Rapports sur la santé
Préoccupations liées à la santé et précautions pendant la pandémie de COVID-19 : une comparaison des Canadiens ayant des problèmes de santé sous-jacents avec ceux n’ayant pas de problème de santé sous-jacent

par Pamela L. Ramage-Morin et Jane Y. Polsky

Date de diffusion : le 2 juillet 2020

DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202000500001-fra

Le risque de connaître des issues défavorables de la maladie à coronavirus de 2019 (COVID-19), comme une hospitalisation, une admission à l’unité de soins intensifs et le décès, est élevé chez les personnes âgées et chez ceux qui ont certains problèmes de santé sous-jacentsNote 1Note 2Note 3Note 4Note 5. Au début de mai 2020, 67 % des Canadiens qui étaient hospitalisés en raison de la COVID-19 et 63 % de ceux qui avaient été admis dans les unités de soins intensifs étaient âgés de 60 ans ou plusNote 2. La grande majorité (95 %) de ceux qui étaient décédés de la maladie appartenait aussi à ce groupe d’âge avancé. La plupart des cas (74 %) qui étaient hospitalisées en raison de la COVID-19 avaient un ou plusieurs problèmes de santé chroniques préexistants. La vulnérabilité des personnes âgées et de ceux qui ont des problèmes de santé sous-jacents a été signalée partout dans le mondeNote 2Note 3Note 4Note 5Note 6Note 7Note 8Note 9.

Les leçons tirées de pandémies passées, comme l’épidémie de grippe H1N1 de 2009, indiquent que la collaboration du public est essentielle pour aider à limiter la propagation de la maladieNote 10. L’adoption de comportements préventifs, comme le lavage des mains et la distanciation physique, peut être cruciale pour l’efficacité de la lutte contre la pandémie, surtout au début d’une éclosion. La collaboration du public exige que les personnes soient bien informées et dépend de leur compréhension du risque d’infection perçu et de la gravité de la maladie et de ses répercussions négativesNote 10.

La présente étude examine les préoccupations des Canadiens concernant les répercussions de la COIVD-19 sur leur propre santé et sur la santé des autres, et les précautions que les gens ont prises pour prévenir l’infection. Des comparaisons sont faites entre les personnes qui sont plus ou moins vulnérables aux issues défavorables de la COVID-19 en raison de la présence ou de l’absence de problèmes de santé sous-jacents, à savoir le fait d’avoir un système immunitaire affaibli, le diabète ou un problème de santé chronique touchant les poumons, le cœur ou les reins. L’âge est intégré aux analyses pour tenir compte de la plus grande vulnérabilité des adultes âgés.

Méthodes

Source des données

Série d’enquêtes sur les perspectives canadiennes 1: répercussions de la COVID-19 (SEPC1)

La SEPC1 transversale a permis de recueillir des données liées à la COVID-19 concernant les répercussions sur le marché du travail, les comportements et les répercussions sur la santé chez la population canadienne âgée de 15 ans ou plus vivant dans les dix provinces. L’échantillon de la SEPC1 a été sélectionné parmi quatre groupes de renouvellement de l’Enquête sur la population active (EPA) ayant répondu à l’EPA la dernière fois en avril, en mai, en juin ou en juillet 2019. Sont exclus du champ de l’EPA les personnes vivant dans les réserves et autres peuplements autochtones dans les provinces, les membres à temps plein des Forces armées canadiennes, la population institutionnalisée et les ménages vivant dans des régions extrêmement éloignées où la densité de population est très faible. Ensemble, ces groupes exclus représentent moins de 2 % de la population canadienne âgée de 15 ans ou plus. Un membre du ménage a été sélectionné aléatoirement aux fins de la SEPC1. Les données ont été recueillies entre le 29 mars et le 3 avril 2020. Parmi les 7 242 participants invités à répondre à la SEPC1, 4 627 personnes ont répondu, ce qui correspond à un taux de réponse de 63,9 %. L’échantillon de 4 627 Canadiens (2 155 hommes, 2 472 femmes) représente une population de 31 millions de personnes. On peut accéder à de la documentation détaillée sur la Série d’enquêtes sur les perspectives canadiennes au lien suivant :
https://www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&SDDS=5311.

Définitions

Les répondants qui ont répondu « oui » à l’une ou aux deux questions suivantes ont été classés dans la catégorie des personnes ayant un problème de santé sous-jacent qui augmentait leur risque d’issues défavorables de la COVID-19 : « Votre système immunitaire est-il affaibli? »; « Souffrez-vous de diabète ou d’un problème de santé chronique qui touche vos poumons, votre cœur ou vos reins? ».

Les préoccupations concernant les répercussions de la COVID-19 renvoyaient à ce qui suit : ma propre santé : la santé d’un membre du ménage; la santé de personnes vulnérables; la santé de la population canadienne; la santé de la population mondiale; l’engorgement du système de santé. Les réponses ont été classées dans la catégorie grande préoccupation (« beaucoup » ou « énormément ») par rapport à faible préoccupation (« pas du tout » ou « quelque peu »).

Les répondants ont sélectionné à partir d’une liste toutes les précautions qu’ils avaient prises pour réduire leur risque d’exposition à la COVID-19. Ces précautions comprenaient ce qui suit : éviter de quitter la maison pour des raisons non essentielles; pratiquer l’éloignement physique lors des sorties en public; éviter les foules et les grands rassemblements; se laver les mains plus souvent; éviter de se toucher le visage. Il convient de souligner que « distanciation physique » est devenu le terme privilégié par rapport à « distanciation sociale », car ce terme précise la nécessité de la séparation physique sans sacrifier les liens sociaux importantsNote 11.

Le niveau de scolarité des répondants a été classé dans les catégories diplôme d’études secondaires ou moins, études postsecondaires partielles (p. ex. diplôme d’une école de métiers, diplôme d’un collège) et baccalauréat ou diplôme supérieur.

Les groupes d’âge étaient les suivants : 15 à 34 ans, 35 à 49 ans, 50 à 64 ans, 65 à 74 ans et 75 ans et plus.

Techniques d’analyse

Des fréquences pondérées et des tableaux croisés ont été calculés pour examiner la prévalence d’avoir un problème de santé sous-jacent qui augmentait le risque d’issues défavorables de la COVID-19 selon le groupe d’âge. La prévalence des préoccupations liées à la santé en lien avec la COVID-19 et les comportements préventifs ont été examinés en comparant les personnes qui avaient des problèmes de santé sous-jacents avec celles qui n’avaient pas de problème de santé sous-jacent. On a eu recours à une régression logistique multivariée pour déterminer si des associations bivariées persistaient lorsque le sexe, l’âge et le niveau de scolarité étaient pris en compte. Des poids bootstrap ont été appliqués au moyen de SUDAAN 11.0 appelable en SAS pour estimer les erreurs-types. La signification statistique a été fixée à p<0,05.

Résultats

Problèmes de santé sous-jacents

Près d’un Canadien sur quatre (24 %) âgé de 15 ans ou plus avait un problème de santé sous-jacent qui augmentait son risque d’issues défavorables de la COVID-19 (figure 1). Ces personnes avaient un système immunitaire affaibli (14 %) ou un problème de santé chronique particulièrement préoccupant identifié par l’Agence de la santé publique du Canada12Note 12, à savoir le diabète ou un problème de santé chronique qui touche les poumons, le cœur ou les reins (18 %). La vulnérabilité augmentait avec l’âge, allant de 12 % chez les jeunes adultes âgés de 15 à 34 ans à 44 % (IC à 95 % : 38,9 à 48,6) chez les personnes âgées de 65 ans ou plus.

Préoccupations liées à la santé en lien avec la COVID-19

Une proportion estimée à 36 % des Canadiens ont déclaré qu’ils étaient beaucoup ou énormément inquiets des répercussions de la COVID-19 sur leur propre santé (tableau 1). Chez les personnes ayant des problèmes de santé sous-jacents, 52 % ont exprimé davantage de préoccupations concernant leur propre santé comparativement à 31 % des personnes n’ayant pas de problème de santé sous-jacent. L’association entre la vulnérabilité en raison de problèmes de santé sous-jacents et une grande préoccupation pour sa propre santé persistait lorsque les caractéristiques démographiques étaient prises en compte : les Canadiens présentant une vulnérabilité accrue affichaient des probabilités deux fois plus élevées (RC : 2,0; IC à 95 % : 1,6 à 2,5) de déclarer davantage de préoccupations pour leur propre santé comparativement à ceux qui étaient moins vulnérables (tableau 2). Une grande préoccupation augmentait aussi avec l’âge, surtout chez les personnes âgées de 75 ans ou plus, sans égard aux problèmes de santé sous-jacents, au niveau de scolarité ou au sexe.

Les Canadiens ont déclaré davantage de préoccupations concernant les répercussions de la COVID-19 sur la santé des autres membres du ménage (55 %) (tableau 1). Une grande préoccupation était plus souvent exprimée chez les personnes qui étaient elles-mêmes plus vulnérables de connaître des issues défavorables de la COVID-19, même lorsque les caractéristiques démographiques étaient prises en compte (tableau 2). Une grande préoccupation a aussi été déclarée à l’égard des répercussions de la COVID-19 sur la santé de la population canadienne et de la population mondiale (70 %), ainsi que sur la santé de personnes vulnérables (81 %) (tableau 1). Le terme « personnes vulnérables » n’était pas défini dans la question de l’enquête; son interprétation était laissée aux répondants.

Comportements préventifs

La majorité des Canadiens ont pris des précautions pour réduire leur exposition au virus qui cause la COVID-19 (tableau 1). Ces précautions comprenaient des mesures d’hygiène personnelle, comme se laver les mains plus souvent (92 %), limiter les contacts physiques avec les autres en restant le plus possible à la maison (90 %) et la distanciation physique lors des sorties en public (87 %). Les Canadiens ont pris ces précautions qu’ils soient eux-mêmes vulnérables ou non à une évolution grave de la COVID-19. Les personnes qui avaient un diplôme universitaire de premier cycle ou un diplôme supérieur étaient systématiquement plus susceptibles de déclarer avoir des comportements préventifs que les Canadiens ayant des niveaux moins élevés de formation scolaire (tableau 3).

Discussion

La vitesse à laquelle la pandémie de COVID-19 s’est propagée, la gravité de la maladie et son ampleur mondiale entraînant la maladie généralisée, la perte de vies et de profonds bouleversements sociaux et économiques sont sans précédentNote 13. La gestion de la pandémie cherche à limiter la propagation du SARS-CoV-2, le virus qui cause la COVID-19, ce qui exige que le public adopte rapidement des comportements préventifs, comme se laver souvent les mains, pratiquer la distanciation physique et rester à la maison. Les leçons tirées de pandémies précédentes indiquent que la vulnérabilité perçue à la maladie, la compréhension de la gravité de la maladie et la confiance à l’égard des autorités peuvent jouer un rôle important pour assurer la collaboration du public et amener ce dernier à adopter des comportements préventifsNote 10Note 14.

Personne n’est immunisé contre le SARS-CoV-2 et il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement ou vaccin ayant fait ses preuves. Pourtant, dans les premières semaines de la lutte nationale contre cette pandémie, près des deux tiers des Canadiens ont déclaré de faibles préoccupations concernant les répercussions de la COVD-19 sur leur propre santé; ils étaient quelque peu préoccupés ou pas du tout préoccupés. Même chez ceux qui avaient un problème de santé sous-jacent qui les rendait plus vulnérables à une évolution grave de la COVID-19, près de la moitié ont déclaré une faible préoccupation pour leur santé. Cela peut s’expliquer par le biais d’optimisme, qui amène les gens à sous-estimer leur risque d’issues défavorables par rapport aux autresNote 15; le biais d’optimisme a souvent été observé chez plusieurs populations pendant la pandémie de grippe H1N1 de 2009Note 16Note 17. La présente étude démontre que, si de nombreux Canadiens peuvent avoir l’impression que leur propre santé n’est pas menacée, ils ont néanmoins déclaré davantage de préoccupations concernant les répercussions de la COVID-19 sur la santé de la population nationale et mondiale, ainsi que la surcapacité du système de santé. La confiance des Canadiens à l’égard des autorités gouvernementales et les données scientifiques sur lesquelles repose la gestion de la pandémieNote 18 ont probablement contribué à la compréhension de la menace que représente la COVID-19 et à l’adoption de comportements préventifs, même sans se sentir personnellement à risque élevé.

La majorité des Canadiens ont déclaré prendre plusieurs précautions pour prévenir l’infection, qu’ils aient ou non un problème de santé sous-jacent, pour se protéger et pour protéger les autres membres du ménage et de la collectivité. L’expérience acquise lors de pandémies récentes indique qu’un degré élevé de vulnérabilité perçue est associé à une plus grande probabilité d’adopter des comportements préventifsNote 10Note 14, bien que cette association puisse évoluer tout au long d’une pandémieNote 16Note 17. La présente étude examine la vulnérabilité réelle aux issues défavorables de la COVID-19 d’après la présence de problèmes de santé sous-jacents; les travaux futurs pourraient examiner les contributions relatives de la vulnérabilité réelle et perçue. Il pourrait être prudent de surveiller de façon continue le risque réel et perçu et les comportements adoptés en conséquence dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

La présente étude révèle que les personnes ayant des niveaux de formation scolaire élevés étaient systématiquement plus susceptibles de prendre des précautions. On a observé une plus grande adoption de comportements préventifs par les personnes plus scolarisées dans le contexte des pandémies récentes chez certaines populations, mais non chez d’autresNote 10. Le fait d’être plus susceptible d’adopter des comportements préventifs peut témoigner de plus grandes possibilités de se conformer aux recommandations des autorités de la santé publique. À titre d’exemple, de nombreux emplois qui exigent des niveaux de scolarité élevés peuvent être occupés de la maison, contrairement à ceux qui, bien qu’ils fournissent des services essentiels, comme les services de nettoyage, d’élimination des déchets et d’épicerie, n’exigent généralement pas un niveau de scolarité élevé. En effet, dans les premières semaines de la lutte contre la pandémie, le travail de la maison était beaucoup plus courant chez les Canadiens ayant des niveaux de scolarité élevés, lesquels sont plus susceptibles d’être employés dans des postes professionnels ou des postes de gestionNote 19. L’Organisation mondiale de la santé souligne le besoin de structure et d’organisation à tous les niveaux de la société afin de soutenir les efforts des personnes pour réduire la propagation de la COVID-19Note 13. Les études futures pourraient explorer d’autres facteurs pouvant être liés à l’adoption de comportements préventifs, comme la profession et le type de logement. Une évaluation géographique pourrait nous aider à mieux comprendre en quoi les variations régionales de la prévalence de la maladie, les messages de santé publique et les interventions gouvernementales sont associés aux préoccupations et aux comportements préventifs des personnes.

Forces et limites

Les enquêtes comme la SEPC représentent un outil important pendant cette pandémie qui évolue rapidement pour fournir des renseignements actuels sur les perceptions et les comportements des Canadiens. Une des principales forces de la SEPC est qu’elle est représentative de la population canadienne en général habitant dans les dix provinces. Les limites comprennent l’exclusion des territoires de la SEPC1, ainsi que de segments de la population qui sont plus susceptibles de vivre dans des environnements surpeuplés et d’avoir des problèmes de santé sous-jacents, comme les résidents des établissements de soins de longue durée et d’autres institutions, et les personnes vivant dans les réserves et autres peuplements autochtones dans les provincesNote 20Note 21Note 22. De plus, la présence de problèmes de santé sous-jacents était autodéclarée et n’a pas pu être confirmée par une autre source.

Conclusion

Dans les premières semaines de la lutte contre la pandémie de COVID-19 au Canada, les Canadiens âgés et ceux qui avaient des problèmes de santé sous-jacents étaient plus susceptibles que les jeunes et les personnes moins vulnérables de déclarer davantage de préoccupations concernant les répercussions de la COVID-19 sur leur propre santé. Malgré différents degrés de préoccupation et peu importe s’ils avaient ou non un problème de santé sous-jacent, la majorité des Canadiens ont déclaré avoir pris des précautions comme se laver les mains et pratiquer la distanciation physique. Cela va dans le sens de l’idée que même lorsque les personnes ne se sentent pas personnellement menacées, elles seront incitées à prendre des mesures pour contribuer à protéger l’ensemble de la collectivité lorsque la confiance règne à l’égard des autorités qui donnent des renseignements et des directives. Les messages de santé publique incitant à adopter des mesures de précaution semblent rejoindre l’ensemble de la population plutôt que certains groupes, ce qui contribue à maximiser le rendement des mesures essentielles prises à l’échelle de la population pour contenir la pandémie de COVID-19. Cependant, étant donné que les perceptions et les comportements du public peuvent évoluer en peu de temps, il est nécessaire d’assurer une surveillance continue au sein de la population.

Remerciements

Statistique Canada tient à remercier les Canadiens qui ont pris le temps de répondre aux questions de cette enquête en cette période de crise.

Références
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