Rapports sur la santé
La teneur en sucres ajoutés, libres et totaux et la consommation d’aliments et de boissons au Canada
par Siyuan Liu, Lalani L. Munasinghe, Arto Ohinmaa et Paul J. Veugelers
DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202001000002-fra
Au Canada, 89 % de tous les décès surviennent en raison de maladies chroniquesNote 1, ce qui représente plus de 80 milliards de dollars en coûts annuels de soins de santéNote 2. L’adoption de comportements liés à un mode de vie sain, comme une saine alimentation, pourrait permettre de prévenir 80 % des cas de diabète de type 2 et de maladie cardiovasculaire, et 40 % des cancers et d’autres maladies chroniquesNote 1Note 3. Malgré les recommandations en matière de saine alimentation formulées par Santé CanadaNote 4, les habitudes alimentaires continuent de se détériorer et les taux de prévalence de l’embonpoint continuent d’augmenterNote 5.
Étant donné que les sucres contribuent à la composition énergétique globale de l’alimentation, un apport excessif en sucre peut donner lieu à un bilan énergétique positif et à un gain de poids. De nombreuses données épidémiologiques et expérimentales mises au jour indiquent une association entre la consommation de sucre et l’obésité, des taux de lipide élevés dans le sang, l’adiposité viscérale, la stéatose hépatique, l’insulinorésistance, le diabète de type 2, la maladie cardiovasculaire, le syndrome métabolique et les caries dentairesNote 6Note 7Note 8Note 9Note 10Note 11Note 12Note 13. Si des aliments nutritifs comme les fruits et le lait contiennent des sucres à l’état naturelNote 14, de nombreux autres aliments et boissons contiennent des sucres ajoutés et des sucres libres qui, lorsqu’ils sont consommés en quantités excessives, augmentent l’apport en calories et remplacent la consommation d’aliments nutritifsNote 15.
Les définitions des sucres ajoutés, libres et totaux varient. Dans la cadre de la présente étude, la définition des sucres libres de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a été utilisée : « les sucres libres incluent les monosaccharides et les disaccharides ajoutés aux aliments par le fabricant, le cuisinier ou le consommateur, ainsi que les sucres naturellement présents dans le miel, les sirops, les jus de fruits et les concentrés de jus de fruitsNote 6. » Les sucres ajoutés sont définis comme les sucres raffinés ajoutés dans la cuisson ou la fabrication, à l’exclusion des sucres à l’état naturel et des jus de fruitsNote 16Note 17.Les sucres totaux sont définis comme la somme de tous les sucres à l’état naturel et des sucres ajoutés.
En 2015, l’OMS a diffusé de nouvelles recommandations afin de réduire la consommation de sucres libres à moins de 10 % de l’apport énergétique total (AET) quotidien, et idéalement à moins de 5 % de l’AET pour obtenir d’autres bienfaits pour la santéNote 6. Dans l’édition du document Dietary Guidelines for Americans de 2015 à 2020, diffusé par le U.S. Department of Agriculture (USDA), on recommande que les Américains consomment moins de 10 % de calories provenant de sucres ajoutés.
Divers pays ont documenté la consommation de sucres ajoutés et de sucres libres. Par exemple, aux États-Unis, on a estimé que 13,1 % à 17,5 % de l’AET chez les enfants et que 11,2 % à 14,5 % de l’AET chez les adultes provenaient de sucres ajoutésNote 18Note 19. On a estimé que 11,2 % de l’AET des enfants vivant en Grèce provenaient de sucres libresNote 20. Les moyennes observées au sein de ces populations dépassent les recommandations relatives à la consommation de sucre de l’OMS et de l’USDA et exigent des interventions afin de réduire l’apport en sucres ajoutés et en sucres libres. Des estimations de la consommation de sucres ajoutés et de sucres libres ne sont pas disponibles pour le Canada, car la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres des aliments et des boissons au Canada n’est pas documentée systématiquement.
En 2004, l’apport moyen en sucres totaux des Canadiens était estimé à 21,4 % de l’AET quotidienNote 21, une estimation qui inclut à la fois les sucres à l’état naturel et les sucres ajoutés. Si des travaux ultérieurs ont été réalisés pour quantifier l’apport en sucres ajoutés en particulier, ces estimations ne tenaient pas compte de toutes les sources de sucres ajoutésNote 22. Des travaux de recherche ont permis de démontrer que 66 % des 40 000 produits alimentaires emballés au Canada contenaient au moins un type de sucre ajoutéNote 23. Dans une étude récente, Bernstein et al.Note 24 ont estimé la teneur en sucres libres des aliments préemballés au Canada à l’aide des renseignements du Programme d’étiquetage des aliments. Bien que les auteurs aient été en mesure d’estimer la teneur en sucres libres d’un grand nombre d’aliments préemballés, leurs travaux ne comprenaient pas toutes les sources alimentaires. Par conséquent, à ce jour, il n’y a pas d’estimations exactes fondées sur la population de la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres de l’alimentation des Canadiens.
Compte tenu des préoccupations croissantes concernant les conséquences sur la santé d’un apport excessif en sucres ajoutés et en sucres libres, l’adoption de politiques et de programmes pour réduire cette consommation suscite de plus en plus d’intérêt. Divers États ont adopté de telles politiques et de tels programmes pour réduire la consommation à l’échelle de la populationNote 25Note 26. Pour le Canada, la recherche scientifique sur les effets sur la santé d’une consommation excessive de sucres ajoutés et de sucres libres et sur les bienfaits éventuels des interventions commence par une bonne compréhension de la consommation de sucres ajoutés et de sucres libres à l’échelle de la population. Par conséquent, dans le but de fournir des renseignements exacts sur la consommation de sucre pour les chercheurs et les décideurs, la présente étude vise à : 1) documenter la teneur en sucres ajoutés, libres et totaux des aliments et des boissons consommés au Canada; 2) estimer la consommation et les sources alimentaires de sucres ajoutés, libres et totaux au Canada.
Données et méthodes
Sources de données
L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) – Nutrition de 2015 est une enquête nationale transversale qui a été menée par Statistique Canada et Santé Canada de janvier à décembre 2015. Dans le cadre de cette enquête, on a sélectionné des personnes âgées de 1 an et plus vivant dans des logements privés dans les 10 provinces canadiennes au moyen d’un plan d’échantillonnage en grappes à plusieurs degrésNote 27. Un taux de réponse de 61,6 % a été obtenu à l’échelle nationale. L’interview de rappel alimentaire de 24 heures tenue dans le cadre de cette enquête a permis de recueillir des données sur les apports nutritionnels de 20 487 répondants, dont 7 608 ont fait une deuxième interview de rappel alimentaire de 24 heures. Ces rappels alimentaires de 24 heures ont été administrés au moyen de la méthode nommée « Automated Multiple-Pass Method »Note 28. Les répondants ont déclaré la consommation de 2 784 aliments à l’échelle des ingrédients et de 2 590 aliments à l’échelle des recettes dans le cadre de l’ESCC – Nutrition de 2015. Les aliments à l’échelle des recettes sont des aliments qui contiennent deux ingrédients ou plus. Un sandwich et la salade César sont des exemples d’aliments à l’échelle des recettes, et une pomme et des nouilles sont des exemples d’aliments à l’échelle des ingrédientsNote 27. La teneur en éléments nutritifs des aliments à l’échelle des ingrédients a été utilisée pour calculer la teneur en éléments nutritifs des aliments des recettes. Le fichier du Guide alimentaire canadien a été utilisé pour déterminer les portionsNote 28.
Le Comité d’éthique de la recherche de l’Université de l’Alberta a approuvé la présente étude (Pro00073295). On a accédé aux données de l’ESCC – Nutrition de 2015 par l’intermédiaire du Programme des centres de données de recherche de Statistique Canada.
Estimation de la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres des aliments et des boissons
Statistique Canada a calculé l’apport en éléments nutritifs, y compris l’apport en sucres totaux, chez les répondants d’après la consommation et la teneur en éléments nutritifs des aliments et des boissons déclarés. Cependant, l’apport en sucres ajoutés et en sucres libres n’est pas compris dans ce calcul, car la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres des aliments et des boissons n’est pas documentée systématiquement au Canada.
En 2015, Louie et al.Note 17 ont publié un arbre de décision et ont utilisé une méthodologie systématique pour estimer la teneur en sucres ajoutés des aliments en Australie. Leur approche normalisée à 10 étapes présentait une fiabilité interjuge élevée et a été conçue pour être utilisée au pays (en Australie) et à l’étrangerNote 17. L’approche élaborée par Louie et al.Note 17 a été adaptée pour être utilisée au Canada. La figure 1 illustre l’algorithme de décision de l’approche à neuf étapes. Il convient de souligner qu’une des dix étapes de l’approche de Louie et al. (étape numéro 4) a été omise, car les aliments à l’échelle des recettes dans l’ensemble de données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) – Nutrition de 2015 reposaient sur plus d’une recette. Une brève description de chacune des neuf étapes est présentée ci-dessous. De plus amples renseignements sur chacune des étapes sont fournis dans d’autres étudesNote 29.
Étape 1 : Attribuer 0 g de sucres ajoutés et de sucres libres aux aliments à l’échelle des ingrédients qui contiennent 0 g de sucres totaux.
Étape 2 : Attribuer 0 g de sucres ajoutés et de sucres libres aux aliments à l’échelle des ingrédients qui ne sont pas transformés ou qui sont transformés sans sucres ajoutés ou sans sucres libres.
Attribuer 0 g de sucres ajoutés aux types d’aliments, comme les jus de fruits et de légumes sans sucre (y compris les concentrés), les produits laitiers sans sucre et toutes les matières grasses et les huiles. Attribuer 0 g de sucres libres à ces types d’aliments, à l’exception des jus de fruits et des aliments contenant des jus de fruits.
Étape 3 : Attribuer 100 % des sucres totaux comme sucres ajoutés et sucres libres aux aliments à l’échelle des ingrédients contenant très peu de sucres à l’état naturel.
Attribuer 100 % des sucres totaux comme sucres ajoutés aux types d’aliments comme les boissons édulcorées, les confiseries, les sucres, les sirops et les édulcorants sans fruits ajoutés, le chocolat et les produits laitiers. Attribuer 100 % des sucres totaux comme sucres libres à ces types d’aliments et aux jus de fruits à 100 % et aux aliments qui contiennent des fruits.
Étape 4 : Calculer la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres en comparant la teneur en sucres totaux d’un aliment ou d’une boisson à la teneur en sucre de la version sans sucre de cet aliment ou de cette boisson.
Les sucres ajoutés et les sucres libres par 100 g (SA100g et SL100g) ont été calculés au moyen des formules suivantes :
, et
,
où est la teneur en sucres totaux par 100 g de l’aliment sucré ou de la boisson sucrée, et est la teneur en sucres totaux par 100 g de l’aliment non sucré ou de la boisson non sucrée.
Étape 5 : Calculer la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres d’après la teneur en lactose et en maltose.
Lorsque les données sur le lactose et le maltose étaient disponibles dans le Fichier canadien sur les éléments nutritifs ou la base de données sur la composition des aliments du U.S. Department of Agriculture, la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres des aliments à l’échelle des ingrédients a été calculée au moyen des formules suivantes :
, et
.
Étape 6 : Calculer la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres en utilisant la teneur attribuée à des aliments semblables aux étapes 1 à 5 ou d’autres bases de données sur les éléments nutritifs.
Des études ont été effectuées sur les aliments semblables visés aux étapes 1 à 5 et dans la base de données australienne sur les aliments, les suppléments et les éléments nutritifs pour obtenir des renseignements sur les sucres ajoutés et les sucres libres. Les aliments ont été considérés comme étant semblables si seule leur teneur en eau était différente, s’ils contenaient des ingrédients semblables (comme des légumes semblables dans une soupe) ou s’ils avaient une teneur réduite en calories (ou énergie) ou en gras. Lorsqu’un aliment semblable était relevé (appariement), la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres de l’aliment cible a été estimée au moyen des formules suivantes :
, et
.
Étape 7 : Donner une estimation subjective de la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres des aliments à l’échelle des ingrédients d’après des recettes courantes et des listes d’ingrédients.
Étape 8 : Attribuer 50 % des sucres totaux comme teneur en sucres ajoutés et en sucres libres à tous les aliments à l’échelle des ingrédients restants.
Étape 9 : Calculer la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres des aliments à l’échelle des recettes en utilisant les recettes du répondant et la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres des aliments à l’échelle des ingrédients estimée ci-dessus.
Suivant l’estimation liée à tous les aliments à l’échelle des ingrédients dans le cadre de l’ESCC – Nutrition de 2015 (étapes 1 à 8), la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres des aliments à l’échelle des recettes a été calculée au moyen des formules suivantes :
et ,
où est le poids brut du ie ingrédient dans la recette, est le poids du ingrédient dans la recette après cuisson, est la teneur en sucres ajoutés par 100 g du ingrédient et est la teneur en sucres libres par 100 g du ingrédient.
La teneur moyenne en sucres ajoutés et en sucres libres des aliments à l’échelle des ingrédients a été calculée pour 18 groupes d’aliments (présentés dans la figure 2). Ces groupes d’aliments reposaient sur les codes et les descriptions des groupes d’aliments du Bureau des sciences de la nutritionNote 30 et les groupes d’aliments du Fichier canadien sur les éléments nutritifsNote 31.
Estimation de l’apport habituel en sucres ajoutés, libres et totaux
La méthode du National Cancer Institute (NCI) a été utilisée pour estimer la répartition de l’apport habituel en sucres ajoutés, libres et totaux des CanadiensNote 32. Selon la méthode du NCI, on suppose que l’apport habituel est égal à la probabilité de consommation au cours d’un jour donné fois la quantité moyenne consommée au cours d’un « jour de consommation »Note 33 et on utilise des rappels alimentaires de 24 heures. Dans le cadre de cette méthode, on utilise un modèle en une partie ou en deux parties selon que certains éléments nutritifs sont consommés couramment (c.-à-d. quotidiennement et par la plupart des répondants) ou ne le sont pasNote 34. Le modèle en une partie tient uniquement compte de la quantité d’un élément nutritif consommée et doit être appliqué aux éléments nutritifs qui sont consommés couramment. Le modèle en deux parties tient compte à la fois de la proportion de la population qui consomme l’élément nutritif et de la quantité de l’élément nutritif consommée, et doit être appliqué aux éléments nutritifs qui ne sont pas consommés couramment. Aux fins de la présente étude, on présumait que les sucres ajoutés, libres et totaux ont été consommés quotidiennement et par tous les membres de la population. Pour l’apport habituel en sucres ajoutés, libres et totaux pour chacun des 18 groupes d’aliments, on a tenu compte de la proportion de la population qui ne consommait pas de sucre. Un modèle en une partie a été appliqué aux groupes d’aliments lorsque moins de 5 % de la population ne consommait pas de sucre. Un modèle en deux parties a été appliqué aux groupes d’aliments lorsque plus de 20 % de la population ne consommait pas de sucre. Pour les groupes d’aliments pour lesquels 5 % à 20 % de la population ne consommaient pas de sucre, les deux modèles ont été ajustés, et le modèle qui présentait le meilleur ajustement a été utiliséNote 34. Pour l’apport habituel en sucres ajoutés et en sucres libres exprimé sous forme de pourcentage de l’apport énergétique total, une extension de la méthode du NCI a été utiliséeNote 34Note 35.
Toutes les analyses comprenaient l’âge, le sexe, la séquence de rappels alimentaires de 24 heures (premier rappel par rapport à deuxième rappel) et le jour de la semaine de la collecte des données du rappel alimentaire de 24 heures (jours de semaine, ou lundi à jeudi, par rapport aux jours de fin de semaine, ou vendredi à dimanche) comme covariables pour tenir compte de la variation inter-sujets et intra-sujet. Des poids d’échantillonnage fournis par Statistique Canada ont été utilisés pour s’assurer que les estimations de l’étude s’appliquent aux résidents du Canada (appelés les Canadiens pour faciliter la présentation des résultats). Toutes les analyses statistiques ont été effectuées au moyen du logiciel SAS (version 9.4, SAS Institute). Les macros SAS de la méthode du NCI étaient accessibles en ligneNote 36.
Résultats
Teneur estimée en sucres ajoutés, libres et totaux des aliments et des boissons
La teneur en sucres ajoutés et en sucres libres de 2 784 aliments à l’échelle des ingrédients et de 2 590 aliments à l’échelle des recettes consommés au Canada a été calculée au moyen de la méthode à neuf étapes. Le tableau 1 montre la teneur en sucre de certains aliments à l’échelle des ingrédients déclarés dans le cadre de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Nutrition de 2015. Un exemple pour chacun des 18 groupes d’aliments est fourni dans le tableau. Un tableau indiquant la teneur en sucres ajoutés, libres et totaux de tous les aliments à l’échelle des ingrédients est présenté dans d’autres étudesNote 29 à l’intention du grand public. Les recettes (et les aliments à l’échelle des recettes) sont propres aux répondants et sont soumises à une diffusion restreinte pour des questions de confidentialité, mais il est possible de faire le calcul à partir des aliments à l’échelle des ingrédients.
Teneur estimée en sucres ajoutés, libres et totaux des groupes d’aliments
Pour chacun des 18 groupes d’aliments, la figure 2 montre la teneur moyenne en sucres ajoutés, libres et totaux de tous les aliments et de toutes les boissons déclarés par les répondants. Les desserts et les sucreries présentaient la teneur la plus élevée en sucres ajoutés, libres et totaux, à savoir 37,0 g, 38,1 g et 42,9 g par 100 g, respectivement. À l’exception des fruits, tous les groupes d’aliments à teneur élevée en sucres totaux présentaient aussi une teneur élevée en sucres ajoutés et en sucres libres. Les céréales à déjeuner, les produits de boulangerie-pâtisserie, les boissons, les aliments pour bébés et les grignotines étaient les groupes d’aliments qui contenaient une teneur élevée en sucres libres et en sucres ajoutés. Les jus de fruits avaient une teneur élevée en sucres libres (12,5 g/100 g), mais une faible teneur en sucres ajoutés (1,9 g/100 g). Les matières grasses et les huiles, les viandes, les saucisses et les viandes froides, les pâtes, les grains céréaliers et les farines, les œufs, les légumes, les épices, les soupes, les sauces et les sauces brunes, les noix et graines ainsi que les produits laitiers avaient une teneur relativement faible en sucre.
Consommation estimée de l’apport en sucres ajoutés, libres et totaux et respect des recommandations
Le tableau 2 montre la moyenne et les centiles de l’apport habituel en sucres ajoutés, libres et totaux au Canada. Les Canadiens consomment quotidiennement, en moyenne, 57,1 g de sucres ajoutés, 67,1 g de sucres libres et 105,6 g de sucres totaux. En moyenne, les sucres ajoutés représentent environ 54,1 % des sucres totaux, et les sucres libres représentent environ 63,5 % des sucres totaux. L’apport moyen estimé en sucres ajoutés, libres et totaux représentait 11,1 %, 13,3 % et 21,6 %, respectivement, de l’apport énergétique total (AET).
Une comparaison entre la consommation de sucres ajoutés et de sucres libres et l’apport recommandé en sucres ajoutés et en sucres libres est également présentée au tableau 2. La recommandation du U.S. Department of Agriculture (un apport en sucres ajoutés représentant moins de 10 % de l’AET) était respectée par 49,0 % des Canadiens. Un pourcentage plus faible de Canadiens adhérait aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé relatives aux sucres libres : les sucres libres représentaient moins de 10 % de l’AET chez 33,8 % des Canadiens et les sucres libres représentaient moins de 5 % de l’AET chez 5,4 % des Canadiens.
Contribution des groupes d’aliments à l’apport en sucres ajoutés, libres et totaux
La contribution de chacun des 18 groupes d’aliments à l’apport en sucres ajoutés, libres et totaux est résumée à la figure 3. Les desserts et les sucreries et les boissons étaient les deux groupes d’aliments qui contribuaient le plus à l’apport en sucres ajoutés, libres et totaux dans l’alimentation des Canadiens. Des proportions estimées à 67,3 %, à 57,5 % et à 41,1 % de l’apport en sucres ajoutés, libres et totaux, respectivement, provenaient des desserts et des sucreries, et des proportions estimées à 17,4 %, à 17,5 % et à 12,6 % de l’apport en sucres ajoutés, libres et totaux, respectivement, provenaient des boissons. D’autres groupes d’aliments, comme les produits de boulangerie-pâtisserie, les soupes, les sauces et sauces brunes et les céréales à déjeuner, contribuaient aussi à l’apport en sucres ajoutés, libres et totaux.
Certaines différences ont été observées dans la contribution relative des groupes d’aliments à l’apport en sucres ajoutés, libres et totaux (figure 3). Les fruits (12,9 %) et les produits laitiers (11,6 %) étaient des sources importantes d’apport en sucres totaux, mais ils n’étaient pas les principales sources d’apport en sucres ajoutés et en sucres libres.
Discussion
La présente étude a permis de révéler la teneur en sucres ajoutés, libres et totaux et la consommation des aliments et des boissons au Canada. Pour la majorité des Canadiens, la consommation de sucres ajoutés et de sucres libres dépassait les recommandations du U.S. Department of Agriculture (USDA) et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Les desserts et sucreries et les boissons contribuaient le plus à l’apport en sucres ajoutés, libres et totaux des Canadiens.
La définition des sucres ajoutés de l’USDA et la définition de sucres libres de l’OMS ont été utilisées aux fins de la présente étude. Les sucres ajoutés sont différents des sucres libres, car ils excluent les sucres à l’état naturel présents dans les jus de fruits et les concentrés de jus de fruits. Diverses études n’ont pas défini clairement les sucres ajoutés et les sucres libresNote 17Note 18Note 19Note 24, tandis que la présente étude et d’autres étudesNote 37Note 38 ont permis d’observer des différences considérables dans la consommation de sucres ajoutés par rapport aux sucres libres.
On a estimé à 110,0 g/jour l’apport en sucres totaux au Canada, selon les données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Nutrition de 2004Note 21. Ce chiffre semble supérieur aux 105,6 g/jour qui ont été estimés dans la présente étude au moyen des données de l’ESCC – Nutrition de 2015. Langlois et al. Note 39, qui ont étudié les changements temporels dans la consommation des sucres totaux, ont conclu que la réduction apparente entre 2004 et 2015 peut en réalité être attribuable aux erreurs de déclaration découlant de changements apportés à la méthodologie de cette enquête. Ils ont aussi observé que la consommation de sucres totaux provenant des aliments a dans les faits augmenté entre 2004 et 2015, tandis que l’apport en sucres totaux provenant des boissons a diminuéNote 39. Des études menées dans d’autres pays et visant des périodes antérieures ont permis de conclure que l’apport en sucres totaux a diminué ou plafonné, tant en termes absolus (g/jour) qu’en termes relatifs (pourcentage des sucres totaux dans l’apport énergétique total [AET])Note 40Note 41Note 42.
À ce jour, très peu d’études portant sur la consommation de sucres ajoutés et de sucres libres sont fondées sur la population, et très peu d’entre elles ont fait le point sur le respect des recommandations de l’USDA et de l’OMS. Louie et al. ont constaté que 1 % des enfants et des jeunes australiens (âgés de 2 à 16 ans) consommaient des sucres ajoutés représentant moins de 5 % de l’AET, et que 18,1 % d’entre eux consommaient des sucres ajoutés représentant moins de 10 % de l’AETNote 42. Sluik et al. ont révélé que 29 % des résidents néerlandais (âgés de 7 ans et plus) respectaient la recommandation liée aux sucres ajoutés (moins de 10 % de l’AET) et que 19 % d’entre eux respectaient la recommandation liée aux sucres libres (moins de 10 % de l’AET).Note 38 Les estimations issues de la présente étude indiquant que 49,0 % et 33,8 % des Canadiens respectaient les recommandations en vigueur liées aux sucres ajoutés et aux sucres libres, respectivement, sont nettement plus élevées que les estimations australiennes et néerlandaises.
La présente étude a permis de conclure que les desserts et les sucreries, les céréales à déjeuner, les produits de boulangerie-pâtisserie, les boissons et les grignotines sont des groupes d’aliments à teneur élevée en sucres ajoutés et en sucres libres. Ce classement semble concorder avec le classement de Bernstein et al. lié aux aliments et aux boissons préemballésNote 24. L’étude a également permis de démontrer que l’apport en sucres ajoutés, libres et totaux issu de la consommation des desserts et des sucreries était considérablement plus élevé que leur apport issu de la consommation des boissons. Cela semble concorder avec les observations tirées d’un examen de 11 études européennes qui a permis de conclure que les produits sucrés ont contribué à une proportion plus élevée de l’apport en sucres ajoutés (40 % à 50 % chez les enfants et 36 % à 61 % chez les adultes) que les boissons (20 % à 34 % chez les enfants et 12 % à 31 % chez les adultes)Note 43.
Divers États ont adopté des stratégies pour améliorer la qualité de l’alimentation ou réduire l’apport énergétique. Ces stratégies comprennent des guides alimentaires, des politiques de nutrition destinées aux écoles, l’étiquetage sur le devant des emballages, le marketing social et différentes formes de taxationNote 4Note 25Note 44Note 45. Plusieurs études ont fait état de l’efficacité de ces interventions et de la mesure dans laquelle elles ont entraîné une diminution de la consommation de sucres ajoutés et de sucres libresNote 26Note 46Note 47. Cependant, d’autres études ont permis de démontrer qu’il reste beaucoup de place à l’amélioration. Par exemple, des évaluations économiques ont permis de révéler que le Canada aurait évité des coûts de soins de santé d’environ 863 millions de dollars en 2014 et de 830 millions de dollars en 2018 si les Canadiens avaient évité de consommer des boissons édulcoréesNote 48Note 49. Les estimations de la valeur et de la consommation de sucres ajoutés et de sucres libres de la présente étude peuvent appuyer les travaux à venir sur les coûts pour la santé et les coûts économiques associés à la consommation de ces sucres. Elles peuvent aussi orienter les interventions ciblées éventuelles liées à la consommation de sucres ajoutés et de sucres libres.
La présente étude comporte plusieurs points forts, car elle repose sur les données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Nutrition de 2015, qui est une grande enquête fondée sur la population ayant permis de recueillir les données sur les rappels alimentaires de 24 heures de plus de 20 000 répondants, avec des mesures répétées, afin de produire une estimation de l’apport habituel. Une limite de l’étude a trait au jugement subjectif exercé aux étapes 6, 7 et 8, celui-ci pouvant avoir introduit une erreur dans les estimations de la teneur en sucres ajoutés et en sucres libres. Cependant, ces étapes portaient sur un nombre limité d’aliments et de boissons : la figure 1 montre que ces étapes portaient sur 475 (8,8 %) des 5 374 produits et boissons déclarés dans l’estimation des sucres ajoutés et sur 397 (7,4 %) aliments et boissons déclarés dans l’estimation des sucres libres. De plus, Louie et al.Note 17 ont indiqué une fiabilité interjuge élevée pour cette méthode. Une autre limite a trait à l’utilisation des rappels alimentaires de 24 heures, qui sont sujets aux erreurs, tout comme chaque méthode d’évaluation de l’alimentation.
Remerciements
La présente étude a été financée grâce à une subvention d’exploitation des Instituts de recherche en santé du Canada (subvention numéro 384559) accordée à Paul J. Veugelers. L’étude a aussi été financée grâce aux fonds du Réseau canadien des centres de données de recherche (RCCDR), du Conseil de recherches en sciences humaines, de la Fondation canadienne pour l’innovation et de Statistique Canada. Bien que l’étude et l’analyse soient fondées sur des données de Statistique Canada, les opinions présentées dans le présent document ne représentent pas nécessairement celles de Statistique Canada ou du RCCDR.
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