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De 2002 à 2004, les blessures aiguës survenues   au travail étaient à l'origine de 465 décès par année, en moyenne, et de près de 300 000 cas admis de réclamations pour perte de temps1. Les blessures au travail peuvent avoir des conséquences appréciables, y compris une perte de temps de travail et de revenu, des frais médicaux, des frais d'indemnisation, d'éventuels problèmes de santé ou d'incapacité de longue durée et l'imposition d'un fardeau à la famille du travailleur blessé.

Comme il en va de toutes les blessures, il serait possible d'éviter une part importante de celles qui surviennent au travail. Une meilleure compréhension des circonstances associées aux blessures au travail devrait par ailleurs permettre d'accroître l'efficacité des stratégies de prévention.

Jusqu'à présent, la plupart des études sur les accidents du travail réalisées au Canada ont porté sur des groupes professionnels particuliers, comme les agriculteurs, et habituellement sur certaines régions géographiques. La base de données PubMed2 a fait l'objet d'une recherche des articles canadiens sur les accidents du travail publiés de 1990 à janvier 2007, laquelle a produit 33 études descriptives ou analytiques, dont 14 visaient le secteur de l'agriculture; seulement six s'appuyaient sur des données pour l'ensemble du pays.

La plupart des statistiques sur les blessures au travail au Canada sont recueillies par des organismes administratifs s'occupant de l'indemnisation des accidents du travail, si bien que leur couverture et l'information qu'elles fournissent sont limitées. Ainsi, les travailleurs autonomes et certains professionnels pourraient ne pas être inclus, et les données sur les caractéristiques socioéconomiques et d'autres facteurs de risque pour la santé ne sont pas recueillies. En outre, les dossiers de ces organismes ne couvrent que les accidents indemnisés, alors que moins de la moitié des travailleurs qui subissent une blessure font une demande d'indemnisation8,9. Par conséquent, on ne peut s'attendre à ce que les statistiques établies par les commissions des accidents du travail concordent avec les estimations produites d'après des données d'enquête.

Les données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de Statistique Canada offrent plusieurs avantages pour l'étude des blessures au travail. Leur envergure permet d'obtenir une plus grande précision analytique qu'il n'est habituellement possible. Elles sont représentatives de la population et elles renseignent sur une large gamme de facteurs sociaux et personnels, sur des variables liées au travail et sur la survenue des blessures. Elles ne proviennent pas des déclarations recueillies au lieu de travail11,12. Un autre avantage de l'ESCC tient au fait que les questions sur les blessures au travail ne sont pas posées en même temps que celles sur les conditions de travail, ce qui réduit le biais qui pourrait se produire dans les études axées sur un questionnaire plus ciblé.

Selon un modèle théorique type des blessures au travail, le risque émanerait de l'interaction de conditions concrètes dans le milieu de travail ou de tâches directement liées au poste (p. ex. exposition à des matières ou à de l'équipement dangereux), de l'organisation du travail (comme les heures supplémentaires ou le travail par quarts), et des caractéristiques individuelles ou comportementales, dont les caractéristiques sociodémographiques et psychologiques et la morbidité associée aux maladies chroniques13-16. Dans la mesure où les données sur les variables reflétant ces facteurs sont disponibles, les modèles décrits par Schuster et Rhodes13 et par Veazie et coll.14 servent de fondement à la présente étude.

À partir des données de l'ESCC de 2003 (cycle 2.1), le présent article contient des estimations du nombre de Canadiens de 18 à 75 ans occupés qui ont en 2003 subi au travail au moins une blessure non mortelle limitant leurs activités (voir Méthodologieet Définitions). L'analyse porte uniquement sur les blessures aiguës; elle n'inclut pas celles qui sont attribuables aux mouvements répétitifs. Elle vise en particulier à comparer la survenue des blessures selon le groupe professionnel et à examiner les liens entre les blessures au travail et certains facteurs professionnels et personnels. Les résultats sont présentés pour les estimations pondérées non corrigées, puis pour des modèles (multivariés) corrigés.

Une part importante de blessures est liée au travail
Les cols bleus courent un plus grand risque
Les cuisiniers et les machinistes subissent plus de blessures
Différents mécanismes
Les blessures aux mains et au bas du dos sont les plus fréquentes
Traitement
Les emplois ardus posent des risques
Lien entre les longues heures et les blessures
Risque accru chez les jeunes hommes
Blessures plus fréquentes chez les fumeurs
Persistance des influences liées au travail
Persistance du lien avec le stress au travail chez les femmes
Mot de la fin

Une part importante de blessures est liée au travail

En 2003, environ 630 000 Canadiens ont subi au moins une blessure au travail limitant leurs activités, soit 5 % et 2 % des hommes et des femmes occupés, respectivement (tableau 1). Comme les estimations n'ont trait qu'aux blessures les plus graves et que les souvenirs des répondants s'estompent avec le temps (voir Limites), ces chiffres sous-estiment la fréquence et les proportions réelles des blessures au travail.

Les blessures au travail représentent une part importante de la totalité des blessures. Plus du quart (28 %) des personnes occupées de 18 à 75 ans qui ont déclaré une blessure causant une limitation des activités en 2003 (le tiers des hommes et le cinquième des femmes) avaient subi leur blessure la plus grave au travail.
 
Hormis les différences de méthodologie, ces résultats sont étonnamment semblables à la proportion de blessures traitées par un médecin et déclarées comme étant liées au travail aux États-Unis entre 1997 et 1999 (29 %) estimée d'après les données de la National Health Interview Survey11.

Les cols bleus courent un plus grand risque

Naturellement, les blessures sont plus fréquentes chez les cols bleus que chez les cols blancs (voir Définitionset Différences géographiques). Près d'un travailleur sur dix (9 %) de la catégorie des métiers, du transport et de la machinerie a subi une blessure au travail; c'est plus de quatre fois le taux (2 %) observé pour les affaires, la finance ou l'administration ou pour les sciences sociales, l'enseignement, l'administration publique et la religion (tableau 2). Dans la transformation ou la fabrication et dans les industries primaires, le risque de blessure au travail était aussi plus grand que dans l'ensemble de la population active.
 
Les hommes étaient significativement plus à risque de blessure dans les métiers, le transport et la machinerie, dans la transformation et la fabrication et dans les industries primaires. Chez les femmes, les catégories étaient les mêmes, en plus des ventes et des services.

Chez les cols blancs tout comme chez les cols bleus, le taux de blessure était significativement plus élevé pour les hommes que pour les femmes. Dans la gestion, dans les affaires, la finance et l'administration, dans les métiers, le transport et la machinerie, et dans la transormation et la fabrication, les hommes étaient environ deux fois plus à risque de blessure que les femmes.

Chez les cols blancs, les travailleurs de la santé étaient plus à risque de blessure (3 %) que l'effectif global (2 % – données non présentées). Dans les affaires, la finance et l'administration, le risque était significativement moindre.

Les cuisiniers et les machinistes subissent plus de blessures

Chez les cols bleus, la forte fréquence des blessures (par rapport aux cols blancs) conjuguée à la grande taille de l'échantillon de l'ESCC a permis de comparer la prévalence des blessures entre les professions dans chaque catégorie.

Dans les ventes et les services, 7 % des personnes occupant un emploi de chef ou de cuisinier s'étaient blessées, ce qui dépasse significativement le taux (3 %) affiché pour la catégorie (tableau 3). Le risque était aussi plus élevé dans les services des aliments et des boissons et dans les services de protection.

Dans les métiers, le transport et la machinerie, le taux de blessure était étonnamment élevé (13 %) pour les machinistes et le personnel du formage, profilage et montage du métal. Il était aussi significativement plus élevé pour les mécaniciens que pour l'effectif de la catégorie.

Les travailleurs agricoles (qui englobent les entrepreneurs, les exploitants et les surveillants, mais non les manœuvres) représentaient 55 % de l'effectif des industries primaires (données non présentées). Sans surprise, leur taux de blessure ne différait pas significativement de celui de la catégorie dans son ensemble.

Dans la transformation, la fabrication et les services d'utilité publique, la fréquence des blessures était significativement plus élevée pour les machinistes que pour l'effectif de la catégorie (tableau 3).

Différents mécanismes

Près de la moitié (49 %) des blessures au travail déclarées lors de l'ESCC découlaient des efforts trop intenses ou des mouvements ardus, d'une part, ou des chutes, d'autre part (tableau 4). Ces résultats concordent étroitement avec ceux obtenus pour les États-Unis. Selon les données de la National Health Interview Survey de 1997-1999, 48 % des blessures au travail s'expliquaient par des chutes et par des efforts trop intenses ou des mouvements ardus11.
 
Selon les résultats de l'ESCC, une autre proportion de 32 % des blessures au travail était attribuable au contact accidentel avec un objet, une machine ou un outil tranchant, ou au fait d'avoir été frappé ou écrasé accidentellement par un objet.

Les blessures au travail ne sont pas sous-tendues par les mêmes mécanismes que celles qui surviennent ailleurs. Elles étaient plus de deux fois plus susceptibles que celles-ci d'être associées à un contact accidentel avec un objet, une machine ou un outil tranchant ou au fait d'avoir été frappé ou écrasé par un ou des objets. Le contact accidentel avec un objet, un liquide ou un gaz chaud était quatre fois plus susceptible d'avoir provoqué une blessure subie au travail qu'une blessure subie ailleurs.

Les blessures aux mains et au bas du dos sont les plus fréquentes

La main était la partie du corps la plus souvent blessée au travail (tableau 5). Les blessures aux mains intervenaient pour plus du quart (28 %); suivaient les blessures au bas du dos (16 %). Parmi les travailleurs ayant subi une blessure au travail, ceux des ventes et des services étaient plus à risque de s'être blessés à la main, alors que les cols blancs (regroupés) l'étaient moins. Les cols blancs étaient plus enclins à se blesser le bas du dos : le cinquième de leurs blessures affectait cette partie du corps.

Les entorses ou foulures étaient le type le plus fréquent de blessure au travail; elles étaient suivies des coupures, puis des fractures (tableau 6). Elles survenaient en proportion plus élevée chez les cols blancs que dans l'ensemble des travailleurs. Les fractures représentaient près du cinquième (19 %) des blessures dans les industries primaires, ce qui dépasse significativement le taux (11 %) observé pour l'effectif global. Les brûlures intervenaient pour 15 % des blessures dans les ventes et les services, ce qui est significativement plus élevé que dans l'ensemble des blessures au travail (6 %).

Traitement

Pour évaluer la gravité des blessures au travail déclarées lors de l'ESCC, on a comparé les proportions de personnes blessées ayant recherché des soins selon que les blessures étaient survenues au travail ou en d'autres circonstances. Les deux tiers (66 %) des personnes blessées au travail ont recherché des soins, ce qui dépasse significativement le taux des personnes blessées durant des activités sportives (52 %) ou l'exécution de tâches ménagères ou d'un autre travail non rémunéré (60 %) (tableau 7). Les résultats donnent à penser que les blessures au travail étaient plus graves, mais il se peut aussi que la recherche des soins ait été motivée par la nécessité de joindre une attestation de médecin à la demande d'indemnisation.
 
Afin d'examiner davantage la gravité des blessures au travail, on a regroupé sous la désignation de blessures « graves » celles qui comportent habituellement un plus grand risque (brûlure, commotion, fracture, blessure interne, blessures multiples). Pas moins de 15 % des personnes ayant subi ce genre de blessure avaient été hospitalisées, contre 1 % dans le cas des autres types de blessures (données non présentées). L'écart permet de valider leur désignation de blessures graves.

Selon cette définition, le taux de blessures graves au travail s'établissait à 20 %, ce qui est significativement inférieur aux taux correspondants pour les blessures survenues durant d'autres activités (tableau 7). Ainsi, 28 % des personnes blessées durant le trajet pour se rendre au travail ou rentrer chez elles avaient subi une blessure grave, de même que 23 % de celles qui s'étaient blessées en faisant du sport ou de l'exercice. À l'évidence, les résultats ne permettent pas de confirmer que les blessures graves surviendraient en plus forte proportion au travail qu'en d'autres circonstances.
 
Cependant, la proportion de blessures graves au travail variait selon la catégorie professionnelle — elle s'élevait à 27 % dans les ventes et les services, soit plus de deux fois le taux observé chez les cols blancs (13 %) (données non présentées). Les blessures graves étaient aussi significativement plus fréquentes dans les métiers et le transport, dans les industries primaires et dans la transformation et la fabrication.

La plupart des blessures au travail ayant amené à rechercher des soins ont été traitées au service d'urgence (51 %); venaient ensuite les cabinets de médecin (tableau 8). Moins d'une blessure non mortelle sur vingt a nécessité une hospitalisation.

Les emplois ardus posent des risques

Les participants à l'ESCC n'avaient pas à décrire leurs tâches particulières ni le matériel et les outils qu'ils utilisaient, mais ils ont fourni des renseignements sur l'effort physique requis pour leurs activités quotidiennes. Comme l'indiquent des études antérieures, la probabilité de subir une blessure au travail est sensiblement plus élevée chez les travailleurs dont l'emploi requiert des efforts ardus que chez ceux qui n'ont pas de telles exigences12,15,17-19. Chez les personnes faisant un travail lourd, les hommes étaient deux fois plus à risque de se blesser, et les femmes trois fois plus, que chez les personnes dont le travail était physiquement moins exigeant (tableau 9)

Lien entre les longues heures et les blessures

Outre le groupe professionnel et l'effort requis par les tâches, plusieurs aspects organisationnels de l'emploi se dégagent comme étant des corrélats importants des blessures au travail.

Chez les hommes, le nombre d'heures travaillées par semaine était associé aux blessures (tableau 9). La probabilité de se blesser était plus forte chez les hommes qui travaillaient 35 heures ou plus que chez ceux dont le nombre d'heures habituel était moins élevé. En outre, l'analyse donne à penser que le risque croît progressivement avec le nombre d'heures de travail. Cette observation va dans le sens d'études ayant montré que les emplois exigeant constamment des heures supplémentaires augmentent le risque de blessure au travail20. Chez les femmes, aucun écart significatif ne se dégage selon le nombre d'heures de travail.
 
Tant chez les hommes que chez les femmes, l'horaire régulier de jour comportait un risque de blessure significativement plus faible que pour le travail par quarts. Ces résultats corroborent ceux d'études ayant montré que le travail par quarts est associé à un risque de blessure plus élevé21,22. En outre, les hommes et les femmes qui travaillaient à leur compte étaient moins susceptibles de se blesser au travail que les personnes exerçant un emploi.

Le montant de la rémunération est un autre aspect de l'organisation du travail. Chez les hommes touchant 60 000 $ ou plus par année, 3 % s'étaient blessés au travail, ce qui est significativement plus faible que le taux observé pour les hommes touchant moins de 60 000 $ (tableau 9). Les femmes touchant moins de 40 000 $ par année couraient un risque significativement plus grand de se blesser au travail que celles dont le revenu était égal ou supérieur à 40 000 $. Évidemment, l'étude des blessures en fonction du revenu est de loin plus informative lorsqu'on tient compte de la profession, ce qui a été fait dans l'analyse multivariée (voir plus loin).
 
Tant chez les hommes que chez les femmes, le cumul d'emplois comportait un risque de blessure significativement plus élevé que l'occupation d'un seul emploi.

Les résultats d'études antérieures sur la relation entre le stress et les blessures au travail ne sont pas concluants, peut-être à cause de la variété de mesures ayant servi à évaluer le stress et les blessures23. Une association significative se dégage de certaines études24-26, mais non d'autres27. L'analyse des données de l'ESCC révèle que le risque de blessure chez les femmes diffère significativement selon le niveau perçu de stress associé au travail, mais elle ne montre aucune tendance de ce genre chez les hommes. Un peu plus de 4 % des femmes ayant décrit leur travail comme « extrêmement » stressant avaient subi une blessure au travail, contre moins de 2 % de celles ayant déclaré que leur travail n'était « pas du tout » ou « pas tellement » stressant.

Risque accru chez les jeunes hommes

On a montré que des facteurs tels que la prédisposition à prendre des risques influent sur la probabilité de se blesser au travail28. L'ESCC ne donne pas de mesure directe de ce genre de facteurs, mais pour l'étude des blessures au travail, elle fournit des données pertinentes sur les caractéristiques personnelles et sociodémographiques : sexe, âge, race, niveau de scolarité, usage du tabac, consommation d'alcool, indice de masse corporelle, problèmes de santé chroniques diagnostiqués et stress de la vie quotidienne.
 
Chez les hommes, le taux de blessure au travail diminue en général avec l'âge, ce qui, dans certains cas, pourrait tenir à l'expérience acquise. Par rapport aux 18 à 24 ans, les 25 à 34 ans étaient significativement plus à risque de blessure; c'était moins le cas chez les 45 ans et plus (tableau 10). Dans une certaine mesure, le faible taux de blessure chez les 18 à 24 ans pourrait refléter une meilleure probabilité d'occuper un emploi à temps partiel et, donc, une moindre exposition au risque. Compte tenu du nombre d'heures de travail, le taux de blessure ne diffère pas significativement chez les 18 à 24 ans et chez les 25 à 34 ans (données non présentées). Chez les femmes, la probabilité de se blesser au travail était la même à tous les âges. Les résultats pour les hommes vont dans le sens des études ayant montré que le risque de blessure au travail est plus élevé chez les jeunes que chez ceux d'âge moyen ou avancé35,40,41.

D'autres caractéristiques sociodémographiques, c'est-à-dire la race et le niveau de scolarité dans le ménage, sont associées au risque de blessure au travail. Ce dernier était plus faible chez les hommes non blancs que chez ceux de race blanche, résultat qui confirme certains rapports publiés au Canada et aux États-Unis28,38. Les travailleurs vivant dans un ménage dont au moins un membre avait poursuivi ses études après le secondaire étaient moins à risque de se blesser que pour les ménages dont personne n'avait dépassé le secondaire. Les constatations relatives au niveau de scolarité corroborent celles d'une étude menée en Israël selon laquelle les travailleurs ayant moins de 12 années d'études sont plus à risque de se blesser que ceux ayant étudié plus longtemps19.

Blessures plus fréquentes chez les fumeurs

Les blessures au travail sont également associées à des facteurs de risque influant sur la santé. Les travailleurs atteints d'au moins trois problèmes de santé chroniques étaient plus à risque de blessure au travail que ceux qui déclaraient deux de ces problèmes ou moins. Les problèmes chroniques associés de façon significative aux blessures au travail incluent la migraine, l'arthrite, les ulcères à l'estomac et la sensibilité aux agresseurs chimiques (données non présentées).
 
En concordance avec des observations publiées ailleurs, les hommes et les femmes qui fumaient tous les jours étaient plus à risque de blessure que les personnes qui fumaient à l'occasion ou pas du tout (tableau 10)24,42-44. Le lien entre l'usage du tabac et le risque de blessure n'est pas compris entièrement, mais des travaux de recherche ont montré que l'usage du tabac est un précurseur de blessure45.

La consommation abusive d'alcool est également associée au risque de blessure. Chez les hommes qui ont dit abuser de l'alcool épisodiquement (avoir consommé au moins cinq verres d'alcool à une même occasion, au moins une fois par semaine au cours de l'année qui a précédé l'enquête), 6,2 % s'étaient blessés au travail, ce qui est significativement plus élevé que pour ceux qui avaient consommé un verre d'alcool ou plus l'année précédente, mais dont l'abus d'alcool (s'il existait) avait eu lieu moins d'une fois par mois (4,8 %). Chez les femmes, 3,5 % de celles qui abusaient de l'alcool hebdomadairement s'étaient blessées, contre 2,1 % de celles dont l'abus d'alcool était moins fréquent que mensuellement; étant donné le petit nombre de sujets, cette différence manque de peu le niveau de signification statistique (p=0,06). Certaines études ont dégagé une association positive entre l'abus d'alcool et les blessures au travail17,18,28,46-48, alors que d'autres n'ont pas observé cette relation36.

Les femmes obèses étaient deux fois plus à risque de se blesser au travail que celles dont le poids était situé dans la fourchette normale, soit 4 % contre 2 %. Les résultats pour les femmes vont dans le sens d'études ayant révélé une relation positive entre l'obésité et le risque de blessure au travail19,49. Aucun écart significatif n'a été observé chez les hommes.

Avant de faire intervenir d'autres facteurs (y compris le stress au travail), on a associé le stress dans la vie personnelle aux blessures au travail. Chez les hommes et les femmes ayant déclaré que la plupart de leurs journées étaient « extrêmement » stressantes, le risque de blessure était significativement plus élevé que chez les personnes ayant déclaré que la plupart de leurs journées n'étaient « pas du tout » ou « pas tellement » stressantes. Cette observation corrobore les résultats d'études sur le rôle du stress, quoique la variété des mesures utilisées pose des problèmes de comparabilité23.

Persistance des influences liées au travail

Pour étudier la relation entre les variables liées au travail et les blessures tout en neutralisant l'effet d'autres influences, on a rajusté deux modèles multivariés successivement pour chaque sexe. Le premier comprenait les variables liées au travail et le second comprenait en plus les variables sociodémographiques et d'autres facteurs de risque influant sur la santé (tableau 11).
 
La relation observée dans chacun des premiers modèles entre les facteurs liés au travail et les blessures au travail persiste généralement dans chacun des seconds modèles entièrement contrôlés. Mis à part l'âge, la race, le niveau de scolarité dans le ménage, les facteurs de risque influant sur la santé et le niveau de stress au travail, le risque de blessure au travail chez les hommes était de deux fois supérieur à celui observé pour les cols blancs, et ce, dans les métiers, le transport et la machinerie, dans les industries primaires et dans la transformation, la fabrication et les services d'utilité publique (tableau 11). Outre la catégorie professionnelle, l'effort physique requis par les tâches avait un effet significatif chez les hommes. Pour le levage d'objets lourds ou les activités éreintantes, le risque de blessure était de 70 % supérieur à celui associé à des emplois physiquement moins exigeants.
 
Chez les hommes touchant moins de 60 000 $ par année, le risque de blessure était plus élevé que chez ceux dont le revenu était égal ou supérieur à ce montant. En outre, la relation persiste entre les blessures et les longues heures de travail. Le risque de blessure au travail chez les hommes était de 40 % supérieur s'ils travaillaient de 45 à 79 heures par semaine et près de deux fois supérieur s'ils travaillaient 80 heures ou plus, comparativement à ceux qui travaillaient moins de 35 heures par semaine. Le risque était aussi plus élevé s'ils travaillaient par quarts.

Certains résultats obtenus pour les femmes sont semblables à ceux observés pour les hommes (tableau 11). Outre les trois catégories professionnelles dans lesquelles le risque de blessure était élevé pour les hommes, on observait un risque élevé pour les femmes dans les ventes et les services. L'effort physique au travail accroissait le risque de blessure chez les femmes, de même que le travail par quarts et le cumul d'emplois. Travailler à son compte avait un effet protecteur. Chez les femmes, cependant, il ne se dégage aucune relation significative entre le risque de blessure au travail et le niveau de revenu tiré d'un emploi ou le nombre d'heures travaillées.

Persistance du lien avec le stress au travail chez les femmes

Au contraire de ce qui s'observe chez les hommes, le risque de blessure chez les femmes croît en fonction du niveau de stress au travail. Comparativement aux femmes qui jugeaient leur travail « pas du tout » ou « pas tellement » stressant, le risque augmentait progressivement chez celles qui ressentaient davantage le stress au travail (tableau 11). Même lorsqu'on tenait compte de l'effet du stress dans la vie personnelle, le risque était près de trois fois supérieur chez les femmes qui considéraient leur emploi « extrêmement » stressant que chez celles pour qui le travail n'était pas stressant. Autrement dit, il existe une association unique entre le stress au travail et le risque de blessure, en sus de toute influence du stress éprouvé dans la vie en général. Cette observation s'appuie toutefois sur des données transversales et pourrait refléter un lien de causalité inverse : le fait d'avoir subi une blessure au travail et ses conséquences pourrait accroître le niveau de stress.

À part les facteurs liés au travail, certains facteurs de risque influant sur la santé sont significativement corrélés aux blessures au travail. Parmi ces facteurs, il convient de mentionner ceux qui sont modifiables. Le risque de blessure était significativement élevé chez les hommes et les femmes qui fumaient tous les jours. En outre, chez les femmes, l'effet de l'obésité était indépendamment significatif; le risque était près de deux fois supérieur pour les femmes obèses que pour celles dont le poids se situait dans la fourchette normale. Les résultats d'études ayant traité du lien entre l'usage du tabac et l'obésité, d'une part, et les blessures au travail, d'autre part, sont contradictoires. Certaines études laissent entendre que les facteurs individuels, dont le poids et l'usage du tabac, ne sont pas associés significativement aux blessures au travail lorsqu'on tient compte de l'effet des facteurs liés au travail36,50,51, alors que d'autres produisent des résultats qui concordent davantage avec ceux fondés sur les données de l'ESCC44,49.

Mot de la fin

Plus d'un demi-million de Canadiens ont subi une blessure au travail en 2003. La majorité (72 %) étaient des hommes et près des trois quarts étaient des cols bleus. Ces résultats sont un rappel que, malgré des progrès récents52, un bon nombre de travailleurs subissent encore des blessures et que le risque n'est pas réparti uniformément dans la population active.
 
Une meilleure compréhension des circonstances entourant les blessures devrait contribuer au succès des efforts en vue de les prévenir. L'analyse des données de l'ESCC révèle la présence de facteurs étroitement liés aux blessures au travail. Certains sont inhérents à l'emploi, d'autres reflètent les conditions personnelles ou socioéconomiques.

Plusieurs facteurs liés aux blessures au travail sont les mêmes chez les hommes et les femmes, y compris le travail par quarts, les exigences physiques de l'emploi, les problèmes de santé chroniques et l'usage du tabac. D'autres facteurs diffèrent selon le sexe. Par exemple, les femmes cumulant les emplois et celles dans les ventes et les services sont plus à risque de blessure que l'ensemble des femmes occupées de la désignation des cols blancs, mais ces relations ne sont pas significatives chez les hommes. Par contre, le revenu et les longues heures de travail sont associés aux blessures chez les hommes, mais non chez les femmes. En revanche, les femmes obèses sont plus à risque de blessure que les autres, ce qui ne s'observe pas chez les hommes. Enfin, l'auto-évaluation du stress au travail est étroitement liée aux blessures au travail chez les femmes, mais non chez les hommes.

Les résultats tirés des données de l'ESCC contribuent à délimiter les caractéristiques individuelles et des conditions de travail qui sont associées à un accroissement du risque de blessure au travail, et évoquent donc des domaines vers lesquels pourraient être orientées les stratégies de prévention des blessures. Outre les programmes visant à promouvoir le renoncement au tabac, le maintien d'un poids santé et la réduction du stress, il s'agirait d'insister sur les programmes de sécurité au travail à l'intention des travailleurs occupant un emploi qui les expose à un risque élevé. Les résultats de l'étude soulignent aussi, en ce qui concerne le risque de blessure, l'importance des facteurs que les employeurs peuvent modifier, y compris les dangers au travail et la conception de l'équipement, les horaires et la répartition des charges.