 19 ans, la contribution du total des boissons à l’apport énergétique quotidien était de 4 à 5 points de pourcentage moins élevée en 2015 qu’en 2004 (tableau 2) pour tous les groupes âge-sexe. Cette baisse est principalement attribuable à la baisse de la contribution énergétique des boissons gazeuses régulières et des boissons aux fruits. Chez les adultes de 19 à 50 ans (tableau 4), l’apport énergétique quotidien du total des boissons a aussi diminué d’environ 3 points de pourcentage, le lait faible en gras, les boissons gazeuses régulières et les boissons aux fruits ayant le plus contribué à la baisse. Cette tendance n’a pas été observée chez les adultes de 51 ans et plus. L’apport en sucres des boissons a suivi les mêmes tendances que l’apport énergétique selon l’âge et le sexe.

Dans les deux années d’enquête, les boissons, principalement les jus de fruits, ont fourni la majorité de la vitamine C à la population, c’est-à-dire un apport de plus de 50 % chez les personnes de moins de 19 ans (tableau 2) et de plus de 25 % chez les adultes de 19 ans et plus (tableau 4). Cette proportion était plus faible en 2015 chez tous les groupes d’âge, sauf chez les adultes de 71 ans et plus. De même, les boissons, notamment le lait, ont fourni la majorité de la vitamine D à la population, soit un apport de plus de 45 % chez les enfants et les adolescents de moins de 19 ans et un apport de plus de 25 % chez les adultes de 19 ans et plus. Le lait constituait aussi la plus grande part de la contribution des boissons à l’apport quotidien en protéines et en gras saturés. Les boissons ont fourni de 7 % à 12 % de l’apport quotidien total en gras saturés et de 7 % à 14 % de l’apport total en protéines chez la population âgée de 9 ans et plus. Chez les enfants de 1 à 8 ans, les boissons ont apporté environ 20 % des gras saturés et des protéines consommés dans une journée.

Les boissons étaient la plus grande source d’hydratation quotidienne sous forme d’eau (eau de sources alimentaires), ce qui n’a pas changé de 2004 à 2015, sauf chez les enfants de 1 à 8 ans (voir les flèches orange qui pointent vers le bas dans la figure 1). Cependant, la part d’hydratation fournie par l’eau était plus élevée en 2015 qu’en 2004 (voir les flèches vertes qui pointent vers le haut dans la figure 1), ce qui résulte tant d’une augmentation de la consommation d’eau que d’une diminution de la consommation d’autres boissons.

Recommandations du Guide alimentaire canadien

En moyenne, la part relative des portions de jus de fruits ou de légumes du groupe des légumes et des fruits était de 15 % en 2015, soit 5 points de pourcentage moins élevée qu’en 2004 (données non présentées). Cette différence était plus de 10 points de pourcentage moins élevée chez les enfants de 2 à 3 ans et chez les filles de 14 à 18 ans en 2015 comparativement à 2004 (données non présentées). En observant la répartition de l’apport habituel du ratio, on constate que moins de 10 % de la population a consommé plus de jus que de légumes et de fruits (voir les flèches orange dans la figure 2).

Comme la plus grande partie du jus consommé était des jus de fruits plutôt que des jus de légumes, il convient d’examiner la part relative des portions de jus de fruits par rapport aux portions totales de fruits. Dans l’ensemble, la part relative moyenne des jus de fruits par rapport au total des fruits était de 30 % en 2015, comparativement à 40 % en 2004 (données non présentées). En 2015, la part relative était au moins 10 points de pourcentage moins élevée chez les enfants de 2 à 3 ans, la population âgée de 14 à 30 ans et les femmes de 51 à 70 ans comparativement à 2004 (données non présentées). En 2015, de 5 % à 37 % de la population a consommé plus de jus de fruits que de fruits entiers. Cette proportion était au moins 10 points de pourcentage moins élevée en 2015 chez la population de moins de 19 ans et chez les femmes de 51 à 70 ans (voir les flèches vertes qui pointent vers le bas à la figure 2).

Pour la consommation de lait, le GAC de 2007 recommande 500 ml, ou deux portions, par jour de lait écrémé, 1 % ou 2 % ou de boissons à base de plante enrichies. Le nombre de portions totales de lait et substituts, y compris le lait, le fromage et le yogourt, était supérieur à deux portions par jour, en moyenne, chez les enfants de 2 à 13 ans et les garçons de 14 à 18 ans (figure 3), mais non pour le reste de la population. Cela signifie que la majorité des adultes ne respectaient pas la recommandation du GAC de 2007 de consommer au moins deux portions de lait et substituts par jour (données non présentées). De un tiers à la moitié de la population âgée de moins de 19 ans a consommé moins de deux portions de lait et substituts par jour. Dans l’ensemble de la population, le lait écrémé, 1 % ou 2 % ou les boissons à base de plante enrichies représentaient, en moyenne, le tiers des portions de lait et substituts (figure 3). Cela signifie que plus de 90 % des Canadiens ne consommaient pas au moins deux portions par jour de ces produits en 2015 (données non présentées).

Bien que le nombre moyen de portions de lait et substituts consommées ait peu changé depuis 2004 chez la majorité des groupes âge-sexe, il y a eu une baisse importante du nombre moyen de portions de lait écrémé, 1 % ou 2 % ou de boissons à base de plante enrichies dans tous les groupes âge-sexe (figure 3).

Discussion

Le premier objectif de la présente étude était de décrire les changements dans la consommation de boissons de 2004 à 2015. Les changements dans la consommation d’une boisson en particulier peuvent résulter du changement du nombre de consommateurs (moins de personnes consomment la même quantité), du changement de la portion (le même nombre de personnes consomment moins) ou d’une combinaison des deux. Les changements observés dans la consommation de l’eau, des boissons gazeuses régulières et des boissons aux fruits étaient principalement attribuables au changement de la proportion de personnes ayant consommé chaque type de boisson la journée précédente plutôt qu’au changement de la quantité consommée. Pour ce qui est du lait et des jus de fruits, particulièrement chez les enfants, la plupart des changements observés étaient attribuables au changement des portions.

Le deuxième objectif était d’établir un lien entre ces changements et les recommandations du GAC de 2007. Le GAC de 2007 comportait quatre énoncés portant sur les boissons, chacun insistant sur une ou plusieurs boissons.

L’eau était la boisson la plus populaire en 2015. La consommation d’eau était plus élevée en 2015 et a davantage contribué à l’hydratation en 2015 qu’en 2004. Le nouveau GAC recommande aussi de faire de l’eau sa boisson de choix5. Toutefois, la recommandation de boire de l’eau régulièrement n’est pas quantifiée, car il est difficile de quantifier l’apport en eau, qui varie selon le métabolisme de chaque personne, l’environnement et le niveau d’activitéNote 1.

Moins de 10 % de la population a consommé plus de jus que de fruits et de légumes. Cependant, lorsque l’on tient uniquement compte des fruits, la proportion de la population ayant consommé plus de jus était plus élevée, particulièrement chez les adolescents de sexe masculin (37 %) en 2015. La consommation de jus de fruits était moins élevée en 2015, ce qui a fait grimper la proportion de la population ayant consommé moins de portions de fruits et de légumes que le nombre recommandé de portions en 2015 comparativement à 2004. Les données probantes émanant d’autres sources laissent également supposer une baisse de la consommation de jus de fruits dans la population canadienne. La disponibilité du jus de pomme et du jus d’orange a diminué de plus de 25 % de 2004 à 2015Note 8. L’ESCC a permis de montrer que la fréquence de la consommation de jus de fruits a diminué pour passer de 0,9 fois par jour en 2007 à 0,6 fois par jour en 2014Note 18.

La consommation de jus de fruits a fait l’objet d’un examen minutieux récemmentNote 19, principalement en raison des sucres libres que contiennent les jus de fruits et de leur teneur énergétique. Le nouveau GAC de 2019Note 5 recommande de réduire l’apport en sucres libres, qui proviennent entre autres des jus de fruits, en consommant une majorité de sucres totaux provenant d’aliments nutritifs comme les fruits et les légumes entiers. La proportion des sucres totaux provenant des jus de fruits était plus élevée chez les groupes d’âge plus jeunes et elle était moins élevée en 2015 qu’en 2004, ce qui vient confirmer les résultats obtenus par Langlois et ses collaborateursNote 3. En fait, on a observé la plus grande différence dans la quantité consommée chez les enfants de 1 à 3 ans, les filles de 14 à 18 ans et les adultes de 51 à 70 ans. La diminution de la consommation de jus explique aussi en grande partie la diminution de l’apport en vitamine C dans les mêmes groupes d’âge. Chez les adultes, l’apport moyen en vitamine C était 20 % moins élevé en 2015, ce qui se traduit par une hausse de 14 points de pourcentage dans la proportion de la population ayant un apport en vitamine C inférieur au besoin moyen estimatifNote 20.

Pour la majorité de la population, la consommation de lait et substituts n’a pas changé de 2004 à 2015; elle est restée inférieure à deux portions par jour. La consommation moyenne de lait écrémé, 1 % ou 2 % (un sous-ensemble du groupe lait et substituts) était inférieure à l’apport recommandé en 2007 de 500 ml, ou deux portions, par jour dans les deux années d’enquête, et elle était moins élevée en 2015 qu’en 2004. Une revue systématique menée récemmentNote 21 a conclu qu’en plus de respecter les recommandations relatives aux éléments nutritifs, le lait et ses substituts apportent d’autres bienfaits potentiels pour la santé et présentent peu d’effets néfastes. Le nouveau GAC de 2019 classe le lait dans la catégorie des aliments protéinés et donne le lait non sucré comme un exemple de boisson à consommer pour réduire l’apport en sucres libres. Même si la réduction de la consommation de lait a diminué l’apport en gras saturés au sein de la population, elle a aussi diminué la consommation de bon nombre d’autres éléments nutritifs, y compris le calcium et la vitamine D. La majorité de la population présente déjà des apports en calcium et en vitamine D qui sont inférieurs aux besoins moyens estimatifsNote 20. Si on ne sait pas ce qui remplace le lait, il est difficile de bien comprendre l’incidence d’une baisse de la consommation de lait. Théoriquement, il est possible que d’autres sources fournissent des apports semblables en éléments nutritifsNote 22.

La consommation de boissons à densité énergétique élevée, particulièrement les boissons gazeuses régulières et les boissons aux fruits, était moins élevée en 2015 qu’en 2004. Cette différence est principalement attribuable à un changement de la proportion de la population consommant ces boissons. Ces résultats correspondent aux statistiques sur les aliments disponiblesNote 8 qui indiquaient une diminution de 39 % de la disponibilité des boissons gazeuses entre 2004 et 2015. On a aussi observé des baisses de la consommation de boissons gazeusesNote 23 et de boissons sucréesNote 24 aux États-Unis.

Forces et limites

La présente analyse est fondée sur la première enquête détaillée sur la nutrition et représentative à l’échelle nationale à être menée en plus de 10 ans. La méthode de rappel alimentaire de 24 heures a permis d’examiner tant la quantité consommée que la fréquence de la consommation de boissons. Il a été possible de comparer la consommation de boissons avec les recommandations du GAC en utilisant la méthode du National Cancer Institute. Comparativement aux statistiques par habitant, la présente analyse a été effectuée en utilisant des groupes âge-sexe.

Certaines limites de la présente étude sont inhérentes aux enquêtes sur la nutrition. Les erreurs de déclaration, plus particulièrement la sous-déclaration, sont courantes lors de l’autodéclaration des apports alimentairesNote 25Note 26Note 27Note 28. Pour examiner l’incidence des erreurs de déclaration, la présente analyse a été répétée en classant les personnes interrogées comme ayant fait une sous-déclaration, une déclaration plausible et une surdéclaration (données non présentées) selon une méthodologie publiée précédemmentNote 2. Même si les valeurs estimées étaient généralement plus élevées, les différences entre 2004 et 2015 étaient similaires parmi les personnes ayant fait des déclarations plausibles.

Des versions différentes du Fichier canadien sur les éléments nutritifs (FCEN) ont été utilisées en 2004 et en 2015. Les changements apportés au FCEN peuvent refléter les changements dans l’industrie alimentaire (p. ex. la modification de la composition des aliments) ou dans la manière d’élaborer la base de données (p. ex. l’amalgamation de certains aliments). Ces changements étaient minimes pour les boissons. Pour ce qui est de la consommation de boissons depuis 2004, les changements observés dans la présente analyse étaient principalement attribuables aux changements de la fréquence de consommation et de la quantité de boissons consommées plutôt qu’aux changements des profils nutritionnels d’une boisson en particulier.

Les modifications apportées au livret de modèles de portions ont pu influer sur les déclarations de la quantité de boissons consomméeNote 10. La quantité moyenne de boissons consommées au total était 12 % moins élevée en 2015 qu’en 2004 chez les enfants et les adolescents (tableau 1) et de 5 % à 16 % moins élevée chez les adultes (tableau 2), ce qui pourrait refléter les changements apportés au livret de modèles de portions utilisé dans l’enquête. Cependant, si les changements apportés au livret avaient eu des répercussions sur la déclaration de la quantité de boissons consommée, on s’attendrait à ce que toutes les quantités de boissons soient inférieures en 2015. En fait, la quantité moyenne d’eau consommée était généralement plus élevée en 2015 qu’en 2004.

Dans les cas où les changements s’expliquaient par les différences de proportions de personnes ayant consommé une boisson en particulier la journée précédant l’entrevue, il est peu probable que les changements apportés au livret de modèles de portions aient eu des répercussions sur les conclusions. Cela s’explique par le fait que le livret ne devrait avoir aucune incidence sur la déclaration d’une personne qui indique si elle a consommé ou non une boisson. Dans les cas où la quantité consommée explique la majorité des changements, la différence de la quantité totale de boissons consommée de 2004 à 2015 est susceptible de diminuer. Cependant, il est impossible de savoir si un participant à l’enquête aurait choisi l’image présentée au même rang pour évaluer une tasse ou un verre en particulier en 2015 et en 2004. Par exemple, les personnes interrogées auraient pu prendre le dessin de la deuxième plus grande tasse en 2004 et la photo de la plus grande tasse en 2015 pour estimer le même contenant. Finalement, la déclaration ne se fait pas à l’aide du livret de modèles de portions pour toutes les boissons. Il se pourrait qu’on ait utilisé des quantités précises ou des portions normalisées (p. ex. une canette de boisson gazeuse), ce qui atténuerait l’effet des changements attribuables au livret.

Conclusion

Dans l’ensemble, les habitudes de consommation de boissons au Canada ont changé de 2004 à 2015. À l’exception de l’eau, la consommation de la plupart des boissons, y compris le lait, les jus de fruits, les boissons aux fruits et les boissons gazeuses régulières, était moins élevée en 2015 qu’en 2004. Cela a eu des répercussions sur l’apport énergétique et l’apport nutritionnel pour de nombreux éléments nutritifs comme le sucre, les gras saturés, le calcium et les vitamines C et D. Les tendances observées correspondent davantage aux recommandations du GAC de 2007, particulièrement pour ce qui est de la consommation d’eau, qui était plus élevée, et de la consommation de boissons sucrées, qui était moins élevée. L’augmentation de la consommation d’eau et la diminution de la consommation de boissons sucrées correspondent également aux recommandations du GAC de 2019.

Références
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