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  1. Introduction
  2. Données
  3. Quels sont les travailleurs qui ont été mis à pied au cours des trois dernières récessions?
  4. Comment les taux de mise à pied ont-ils varié d'une récession à l'autre?
  5. Comment les probabilités de trouver un emploi rémunéré peu après avoir été mis à pied ont-elles varié d'une récession à l'autre?
  6. Comment la rémunération se compare-t-elle avant et après la mise à pied?
  7. Conclusion

1   Introduction

Au cours des trois dernières décennies, le Canada a connu trois récessions. Par suite de celles-ci, les taux de chômage ont augmenté de façon marquée de 1981 à 1983, de 1990 à 1992 et, plus récemment, après octobre 2008. Afin de faire la lumière sur les répercussions de ces ralentissements sur le marché du travail, la présente étude vise à répondre à quatre questions : 

  1. Quels sont les travailleurs qui ont été mis à pied au cours de ces récessions?
  2. Comment les taux de mise à pied ont-ils varié d'une récession à l'autre?
  3. Comment les probabilités de trouver un emploi peu après avoir été mis à pied ont-elles varié d'une récession à l'autre?
  4. Parmi les travailleurs qui ont réussi à trouver un emploi rémunéré peu après avoir été mis à pied, comment la rémunération se compare-t-elle avant et après la mise à pied?

Étant donné que des mouvements importants se sont produits dans la composition de l'emploi selon l'industrie, l'âge des travailleurs et le niveau de scolarité des travailleurs au cours des trois dernières décennies, l'étude vise d'abord à évaluer dans quelle mesure : a) les travailleurs mis à pied au cours de la dernière récession différaient de leurs homologues mis à pied au début des années 1980 et au début des années 1990; b) les changements temporels dans le profil des travailleurs peuvent être expliqués par les effets de composition mentionnés précédemment. Les taux de mise à pied de chaque récession sont aussi fournis.

Puis, on évalue la probabilité que les travailleurs mis à pied trouvent un emploi à court terme, c'est-à-dire dans une période allant d'un mois à quatre mois après la mise à pied. On vise en outre à déterminer si les facteurs qui facilitent ou empêchent le réemploi à court terme sont différents maintenant de ce qu'ils étaient au début des années 1980 et au début des années 1990.

Enfin, on compare la rémunération horaire et la rémunération hebdomadaire avant et après la mise à pied. Un effort considérable est consacré à documenter le fait que les travailleurs mis à pied connaissent des changements de rémunération à court terme relativement hétérogènes, des proportions substantielles d'entre eux faisant face à des hausses de rémunération ou à des pertes substantielles de rémunération. Du fait des limites dans les données, la comparaison qui précède vise uniquement la dernière récession.

Afin d'examiner les quatre questions énoncées précédemment, l'étude tire parti de la nature par panel de l'Enquête sur la population active (EPA), dans laquelle les ménages sont interviewés une fois par mois pendant six mois consécutifs. Toutefois, même si dans le cas de l'EPA on demande aux travailleurs mis à pied s'ils s'attendent à être rappelés, on ne recueille pas de données sur leur retour chez le même employeur (peu importe leurs attentes en matière de rappel). Ainsi, les données ne permettent pas de différencier les mises à pied permanentes et temporaires, comme c'est le cas dans le Fichier de données longitudinales sur la main-d'oeuvre (FDLMO) de Statistique Canada, une autre source de données utilisée pour étudier les pertes d'emploi. Par conséquent, le concept de mise à pied utilisé dans le présent article comprend à la fois les mises à pied temporaires et permanentes et n'est pas équivalent au concept de perte d'emploi (en raison de mises à pied permanentes) utilisé dans des études antérieures fondées sur le FDLMO (p. ex., Morissette, 2004; Morissette, Zhang et Frenette, 2007). En dépit de cette limite, les données de l'EPA contribuent à brosser un tableau complet des déterminants et des conséquences à court terme des mises à pied au cours des trois dernières récessions. Les principales constatations peuvent être résumées de la façon suivante.

Les travailleurs canadiens étaient moins susceptibles d'être mis à pied au cours de la dernière récession que leurs homologues au début des années 1980 et au début des années 1990. Évaluée sur une base mensuelle, la probabilité de mise à pied au début des années 1980 se situait en moyenne à 2,9 %; ce taux était presque 1,5 fois plus élevé que celui de 2,0 % observé de 2008 à 2011. La probabilité de mise à pied se situait en moyenne à 2,7 % au début des années 1990 1 .

Au cours des trois périodes, les probabilités d'être mis à pied de façon temporaire ou permanente étaient relativement élevées chez les jeunes travailleurs (ceux de 15 à 24 ans), les personnes sans diplôme universitaire, les employés nouvellement recrutés (ceux comptant deux ans ou moins d'ancienneté), et les personnes travaillant dans le secteur des biens. Toutefois, ces tendances ne sont pas propres aux périodes de ralentissement économique : elles sont aussi observées en périodes d'expansion.

L'étude, qui compare la probabilité de mise à pied associée à diverses caractéristiques dans chacune des trois récessions, a permis de déterminer que les travailleurs mis à pied au cours de la dernière récession étaient plus âgés, plus scolarisés et moins susceptibles de provenir du secteur de la fabrication que ceux mis à pied au début des années 1980 ou au début des années 1990. Ces changements temporels dans le profil des travailleurs mis à pied ont découlé principalement d'effets de composition, c'est-à-dire de changements dans le profil d'âge/de scolarité de la main-d'oeuvre canadienne, ainsi que du recul séculaire du secteur de la fabrication.

Toutefois, les effets de composition ne sont pas à l'origine de tous les changements dans le profil des travailleurs mis à pied. Par exemple, les employés mis à pied de 2008 à 2011 avaient plus d'ancienneté que leurs homologues mis à pied au début des années 1980 et au début des années 1990, même une fois contrôlés les changements dans le profil d'ancienneté de la main-d'oeuvre canadienne. Toutes choses étant égales par ailleurs, les travailleurs ayant un niveau élevé d'ancienneté (ceux comptant plus de cinq ans d'ancienneté) étaient moins susceptibles d'être mis à pied que les employés nouvellement recrutés (ceux comptant deux années ou moins d'ancienneté) au cours des trois récessions. Toutefois, l'ancienneté moyenne des travailleurs mis à pied, mesurée du point de vue de la probabilité d'être mis à pied, était moins élevée au cours de la dernière récession que pendant les deux précédentes. Une fois contrôlées les caractéristiques individuelles, les travailleurs ayant un niveau élevé d'ancienneté affichaient une probabilité plus faible de 6 points de pourcentage d'être mis à pied que les employés nouvellement recrutés au début des années 1980 et au début des années 1990. Par contre, la différence correspondante diminuait, pour s'établir à 3 points de pourcentage de 2008 à 2011, la probabilité de mise à pied des employés nouvellement recrutés ayant diminué au fil du temps.

Parmi tous les travailleurs mis à pied pendant la période de 2008 à 2011, 50 % ont trouvé un emploi rémunéré au cours des quatre mois suivant leur déplacement. Cette proportion est significativement plus élevée (tant statistiquement que quantitativement) que la proportion correspondante de 42 % observée au cours des deux récessions précédentes.

Les travailleurs les plus susceptibles d'être réemployés à court terme affichaient les caractéristiques suivantes : ils s'attendaient initialement à être rappelés; ils avaient un diplôme universitaire; et ils comptaient plus de cinq ans d'ancienneté.

En moyenne, les employés qui ont été mis à pied au cours de la dernière récession et qui ont trouvé un emploi peu après ont vu leur rémunération hebdomadaire moyenne diminuer pour passer de 734 $ à 703 $. Toutefois, le quart a vu sa rémunération hebdomadaire diminuer de 23 % ou plus, tandis qu'un autre quart a vu sa rémunération hebdomadaire augmenter d'au moins 18 %.

Les baisses moyennes de la rémunération hebdomadaire se sont chiffrées à au moins 10 % pour les travailleurs suivants : ceux qui ont cessé d'être syndiqués; ceux qui sont passés d'une entreprise comptant au moins 100 employés à une entreprise plus petite; ceux qui ont changé d'industrie et de profession dans leur nouvel emploi. Collectivement, ces groupes représentaient environ le quart des travailleurs mis à pied qui ont été réemployés au cours de la dernière récession. Par contre, les employés qui sont devenus syndiqués ou qui sont passés d'entreprises comptant moins de 100 employés à des entreprises en comptant 100 ou plus ont enregistré des hausses moyennes de leur rémunération hebdomadaire entre 8 % et 11 %. Collectivement, ces groupes représentaient environ 17 % des travailleurs mis à pied qui ont été réemployés au cours de la dernière récession. Des études antérieures ont démontré que les travailleurs ayant un niveau élevé d'ancienneté qui sont mis à pied connaissent souvent des pertes substantielles et soutenues de revenu (Jacobson, LaLonde et Sullivan, 1993; Morissette, Zhang et Frenette, 2007; Couch et Placzek, 2010). Étant donné qu'une proportion plus grande (28 %) de travailleurs ayant un niveau élevé d'ancienneté ont été mis à pied au cours de la dernière récession qu'au début des années 1990 (17 %) ou qu'au début des années 1980 (16 %), il importe dans le cadre des recherches futures de déterminer si les pertes de revenu à long terme des travailleurs déplacés au cours de la dernière récession seront plus élevées ou plus faibles que celles de leurs homologues déplacés pendant les récessions précédentes.

Outre les taux de mise à pied plus faibles et les taux de réemploi à court terme plus élevés que pendant les deux récessions précédentes, le dernier ralentissement a aussi été de plus courte durée. L'emploi total (désaisonnalisé) a mis 27 mois à revenir à son niveau d'avant la récession, comparativement à 53 mois au début des années 1990 et à 40 mois au début des années 1980.

Les taux de mise à pied plus faibles observés pendant la dernière récession rendent compte de la baisse relativement peu élevée de l'emploi, du pic au creux, observée ces dernières années. Comme le souligne Cross (2011), la baisse de l'emploi du pic au creux observée en 2008-2009 se chiffrait à 2,4 %, comparativement à 5,4 % au début des années 1980 et à 3,4 % au début des années 1990 2 .

Le présent document est organisé de la façon suivante. Les données utilisées dans l'analyse sont décrites dans la section 2. La section 3 dresse un profil des travailleurs mis à pied au cours des trois dernières récessions. La section 4 compare les taux de mise à pied d'une récession à l'autre. La section 5 documente l'évolution des taux d'emploi peu après la mise à pied. La section 6 quantifie les changements de rémunération qu'ont connus les employés mis à pied au cours de la dernière récession et qui ont trouvé un emploi peu après avoir été mis à pied. Le tout est suivi par une conclusion.

2   Données

Les données utilisées dans la présente étude sont tirées du fichier principal de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada. L'EPA est une enquête avec renouvellement de panel dans laquelle les ménages sont interviewés pendant six mois consécutifs 3 . L'échantillon total comprend six sous-échantillons représentatifs, dont un est remplacé chaque mois après être demeuré six mois dans l'enquête. Ce renouvellement donne lieu à un chevauchement d'un mois à l'autre des cinq sixièmes de l'échantillon, ce qui permet des estimations des variations de la situation d'activité d'un mois à l'autre. Pour profiter de la nature par panel des données, un identificateur individuel (pseudonyme) est créé pour pouvoir identifier une personne donnée dans le panel de l'EPA 4  .

Afin de déterminer les travailleurs qui ont été mis à pied au cours des trois dernières récessions et d'évaluer comment les probabilités de mise à pied ont varié d'une récession à l'autre, on a construit l'échantillon suivant. Pour chacune des trois récessions, les mois observés entre le début de la baisse de l'emploi et le retour au niveau précédant la baisse sont choisis sur la base de l'emploi total désaisonnalisé. Par conséquent, les périodes « de sommet à sommet » des récessions mentionnées précédemment sont les suivantes : juin 1981 à octobre 1984; avril 1990 à septembre 1994; et octobre 2008 à janvier 2011 5 . C'est pourquoi, dans l'étude, la période de 2008 à 2011 désigne la dernière récession.

Pour calculer le taux de mise à pied sur une base mensuelle, on tient compte des transitions mensuelles d'un emploi rémunéré au chômage en raison d'une mise à pied. Pour chaque paire de mois sélectionnée, les nouveaux chômeurs (en raison d'une mise à pied) entre le mois t-1 et le mois t sont divisés par le nombre de travailleurs ayant un emploi rémunéré au cours du mois t-1. Cela produit des taux de mise à pied propres à un mois. La répartition en moyenne de ces taux de mise à pied propres à un mois entre toutes les paires de mois observées au cours des périodes de sommet à sommet produit un taux de mise à pied pour une récession économique donnée 6 . Ce taux de mise à pied est calculé pour un échantillon de travailleurs rémunérés de 15 à 64 ans le mois précédant la mise à pied qui ne sont pas étudiants à temps plein. De plus amples détails concernant l'identification des travailleurs mis à pied figurent à l'appendice II.

Les taux de mise à pied compris dans la présente étude diffèrent de ceux publiés dans Morissette (2004) et Morissette, Zhang et Frenette (2007) pour deux raisons. Tout d'abord, les études mentionnées précédemment mettaient l'accent sur les mises à pied permanentes et, par conséquent, excluaient les mises à pied temporaires. Même si, dans le cadre de l'EPA on demande aux travailleurs mis à pied s'ils s'attendent à être rappelés, on ne peut évaluer si un travailleur mis à pied l'année t travaille à nouveau pour le même employeur l'année t ou l'année t+1 (peu importe les attentes de cette personne en matière de rappel). Ainsi, on ne peut pas faire de différence entre les mises à pied permanentes et temporaires, selon la définition de ces termes dans le FDLMO 7 . En deuxième lieu, les taux de mise à pied compris dans la présente étude sont calculés sur une base mensuelle. Par contre, les taux de mise à pied présentés dans les études mentionnées précédemment ont été calculés sur une base annuelle. Même si le nombre de travailleurs risquant d'être mis à pied (c.-à-d. le dénominateur du calcul des taux de mise à pied) diffère relativement peu, que les calculs soient effectués sur une base mensuelle ou sur une base annuelle, le nombre de travailleurs mis à pied est, comme il fallait s'y attendre, beaucoup moins élevé lorsque l'intervalle pris en compte est d'un mois plutôt que d'un an 8 .

Afin de déterminer comment les probabilités de trouver un emploi rémunéré peu après avoir été mis à pied ont évolué d'une récession à l'autre, ainsi que de quantifier les variations de rémunération des travailleurs mis à pied qui ont trouvé un emploi rémunéré peu après avoir été mis à pied, l'étude profite du fait que l'EPA suit les travailleurs pendant une période de six mois.

L'échantillon utilisé pour cette partie de l'analyse est constitué des personnes qui : a) sont observées les six mois consécutifs dans chaque panel; b) ont entre 15 et 64 ans les six mois; c) ne sont pas des étudiants à temps plein pendant l'un ou l'autre des six mois; d) sont employées comme travailleurs rémunérés au cours du premier mois du panel; et e) ont été mises à pied à un moment donné entre le deuxième mois et le cinquième mois 9 . On mesure ensuite le pourcentage de ces travailleurs qui sont réemployés au cours des six mois et l'ampleur des variations de rémunération et des changements dans le nombre habituel d'heures hebdomadaires que connaissent ceux qui sont réemployés.

On compare les taux de réemploi à court terme — taux d'emploi observé au cours des quatre mois suivant la mise à pied — entre les trois récessions 10 . Par contre, les variations de rémunération sont examinées uniquement pour la dernière récession. Cela vient de ce que les données de l'EPA sur la rémunération sont disponibles uniquement à partir de 1997. Pour mettre les chiffres en contexte, les variations de rémunération au cours de la période de 2008 à 2011 sont comparées à celles observées dans la période d'expansion qui a immédiatement précédé le début du ralentissement. Au total, 23 panels (six mois) de juillet 2006 à octobre 2008 sont établis à cette fin.

3   Quels sont les travailleurs qui ont été misà pied au cours des trois dernières récessions?

3.1  Contexte

Il est bien connu que les travailleurs canadiens ont pris de l'âge, sont devenus plus scolarisés et sont devenus plus susceptibles de travailler dans le secteur des services au cours des trois dernières décennies. Par conséquent, le profil des travailleurs mis à pied au cours d'une récession donnée peut avoir changé au fil du temps. Cette question est abordée dans le tableau 1.

Les travailleurs mis à pied au cours de la période de 2008 à 2011 différaient de leurs homologues mis à pied au début des années 1980 et au début des années 1990 à plusieurs égards : le premier groupe était plus âgé et plus scolarisé et comptait un plus grand nombre d'années d'ancienneté.

Presque 40 % des travailleurs mis à pied au cours de la dernière récession étaient âgés de 45 ans ou plus, soit le double du taux de 19 % observé au début des années 1980. Parallèlement, la proportion de travailleurs de 15 à 24 ans mis à pied a diminué pour passer de 35 % à 19 %.

Au total, 16 % des travailleurs mis à pied au cours de la période de 2008 à 2011 avaient un diplôme universitaire, comparativement à 8 % au début des années 1990 et à 5 % au début des années 1980 11 . En outre, 28 % comptaient plus de cinq ans d'ancienneté, comparativement à 16 % au début des années 1980.

Les deux provinces les plus populeuses ont enregistré des changements significatifs dans la proportion de travailleurs mis à pied, mais dans des directions différentes. Alors qu'au Québec et en Ontario se trouvaient environ 60 % des travailleurs mis à pied au cours des trois récessions, la part de l'Ontario a augmenté pour passer d'environ 30 % au cours des deux premières récessions à 36 % au cours de celle de 2008 à 2011. Parallèlement, la part du Québec a diminué pour passer d'environ 30 % à 25 %.

Le profil d'industrie et de profession des travailleurs mis à pied a aussi changé au fil du temps 12 , 13 . Au début des années 1980, 46 % des travailleurs mis à pied provenaient des industries primaires, de la construction et de la fabrication. Les proportions correspondantes sont passées à 43 % au début des années 1990 et à 38 % au cours de la dernière récession. Par contre, un nombre relativement plus élevé de professionnels, de semi-professionnels et de techniciens ont été mis à pied au cours de la dernière récession (19 %) qu'au début des années 1990 (13 %) 14 .

En dépit de la proportion croissante de femmes dans la population active (tableau explicatif 2), la proportion d'hommes et de femmes mis à pied est demeurée relativement stable au cours des trois récessions, les femmes représentant de 40 % à 43 % de tous les employés mis à pied.

3.2  Effets de composition

Comme le montre le tableau explicatif 1, des changements dans le profil des travailleurs mis à pied, selon l'âge, le niveau de scolarité et l'industrie, ont aussi été observés en périodes d'expansion. Ces changements étaient prévisibles étant donné, comme il a été mentionné précédemment, que les travailleurs canadiens ont pris de l'âge, qu'ils sont devenus plus scolarisés et qu'ils sont devenus moins susceptibles de travailler dans le secteur des biens au cours des trois dernières décennies (tableau explicatif 2).

Dans quelle mesure les changements dans le profil des travailleurs mis à pied découlent-ils de ces effets de composition? Le tableau 2 répond à cette question au moyen d'analyses shift-share. La question posée est la suivante : Quel aurait été le profil d'âge (de scolarité, d'ancienneté, d'industrie) des travailleurs mis à pied au cours de la période de 2008 à 2011, si le profil d'âge (de scolarité, d'ancienneté, d'industrie) des travailleurs rémunérés était demeuré le même que celui de 1981 à 1984?

Par exemple, la proportion de travailleurs de 45 à 64 ans mis à pied a augmenté de près de 20 points de pourcentage entre 1981 et 1984, et 2008 et 2011 (tableau 2, colonne 3). Si la répartition de l'emploi selon l'âge était demeurée inchangée, l'augmentation n'aurait été que d'environ 3 points de pourcentage (colonne 4). Ainsi, le vieillissement de la main-d'oeuvre représente au moins 80 % (17 points de pourcentage sur 20) de l'augmentation de la proportion de travailleurs de 45 à 64 ans mis à pied entre le début des années 1980 et la dernière récession.

Une comparaison des colonnes 3 et 4 révèle aussi que les augmentations du niveau de scolarité des travailleurs explique environ 80 % de la hausse de la proportion de travailleurs mis à pied titulaires d'un diplôme universitaire. De même, les baisses de l'importance relative de l'emploi dans le secteur de la fabrication tiennent pleinement compte de la baisse de la proportion de travailleurs mis à pied provenant de ce secteur, tandis que les hausses de l'importance relative des services hautement spécialisés représentent presque les deux tiers de l'augmentation de la proportion de travailleurs mis à pied provenant de ce secteur.

Même si les mouvements dans la composition de la population active et de la structure industrielle ont été à l'origine de la majeure partie des changements dans la composition des travailleurs mis à pied selon l'âge, le niveau de scolarité et l'industrie 15 , ils expliquent très peu la croissance de la proportion de travailleurs mis à pied ayant un niveau élevé d'ancienneté. La proportion de travailleurs mis à pied comptant plus de cinq années d'ancienneté a augmenté d'environ 12 points de pourcentage entre le début des années 1980 et 2008 à 2011 (tableau 2, colonne 3). Si la répartition de l'emploi selon les niveaux d'ancienneté était demeurée inchangée à ses niveaux de 1981 à 1984, la hausse correspondante se serait chiffrée à 10 points de pourcentage (tableau 2, colonne 4). Ainsi, la majeure partie de la hausse de la proportion de travailleurs mis à pied ayant un niveau élevé d'ancienneté se serait produite en l'absence d'effets de composition. Cela laisse supposer que la majeure partie de cette croissance a été motivée par des changements différentiels dans les taux de mise à pied selon les niveaux d'ancienneté. Le tableau 3 appuie cette hypothèse : entre 1981 et 1984 et 2008 et 2011, les taux de mise à pied ont diminué chez les travailleurs comptant au plus cinq ans d'ancienneté, mais pas chez leurs homologues ayant une plus grande ancienneté.

De même, le tableau 2 montre que la hausse complète (5,0 points de pourcentage) de la proportion de travailleurs mis à pied en Ontario se serait produite même si la répartition de l'emploi selon la région était demeurée stable au fil du temps. Sur le plan comptable, la proportion croissante de travailleurs mis à pied provenant de l'Ontario vient du fait que, par rapport à la moyenne canadienne, les taux de mise à pied en Ontario ont augmenté substantiellement entre 1981 et 1984 et 2008 et 2011 (tableau explicatif 3).

En résumé, les changements dans la composition de la main-d'oeuvre et les transferts d'emploi entre les industries ont été à l'origine, de façon générale, de la majeure partie des changements dans le profil des travailleurs mis à pied entre 1981 à 1984 et 2008 à 2011. Toutefois, les changements dans les taux de mise à pied relatifs ont modifié de façon significative la proportion de travailleurs mis à pied ayant un niveau élevé d'ancienneté, ainsi que la proportion d'employés mis à pied provenant de l'Ontario ou employés précédemment dans le commerce de détail, l'hébergement et les services de restauration. Ces conclusions se maintiennent lorsque des analyses contrefactuelles reposant sur une composition stable de l'emploi rémunéré entre le début des années 1990 (plutôt que le début des années 1980) et 2008 à 2011 sont prises en compte (tableau explicatif 4).

4   Comment les taux de mise à pied ont-ils variéd'une récession à l'autre?

4.1  Résultats descriptifs

Dans l'ensemble, les probabilités pour les Canadiens d'être mis à pied étaient plus faibles au cours du dernier recul de l'emploi que pendant les deux précédents. Sur une base mensuelle, le taux de mise à pied agrégé mesuré de 2008 à 2011 se situait en moyenne à 2,0 %, comparativement à 2,7 % pour le début des années 1990 et à 2,9 % pour le début des années 1980 (tableau 3 et graphique 116 . Encore une fois, ces statistiques comprennent les mises à pied temporaires et permanentes 17 .

Dans la plupart des regroupements démographiques étudiés, les taux de mise à pied étaient plus faibles de 2008 à 2011 que de 1981 à 1984 ou de 1990 à 1994. Quelques exceptions méritent d'être soulignées. Les titulaires de diplôme universitaire et les travailleurs comptant plus de cinq ans d'ancienneté n'ont pas connu une probabilité plus faible de mise à pied de 2008 à 2011 par rapport aux deux récessions précédentes. Par conséquent, ces groupes ont tous connu une augmentation de leurs taux de mise à pied relatifs, c'est-à-dire leurs taux de mise à pied divisés par le taux de mise à pied global (tableau explicatif 3).

Les travailleurs les plus susceptibles d'être mis à pied au cours de la dernière récession étaient de sexe masculin, avaient de 15 à 24 ans, comptaient deux ans ou moins d'ancienneté dans l'entreprise, n'avaient pas de diplôme universitaire, vivaient dans les provinces de l'Atlantique, et travaillaient dans les industries primaires et la construction.

Par exemple, les taux de mise à pied chez les travailleurs de 15 à 24 ans se chiffraient à 3,4 %, soit deux fois le taux de 1,7 % chez leurs homologues de 35 à 44 ans. Avec un taux de mise à pied de 3,6 %, les employés nouvellement recrutés (ceux comptant deux ans ou moins d'ancienneté) étaient trois fois plus susceptibles d'être mis à pied que leurs homologues comptant de 10 à 20 ans d'ancienneté. Les personnes qui n'étaient pas titulaires d'un diplôme universitaire avaient des taux de mise à pied mensuels de 2,2 %, comparativement à 1,2 % pour les titulaires de diplôme universitaire.

Toutefois, toutes ces tendances qualitatives ont aussi été notées au cours des récessions précédentes (tableau 3), ainsi que pendant les périodes d'expansion précédentes 18 .

4.2  Déterminants de la probabilité d'être mis à pied

Afin de contrôler l'influence des facteurs confusionnels possibles, le tableau 4 présente les effets marginaux d'un modèle logit de la probabilité d'être mis à pied. La variable dépendante est égale à 1 (un) si un travailleur a été mis à pied et à 0 (zéro) autrement. L'ensemble des variables explicatives comprend un indicateur de sexe, un terme quadratique de l'âge, un indicateur binaire pour les titulaires de diplôme universitaire, des indicateurs de l'ancienneté, des indicateurs de région et des contrôles d'industrie larges.

Les résultats de cette analyse multidimensionnelle confirment les constatations de la section 4.1 : toutes choses étant égales par ailleurs, les jeunes travailleurs, les personnes comptant deux ans ou moins d'ancienneté, les travailleurs employés dans les industries primaires et la construction et ceux vivant dans les provinces de l'Atlantique ont fait face à la probabilité de mise à pied la plus élevée au cours de la dernière récession, ainsi qu'au cours des deux récessions précédentes.

Toutes choses étant égales par ailleurs, les travailleurs titulaires d'un diplôme universitaire étaient moins susceptibles d'être mis à pied que les autres travailleurs. La différence dans la probabilité de mise à pied se situait à 0,9 point de pourcentage au cours de la dernière récession, comparativement à 2,0 points de pourcentage au début des années 1980 (tableau 4).

Les travailleurs comptant plus de cinq ans d'ancienneté étaient moins susceptibles d'être mis à pied que les employés nouvellement recrutés. Toutefois, la différence dans la probabilité d'être mis à pied a diminué au fil du temps, passant de 6,4 points de pourcentage au début des années 1980 à 3,0 points de pourcentage au cours de la dernière récession. La différence a diminué principalement du fait que les employés nouvellement recrutés ont vu leur taux de mise à pied diminuer d'au moins 2,0 points de pourcentage entre les deux premières récessions et la dernière (tableau 319 .

Sur une base mensuelle, les différences interrégionales (absolues) dans la probabilité d'être mis à pied étaient moins prononcées au cours de la dernière récession que pendant les deux précédentes. Elles ont atteint un maximum de 1,6 point de pourcentage de 2008 à 2011, comparativement à 1,9 point de pourcentage au début des années 1980 et à 2,2 points de pourcentage au début des années 1990 20 . Pour toutes les périodes, le Québec et les provinces de l'Atlantique ont affiché une probabilité plus élevée de mise à pied que l'Ontario et l'Alberta. Toutefois, ces différences interrégionales se sont amoindries pendant la dernière récession et rendent compte de l'incidence différente de la dernière récession sur chaque province. Par exemple, la probabilité de mise à pied au Québec était supérieure de seulement 0,2 point de pourcentage à celle de l'Ontario pendant la dernière récession, comparativement à une probabilité supérieure de 1,0 point de pourcentage au début des années 1980 et de 1,1 point de pourcentage au début des années 1990. De même, la différence de probabilité de mise à pied entre le Québec et l'Alberta est passée de 1,4 point de pourcentage au début des années 1980 et 1990 à 0,8 point de pourcentage pendant la récession la plus récente. Contrairement au Québec et aux provinces de l'Atlantique, l'Alberta a constamment affiché des probabilités de mises à pied plus faibles que l'Ontario. Toutefois, la différence de probabilité de mise à pied entre l'Alberta et l'Ontario ne s'est pas réduite pendant la dernière récession. La Colombie-Britannique, qui a été relativement durement touchée au cours de la récession du début des années 1980, affichait une probabilité plus élevée de mise à pied que l'Ontario de 1981 à 1984, mais cela n'était pas le cas de 2008 à 2011. Toutes choses étant égales par ailleurs, la probabilité de mise à pied était de 0,5 point de pourcentage plus faible dans les provinces des Prairies qu'en Ontario au cours de la dernière récession.

Au cours des trois récessions, les probabilités d'être mis à pied étaient au moins 2 points de pourcentage plus faibles dans les industries productrices de services que dans les industries primaires et la construction. Les travailleurs de la fabrication étaient aussi moins susceptibles d'être mis à pied que leurs homologues des industries primaires et de la construction : la différence allait de 1,7 point de pourcentage à 2,9 points de pourcentage, selon la récession étudiée.

Globalement, le tableau 4 confirme que, pendant les trois récessions, la probabilité pour les travailleurs d'être mis à pied a varié de façon uniforme selon les aspects suivants : âge, scolarité, niveaux d'ancienneté, région et industrie 21 .

5   Comment les probabilités de trouver un emploi rémunérépeu après avoir été mis à pied ont-elles variéd'une récession à l'autre?

Parmi tous les travailleurs rémunérés qui ont été mis à pied de 2008 à 2011, la moitié ont trouvé un emploi rémunéré au cours des quatre mois suivant leur mise à pied (tableau 5). Ce pourcentage est plus élevé que la proportion correspondante d'environ 42 % observée au début des années 1980 et au début des années 1990 (graphique 222 , 23  .

Pour de nombreux groupes de travailleurs, les taux d'emploi à court terme par suite de mises à pied étaient plus élevés de 2008 à 2011 qu'au cours des deux récessions précédentes. Comparativement à ceux du début des années 1980 et du début des années 1990, les taux d'emploi de 2008 à 2011 ont augmenté pour se situer entre 5,0 points de pourcentage et 13,0 points de pourcentage chez les travailleurs de sexe masculin et féminin. Ils ont augmenté d'au moins 9,0 points de pourcentage chez les travailleurs plus jeunes (34 ans et moins) et d'au moins 6,0 points de pourcentage chez les travailleurs plus âgés (35 ans et plus). Dans le cas des travailleurs ayant un niveau de scolarité inférieur au niveau universitaire, le taux d'emploi a augmenté d'environ 7 points de pourcentage; chez les diplômés universitaires, l'augmentation s'est située entre 8,0 points de pourcentage et 12,0 points de pourcentage. Chez les travailleurs ayant peu d'ancienneté (deux ans ou moins), l'augmentation du taux d'emploi se situe à environ 6 points de pourcentage. Les taux ont augmenté d'au moins 10,0 points de pourcentage pour les travailleurs des provinces de l'Atlantique, du Québec et des provinces des Prairies. Les travailleurs qui étaient employés dans les services publics au moment de leur mise à pied ont aussi vu leurs taux d'emploi augmenter d'au moins 10,0 points de pourcentage.

Dans le cas des autres groupes, les taux d'emploi par suite de mises à pied se sont relativement peu améliorés. Cela était le cas pour les travailleurs ayant un niveau élevé d'ancienneté (plus de cinq ans), ceux vivant en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, ainsi que ceux employés dans la fabrication et les services hautement spécialisés.

Les taux d'emploi à court terme ont aussi varié selon les caractéristiques des travailleurs. Cela est démontré dans le tableau 6, qui comporte une analyse multidimensionnelle de la probabilité d'être réemployé. Toutes choses étant égales par ailleurs, les travailleurs mis à pied qui s'attendaient à être rappelés affichaient une probabilité d'au moins 14 points de pourcentage plus élevée de trouver un emploi rémunéré à court terme que ceux qui ne s'attendaient pas à être rappelés 24 . Les employés titulaires d'un diplôme universitaire étaient plus susceptibles de trouver un emploi rémunéré à court terme que les autres (la différence se situant à environ 5 points de pourcentage).

La probabilité pour les travailleurs ayant un niveau élevé d'ancienneté de connaître des taux relativement élevés de réemploi à court terme a évolué différemment selon les groupes. Les travailleurs ayant un niveau élevé d'ancienneté qui s'attendaient à être rappelés étaient plus susceptibles d'être réemployés que leurs homologues nouvellement recrutés au cours des deux premières récessions : les taux de réemploi du premier groupe dépassaient ceux du dernier groupe de 6,0 points de pourcentage à 7,0 points de pourcentage au cours des deux premières récessions et d'environ 3 points de pourcentage (mesure imprécise) de 2008 à 2011. Parmi les travailleurs qui ne s'attendaient pas à être rappelés, cet avantage de l'ancienneté se situait à 9,0 points de pourcentage au début des années 1980, à 6,0 points de pourcentage dans les années 1990 et à 8,0 points de pourcentage de 2008 à 2011.

En général, les taux d'emploi ont peu varié d'une industrie à l'autre. Les services publics représentent une exception digne de mention. Au cours des trois récessions, les travailleurs mis à pied dans les services publics affichaient une probabilité d'au moins 10 points de pourcentage plus élevée d'être employés peu après leur mise à pied que ceux travaillant dans les industries primaires et la construction. Des recherches plus poussées sont nécessaires pour déterminer d'autres sources de cette différence 25 .

Comme il fallait s'y attendre, les travailleurs qui ont été mis à pied le quatrième ou le cinquième mois de l'interview de l'EPA étaient moins susceptibles d'avoir un emploi rémunéré le sixième mois que leurs homologues mis à pied le deuxième mois de l'interview de l'EPA.

Les différentes récessions ont affecté les régions différemment. Parmi des employés comparables, la probabilité d'être employés peu après une mise à pied était uniformément plus faible pour les travailleurs mis à pied dans les provinces de l'Atlantique que pour leurs homologues mis à pied en Ontario. Toutefois, la différence diminuait au fil du temps. Par contre, les travailleurs mis à pied dans les provinces des Prairies étaient plus susceptibles d'être employés à court terme que ceux mis à pied en Ontario de 2008 à 2011, même si cela n'était pas le cas au début des années 1980.

6   Comment la rémunération se compare-t-elle avantet après la mise à pied?

Comme les données de l'EPA sur la rémunération sont disponibles uniquement pour 1997 et les années subséquentes, la question de la comparaison de la rémunération avant et après les mises à pied est examinée uniquement pour 2006 à 2008 et 2008 à 2011.

Les travailleurs qui ont été mis à pied au cours de la dernière récession et qui ont trouvé un emploi peu après ont connu en moyenne une baisse légère de leur revenu d'emploi. La rémunération hebdomadaire moyenne a diminué pour passer de 734 $ à 703 $ (en dollars de 2008) (tableau 7), et la rémunération horaire moyenne a diminué pour passer de 20,9 $ à 20,4 $. Des baisses relativement similaires ont été observées de 2006 à 2008.

Toutefois, ces moyennes masquent une hétérogénéité considérable des variations de la rémunération (figure 1). Au cours de la dernière récession, le quart des travailleurs mis à pied qui ont été réemployés ont vu leur rémunération hebdomadaire diminuer de 23 % ou plus (tableau 8, partie A). Un autre quart a connu des hausses de rémunération hebdomadaire d'au moins 18 %. De même, le quart de ces travailleurs a vu sa rémunération horaire diminuer d'au moins 13 %, tandis qu'un autre quart a connu des hausses de rémunération horaire d'au moins 11 % (tableau 8, partie A).

Figure 1 : Répartition des noyaux de densité de la variation du logarithme de la rémunération horaire et de la variation du logarithme de la rémunération hebdomadaire (2008 à 2011)

Le tableau 9, qui mesure les mouvements de la rémunération à partir des variations moyennes du logarithme de la rémunération, montre que les variations moyennes de la rémunération étaient relativement similaires de 2006 à 2008 et de 2008 à 2011.

En moyenne, les gestionnaires, les travailleurs comptant plus de 20 ans d'ancienneté et ceux mis à pied dans les services hautement spécialisés ont connu des pertes de rémunération hebdomadaire d'au moins 10 % au cours de la dernière récession. Par contre, les travailleurs mis à pied dans le commerce de détail, l'hébergement et les services de restauration ont connu des hausses de rémunération hebdomadaire d'environ 14 %.

Au cours de la dernière récession, les travailleurs qui ont cessé d'être syndiqués en changeant d'emploi ont connu des pertes de rémunération horaire moyenne de 16 % et des pertes de rémunération hebdomadaire moyenne de 17 % (tableau 1026 . Les travailleurs qui sont passés d'une entreprise comptant au moins 100 employés à une entreprise plus petite ont connu des pertes de rémunération horaire et de rémunération hebdomadaire qui se situent en moyenne respectivement à 11 % et 15 %. Les travailleurs qui ont changé de profession et d'industrie ont vu leur rémunération hebdomadaire diminuer de 10 % en moyenne 27 . Par contre, les employés qui sont devenus syndiqués ou qui sont passés à des entreprises comptant 100 employés ou plus ont enregistré des hausses moyennes de leur rémunération hebdomadaire se situant entre 8 % et 11 % 28 .

Pour évaluer la mesure dans laquelle les pertes de rémunération moyennes varient selon les caractéristiques des travailleurs et des emplois, les variations dans le logarithme de la rémunération horaire et les variations dans le logarithme de la rémunération hebdomadaire font l'objet d'une régression sur les attributs des travailleurs (âge, sexe, scolarité et ancienneté), un indicateur binaire correspondant au fait que les travailleurs s'attendaient à être rappelés, des termes d'interaction entre cet indicateur et l'ancienneté, un indicateur binaire rendant compte de la fin d'un emploi temporaire, pour une durée déterminée ou à contrat, ainsi que des variables liées à la transition. Les résultats pour 2008 à 2011 figurent dans le tableau 11 29 . Le tableau explicatif 5 présente la même analyse pour la période de 2006 à 2008.

Le tableau 11 ne révèle généralement pas d'association robuste entre les attributs des travailleurs (y compris la scolarité) et les variations de la rémunération; cela est conforme au tableau 9. Il faut souligner deux exceptions, à savoir le fait que, toutes choses étant égales par ailleurs, les femmes réemployées ont connu des pertes de rémunération plus faibles que les hommes 30 , et que les travailleurs âgés (comptant plus de 20 ans d'ancienneté) ont connu des pertes de rémunération plus grandes que leurs homologues comptant deux ans ou moins d'ancienneté.

Par contre, les transitions entre les types d'emploi représentent une partie des variations observées de la rémunération. Par exemple, les travailleurs qui ont cessé d'être syndiqués et les travailleurs qui sont passés d'une entreprise comptant 100 employés ou plus à une entreprise plus petite ont connu des pertes de rémunération horaire de 9 à 13 points de pourcentage plus élevées, et des pertes de rémunération hebdomadaire d'environ 10 points de pourcentage plus élevées que celles des travailleurs qui sont demeurés non syndiqués et celles des travailleurs qui ont continué de travailler dans des entreprises plus petites. Les pertes substantielles de rémunération liées à la perte de protection syndicale sont conformes aux résultats de Kuhn et Sweetman (1998).

Le résultat net est que, conditionnant sur les valeurs moyennes des autres covariables, les baisses attendues de la rémunération hebdomadaire ont été, de 11 % à 14 %, assez substantielles pour chacun des trois groupes suivants : les travailleurs qui ont cessé d'être syndiqués; les travailleurs qui sont passés d'une entreprise comptant 100 employés ou plus à une entreprise plus petite; et les travailleurs qui ont changé d'industrie et de profession (tableau 1231 . Par contre, les hausses attendues de la rémunération hebdomadaire se sont chiffrées à au moins 4 % pour les employés qui sont devenus syndiqués ou qui sont passés d'entreprises comptant moins de 100 travailleurs à des entreprises en comptant 100 ou plus.

7   Conclusion

Au cours des trois dernières décennies, le Canada a connu trois récessions. Par suite de celles-ci, les taux de chômage ont augmenté de façon marquée de 1981 à 1983, de 1990 à 1992 et, plus récemment, après octobre 2008. Afin de faire la lumière sur les répercussions de ces ralentissements sur le marché du travail, la présente étude tente de répondre à quatre questions clés : 

  1. Quels sont les travailleurs qui ont été mis à pied au cours de ces récessions?
  2. Comment les taux de mise à pied ont-ils varié d'une récession à l'autre?
  3. Comment les probabilités de trouver un emploi peu après avoir été mis à pied ont-elles varié d'une récession à l'autre?
  4. Parmi les travailleurs qui ont réussi à trouver un emploi rémunéré peu après avoir été mis à pied, comment la rémunération se compare-t-elle avant et après la mise à pied?

Les constatations de l'étude sont les suivantes : 

  1. Comparativement à leurs homologues qui ont été mis à pied de façon permanente ou temporaire au début des années 1980 ou au début des années 1990, les travailleurs canadiens mis à pied au cours de la dernière récession avaient une plus grande ancienneté, étaient plus âgés, étaient plus scolarisés et étaient moins susceptibles de provenir du secteur de la fabrication. Sauf pour l'ancienneté, ces changements temporels dans le profil des travailleurs mis à pied ont découlé principalement d'effets de composition, c'est-à-dire de variations dans le profil d'âge/de scolarité de la main-d'oeuvre canadienne, ainsi que du recul séculaire du secteur de la fabrication.
  2. Évaluée sur une base mensuelle, la probabilité de mise à pied au cours de la dernière récession était, à 2,0 %, plus faible que les taux de 2,9 % et 2,7 % observés respectivement au début des années 1980 et au début des années 1990.
  3. Parmi tous les travailleurs mis à pied de 2008 à 2011, la moitié ont trouvé un emploi rémunéré au cours des quatre mois suivant leur déplacement. Ce chiffre est significativement plus élevé que la proportion correspondante de 42 % observée au cours des deux récessions précédentes.
  4. En moyenne, les employés qui ont été mis à pied au cours de la dernière récession et qui ont trouvé un emploi peu après avoir été mis à pied ont connu une baisse légère de leur revenu d'emploi. Toutefois, le quart a vu sa rémunération hebdomadaire diminuer de 23 % ou plus, tandis qu'un autre quart a connu des hausses de rémunération hebdomadaire d'au moins 18 %. Les baisses moyennes de la rémunération hebdomadaire se sont chiffrées à au moins 10 % pour les travailleurs réemployés qui n'étaient plus syndiqués, qui sont passés d'une entreprise d'au moins 100 employés à une plus petite entreprise ou qui ont changé d'industrie et de profession dans leur nouvel emploi. Collectivement, ces groupes ont représenté environ le quart des travailleurs mis à pied qui ont été réemployés au cours de la dernière récession. Par contre, les employés qui sont devenus syndiqués ou qui sont passés d'entreprises comptant moins de 100 employés à des entreprises en comptant 100 ou plus ont enregistré des hausses moyennes de leur rémunération hebdomadaire entre 8 % et 11 %. Collectivement, ces groupes représentaient environ 17 % des travailleurs mis à pied qui ont été réemployés au cours de la dernière récession.

Tout comme Farber (2005) et Riddell et Song (2009), l'étude a montré que le fait de détenir un diplôme universitaire était généralement associé à une plus grande probabilité d'être employé peu après avoir été mis à pied. Toutefois, à condition d'être réemployé peu après la mise à pied, le fait de détenir un diplôme universitaire n'était pas associé à des pertes de rémunération plus faibles.

Les travailleurs mis à pied de 2006 à 2008 et de 2008 à 2011 ont connu des changements très similaires dans leur rémunération (horaire et hebdomadaire). Ainsi, à condition d'être réemployé à court terme, les répercussions des mises à pied sur les variations de la rémunération n'ont pas différé beaucoup pour ces deux périodes successives.

Même si l'étude a documenté les variations de la rémunération à court terme pour la moitié des travailleurs mis à pied qui ont trouvé un emploi rémunéré les premiers mois après avoir été mis à pied au cours de la dernière récession, elle ne comporte pas de distinction entre les mises à pied temporaires et les mises à pied permanentes et n'évalue pas les répercussions à long terme sur la rémunération des mises à pied permanentes. Des recherches récentes ont déterminé que les travailleurs ayant un niveau élevé d'ancienneté qui ont été touchés par des mises à pied massives ont connu des pertes de rémunération substantielles pendant cinq ans après avoir perdu leur emploi (Jacobson, LaLonde et Sullivan, 1993; Couch et Placzek, 2010; Morissette, Zhang et Frenette, 2007). Étant donné qu'une proportion relativement élevée (28 %) de travailleurs mis à pied (de façon temporaire ou permanente) au cours de la dernière récession comptaient plus de cinq années d'ancienneté, il reste à déterminer, dans le cadre de recherches futures, si cela sera le cas pour les travailleurs mis à pied de façon permanente au cours du recul de l'emploi qui a commencé en octobre 2008.

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