Rapports sur la santé
Comprendre le profil socioéconomique des personnes qui ont fait une surdose d’opioïdes en Colombie-Britannique, 2014 à 2016
par Gisèle Carrière, Claudia Sanmartin et Rochelle Garner
DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202100200003-fra
En 2016, l’administrateur de la santé provinciale de la Colombie-Britannique a déclaré une urgence de santé publique à la suite d’une augmentation du nombre de surdoses de drogues illicites et de décès connexes. De 2011 à 2016, le nombre de décès dus à la toxicité de drogues illicites en Colombie-Britannique s’est élevé au total à 2 788, passant de 295 en 2011 à 991 en 2016Note 1. Ces décès étaient largement attribuables à l’utilisation de fentanyl illicite et de ses analogues. En 2019, ces substances ont été détectées dans 87 % des décès dus à la toxicité de drogues illicites. En 2012, cette proportion était de 5%Note 1. Bien que la crise des opioïdes ait une portée nationale, le taux de décès attribuables aux surdoses de drogues illicites demeure disproportionnellement plus élevé en Colombie-Britannique, soit 20,7 pour 100 000 habitants (ajusté en fonction de l’âge), comparativement à 8,4 pour 100 000 habitants pour l’ensemble du CanadaNote 2Note 3.
En réponse, le gouvernement de la Colombie-Britannique a créé une infrastructure de surveillance de la santé publique permettant de surveiller les surdoses en temps quasi réel. Le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, divers ministères provinciaux, la Régie de la santé des Premières Nations de la Colombie-Britannique et d’autres organismes ont collaboré à l’établissement de couplages d’enregistrements répondant aux besoins en matière de renseignements, et ils ont ainsi contribué à l’élaboration de politiques et de stratégies d’intervention. Cette collaboration a mené à la création de la cohorte provinciale des victimes de surdoses de la Colombie-Britannique (ci-après la « cohorte des victimes de surdoses »), qui était initialement axée sur les données démographiques de base, l’utilisation des services de santé et les ordonnances prescrites aux personnes qui avaient fait une surdose d’opioïdes en Colombie-BritanniqueNote 4.
La cohorte des victimes de surdoses a permis de révéler des renseignements importants pertinents dans le contexte de la crise, c’est-à-dire que les hommes représentaient les deux tiers (66 %) des cas de surdoses, et que près de la moitié (49 %) étaient âgés de 20 à 39 ansNote 4Note 5Note 6. De plus, elle a permis de révéler que les personnes ayant fait une surdose avaient beaucoup sollicité les services de santésNote 5 : 75 % ayant rendu visite à un médecin communautaire, 54 % ayant rendu visite à un service d’urgence et 26 % ayant été admises à l’hôpital au cours de l’année ayant précédé l’épisode de surdose. En comparaison, 17 % des populations correspondantes appariées (sans surdose) de la Colombie-Britannique ont rendu visite à un service d’urgence et 9 % ont été admises à l’hôpital. Les problèmes de consommation de substances et les problèmes de santé mentale étaient les diagnostics les plus fréquents établis chez les personnes qui ont été hospitalisées et qui ont par la suite fait une surdose. Compte tenu de l’opinion grandement répandue selon laquelle les médicaments prescrits à des fins médicales ont contribué à la crise, Smolina et al. ont utilisé la cohorte des victimes de surdoses pour examiner la question. Leur examen a révélé que la plupart des membres de la cohorte n’avaient pas d’ordonnance pour un opioïde analgésique lorsqu’ils ont fait une surdose, et que la moitié d’entre eux n’avaient pas eu une telle ordonnance au cours des cinq années ayant précédé leur surdoseNote 7. D’autres chercheurs ont révélé que le nombre de décès par surdose était supérieur de 40 % pendant les semaines où les chèques d’aide sociale étaient remis par rapport aux autres semainesNote 8.
Bien que les interventions provinciales visant la prévention des décès par surdose aient connu certains succèsNote 9Note 10Note 11, les décès dus à la toxicité de drogues illicites sont demeurés disproportionnellement élevés en Colombie-BritanniqueNote 12, ce qui justifie l’intégration d’autres renseignements pertinents.
En 2018, Statistique Canada a collaboré avec le partenariat intersectoriel de réponse aux surdoses de la Colombie-Britannique afin de produire une représentation plus complète de la situation socioéconomique des personnes qui ont fait une surdose d’opioïdes. Grâce à cette collaboration, Statistique Canada a produit le Fichier analytique sur les surdoses d’opioïdes en Colombie-Britannique (FASO-CB), une version miroir de la cohorte des victimes de surdoses en Colombie-Britannique, mais augmentée, au moyen de couplages avec d’autres fonds de données fédéraux, par exemple sur l’impôt, l’aide sociale, la justice et l’immigration.
L’objectif de la présente étude est d’utiliser le FASO-CB pour accroître et mettre à jour les renseignements déjà publiés par Statistique Canada pour les personnes décédées en raison de la toxicité de drogues illicitesNote 13Note 14, en ajoutant les personnes qui ont fait une surdose non mortelle.
Méthodes
Fichier analytique sur les surdoses d’opioïdes en Colombie-Britannique (FASO-CB) de Statistique Canada
Avec l’aide du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, Statistique Canada a utilisé ses algorithmes de recherche de casNote 4 pour définir les cas de surdose d’opioïdes en Colombie-Britannique survenus du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, et il a créé le FASO-CB, qui contient des données fédérales intégrées qui caractérisent les contacts des personnes avec le système de santé, le système de justice et le système économique. L’approche est décrite en détail dans un rapport d’accompagnementNote 15.
Sources des données pour la détermination des cas et le couplage
Les surdoses liées aux opioïdes ont été relevées dans chacune des sources de données provinciales suivantes :
i. Régime d’assurance médicale (RAM)
ii. Services de santé d’urgence (SSU) de la Colombie-Britannique, pour les surdoses traitées par des ambulanciers.
iii. Service des coroners de la Colombie-Britannique, pour les décès confirmés dus à la toxicité de drogues illicites (ci-après les « surdoses mortelles »).
iv. Base de données sur les congés des patients (BDCP), pour les hospitalisations en soins actifs.
v. Système national d’information sur les soins ambulatoires (SNISA), pour les visites aux services d’urgence.
Les ministères et les organismes de la province de la Colombie-Britannique sont responsables de la collecte des données pour le RAM, les SSU et le Service des coroners de la Colombie-Britannique, et ils ont partagé ces données avec Statistique Canada dans le cadre de ce projet. L’Institut canadien d’information sur la santé partage chaque année les données de la BDCP et du SNISA avec Statistique Canada. Des renseignements supplémentaires sur ces sources de données sont accessibles ailleursNote 16Note 17Note 18Note 19. Ces cinq sources de données (RAM, SSU, Service des coroners de la Colombie-Britannique, BDCP et SNISA) ont été couplées à Statistique Canada. Statistique Canada n’avait pas accès à deux sources de données utilisées à l’origine par la Colombie-Britannique pour la création de la cohorte des victimes de surdoses, soit le Centre d’information sur les poisons et les médicaments de la Colombie-Britannique, et les déclarations des cas par les services d’urgence dans trois des cinq régies de la santé de la Colombie-Britannique; par conséquent, elles n’ont pas pu être intégrées au FASO-CB. Ces deux sources exclues représentaient toutefois moins de 1 % des enregistrements relatifs à une personne et 0,5 % des enregistrements relatifs à un événement dans la cohorte des victimes de surdoses de la Colombie-BritanniqueNote 20. Le FASO-CB comprend les personnes qui ont fait une surdose du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, et la surdose de référence utilisée est le premier épisode de surdose survenu au cours de la période d’observation.
Les données des personnes figurant dans le FASO-CB ont été couplées aux bases de données suivantes de Statistique Canada : i) le Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvreNote 21; ii) le Fichier T5007 – État des prestationsNote 22Note 23; iii) la Base de données longitudinales sur l’immigrationNote 24; iv) le Programme de déclaration uniforme de la criminalitéNote 25. Ces bases de données contiennent des renseignements sur l’emploi et l’aide sociale, le statut d’immigrant et les contacts avec la police, respectivement. Les données des personnes figurant dans le FASO-CB ont également été couplées aux données du système PharmaNet de la Colombie-BritanniqueNote 26, que le ministère des Services de santé de la Colombie-Britannique a partagées avec Statistique Canada. Le système PharmaNet contient des renseignements sur les médicaments délivrés sur ordonnance reçus au moment de l’épisode de surdose de référence et au cours des années précédentes.
Tous les couplages ont été effectués dans l’Environnement de couplage de données sociales de Statistique CanadaNote 27. Les données administratives et les données d’enquête ont été couplées au Dépôt d’enregistrements dérivés au moyen du système G-Coup, un logiciel généralisé de couplage d’enregistrements fondé sur SAS, qui appuie le couplage déterministe et probabiliste et qui a été élaboré à Statistique CanadaNote 28. Le couplage a été approuvé par le Comité de gestion stratégiqueNote 29 de Statistique Canada, et l’utilisation des données est régie par la Directive sur le couplage de microdonnéesNote 30. Des renseignements supplémentaires sur ces données, la gouvernance des données, la méthode de couplage d’enregistrements et les taux sont présentés ailleursNote 15.
Mesures
Âge et sexe : L’âge (en années) a été dérivé à Statistique Canada, et il correspond à la différence entre la date de la surdose de référence et la date de naissance de la personne. Les renseignements sur la date de naissance et le sexe ont été obtenus principalement au moyen du système du registre des clients du ministère des Services de santé de la Colombie-Britannique, le Répertoire principal des patients (2011 à 2017)Note 31. Sur les 13 318 personnes figurant dans le fichier de données, 43 (0,3 %) n’avaient aucun renseignement sur la date de naissance et le sexe dans le système du registre des clients du ministère des Services de santé de la Colombie-Britannique. Pour ces personnes, la date de naissance, l'âge et le sexe ont été obtenus au moyen d’autres sources de données, selon l’ordre de priorité suivant : SSU, Service des coroners de la Colombie-Britannique, SNISA et BDCP. Au bout du compte, il y avait 10 personnes pour lesquelles le sexe n’a pu être déterminé (0,08 %).
Statut d’immigrant et de résident temporaire : Le couplage à la Base de données longitudinales sur l’immigration a permis de repérer des personnes titulaires du statut d’immigrant ou de résident temporaire au Canada au moment de la surdose de référence. Cette base de données contient des enregistrements sur tous les immigrants reçus et les résidents temporaires, de 1980 à 2017 (dernière année accessible au moment du couplage). Les immigrants reçus étaient classés selon leur catégorie d’admission : immigrants de la catégorie du regroupement familial, immigrants de la catégorie économique, réfugiés et autres immigrants. Les années entre la date d’établissement (pour les immigrants reçus) ou du permis le plus récent (pour les résidents temporaires) et la surdose de référence ont été calculées pour les personnes figurant dans le FASO-CB couplées à la Base de données longitudinales sur l’immigration.
Emploi et aide sociale : Des renseignements sur l’emploi et sur l’aide sociale reçue au cours de l’année civile de l’épisode de surdose de référence et de chacune des cinq années civiles précédentes étaient accessibles pour les personnes ayant un numéro d’assurance sociale valide et identifiable (n = 13 184; 99 %). Les caractéristiques de l’emploi étaient fondées sur les données du feuillet T4, le sommaire des revenus d’emploi et des retenues du gouvernement du Canada (Agence du revenu du Canada) pour une année donnée, tandis que les renseignements sur l’aide sociale étaient fondés sur les données du formulaire T5007, le formulaire qui fait état des prestations versées à une personne au cours d’une année civile, par exemple des prestations d’invalidité.
Les personnes étaient réputées occuper un emploi si le revenu indiqué sur leur feuillet T4 était de 500 $ ou plus pour l’année civile. Pour les personnes occupant un emploi, l’industrie dans laquelle ils occupent leur emploi principal (c.-à-d. l’emploi pour lequel le revenu était le plus élevé) au cours de l’année civile est déclarée selon le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN). Ce système classe les industries de la façon suivante : construction (code 23 du SCIAN); services administratifs, services de soutien, services de gestion des déchets et services d'assainissement (code 56 du SCIAN); services d’hébergement et de restauration (code 72 du SCIAN); commerce de détail (codes 44 et 45 du SCIAN); fabrication (code 31, 32 et 33 du SCIAN) et tous les autres codes d’industrie. Les personnes étaient réputées avoir reçu de l’aide sociale si on avait réussi à les coupler à un formulaire T5007, peu importe le montant d’aide sociale reçu au cours de l’année civile. Des mesures agrégées ont également été créées pour permettre de préciser le nombre d’années, au cours des cinq années ayant précédé l’épisode de surdose de référence, pendant lesquelles les personnes ont occupé un emploi ou ont reçu de l’aide sociale, le nombre pouvant aller d’aucune année à la totalité des cinq années.
Utilisation des soins de santé : L’utilisation du système de soins de santé, dans l’année ayant précédé la surdose de référence, correspond au nombre de visites à un service d’urgence, peu importe la raison, et pour certaines raisons principales, selon les enregistrements du SNISA, et au nombre global d’hospitalisations en soins actifs, peu importe la raison, et pour certains diagnostics les plus indiqués, selon les enregistrements de la BDCP. Les principales raisons des visites à un service d’urgence et des hospitalisations ont été établies en fonction des codes de diagnostic qui suivent, tirés de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10e version (CIM-10) : intoxication aux opioïdes (T40.0 à T40.4, T40.6); problèmes liés à la consommation d’autres substances (F10 à F19); problèmes de santé mentale non liés à la consommation de substances (F00 à F09, F20 à F99); blessures et empoisonnements autres que les intoxications aux opioïdes (S00 à T98, à l’exclusion de T40.0 à T40.4 et de T40.6). Il convient de noter que les enregistrements du SNISA ne fournissent pas tous un code de diagnostic CIM-10 : 24,4 % des enregistrements du SNISA couplés au FASO-CB pour les deux années ayant précédé la surdose de référence n’avaient pas de code CIM-10.
Médicaments délivrés sur ordonnance :Les renseignements sur les médicaments délivrés sur ordonnance dans la collectivité ont été dérivés de la base de données PharmaNet de la Colombie-Britannique, qui ne tient pas compte des médicaments délivrés à l’hôpital. Les variables dichotomiques suivantes ont été créées pour refléter les médicaments délivrés sur ordonnance reçus au cours de l’année (365 jours) ayant précédé la surdose de référence : i) au moins une ordonnance exécutée, peu importe le médicament; ii) au moins une ordonnance d’opioïdes. Les ordonnances d’opioïdes ont également été divisées en deux, soit les traitements par agonistes opioïdes et les médicaments opioïdes pour le traitement de la douleur, selon l’algorithme fourni par le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique.
Contacts avec la police :Des mesures des contacts avec la police au cours des 24 mois ayant précédé la surdose de référence ont été créées, notamment le nombre de contacts et les types d’infractions (p. ex. infractions contre les biens, vols à l’étalage, infractions contre l’administration de la justice). Le temps écoulé entre le dernier contact avec la police et la surdose de référence a été déclaré en fonction des périodes cumulatives suivantes : 0 à 29 jours (1 mois), 30 à 90 jours (3 mois), 91 à 182 jours (6 mois), 183 à 364 jours (12 mois), 365 à 547 jours (18 mois) et 548 à 730 jours (24 mois) avant la surdose de référence.
Résultats
Dans l’ensemble, 13 318 personnes ayant fait au moins une surdose d’opioïdes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 (tableau 1) ont été répertoriées. Il s’agissait principalement d’hommes (65 %), et la fréquence des surdoses mortelles était plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Parmi les victimes des surdoses de référence, la moitié (52 %) étaient des personnes de moins de 40 ans. Les personnes qui ont fait une surdose mortelle étaient légèrement plus jeunes que celles de la cohorte des surdoses non mortelles (âge moyen : 40 ans par rapport à 42 ans). La plupart (78 %) des personnes ont connu un seul épisode de surdose au cours de la période d’observation. La proportion de personnes qui ont connu un seul épisode de surdose, par rapport aux personnes qui en ont connu plus d’un, était plus élevée dans la cohorte des surdoses mortelles (83,5 %) que dans la cohorte des surdoses non mortelles (77,3 %; tableau 1).
Statut d’immigrant
Au total, 7 % des personnes étaient des immigrants reçus au moment de leur surdose de référence, et 0,4 % étaient des résidents temporaires (tableau 2). Parmi les immigrants et les résidents temporaires figurant dans le Fichier analytique sur les surdoses d’opioïdes en Colombie-Britannique (FASO-CB), 41,0 % sont arrivés au Canada plus de 20 ans avant leur surdose de référence, et 11,3 % sont arrivés moins de 5 ans avant leur surdose de référence. Dans l’ensemble, 29,4 % des immigrants ou des résidents temporaires qui ont fait une surdose d’opioïdes sont nés en Asie du Sud (tableau 2).
Emploi, revenu et aide sociale
Près des deux tiers (66,2 %) des personnes n’occupaient pas d’emploi au cours de l’année civile de leur surdose de référence (tableau 3), bien que ce chiffre était légèrement inférieur chez les personnes ayant fait une surdose mortelle (63,9 %). Parmi les personnes qui occupaient un emploi au cours de l’année de leur surdose de référence, un cinquième (21,4 %) travaillaient dans le secteur de la construction, 12,2 % travaillaient dans le secteur des services administratifs, des services de soutien, des services de gestion des déchets et des services d’assainissement, et 11,7 % travaillaient dans le secteur des services d’hébergement et de restauration. Au cours des cinq années ayant précédé la surdose de référence, 41 % des personnes n’avaient pas d’emploi rémunéré, tandis qu’un cinquième (20,4 %) ont occupé un emploi au cours de la totalité des cinq années (tableau 3).
Environ la moitié (50,4 %) des personnes ont reçu de l’aide sociale au cours de l’année civile de leur surdose de référence. Au cours des cinq années ayant précédé leur surdose de référence, 44 % des personnes n’ont pas reçu d’aide sociale, tandis que le tiers (29,4 %) ont reçu de l’aide sociale au cours de la totalité des cinq années ayant précédé leur surdose de référence (tableau 3).
Utilisation des soins de santé
Au cours de l’année ayant précédé leur épisode de surdose de référence, près de 62 % des personnes ont rendu visite à un service d’urgence, et 32 % l’ont fait au moins trois fois cette année-là (tableau 4). La proportion de personnes qui ont rendu visite à un service d’urgence était plus faible chez les personnes qui ont fait une surdose mortelle (57 %) que chez les personnes du sous-groupe des surdoses non mortelles (63 %). Parmi les personnes admises à un service d’urgence, 37,2 % ont été admises pour une blessure ou un empoisonnement (autre qu’une surdose d’opioïdes), 17,1 % ont été vues pour un problème de santé mentale lié à la consommation de substances, et 15,6 % pour un problème de santé mentale non lié à la consommation de substances (tableau 4).
Dans l’ensemble, environ le tiers (29,3 %) des personnes ont été hospitalisées dans un hôpital de soins actifs au cours de l’année ayant précédé leur surdose de référence. Au total, 15 % ont été vues une fois au cours de l’année, tandis que 7,8 % ont été admises trois fois ou plus. Parmi les personnes qui ont été hospitalisées, plus du quart (26,6 %) ont été hospitalisées pour des problèmes liés à la consommation de substances, 20,9 % pour des problèmes de santé mentale non liés à la consommation de substances, et 20,6 % pour des blessures autres que des intoxications aux opioïdes (tableau 4).
La plupart (87,2 %) des personnes ont reçu une ordonnance au cours de l’année ayant précédé leur surdose de référence, et 45,9 % ont reçu une ordonnance de produits opioïdes. Ces produits opioïdes ont été classés comme traitement par agonistes opioïdes (23,1 %) ou traitement de la douleur (22,7 %). La proportion de personnes qui ne disposaient pas de produits opioïdes délivrés sur ordonnance au cours de l’année ayant précédé leur surdose de référence était plus élevée chez les personnes qui ont fait une surdose mortelle (61,0 %) que chez celles qui ont fait une surdose non mortelle (53,3 %).
Contacts avec la police
Près des deux tiers (61,2 %) des personnes (tableau 5) n’avaient pas eu de contact officiel avec la police au cours des deux années ayant précédé leur surdose de référence, et il n’y avait pas de différence au chapitre des contacts officiels avec la police entre les personnes qui ont fait une surdose mortelle et celles qui ont fait une surdose non mortelle (61,2 % pour les deux). Parmi les 38,8 % de personnes qui ont eu des contacts officiels avec la police au cours des deux années ayant précédé leur surdose de référence, 34 % ont eu un seul contact, tandis que 50 % ont eu trois contacts officiels ou plus. Les principales infractions reprochées étaient en grande partie non violentes : 16,5 % des accusations concernaient un vol à l’étalage de 5 000 $ ou moins, 10,9 %, le fait d’avoir troublé la paix, 8,7 %, le défaut de s’être conformé à une ordonnance et 7,0 %, le manquement aux conditions de la probation. Le classement et la répartition des types d’infractions ne variaient pas selon que les personnes avaient fait une surdose mortelle ou non (tableau 5). De plus, parmi les personnes ayant eu au moins un contact officiel avec la police, environ le quart (24,3 %) avaient eu au moins un contact avec la police moins de 30 jours avant leur surdose de référence (tableau 5). Une plus faible proportion de personnes qui ont fait une surdose mortelle (15,4 %) ont eu un contact avec la police pendant cette période, comparativement à 25,4 % pour les personnes qui ont fait une surdose non mortelle.
Discussion
En collaboration avec des partenaires de la Colombie-Britannique, comme le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique et des ministères et organismes provinciaux, Statistique Canada a créé le Fichier analytique sur les surdoses d’opioïdes en Colombie-Britannique (FASO-CB), une quasi-réplique de la cohorte des victimes de surdoses de la Colombie-Britannique qui contient des renseignements fédéraux supplémentaires sur les personnes qui ont fait une surdose d’opioïdes mortelle ou non mortelle en Colombie-Britannique du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Les améliorations apportées aux données portaient sur le statut d’immigrant, l’emploi, l’aide au revenu et les contacts avec la police. Les taux de couplage entre les personnes figurant dans le FASO-CB et les sources de données fédérales étaient élevésNote 15, et les comparaisons entre le fichier analytique utilisé pour la présente étude et la cohorte des victimes de surdoses de la Colombie-Britannique ont révélé des répartitions semblables au chapitre de la démographie et de l’utilisation des services de soins santé. Le FASO-CB contenait toutefois de nouveaux renseignements sur l’emploi, l’aide sociale et les contacts avec la police pour la période ayant précédé la surdose de référence de ces personnes.
Selon les résultats de la présente étude, les immigrants et les résidents temporaires étaient sous-représentés parmi les personnes qui ont fait une surdose d’opioïdes : 7 % des personnes figurant dans le FASO-CB étaient des immigrants ou des résidents temporaires, comparativement à 28,3 % de la population de la Colombie-Britannique en 2016Note 32.Les résultats ont également révélé que les immigrants qui ont fait une surdose étaient principalement des immigrants de longue date arrivés au pays au moins deux décennies avant leur surdose de référence et qu’ils étaient principalement originaires de l’Asie du Sud, ce qui reflète en général les principaux pays d’origine des immigrants en Colombie-Britannique. La population immigrante de la Colombie-Britannique est principalement composée de personnes nées en Asie (61 %), surtout en Chine (15,5 %) et en Inde (12,6 %)Note 32.
Les résultats indiquent que, dans l’ensemble, les personnes en Colombie-Britannique qui ont fait une surdose avaient également connu de l’instabilité sur le plan du revenu et de l’emploi au cours des années ayant précédé l’événement de référence. Environ 34 % de la population en question occupaient un emploi au cours de l’année de la surdose de référence, comparativement à 59,6 % de la population globale de la Colombie-Britannique en 2016Note 33. Des recherches antérieures de Statistique Canada ont révélé que, dans l’ensemble, les personnes en Colombie-Britannique qui ont fait une surdose mortelle avaient un revenu qui était très inférieur au revenu d’emploi médian des personnes occupant un emploi dans la provinceNote 13. De même, les résultats de la présente étude ont montré des signes de marginalisation économique chez les personnes qui ont fait une surdose d’opioïdes mortelle ou non mortelle. Les associations entre le chômage, la marginalisation et la consommation de substances illicitesNote 34Note 35Note 36 et, plus précisément, entre la défavorisation socioéconomique et la surdose d’opioïdes, ont déjà été reconnuesNote 37Note 38Note 39Note 40.
Dans un article de synthèse, Henkel a indiqué que la consommation problématique de substances augmentait la probabilité de chômage et diminuait les chances de trouver et de conserver un emploi, et que le chômage était un facteur de risque important pour le développement subséquent de problèmes liés à la consommation de substancesNote 34. Des constatations semblables sur le désavantage économique ont été faites au sujet des consommateurs d’opioïdes en Colombie-Britannique et en OntarioNote 3Note 35Note 41. Dans des travaux à venir, l’intégration d’autres fonds de données fédéraux, y compris des renseignements sur le parc de logements sociauxNote 42, pourrait faire ressortir davantage les croisements entre la situation socioéconomique des personnes et le risque de surdose.
Parmi les personnes occupant un emploi figurant dans le fichier analytique, les travailleurs du secteur de la construction étaient surreprésentés (21,4 % des personnes occupant un emploi) par rapport aux taux globaux de la population de la Colombie-Britannique qui travaille dans ce secteur. En Colombie-Britannique, les travailleurs du secteur de la construction représentaient 8 % de l’ensemble des travailleurs en 2015, et 13 % des hommes en particulierNote 33. Ces chiffres correspondent aux données narratives recueillies par le Service des coroners de la Colombie-Britannique, qui a déclaré que 44 % des personnes décédées à cause de la toxicité de drogues illicites occupaient un emploi au moment de leur décès, en grande partie (55 %) dans les métiers et les industries du transport (qui comprennent la construction)Note 43.
Près des deux tiers des personnes qui ont fait une surdose n’ont eu aucun contact officiel avec la police. La proportion des personnes qui ont eu au moins un contact avec la police au cours des deux années ayant précédé leur événement de référence (38,8 %) était plus élevée comparativement à la population provinciale générale (les personnes accusées d’une affaire criminelle en 2016 représentaient 0,3 % de la population de la Colombie-BritanniqueNote 14), mais les infractions reprochées étaient principalement non violentes. La majorité des infractions commises par les personnes figurant dans le fichier analytique qui ont eu des contacts avec la police étaient liées au vol à l’étalage. Les résultats sur les contacts avec la police et sur l’emploi ont mis en lumière le lien reconnu entre une plus grande marginalisation économique et la plus grande probabilité de contacts avec le système de justiceNote 44, ainsi que les liens possibles entre la dépendance à une substance, la perte d’emploi et les crimes contre les biens commis pour assurer la survie de baseNote 45Note 46Note 47Note 48. Il faudra effectuer d’autres recherches au moyen du FASO-CB pour comprendre pleinement le lien entre ces facteurs et les surdoses d’opioïdes.
Bien que la présente étude apporte de nouveaux renseignements sur les caractéristiques des personnes qui ont fait une surdose d’opioïdes, elle fait ressortir les limites qui suivent. Premièrement, les résultats représentaient des associations univariées entre les caractéristiques de la cohorte et des résultats qui ne devraient pas être interprétés comme ayant des effets directs. Deuxièmement, l’analyse ne comportait pas un groupe comparatif de personnes chez qui aucune surdose n’a été détectée. Troisièmement, bien que des sources portant sur une bonne partie du spectre des services de soins de santé aient été utilisées pour la détermination des cas de surdose, et que la période d’observation était de deux ans, les surdoses ont probablement été sous-dénombrées, puisque certaines personnes qui ont fait une surdose n’ont peut-être pas eu de contact avec les services de santéNote 49. Quatrièmement, bien que la surdose de référence ait été la première observée au cours de la période à l’étude, ce n’était peut-être pas la première surdose de la personne. Cinquièmement, bien que les surdoses mortelles aient été établies par le Service des coroners de la Colombie-Britannique et qu’elles aient été définies dans la présente étude comme étant celles survenues au cours de la période d’observation, d’autres personnes du sous-groupe des surdoses non mortelles figurant dans le fichier analytique sont décédées d’autres causes pendant la période visée. Dans d’autres conditions d’étude, les désignations de la cohorte des surdoses mortelles et des surdoses non mortelles pourraient être appliquées différemment. Une étude plus poussée d’autres sources de renseignements sur les décès, comme les registres des décès, pourrait produire des renseignements supplémentaires importants. Sixièmement, d’autres travaux ont permis de démontrer que les membres des collectivités des Premières Nations de la Colombie-Britannique sont surreprésentés parmi les personnes ayant fait une surdose ou étant décédées d’une surdoseNote 50. Les renseignements utilisés pour repérer les Autochtones n’étaient pas accessibles aux fins de la présente étude. Enfin, depuis la fin de la période d’observation de l’étude, les circonstances entourant les surdoses pendant la crise des surdoses ont peut-être changé. Par conséquent, il faut faire preuve de prudence avant de généraliser les résultats actuels pour des années ultérieures à celles faisant l’objet de la présente étude.
Conclusion
Pour orienter les mesures qui pourraient permettre de réduire ou de prévenir les méfaits des drogues illicites, il est essentiel de comprendre les déterminants socioéconomiques associés aux surdoses d’opioïdes. Les partenariats et l’utilisation collaborative de données intégrées ont permis de combler partiellement les lacunes existantes en matière de renseignements. Une telle approche a permis de démontrer que les données existantes, qui comprennent maintenant des données fédérales, pourraient permettre de surveiller les tendances au fil du temps et d’orienter les efforts de prévention. Il pourrait s’agir d’une première étape vers l’utilisation de fonds de données fédéraux et l’intégration d’autres secteurs, comme le logement.
- Date de modification :