Article principal
Consulter la version la plus récente.
Information archivée dans le Web
L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.
- Introduction
- Devenir un citoyen du Canada ou des États-Unis
- Revue de la littérature sur les avantages de la citoyenneté sur le marché du travail
- Les déterminants de la citoyenneté
- Évolution de l'écart entre les taux de citoyenneté au Canada et aux États-Unis
- Conclusion
1 Introduction
Les raisons pour lesquelles les immigrants cherchent à obtenir la citoyenneté canadienne ou américaine sont nombreuses. L'obtention de la citoyenneté (ou naturalisation) donne des droits politiques, dont le droit de voter et le droit d'occuper certains postes gouvernementaux. La possession d'un passeport canadien ou américain peut accroître les possibilités de voyager et offrir d'autres avantages. Devenir un citoyen peut aussi avoir une importance sociale et psychologique pour les immigrants. Mais la citoyenneté procure-t-elle des avantages économiques? Le présent document offre une revue des publications canadiennes et américaines disponibles à l'heure actuelle sur les avantages économiques de la citoyenneté ainsi qu'une comparaison fondée sur des données canadiennes et américaines des résultats qu'obtiennent sur le marché du travail les immigrants qui sont citoyens et ceux qui sont résidents permanents (non citoyens).
Si, comme le laissent entendre certains travaux de recherche récents, la citoyenneté améliore les résultats sur le marché du travail, elle pourrait être considérée comme un outil en vue d'améliorer l'intégration économique des immigrants. Dans ce contexte, le document offre aussi une revue de la littérature récente sur les déterminants de l'acquisition de la citoyenneté et cherche à répondre à la question de savoir pourquoi un écart s'est creusé entre les taux de citoyenneté des immigrants au Canada et ceux des immigrants aux États-Unis au cours de la période allant de 1970 à 2006. Le rôle joué par les changements de caractéristiques des immigrants dans l'élargissement de cet écart y est examiné. En 1970-1971, environ les deux tiers des personnes nées à l'étranger qui résidaient au Canada et aux États-Unis sont devenues des citoyens de leur nouveau pays. Trente-cinq ans plus tard, en 2006, le pourcentage avait atteint 79 % au Canada, mais n'était plus que de 46 % aux États-Unis. Une partie de la baisse du taux enregistré aux États-Unis est due à la part croissante d'immigrants non autorisés, qui n'ont pas droit à la citoyenneté. Cependant, même si l'on tient compte de ce fait, une divergence persiste entre les taux de citoyenneté observés dans les deux pays, particulièrement entre 1970 et le milieu des années 1990. Le présent document examine l'effet des changements de caractéristiques démographiques des immigrants arrivant au Canada et aux États-Unis sur l'évolution de cet écart entre les taux de citoyenneté et discute de l'effet éventuel d'autres facteurs.
2 Devenir un citoyen du Canada ou des États-Unis
En vertu des normes internationales, l'obtention de la citoyenneté est un processus assez simple aussi bien aux États-Unis qu'au Canada. Aux États-Unis, pour avoir le droit à la naturalisation, il faut être un immigrant en règle, avoir résidé continuellement pendant cinq ans dans le pays et être âgé d'au moins 18 ans. En outre, il faut posséder de bonnes valeurs morales, réussir une épreuve de compétence en langue anglaise, donner des preuves de connaissance du gouvernement et de l'histoire des États-Unis, appuyer la constitution et prêter serment d'allégeance aux États-Unis. Il existe certaines exceptions à ces exigences. Ainsi, les immigrants qui sont le conjoint d'un citoyen des États-Unis doivent n'avoir résidé aux États-Unis que trois ans. La double citoyenneté est permise aux États-Unis. Les nouveaux citoyens ne sont pas tenus de choisir la citoyenneté d'un pays plutôt que d'un autre, et le maintien de la double citoyenneté dépend plus des lois en matière de citoyenneté du pays d'origine que des lois américaines.
Les exigences pour obtenir la citoyenneté canadienne sont fort comparables. La différence la plus importante est sans doute celle concernant la durée de résidence, car un immigrant en règle doit avoir résidé au Canada durant trois des quatre années précédentes afin d'être admissible, par comparaison à cinq années de résidence continue aux États-Unis. Les autres exigences canadiennes sont très semblables à celles des États-Unis : les immigrants doivent être âgés d'au moins 18 ans, donner la preuve qu'ils sont capables de s'exprimer adéquatement en anglais ou en français, ne pas avoir eu de condamnation au criminel au cours des trois années précédentes, comprendre les droits et les responsabilités associés à la citoyenneté et bien connaître l'histoire, les valeurs et les institutions du Canada. Les personnes qui souhaitent obtenir la citoyenneté doivent passer l'examen pour l'obtention de la citoyenneté aussi bien au Canada qu'aux États-Unis. Au Canada, contrairement aux États-Unis, il n'y a pas d'examen linguistique explicite, l'hypothèse étant que passer l'examen pour l'obtention de la citoyenneté démontre en soi la maîtrise adéquate de l'anglais ou du français. Le Canada reconnaît et permet la double citoyenneté.
Les coûts associés à la citoyenneté dans l'un et l'autre pays sont fort semblables. Les coûts directs, tels que les frais de demande, sont faibles. Pour les immigrants provenant de pays qui ne reconnaissent pas la double citoyenneté, comme la Chine, l'Inde, le Pakistan, Taïwan, l'Ukraine et le Vietnam, le coût le plus important de l'obtention de la citoyenneté canadienne ou américaine peut être la perte de la citoyenneté du pays d'origine, qui pourrait avoir des conséquences telles que la limitation de l'accès au marché du travail dans ce pays. Les immigrants provenant de pays qui reconnaissent la double citoyenneté, comme l'Australie, le Royaume-Uni, la France, le Liban, la Pologne, le Portugal et nombre de pays d'Amérique centrale et du Sud ne subissent ce genre de coûts ni au Canada ni aux États-Unis.
Aux États-Unis ainsi qu'au Canada, les citoyens ont des droits que les non-citoyens ne possèdent pas, y compris le droit de voter, de faire une demande de passeport, de devenir un représentant élu, d'entrer dans le pays et de le quitter librement, et de poser leur candidature pour des emplois sur les marchés de services concurrentiels fédéraux (États-Unis) ou de se voir accorder la préférence pour des emplois fédéraux (Canada). La citoyenneté américaine donne aussi le droit de poser sa candidature pour des emplois dans le secteur de la défense. Au Canada, les citoyens et les résidents permanents (c.-à-d. les immigrants en règle qui ne possèdent pas la citoyenneté) ont le même accès aux services de santé et aux services sociaux. Par contre, aux États-Unis, les prestations d'aide sociale ne sont offertes qu'aux citoyens depuis le milieu des années 1990, et les immigrants qui sont des citoyens ont la priorité lorsqu'ils font une demande en vue de faire venir des membres de leur famille dans le pays. De surcroît, le nombre de membres de la famille immédiate entrant dans le pays n'est pas limité pour les citoyens, mais l'est pour les non-citoyens. À cet égard, les avantages directs associés à l'obtention de la citoyenneté peuvent paraître plus importants aux États-Unis qu'au Canada. Néanmoins, le taux de citoyenneté est plus faible aux États-Unis.
3 Revue de la littérature sur les avantages de la citoyenneté sur le marché du travail
Les raisons pour lesquelles on peut s'attendre à ce que la citoyenneté améliore les résultats des immigrants sur le marché du travail sont nombreuses. Celle citée le plus fréquemment est l'accès limité des non-citoyens à certains types d'emploi. Dans pratiquement tous les pays occidentaux, certains emplois ne sont ouverts qu'aux citoyens, comme les emplois dans la police aux Pays-Bas, les postes de cadres supérieurs des banques en Norvège et les postes de haut fonctionnaire dans la plupart des pays (Bloemraad, 2008). Aux États-Unis, l'emploi dans bon nombre d'organismes fédéraux, dans le secteur de la défense et dans les groupes de réflexion est limité aux citoyens américains. En outre, dans certains États américains, les agents de police doivent avoir la citoyenneté américaine. Au Canada, les emplois dans l'administration fédérale sont, de façon générale, ouverts uniquement aux citoyens 1 .
Cependant, au-delà de l'accès officiel à certains types d'emploi, les immigrants naturalisés (c.-à-d. les immigrants qui ont obtenu la citoyenneté) pourraient avoir sur le marché du travail des avantages non officiels dont ne bénéficient pas les immigrants qui ne sont pas citoyens. L'obtention de la citoyenneté pourrait témoigner de l'engagement de l'immigrant à l'égard du pays hôte et de la plus faible probabilité qu'il retourne dans son pays d'origine, de sorte que les employeurs seraient plus disposés à embaucher, à former et à promouvoir les immigrants naturalisés. Être titulaire d'un passeport délivré par le pays hôte peut être un facteur important au Canada ou aux États-Unis dans certains emplois, particulièrement les emplois de professionnels cols blancs, car cela facilite les voyages à l'étranger. Aux États-Unis, les considérations de ce genre sont officialisées dans une certaine mesure, car les employeurs peuvent légalement se fonder sur la citoyenneté américaine pour prendre les décisions d'embauche quand des candidats citoyens et non citoyens sont aussi qualifiés les uns que les autres pour un emploi (Bratsberg et coll., 2002). La décision d'obtenir la citoyenneté pourrait aussi être corrélée à d'autres activités de l'immigrant susceptibles d'influencer positivement les résultats sur le marché du travail, comme le fait de se renseigner sur l'histoire, la culture, les valeurs sociales et les coutumes du pays hôte. Les immigrants naturalisés pourraient s'adonner plus que les autres à ce genre d'activité.
Ces avantages éventuels pourraient concerner certains immigrants mais non d'autres. Par exemple, le fait que les voyages internationaux soient plus faciles pourrait ne pas être un facteur pertinent pour les immigrants provenant de pays occidentaux développés, puisque les exigences en matière de visa auxquelles ils sont soumis à l'étranger sont les mêmes que pour les citoyens canadiens ou américains. De manière plus générale, il est difficile de formuler des arguments convaincants quant aux immigrants qui tireront ou non des avantages économiques de la citoyenneté. Ainsi, les immigrants très instruits pourraient bénéficier d'un meilleur accès aux postes de haut niveau, tandis que les immigrants peu spécialisés pourraient bénéficier du message que communique la citoyenneté aux employeurs quant à la détermination et à la stabilité. Donc, la mesure dans laquelle la citoyenneté améliore les résultats sur le marché du travail et, si cela est le cas, les types d'immigrants qui en bénéficient le plus représentent en grande partie des questions empiriques.
3.1 Études américaines et canadiennes de la corrélation entre la citoyenneté et les résultats sur le marché du travail
Quelques études ont porté sur la corrélation entre la citoyenneté et les résultats sur le marché du travail chez les immigrants aux États-Unis et au Canada. Chiswick (1978) a publié une partie des premiers résultats. En se servant des données du Recensement des États-Unis de 1970 pour les hommes blancs adultes, il a conclu que la citoyenneté n'était pas corrélée avec une plus forte rémunération. En utilisant des variables de contrôle pour le niveau d'études, les années potentielles d'expérience et le lieu de résidence, il a constaté que les immigrants naturalisés gagnaient environ 14 % de plus que les immigrants non citoyens. Toutefois, les premiers avaient vécu beaucoup plus longtemps aux États-Unis, fait qui était corrélé positivement avec leur rémunération. Après avoir tenu compte de l'effet de la durée de résidence, l'analyse indiquait que les immigrants naturalisés gagnaient encore 7 % de plus environ que les non-citoyens, mais que cet écart n'était pas statistiquement significatif. De surcroît, après l'ajout d'un terme d'interaction entre le nombre d'années écoulées depuis l'immigration et la situation de citoyenneté, pour permettre que l'effet du nombre d'années de résidence sur la rémunération ne soit pas le même pour les citoyens et les non-citoyens, la différence de rémunération entre les deux groupes était réduite presque à zéro.
Il est intéressant de mentionner que, dans le cadre d'un projet de recherche de plus grande portée, Bratsberg et coll. (2002) ont reproduit la spécification du modèle intermédiaire de Chiswick (en introduisant des variables de contrôle pour le niveau d'études, l'expérience, le nombre d'années depuis l'immigration et d'autres variables) en se servant des données du Recensement des États-Unis de 1990. Chez les hommes adultes, ils ont obtenu essentiellement les mêmes coefficients que Chiswick, les immigrants naturalisés gagnant environ 7 % de plus que les non-citoyens. Dans leur analyse, la différence était statistiquement significative, ce qui reflétait vraisemblablement la plus grande taille de leur échantillon 2 . En outre, en comparant des estimations transversales s'appuyant sur le Recensement des États-Unis de 1990, la Current Population Survey (CPS) pour 1994 à 1998, et la National Longitudinal Survey of Youth (NLSY), Bratsberg et coll. (2002) ont constaté un écart salarial de 5 % à 6 % entre les jeunes hommes (de moins de 30 ans) qui étaient des immigrants naturalisés et ceux (de moins de 30 ans) qui n'étaient pas citoyens.
Bratsberg et coll. ont également observé que la prime salariale associée à la citoyenneté était plus importante chez les immigrants provenant de pays pauvres. En ajoutant le produit intérieur brut (PIB) par habitant du pays d'origine dans leur analyse, ils ont conclu qu'une augmentation de 1 000 $ du PIB par habitant donnait lieu à une réduction de 0,7 point de pourcentage de la prime salariale liée à la citoyenneté. Par exemple, ils ont estimé que cette prime était de 2,9 % chez les immigrants venus d'Italie comparativement à 7,2 % chez ceux venus d'El Salvador.
Au Canada, DeVoretz et Pivnenko (2005) ont commencé par noter que la relation entre la citoyenneté et la rémunération pouvait différer pour les immigrants provenant de pays développés (pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE]) et ceux provenant de pays en développement (non-membres de l'OCDE), ainsi que pour les hommes et les femmes. En utilisant une spécification comparable à celle de Chiswick (1978) et de Bratsberg et coll. (2002), ils ont produit des estimations distinctes pour les quatre groupes en se servant de données provenant du Recensement du Canada de 1991, 1996 et 2001. Ils ont conclu que la rémunération est corrélée positivement à la citoyenneté et que la corrélation est nettement plus forte pour les immigrants provenant de pays en développement que pour ceux provenant de pays développés. Plus précisément, la différence de rémunération entre les immigrants devenus citoyens et ceux qui ne l'étaient pas était de 12,6 % et de 14,4 %, respectivement, pour les femmes et pour les hommes venus de pays non membres de l'OCDE, et de 5,8 % et de 4,1 %, respectivement, pour les femmes et pour les hommes provenant de pays membres de l'OCDE.
3.2 Études américaines et canadiennes tenant compte du biais de sélection et de l'endogénéité
Les études susmentionnées décrivent certes une corrélation entre la citoyenneté et la rémunération, mais il importe de résoudre les questions de l'autosélection et de l'endogénéité afin d'être raisonnablement certain qu'il existe une relation causale.
L'autosélection pourrait expliquer partiellement ou entièrement la corrélation positive entre la citoyenneté et les résultats sur le marché du travail. Les immigrants qui choisissent de devenir citoyens (autosélection) peuvent différer de ceux qui choisissent de ne pas devenir citoyens de façons qui ne sont pas prises en compte dans les analyses empiriques, mais qui aboutissent à de meilleurs résultats sur le marché du travail pour les premiers. Par-dessus tout, les immigrants naturalisés pourraient être plus motivés à réussir dans le pays hôte. Cette caractéristique, qui n'est habituellement ni mesurée ni observée, pourrait être corrélée positivement à la citoyenneté ainsi qu'à la rémunération.
L'endogénéité est présente quand la relation de causalité s'exerce dans les deux directions. Dans la plupart des analyses, les auteurs soutiennent, ou supposent, que la citoyenneté dicte les résultats sur le marché du travail. Cependant, il est également possible que les immigrants obtenant de bons résultats économiques choisissent de devenir citoyens. Autrement dit, la réussite économique peut dicter la citoyenneté et l'inverse peut être vrai également. Dans la mesure où existe une endogénéité, les corrélations observées entre la citoyenneté et les résultats sur le marché du travail surestimeront l'effet causal de la naturalisation sur les résultats, même en l'absence d'autres problèmes.
Les auteurs de quelques études ont abordé les questions de l'autosélection et de l'endogénéité en se servant de données longitudinales; d'autres ont utilisé des techniques telles que la « correction de Heckman » pour résoudre le problème de l'autosélection.
Au Canada, DeVoretz et Pivnenko (2008) ont abordé la question de l'autosélection en utilisant la correction de la sélection en deux étapes de Heckman (la « correction de Heckman ») et conclu qu'il existe des preuves d'un biais de sélection. Autrement dit, la corrélation positive entre la citoyenneté et la rémunération est due, en partie, au fait que les immigrants présentant des caractéristiques reliées à la rémunération, telles que la motivation, sont plus susceptibles d'autosélectionner la citoyenneté. Cependant, DeVoretz et Pivnenko ne produisent pas d'estimations de l'écart salarial après avoir tenu compte du biais de sélection.
Aux États-Unis, Bratsberg et coll. (2002) se sont servis de données longitudinales provenant de la NLSY couvrant la période de 1979 à 1991 pour surmonter les problèmes éventuellement associés au biais de sélection et à l'endogénéité. Un aspect important de la NLSY est que cette enquête comprend une question sur le statut juridique des immigrants qui participent à l'enquête. Dans la mesure où les réponses à la question sont correctes, il est possible de repérer les immigrants non autorisés et d'en tenir compte. En revanche, les analyses fondées sur les données du Recensement des États-Unis et de la CPS ne permettent pas de tenir compte du statut juridique des immigrants. Comme les immigrants non autorisés ne peuvent pas devenir citoyens, ils sont inclus dans le groupe des non-citoyens dans les analyses fondées sur ces sources de données. Étant donné que les immigrants non autorisés sont généralement moins bien rémunérés que les immigrants en règle, la rémunération des non-citoyens sera entachée d'un biais à la baisse. En s'appuyant sur leur analyse des données de la NLSY, Bratsberg et coll. (2002) constatent que, même après avoir neutralisé les « effets fixes individuels », tels que ceux de l'initiative et de la motivation personnelle, la prime salariale associée à la citoyenneté est de l'ordre de 5,6 %. D'où ils concluent que les différences non observées entre les immigrants qui se font naturaliser et ceux qui ne le font pas (c.-à-d. les effets de sélection) ne sont pas les principaux facteurs responsables des corrélations signalées plus haut. Ils concluent également qu'il n'y a pas de « montée en flèche de la rémunération » au moment de l'obtention de la citoyenneté, mais plutôt que la croissance de la rémunération et le rendement de l'expérience augmentent au cours des années subséquentes. En ce qui concerne le type d'emploi occupé, Bratsberg et coll. notent l'existence d'un mouvement vers les emplois de cols blancs et de fonctionnaires après la naturalisation.
Aucune autre étude canadienne ou américaine axée sur le progrès économique associé à la citoyenneté n'a été relevée. De nombreuses études ont été menées dans d'autres pays, souvent en s'appuyant sur des données longitudinales. En se servant de données longitudinales recueillies en Norvège et d'un modèle à « effets aléatoires », Hayfron (2008) a conclu que la naturalisation avait un effet positif instantané sur la rémunération. De même, Steinhardt (2008) a observé une prime salariale associée à la citoyenneté en se servant de données allemandes transversales, tandis qu'il a relevé un effet positif immédiat ainsi qu'une croissance accélérée de la rémunération en analysant des données de panel longitudinales. En Suède, Scott (2008) a noté une corrélation positive entre la rémunération et la naturalisation au moyen de données transversales, tandis que son analyse de données longitudinales a révélé soit un effet nul soit un effet positif sur la rémunération qui se manifestait même avant la naturalisation; cette constatation donne à penser que la rémunération plus élevée des personnes qui sont naturalisées pourrait être due à des effets de sélection.
Dans l'ensemble, les données disponibles laissent entendre qu'une prime salariale de l'ordre de 5 % à 15 % pourrait être associée à la citoyenneté, selon le groupe d'immigrants. Cette prime paraît plus importante pour les immigrants provenant de certains pays moins développés.
3.3 Données plus récentes concernant les résultats sur le marché du travail
Les études réalisées jusqu'à présent, passées en revue plus haut, étaient axées sur la différence de rémunération entre les citoyens et les non-citoyens. La présente section décrit de nouvelles données concernant une gamme de résultats sur le marché du travail, dont les taux d'emploi, les taux de chômage et la répartition des professions; elle donne aussi une mise à jour des résultats sur les différences de rémunération entre les immigrants qui sont citoyens et ceux qui ne le sont pas.
L'effet économique de l'obtention de la citoyenneté peut être examiné à plusieurs niveaux. Le premier consiste à se demander s'il existe une corrélation statistique entre la citoyenneté et les résultats sur le marché du travail, comme la prévalence de l'emploi et, en cas d'emploi, le type de poste occupé et la rémunération reçue. Des données de recensement transversales pour une année particulière sont habituellement utilisées pour déterminer si ces résultats diffèrent de manière significative chez les immigrants qui sont citoyens et ceux qui ne le sont pas. L'analyse peut être effectuée sur une base non corrigée, en comparant simplement les résultats pour les deux groupes, ou sur une base corrigée, en tenant compte des différences entre les citoyens et les non-citoyens qui influenceront les résultats sur le marché du travail, comme le niveau d'études, l'âge ou le nombre d'années depuis l'immigration. Certaines analyses comprennent aussi des variables de contrôle pour d'autres caractéristiques reliées au travail, telles que la langue, l'emplacement géographique, la situation d'emploi à temps plein ou à temps partiel, la profession et l'industrie. Cette approche est celle utilisée dans la plupart des travaux de recherche dans ce domaine, y compris dans la suite de l'exposé.
Comme on l'a mentionné plus haut, la présence d'un grand nombre d'immigrants non autorisés aux États-Unis peut avoir une incidence significative sur les résultats de ce genre d'analyse. Dans les données américaines, les immigrants peuvent être classés selon leur pays d'origine, mais non leur statut d'immigrant en règle. Selon les estimations, en 2008, environ 30 % de personnes nées à l'étranger vivant aux États-Unis n'étaient pas autorisées à le faire (Hoefer et coll., 2011; Passel et Cohn, 2009). Les immigrants non autorisés comprennent les titulaires d'un visa qui prolongent indûment leur séjour (de 25 % à 40 % des immigrants non autorisés) et les personnes « entrées sans inspection ». Le nombre d'immigrants non autorisés est à la hausse aux États-Unis, surtout depuis 1990. En effet, on estime que le nombre d'immigrants non autorisés aux États-Unis est passé d'environ 3,5 millions à environ 12 millions de 1990 à 2008. La population d'immigrants non autorisés est dominée par les Mexicains, qui représentent environ 60 % du total; les personnes en provenance de l'Amérique centrale et du Sud présentent près de 80 % du total (Hoefer et coll., 2011; Passel et Cohn, 2009). Comme il n'existe aucun moyen de repérer les immigrants non autorisés dans les données, un moyen d'éliminer en grande partie leur effet des résultats empiriques consiste à se concentrer sur les résultats sur le marché du travail des immigrants provenant d'autres régions que les Caraïbes, l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud. Cette approche est utilisée dans le présent document.
La comparaison entre les résultats sur le marché du travail des immigrants qui sont citoyens et de ceux qui ne le sont pas s'appuie sur les données du Recensement du Canada de 2006 pour le Canada et sur des données regroupées provenant des cycles de 2005, 2006 et 2007 de l'American Community Survey (ACS) pour les États-Unis. Les résultats étudiés comprennent les taux d'emploi, les taux de chômage, les parts d'immigrants dans les professions de premier rang 3 , les parts d'immigrants dans la fonction publique et le logarithme de la rémunération hebdomadaire 4 .
Au Canada, selon les données non corrigées, les immigrants qui sont citoyens affichent des taux d'emploi plus élevés 5 et des taux de chômage plus faibles, sont plus susceptibles de travailler dans une profession de premier rang et ont une rémunération hebdomadaire plus élevée que les immigrants qui ne sont pas citoyens (tableau 1) 6 . Cependant, une grande part de cette différence peut être reliée au fait que les immigrants ayant obtenu la citoyenneté (c.-à-d. les immigrants naturalisés) ont tendance à avoir séjourné dans le pays plus longtemps et sont peut-être plus âgés et plus instruits que les immigrants qui ne sont pas citoyens.
Les données corrigées pour le Canada produisent des différences comparables, mais légèrement atténuées, entre les deux groupes (tableau 2) 7 . Chez les hommes, avec des corrections pour tenir compte des différences de caractéristiques personnelles, les taux d'emploi étaient 2,5 points de pourcentage plus élevés, les taux de chômage, 1,2 point de pourcentage plus faibles et la part ayant une profession de premier rang, 4,5 points de pourcentage plus élevée chez les immigrants naturalisés que chez les immigrants non citoyens. Avec des corrections pour tenir compte à la fois des caractéristiques personnelles et de celles de l'emploi, la rémunération hebdomadaire était 4,8 % plus élevée chez les immigrants naturalisés. Avec des variables de contrôle pour ces caractéristiques chez les femmes, les taux d'emploi étaient 3,7 points de pourcentage plus élevés, la part occupant une profession de premier rang était 5,1 points de pourcentage plus élevée, et la rémunération hebdomadaire, 5,2 points de pourcentage plus élevée chez les immigrantes naturalisées que chez celles qui n'étaient pas citoyennes.
Aux États-Unis aussi, les résultats sur le marché du travail sont généralement meilleurs pour les immigrants naturalisés que pour ceux qui ne sont pas citoyens (à l'exception des taux d'emploi, qui sont fort semblables pour les deux groupes). Les données non corrigées sont présentées pour tous les immigrants, ainsi que pour ceux en provenance de tous les pays sauf le Mexique. Les résultats sont également présentés pour les régions d'origine d'où ne proviennent que peu d'immigrants non autorisés, tels que les pays développés, l'Asie et l'Afrique (tableau 3). Les différences mentionnées plus haut se dégagent de nouveau. Selon les données non corrigées, le taux d'emploi est plus élevé, le taux de chômage plus faible, la probabilité d'avoir un emploi dans une profession de premier rang plus grande et la rémunération plus élevée chez les immigrants ayant acquis la citoyenneté que chez les non-citoyens. Les résultats restent les mêmes si l'on exclut de l'analyse les résidents en provenance du Mexique et si on limite les comparaisons aux immigrants issus de régions d'où ne proviennent que très peu d'immigrants non autorisés.
Si l'on ajoute des variables de contrôle pour tenir compte des différences entre les citoyens et les non-citoyens en ce qui concerne l'âge au moment de l'immigration, le nombre d'années écoulées depuis l'immigration, le niveau d'études et la région d'origine, les données américaines corrigées produisent généralement des résultats similaires. Chez l'ensemble des immigrants de sexe masculin, les taux d'emploi sont légèrement plus faibles (-0,8 %) pour les citoyens que pour les non-citoyens, mais les premiers obtiennent de meilleurs résultats que les seconds pour tous les autres indicateurs (tableau 4). En particulier, après correction pour tenir compte des caractéristiques personnelles et liées à l'emploi, on constate que les immigrants naturalisés de sexe masculin gagnaient environ 9,4 % (0,094 point de logarithme) de plus et que les immigrantes naturalisées gagnaient 8,7 % de plus que leurs homologues non naturalisées. De nouveau, cette comparaison englobe certains immigrants non autorisés, particulièrement en provenance du Mexique; ils sont classés comme des non-citoyens et ont tendance à avoir une rémunération plus faible (Bratsberg et coll., 2002). Cependant, les immigrants naturalisés en provenance de toutes les régions d'origine principales gagnaient plus que leurs homologues non citoyens. Dans le cas des hommes, il existait un écart de 5,1 % chez ceux provenant de pays développés 8 , de 2,8 % chez ceux provenant d'Asie, de 5,2 % chez ceux provenant d'Afrique et de 14,1 % chez ceux provenant des Caraïbes, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud 9 . Dans le cas des femmes, les différences étaient les suivantes : 8,0 % chez celles provenant de pays développés, 4,5 % chez celles provenant d'Asie, 7,5 % chez celles provenant d'Afrique et 11,6 % chez celles provenant des Caraïbes, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud.
En résumé, les analyses transversales pour le Canada et les États-Unis donnent à penser que les immigrants qui obtiennent la citoyenneté bénéficient généralement de résultats plus favorables sur le marché du travail que ceux qui ne sont pas naturalisés. Les questions du biais de sélection et de l'endogénéité ne sont pas abordées dans ces analyses. Cependant, selon certaines données publiées dans la littérature américaine, les différences persisteraient même si l'on tient compte de ces questions, ce qui pourrait donc indiquer qu'il existe une relation causale. Néanmoins, étant donné le manque de données canadiennes appropriées, il n'est pas certain que cette conclusion tienne pour le Canada.
4 Les déterminants de la citoyenneté
La littérature spécialisée sur les déterminants de la citoyenneté au Canada ou aux États-Unis n'est pas abondante. Cependant, les chercheurs ont constaté depuis quelque temps déjà que certaines caractéristiques sont associées à la citoyenneté chez les immigrants. Les variables sont souvent regroupées en catégories théoriques ou thématiques, telles que les variables d'engagement (p. ex. propriété d'un logement et langue parlée), les caractéristiques sociodémographiques (p. ex. niveau d'études, revenu et présence d'enfants), les caractéristiques à l'arrivée (p. ex. âge à l'arrivée, nombre d'années vécues dans le pays), la catégorie de visa, les caractéristiques du pays d'origine (p. ex. droits politiques et libertés, PIB par habitant et reconnaissance de la double citoyenneté), et les caractéristiques courantes du quartier. Dans aucune étude il n'a été possible d'intégrer toutes ces variables à cause de problèmes de mesure et de disponibilité des données. La plupart des études canadiennes et américaines s'appuient sur des données de recensement : elles sont donc axées sur les effets des caractéristiques individuelles, dont certaines tiennent en outre compte des caractéristiques du pays d'origine (habituellement le PIB par habitant) et, dans le cas d'études plus récentes, des droits politiques et des libertés. En général, les caractéristiques individuelles représentent un déterminant beaucoup plus puissant de la citoyenneté que les caractéristiques du pays d'origine, du moins aux États-Unis (Chiswick et Miller, 2009).
Le nombre d'années écoulées depuis l'immigration a longtemps été considéré comme l'un des principaux déterminants de la citoyenneté (Bernard, 1936; Evans, 1988; Tran et coll., 2005); il est corrélé positivement avec la naturalisation, du moins jusqu'à 35 à 40 années de résidence dans le pays. Quand des variables de contrôle sont ajoutées pour d'autres caractéristiques, la probabilité d'être un citoyen passe d'environ 10 % après 5 ans à environ 55 % après 20 ans aux États-Unis (Chiswick et Miller, 2009). Les niveaux d'études plus élevés sont associés à de plus hauts taux de citoyenneté (Bueker, 2005; Jasso et Rosenzweig, 1990; Portes et Rumbaut, 1996; Yang, 1994). Chiswick et Miller (2009) ont constaté que la probabilité d'être citoyen est environ 15 points de pourcentage plus élevée pour un immigrant comptant 20 années de scolarité que pour un immigrant ne comptant que 10 années, chaque année supplémentaire augmentant la probabilité d'environ 1,5 point de pourcentage. DeVoretz et Pivnenko (2008) ont noté que le niveau d'études n'a pas d'effet au Canada. Les résultats indiquent souvent que la probabilité d'avoir acquis la citoyenneté est plus élevée chez les hommes (Yang, 1994; DeVoretz et Pivnenko, 2008), de même que chez les personnes ayant un revenu élevé et celles maîtrisant davantage la langue du pays hôte (Bueker, 2005; Jasso et Rosenzweig, 1990; Portes et Mozo, 1985; Portes et Rumbaut, 1996; DeVoretz et Pivnenko, 2008). Les données sur la relation entre l'âge au moment de l'immigration et la citoyenneté sont contradictoires, car Chiswick et Miller (2009) signalent une corrélation positive, tandis que Jasso et Rosenzweig (1986) observent une corrélation négative.
Même après avoir tenu compte de ces caractéristiques personnelles (et d'autres variables moins importantes, comme la situation familiale et le niveau d'études du conjoint ou de la conjointe), des différences existent entre les taux de citoyenneté chez les immigrants provenant de divers pays. Les caractéristiques du pays d'origine ont de l'importance, quoique pas autant que les caractéristiques personnelles des immigrants 10 . Les immigrants originaires de pays en développement sont plus susceptibles que ceux en provenance de pays développés de devenir des citoyens dans des pays plus riches (Chiswick et Miller, 2009; Tran et coll., 2005). Provenir d'un pays où les libertés civiles sont restreintes augmente la probabilité d'acquérir la citoyenneté dans un pays tel que le Canada ou les États-Unis. Par exemple, après correction pour tenir compte de l'effet des caractéristiques personnelles et de celles de la région d'origine, la prévalence de la citoyenneté est environ 14 points de pourcentage plus élevée chez les immigrants provenant des pays offrant le moins de libertés civiles (p. ex. Afghanistan, Corée du Nord) que chez ceux provenant des pays en offrant le plus (p. ex. Suisse, Australie) (Chiswick et Miller, 2009). De surcroît, la proximité géographique du pays d'origine réduit la probabilité d'acquérir la citoyenneté. Ce facteur est particulièrement important aux États-Unis, étant donné la grande proximité du Mexique et le fait qu'une part importante et croissante d'immigrants arrive de ce pays.
Les données canadiennes donnent la preuve d'une variation importante des taux d'acquisition de la citoyenneté selon la catégorie d'immigrants. Les réfugiés sont les plus susceptibles de devenir citoyens, suivis par les immigrants appartenant à la catégorie économique des travailleurs qualifiés, puis par ceux appartenant à la catégorie du regroupement familial. Par exemple, six à dix ans après être entrés au Canada au début des années 1990, 85 % de réfugiés étaient devenus citoyens, comparativement à 70 % des membres de la catégorie économique des travailleurs qualifiés et à 60 % des membres de la catégorie du regroupement familial. Cependant, cette différence peut être reliée en grande partie à la région d'origine, car les réfugiés sont plus susceptibles d'arriver de pays peu nantis dont le bilan en matière de droits de la personne est médiocre (Tran et coll., 2005).
En ce qui concerne la double citoyenneté, la question n'est pas tant de savoir si le pays hôte la reconnaît (comme le font le Canada et les États-Unis), mais plutôt de savoir si le pays d'origine le fait. Les études empiriques révèlent que la reconnaissance de la double citoyenneté par le pays d'origine est associée à un accroissement de deux à trois points de pourcentage de la probabilité que les immigrants choisissent la citoyenneté américaine (Jones-Correa, 2001; Mazzolari, 2009; Chiswick et Miller, 2009).
5 Évolution de l'écart entre les taux de citoyenneté au Canada et aux États-Unis
5.1 Variations des taux de citoyenneté au Canada et aux États-Unis
De 1970 à 2006, les tendances divergentes suivies par les taux de citoyenneté au Canada et aux États-Unis ont soulevé des questions quant aux facteurs qui les sous-tendent. En 1970, dans les deux pays, environ les deux tiers des résidents nés à l'étranger étaient des citoyens. En 2006, la proportion avait diminué aux États-Unis pour atteindre 46 % et avait augmenté au Canada pour s'établir à 79 %. La baisse des taux de citoyenneté observés aux États-Unis a eu lieu en grande partie entre 1970 et 1990, tandis que la hausse observée au Canada est survenue principalement durant les années 1970 et les années 1990 (tableau 5). Au cours de ces périodes, les caractéristiques des immigrants ont changé considérablement dans les deux pays, de façon que l'on s'attendrait à les voir influer sur les taux de citoyenneté. Ce point est discuté plus en détail plus loin.
Un élément important à prendre en considération dans ces comparaisons est le traitement réservé aux immigrants non autorisés dans le calcul des taux de citoyenneté. Dans le cas des données canadiennes, le dénominateur utilisé dans le calcul du taux de citoyenneté est le nombre d'immigrants reçus qui résident dans le pays. Les immigrants non autorisés ne sont pas inclus dans le calcul et les variations de leur nombre n'exercent aucune pression à la baisse ni à la hausse sur le taux. Dans le cas des données américaines, le dénominateur utilisé dans tout calcul du taux de citoyenneté est le nombre de personnes nées à l'étranger et non le nombre d'immigrants résidant légalement dans le pays. Comme le nombre d'immigrants non autorisés a augmenté aux États-Unis et étant donné que ces immigrants n'ont pas droit à la citoyenneté, leur prise en compte dans le calcul fait baisser le taux de citoyenneté. Néanmoins, Fix, Passel et Sucher (2003) estiment que, même chez les immigrants en règle aux États-Unis, le taux de citoyenneté est passé de 64 % à 39 % entre 1970 et 1996, puis a augmenté pour atteindre 49 % en 2002 11 .
En outre, si l'on exclut les immigrants provenant des Caraïbes, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, qui sont les régions d'origine de la plupart des immigrants non autorisés aux États-Unis comme on l'a mentionné plus haut, on observe encore une baisse de 20 points de pourcentage du taux de citoyenneté entre 1970 et 1990 (pour passer de 76 % à 56 %, tableau 5). Enfin, l'augmentation du nombre d'immigrants non autorisés aux États-Unis s'est produite en grande partie depuis 1990, tandis que la baisse du taux de citoyenneté a eu lieu de 1970 à 1990.
Dans l'ensemble, on peut conclure qu'une baisse structurelle du taux de citoyenneté a eu lieu aux États-Unis entre 1970 et 2006, cette baisse s'étant produite principalement durant les années 1970 et les années 1980, tandis qu'une hausse du taux de citoyenneté a eu lieu au Canada durant cette période. Par conséquent, un écart s'est creusé entre les taux de citoyenneté dans les deux pays.
Peu de données ont été publiées sur les facteurs qui expliquent ce fait. En se concentrant principalement sur les immigrants portugais, Bloemraad (2002) a observé que, même au sein des groupes définis par des variables telles que le nombre d'années depuis l'immigration et la région d'origine, des différences de taux de citoyenneté persistent entre le Canada et les États-Unis. Bloemraad conclut qu'à elles seules, les caractéristiques démographiques et personnelles n'expliquent pas la différence, mais cette auteure ne quantifie pas la part de la différence attribuable à ces caractéristiques.
Outre les différences entre les attributs individuels et de groupe des immigrants établis au Canada et aux États-Unis, Bloemraad (2006) soutient que la tendance à demander la citoyenneté est intégrée dans des contextes institutionnels et politiques plus vastes et que ces contextes sont très différents dans les deux pays. Elle soutient en outre que les politiques du gouvernement canadien sont plus susceptibles d'encourager la citoyenneté que les politiques américaines. Cependant, bien que les arguments de Bloemraad soient en harmonie avec un taux de citoyenneté plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, ils n'expliquent pas la baisse du taux observé aux États-Unis au cours des années 1970 et des années 1980.
D'autres analystes ont interprété la baisse des taux de citoyenneté relevée aux États-Unis en s'appuyant sur les différences de plus en plus faibles entre les droits économiques, sociaux et civils octroyés aux résidents permanents qui sont citoyens et aux résidents permanents qui ne le sont pas. Au cours des années 1970, diverses décisions juridiques ont conféré aux résidents permanents en règle aux États-Unis le droit aux prestations de bien-être, à l'emploi dans la fonction publique et à l'aide financière pour la poursuite d'études supérieures (Van Hook et coll., 2006). En outre, les contraintes de citoyenneté imposées pour l'obtention d'un permis d'exercer certaines professions qui existaient avant le milieu des années 1970 dans certains États étaient éliminées en grande partie dans les années 1990 (Plascencia et coll., 2003). Plus généralement, Jacobson (1997) soutient que la « valeur » de la citoyenneté a fortement diminué aux États-Unis et dans de nombreux pays d'Europe occidentale puisque le statut de résident, plutôt que la citoyenneté, est devenu le facteur critique qui détermine l'accès à certains droits et privilèges. Dans ce contexte, les avantages associés à la citoyenneté et donc la motivation de l'obtenir sont perçus comme étant réduits. Jacobson voit aussi la hausse des taux de citoyenneté qui a eu lieu aux États-Unis après la réforme de l'aide sociale de 1996 comme l'indication d'une véritable « réévaluation » de la citoyenneté, la plupart des non-citoyens étant devenus inadmissibles aux programmes fédéraux de prestations en espèces et de prestations d'aide sociale en nature soumis au contrôle des ressources. En revanche, Van Hook et coll. (2006) soutiennent que les prestations instrumentales-légales n'ont pas forcément plus d'importance que les facteurs sociaux contextuels dans les décisions d'acquérir la citoyenneté. Ils constatent que la probabilité d'obtenir la citoyenneté augmente dans des proportions comparables chez les bénéficiaires et les non-bénéficiaires de l'aide sociale et que les niveaux de prestations n'ont aucun effet supplémentaire sur la probabilité d'acquérir la citoyenneté, outre celui de l'accès aux prestations.
Une autre perspective de la citoyenneté met l'accent sur les forces exercées par la mondialisation et sur l'évolution de la nature de la migration internationale. Bloemraad et ses collaborateurs soutiennent que l'accroissement important des flux internationaux de capital, de biens, de personnes et d'idées à travers les frontières nationales, l'amélioration continue des technologies de transport et de communication, la création d'institutions supranationales et la propagation de normes mondiales en matière de droits de la personne sont des facteurs qui tendent tous à amoindrir la signification des frontières nationales et de la souveraineté des États (Bloemraad et coll., 2008). Ce contexte a entraîné un phénomène croissant de diasporas, de communautés transnationales et d'appartenance multiple (Jacobson, 1997); en conséquence, la migration internationale est devenue moins permanente et plus circulaire. Ces processus de mondialisation ont peut-être permis aux immigrants de participer économiquement et socialement à la vie des pays hôtes sans devoir en devenir citoyens. Cependant, l'examen de la situation dans cette perspective n'explique pas clairement pourquoi les taux de citoyenneté ont évolué en sens opposé au Canada et aux États-Unis. Les économies ainsi que les régimes sociaux et politiques des deux pays sont généralement parlant les mêmes et devraient donc être affectés de la même façon par les processus de mondialisation.
La divergence des taux de citoyenneté aux États-Unis et au Canada pourrait également être associée à des changements de caractéristiques des immigrants qui s'établissent dans les deux pays. Comme on l'a mentionné plus haut, un certain nombre de caractéristiques sont associées à la probabilité qu'un immigrant décide de devenir un citoyen du pays hôte. Au cours des dernières décennies, la prévalence de ces caractéristiques a évolué dans des directions différentes dans les deux pays, ce qui peut avoir des conséquences sur les tendances des taux de citoyenneté. Toute analyse de ces tendances divergentes doit tenir compte de ces caractéristiques. La section suivante est consacrée à cette question.
5.2 Changements de caractéristiques des immigrants dans les deux pays
La région d'origine des immigrants qui s'établissent au Canada et aux États-Unis a changé de façon très différente. Aux États-Unis, la part d'immigrants âgés de 25 ans et plus arrivant des Caraïbes, d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud est passée de 17 % à 41 % entre 1970 et 1990, puis a continué d'augmenter pour atteindre 52 % en 2006 (tableau 6). Ces données englobent les immigrants non autorisés. Cependant, la plus grande part de la croissance de la part d'immigrants provenant de cette région a eu lieu entre 1970 et 1990, tandis que l'augmentation du nombre d'immigrants non autorisés s'est produite depuis 1990 (Passel, 2006). Donc, la part d'immigrants non autorisés en provenance de ces régions a également augmenté au cours des années 1970 et au cours des années 1980, ce qui correspond avec la baisse du taux de citoyenneté observé aux États-Unis.
Au Canada, la part d'immigrants âgés de 25 ans et plus en provenance des Caraïbes, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud est passée de 16 % à 9 % entre 1971 et 1991. Par conséquent, alors que des parts comparables d'immigrants adultes arrivant au Canada et aux États-Unis au début des années 1970 provenaient des Caraïbes, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud (environ 16 %), un écart de 31 points de pourcentage s'observait au début des années 1990 et s'est creusé encore davantage pour atteindre 41 points de pourcentage en 2006.
Dans les deux pays, la part d'immigrants provenant d'Asie a augmenté d'environ 18 points de pourcentage entre 1970-1971 et 1990-1991. Cette tendance s'est poursuivie au Canada (pour atteindre 38 % en 2006), mais non aux États-Unis.
Les deux pays ont vu diminuer la part d'immigrants venant d'Europe entre 1970-1971 et 1990-1991, mais ce recul a été nettement plus important aux États-Unis (38 points de pourcentage) qu'au Canada (10 points de pourcentage).
Dans l'ensemble, depuis 1970, le Canada a attiré de plus en plus d'immigrants venant des pays asiatiques en développement, c'est-à-dire de pays dont une grande part des immigrants qui en proviennent acquièrent la citoyenneté. Aux États-Unis, la croissance de l'immigration au cours de la période étudiée a eu surtout pour origine le Mexique et les autres pays d'Amérique latine. Les immigrants en provenance de ces pays acquièrent la citoyenneté à un taux plus faible et moins rapidement que ceux venus d'autres régions. Ces différences ont une incidence sur les proportions globales d'immigrants obtenant la citoyenneté.
Le nombre d'années écoulées depuis l'immigration est une autre variable associée au taux de citoyenneté qui a évolué de manière différente au Canada et aux États-Unis. Au Canada, le niveau des admissions annuelles d'immigrants était faible à la fin des années 1970 et dans les années 1980; par conséquent, la part d'immigrants ayant vécu dans le pays plus de 20 ans est passée de 46 % à 55 % entre 1971 et 1991. Comparativement, le nombre de nouveaux immigrants admis aux États-Unis a augmenté considérablement au cours de cette période (Bloemraad, 2006). En conséquence, la part d'immigrants ayant séjourné dans le pays plus de 20 ans a diminué, pour passer de 60 % à 40 % (Tableau 6). Comme le nombre d'années écoulées depuis l'immigration est associé positivement à la citoyenneté, ces changements de distribution devraient faire baisser le taux de citoyenneté aux États-Unis et le faire augmenter au Canada. Toutefois, de 1990-1991 à 2006, la tendance s'est renversée dans les deux pays, la part des immigrants de longue date ayant augmenté aux États-Unis, mais diminué au Canada.
Le niveau d'études des immigrants a augmenté spectaculairement dans les deux pays au cours de cette période. De 1970-1971 à 1990-1991, la part d'immigrants adultes titulaires d'un diplôme universitaire est passée de 6 % à 15 % au Canada et de 9 % à 21 % aux États-Unis. Si l'on exclut les immigrants arrivés des Caraïbes, d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud, la part d'immigrants possédant un diplôme universitaire est passée de 9 % à 28 % aux États-Unis (tableau 6). Étant donné la corrélation positive entre le niveau d'études et la citoyenneté, ces tendances devraient faire augmenter le taux de citoyenneté dans les deux pays. En 2006, le niveau d'études avait encore augmenté dans les deux pays, ce qui a vraisemblablement exercé de nouveau une pression à la hausse sur le taux.
Une différence importante existe entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne la vitesse à laquelle les immigrants choisissent de devenir citoyens; plus précisément, la corrélation entre le « nombre d'années depuis l'immigration » et le taux de citoyenneté est très différent 12 .
Le taux de citoyenneté est faible au cours des cinq premières années de séjour dans le pays hôte, parce que trois années de résidence sont exigées au Canada 13 et cinq années, aux États-Unis. Chez les immigrants ayant résidé dans le pays hôte de six à dix ans, le taux de citoyenneté moyen est de 71 % au Canada, mais de 24 % aux États-Unis (tableau 7). Il est intéressant de noter qu'après 20 ans, les taux moyens observés aux États-Unis et au Canada sont nettement plus proches, soit 74 % et 89 % respectivement. Par conséquent, ce n'est pas tant qu'il existe un écart important entre les taux finaux de citoyenneté dans les deux pays, du moins chez les immigrants qui demeurent dans le pays pendant plus de 20 ans, mais plutôt que les immigrants choisissent d'acquérir la citoyenneté beaucoup plus rapidement au Canada qu'aux États-Unis 14 .
Les données susmentionnées représentent la moyenne pour les cohortes d'immigrants entrants au cours de la période allant du début des années 1970 au début des années 2000. Cependant, pour ce qui est des variations d'une cohorte à l'autre, les résultats indiquent qu'aux États-Unis, la vitesse à laquelle les immigrants acquièrent la citoyenneté a diminué de 1970 à 1990, tandis qu'au Canada, elle a augmenté. Ainsi, dans la cohorte d'immigrants entrés aux États-Unis au début des années 1970, 27 % étaient des citoyens après six à dix années dans le pays, tandis que dans la cohorte entrée à la fin des années 1990, 20 % seulement étaient citoyens après six à dix ans. Au Canada, la part des cohortes correspondantes d'immigrants qui étaient devenus citoyens après six à dix ans est passée de 58 % à 79 % (tableau 7). Cette situation devrait avoir contribué à la hausse des taux transversaux de citoyenneté fondés sur les données de recensement au Canada et à la baisse des taux transversaux de citoyenneté aux États-Unis.
Brièvement, les changements de région d'origine, le nombre d'années écoulées depuis l'immigration et la variation de la vitesse à laquelle les immigrants deviennent citoyens pourraient expliquer une part importante de la divergence entre les taux de citoyenneté observés au Canada et aux États-Unis depuis les années 1970, particulièrement entre 1970 et 1990. D'autres variables, dont l'âge au moment de l'immigration, la langue, le sexe et la situation familiale, pourraient également avoir contribué à l'élargissement de l'écart et sont prises en compte dans l'analyse qui suit.
5.3 Les changements de caractéristiques des immigrants expliquent-ils l'accroissement de l'écart entre les taux de citoyenneté observés au Canada et aux États-Unis?
Dans quelle mesure les changements de caractéristiques des immigrants expliquent-ils la hausse du taux de citoyenneté au Canada et la baisse de ce taux aux États-Unis? Pour répondre à cette question, on se sert des données du Recensement du Canada, ainsi que des données du Recensement des États-Unis et de l'American Community Survey 15 .
L'analyse porte sur la période allant de 1970 à 2006 aux États-Unis et de 1971 à 2006 au Canada. Puisque la plupart des changements ont eu lieu au cours des années 1970 et des années 1980 aux États-Unis et au cours des années 1970 et des années 1990 au Canada, l'analyse est effectuée pour trois périodes distinctes, à savoir les années 1970, les années 1980 et la période allant de 1990-1991 à 2006. On examine pour commencer la variation du taux de citoyenneté non corrigé au cours de la période, puis la variation de ce taux en neutralisant l'effet de nombreuses caractéristiques des immigrants (p. ex. le changement de composition de la population d'immigrants) discutées plus haut.
La mesure dans laquelle les changements de caractéristiques des immigrants et des pays d'origine expliquent les tendances divergentes observées a été estimée au moyen de modèles probabilistes linéaires par moindres carrés ordinaires (MCO) 16 . La variable dépendante est la probabilité d'être un citoyen. Les variables indépendantes comprennent celles mentionnées ci-dessous, ainsi qu'un terme d'ordonnée à l'origine et une variable binaire indiquant l'année finale. Les régressions sont exécutées séparément pour le Canada et pour les États-Unis, et séparément pour chacune des trois périodes de référence.
Ces modèles probabilistes linéaires par moindres carrés ordinaires produisent une estimation corrigée de la variation du taux de citoyenneté au cours de la période. L'estimation corrigée tient compte des différences de caractéristiques des immigrants, ainsi que du pays d'origine, au début et à la fin de la période. La variation corrigée du taux de citoyenneté est simplement la valeur du coefficient de la variable indicatrice de l'année finale. Cette valeur donne une estimation de la variation du taux de citoyenneté au cours de la période lorsque l'on maintient fixes les caractéristiques des immigrants.
Plus précisément,
où
Y i = 1 si l'immigrant i est un citoyen, et Yi= 0 si l'immigrant i n'est pas un citoyen;
X i est un vecteur de caractéristiques de l'immigrant i, y compris la région d'origine, le niveau d'études, le nombre d'années écoulées depuis l'immigration, l'âge au moment de l'immigration, le sexe, l'état matrimonial, le nombre d'enfants et le lieu géographique de résidence;
Z i = 1 si l'observation correspond à l'année finale de la période et Zi = 0 autrement;
est le terme d'erreur pour l'individu i.
Le coefficient de Zi correspond à la variation du taux de citoyenneté, entre l'année de début de la période et l'année finale, corrigé de l'effet des changements de caractéristiques des immigrants. Donc, la différence entre la variation observée au cours de la période, , et est la proportion de la variation du taux de citoyenneté qui est expliquée par les changements de caractéristiques des immigrants. On peut montrer que , où est la variation de la moyenne de la caractéristique Xi des immigrants entre la première année et l'année finale de la période (Abada, Hou et Ram, 2009) 17 .
Cet effet global des changements de caractéristiques des immigrants sur la variation du taux de citoyenneté peut en outre être décomposé en les contributions de chaque caractéristique en utilisant l'équation suivante : . Cette dernière montre que, pour qu'une caractéristique d'un immigrant ait une forte incidence sur la variation du taux de citoyenneté, il doit s'agir d'un prédicteur significatif de la citoyenneté (c.-à-d. que diffère significativement de 0 [zéro]) et qu'elle ait fait l'objet d'un changement important au cours de la période étudiée (c.-à-d. que la différence est grande).
Pour les États-Unis, des analyses distinctes sont effectuées en utilisant deux populations différentes : premièrement, tous les immigrants de 25 ans et plus et deuxièmement, la même population en excluant ceux en provenance des Caraïbes, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud. Cette dernière population ne comprend pas un nombre important d'immigrants non autorisés. Les résultats fondés sur ces deux populations représentent des bornes autour de la réponse correcte, puisque le premier a tendance à surestimer l'effet du changement de composition de la population d'immigrants sur la baisse du taux de citoyenneté aux États-Unis et que le deuxième a tendance à sous-estimer cet effet 18 .
Au Canada, au cours des années 1970, le taux non corrigé de citoyenneté a augmenté de 7,3 points de pourcentage. Le taux corrigé, tenant compte de l'effet des changements de caractéristiques, n'a augmenté que de 1,5 point de pourcentage (tableau 8). Cela signifie que 5,8 points de pourcentage (ou 79 %) de l'augmentation de 7,3 points de pourcentage (c.-à-d. la différence entre 7,3 et 1,5 points de pourcentage) étaient attribuables à des changements de caractéristiques des immigrants (tableau 10).
Pendant les années 1980, le taux n'a pratiquement pas changé au Canada : le changement ne nécessite donc pas d'explication. Cependant, les calculs pour la période de 1991 à 2006 indiquent que 64 % de la hausse du taux était attribuable à des changements de caractéristiques des immigrants. L'agrégation des résultats sur les trois périodes (de 1971 à 2006) révèle que 7,0 points de pourcentage (ou 56 %) de la hausse de 12,5 points de pourcentage du taux de citoyenneté étaient dus à des changements de caractéristiques des immigrants (tableau 10).
De même, l'évolution des caractéristiques compositionnelles de la population d'immigrants a joué un rôle clé aux États-Unis. Si l'on considère l'ensemble de la population d'immigrants adultes, un peu plus de la moitié de la baisse du taux de citoyenneté observée au cours de la période de 1970 à 2006 était, selon les estimations, attribuable à des changements de caractéristiques des immigrants (tableaux 9 et 10). Au cours des années 1970, la période où la baisse du taux a été la plus rapide, environ 62 % de cette baisse était attribuable à des changements de caractéristiques des immigrants, mais au cours des années 1990, cette proportion était de 53 %. Entre 1990 et 2006, le taux de citoyenneté a peu varié et l'analyse révèle que les caractéristiques des immigrants n'ont joué qu'un rôle mineur.
Si l'on exclut de l'analyse les immigrants provenant des Caraïbes, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, les changements de caractéristiques des immigrants expliquent un peu plus de la moitié de la baisse du taux de citoyenneté observée pendant les années 1970 et 1980, et 42 % de celle observée au cours de la période complète de 1970 à 2006 (tableaux 9 et 11) 19 . De 1970 à 1990, période pendant laquelle le taux de citoyenneté des immigrants aux États-Unis a le plus baissé, les changements de composition de la population d'immigrants expliquaient entre 50 % et 60 % du recul.
Afin d'évaluer plus directement la mesure dans laquelle le changement de caractéristiques des immigrants explique l'accroissement de l'écart entre les taux de citoyenneté observés dans les deux pays, les résultats présentés plus haut sont combinés au bas du tableau 10. C'est au cours des années 1970 que l'écart entre les deux pays s'est creusé le plus. Au cours de cette période, le taux de citoyenneté a augmenté de 7,3 ponts de pourcentage au Canada et a baissé de 12,9 points de pourcentage aux États-Unis, ce qui s'est traduit par un accroissement de 20,2 points de pourcentage de l'écart entre les deux pays. En maintenant constantes les caractéristiques des immigrants, l'écart n'a augmenté que de 6,4 points de pourcentage, ce qui signifie que 13,8 points de pourcentage (ou 68 %) de la croissance observée au cours des années 1970 étaient dus aux changements de caractéristiques des immigrants qui se sont établis dans les deux pays (sur la base de la population complète d'immigrants adultes aux États-Unis).
Le deuxième accroissement par ordre d'importance décroissante de l'écart entre les taux de citoyenneté, soit 10,3 points de pourcentage, a eu lieu durant les années 1980. Les changements de caractéristiques des immigrants arrivés dans les deux pays expliquaient la moitié de cette hausse. Au cours de la période de référence complète allant du début des années 1970 à 2006, l'écart entre les taux de citoyenneté au Canada et aux États-Unis a augmenté de 35,6 points de pourcentage. Les changements de caractéristiques des immigrants expliquent près de 19 points de pourcentage, ou plus de 60 %, de cet accroissement (tableau 10).
Si l'on exclut les immigrants en provenance des Caraïbes, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud des chiffres pour les États-Unis, on constate que l'écart entre les taux de citoyenneté au Canada et aux États-Unis a augmenté de près de 30 points de pourcentage entre 1970-1971 et 2006, tandis que les changements de caractéristiques des immigrants étaient à l'origine de 48 % de cet accroissement (tableau 11).
En résumé, de 1970-1971 à 2006, les changements de caractéristiques des immigrants étaient à l'origine de 48 % à 62 % de l'augmentation de l'écart entre les taux de citoyenneté observés au Canada et aux États-Unis. Néanmoins, près de la moitié de l'accroissement de l'écart reste inexpliqué après que l'on ait tenu compte de l'effet des changements dans les caractéristiques compositionnelles observées. La mesure dans laquelle les arguments mentionnés au début de la présente section ou d'autres explications rendent compte de cette part inexpliquée dépassent le cadre de la présente analyse.
6 Conclusion
Selon des études antérieures et les résultats exposés dans le présent document, les immigrants qui deviennent citoyens du pays hôte semblent obtenir de meilleurs résultats sur le marché du travail que ceux qui ne le font pas. Cette constatation persiste même après avoir tenu compte des différences ayant trait aux caractéristiques personnelles et de l'emploi observées. Comparativement aux non-citoyens, les immigrants qui obtiennent la citoyenneté ont des taux d'emploi plus élevés, des taux de chômage plus faibles, une plus forte probabilité de travailler dans une profession de premier rang et une rémunération hebdomadaire plus élevée. Certaines données donnent aussi à penser que la citoyenneté est tout spécialement corrélée à de meilleurs résultats sur le marché du travail chez les immigrants provenant de pays pauvres, peu développés.
Cet avantage économique résulte-t-il de l'acquisition de la citoyenneté proprement dite ou existe-t-il d'autres explications possibles? Autrement dit, les immigrants qui sont devenus citoyens auraient-ils pu obtenir de meilleurs résultats sur le marché du travail même s'ils n'avaient pas acquis la citoyenneté? Il pourrait en être ainsi à cause d'autres caractéristiques non observées, comme la motivation à réussir. Peu d'études canadiennes ou américaines abordent cette question de l'autosélection, et celles qui le font arrivent à la conclusion que l'avantage économique de l'acquisition de la citoyenneté persiste même après avoir tenu compte de l'effet de la sélection.
De 1970 à 2006, un écart important s'est creusé entre les taux de citoyenneté observés chez les immigrants installés au Canada et aux États-Unis. Les taux de citoyenneté ont baissé aux États-Unis, du moins jusqu'au milieu des années 1990, tandis qu'ils ont augmenté au Canada. Au cours des années 1970, période durant laquelle l'écart a le plus augmenté, les changements de caractéristiques des immigrants venus au Canada et aux États-Unis expliquaient de 63 % à 68 % de l'agrandissement de l'écart entre les taux. Au cours des années 1980, période durant laquelle la divergence s'est poursuivie, les changements de caractéristiques des immigrants expliquaient environ 50 % de l'accroissement de l'écart. Sur la période de référence complète allant de 1970-1971 à 2006, les changements de caractéristiques des immigrants expliquaient de 48 % à 62 % de l'accroissement de la différence de taux de citoyenneté entre les deux pays. Dans une large mesure, tant au Canada qu'aux États-Unis, l'évolution des taux de citoyenneté au cours du temps s'est faite dans les directions auxquelles il fallait s'attendre étant donné les attributs des immigrants et les pays d'origine observés dans chaque pays.
- Date de modification :