Années potentielles de vie perdues de 25 à 74 ans chez les Indiens inscrits, 1991 à 2001

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Par Michael Tjepkema, Russell Wilkins, Jennifer Pennock et Neil Goedhuis

Par rapport aux autres Canadiens, les membres des Premières nations assument un fardeau lié à la maladie disproportionné1-3, ce dont rend compte leur espérance de vie plus courte. Dans le cas des Indiens inscrits, l'espérance de vie à la naissance est de huit années de moins pour les hommes et de sept années de moins pour les femmes4. L'espérance de vie, toutefois, a tendance à être dominée par les décès à des âges plus avancés. Il existe une façon complémentaire d'examiner la mortalité, soit en mettant l'accent sur la mortalité prématurée, notamment les années potentielles de vie perdues (APVP) avant l'âge de 75 ans. Les APVP correspondent aux années supplémentaires qu'aurait vécues une personne si elle avait eu un cycle de vie complet5.

Le taux de décès prématuré et, d'une façon plus large, les APVP, est plus élevé pour les Indiens inscrits que pour les autres Canadiens6-9. Parmi les explications possibles figurent les différences au cours de la vie11 dans les grands déterminants sociaux de la santé, comme le revenu, la scolarité et la qualité du logement10. En dépit de leur importance12,13, ces facteurs ne sont généralement pas inclus dans les analyses des différences de mortalité entre les Autochtones et les non-Autochtones13. Toutefois, grâce à l'étude canadienne de suivi de la mortalité selon le recensement de 1991 à 2001, il est possible d'examiner l'effet des variables socioéconomiques sur la disparité dans les décès prématurés entre les Indiens inscrits et les adultes non autochtones.

Le présent article comprend des estimations des APVP de 25 à 74 ans parmi les Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves, fait état des causes de décès pour lesquelles les disparités entre les Indiens inscrits et les Canadiens non autochtones étaient les plus grandes, et examine les effets des facteurs socioéconomiques sur ces différences.

Méthodes

Sources des données

L'étude canadienne de suivi de la mortalité selon le recensement de 1991 à 2001 repose sur une cohorte couplée de façon probabiliste et constituée d'un échantillon de 15 % (n = 2 735 152) de la population de 25 ans et plus ne vivant pas en établissement qui a été dénombrée au moyen du questionnaire complet du Recensement de 199114. Cette cohorte a fait l'objet d'un suivi de la mortalité du 4 juin 1991 au 31 décembre 2001, inclusivement.

Comme les noms des personnes ne figuraient pas dans la base de données du recensement, mais étaient nécessaires pour le couplage à la base de données sur la mortalité, la création de la cohorte a nécessité deux couplages probabilistes. Tout d'abord, les enregistrements correspondant aux participants qui étaient admissibles au recensement ont été couplés à un fichier de liste nominale (de noms, tirés des données sur les déclarants fiscaux de 1990 et 1991, puis chiffrés) à partir de variables communes, comme la date de naissance, le code postal et la date de naissance du conjoint (le cas échéant); 80 % des participants admissibles ont été appariés avec succès. En deuxième lieu, les enregistrements du recensement et les noms chiffrés ont été appariés à la Base canadienne de données sur la mortalité15. À partir des décès pour 1991, déterminés de façon indépendante dans la Base canadienne de données sur la mortalité et/ou dans le fichier de noms, le taux de confirmation des décès survenus de 1991 à 2001 a été estimé à 97 % pour la cohorte dans son ensemble,  et à 95 % à 96 % chez les membres de la cohorte ayant déclaré une ascendance autochtone, le statut d'Indien inscrit ou l'appartenance à une bande indienne ou à une Première nation.

Admissibilité

Les personnes dénombrées au moyen du questionnaire complet du Recensement de 1991 qui avaient atteint l'âge de 25 ans le jour du recensement étaient admissibles pour faire partie de la cohorte. Le formulaire complet, qui est habituellement distribué à un ménage sur cinq, a été administré à tous les résidents des réserves indiennes, des logements collectifs non institutionnels, ainsi que de nombreuses collectivités éloignées et du Nord. Toutefois, 78 réserves indiennes, représentant environ 38 000 personnes, n'ont pas été dénombrées ou l'ont été de façon incomplète16, et ne faisaient donc pas partie de la cohorte. Par ailleurs, les rapports sur la qualité des données ont permis de déterminer que le Recensement de 1991 avait laissé de côté 3,4 % des résidents du Canada; ces personnes étaient plus susceptibles d'être jeunes et mobiles, d'avoir un faible revenu, d'avoir une ascendance autochtone17, ou d'être sans abri.

Comme on a dû obtenir les noms chiffrés à partir des données fiscales, seuls les déclarants ont pu faire l'objet d'un suivi de la mortalité. En vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens, les Indiens inscrits ont droit à une exemption pour le revenu gagné ou considéré comme gagné dans une réserve18.

Du fait de l'exclusion des personnes vivant en établissement et des non-déclarants, l'espérance de vie à 25 ans de la cohorte était d'une année de plus pour les hommes et de deux années de plus pour les femmes par rapport aux tables de survie de 1995 à 1997 pour l'ensemble du Canada.  Ce biais s'applique également aux membres autochtones et non autochtones de la cohorte et ne devrait pas avoir d'incidence appréciable sur les différences relatives entre les deux groupes.

Techniques d'analyse

La cohorte est divisée en dix périodes de suivi d'un an (4 juin 1991 au 3 juin 1992; 4 juin 1992 au 3 juin 1993; etc.) et une période de sept mois (4 juin 2001 au 31 décembre 2001). L'âge au début de chaque année de suivi a été transposé à l'âge de référence (4 juin 1991). On a calculé les décès et les années-personnes à risque (au début de chaque année de suivi) séparément, puis on les a regroupés par tranche d'âge de cinq ans.

Les décès avant l'âge de 75 ans ont été considérés comme étant prématurés. Le nombre d'années potentielles de vie perdues (APVP) a été calculé en multipliant le nombre de décès dans chaque tranche d'âge par le nombre moyen d'années potentielles de vie perdues pour le même groupe d'âge. Par exemple, le décès d'une personne de 25 à 29 ans donnerait 47,5 années potentielles de vie perdues avant l'âge de 75 ans.

Pour calculer les taux d'APVP, le nombre d'années-personnes à risque (jusqu'à l'âge de 75 ans) a été déterminé pour chaque tranche d'âge de cinq ans, et les taux ont été normalisés selon l'âge en fonction de la population autochtone. La distribution par âge de celle-ci a été fondée sur les personnes de la cohorte qui ont indiqué une ascendance autochtone, le statut d'Indien inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens, ou l'appartenance à une bande indienne ou à une Première nation. Les intervalles de confiance correspondant aux taux normalisés selon l'âge ont été produits à partir des écarts obtenus au moyen de la méthode de Spiegelman19.

Mortalité prématurée (modèles de Cox)

Pour chaque membre de la cohorte, les jours-personnes de suivi ont été calculés pour la période allant de la date de référence (4 juin 1991) à la date de décès, d'émigration (données disponibles uniquement pour 1991), de fin de l'étude (31 décembre 2001), ou du 75e anniversaire de la personne. Étant donné que la date de naissance exacte n'était pas disponible dans le fichier d'analyse, l'âge en années révolues (au 4 juin de chaque année de suivi) a servi à calculer l'âge au moment du décès ainsi que les années-personnes de suivi.

Des rapports de risques proportionnels de la mortalité de Cox ont servi à estimer l'effet des facteurs socioéconomiques sur la disparité dans la mortalité prématurée entre les Indiens inscrits et les adultes non autochtones. Tous les modèles ont été exécutés par sexe ainsi que séparément pour les Indiens inscrits vivant à l'intérieur et à l'extérieur des réserves. Le modèle de base (modèle 1) comportait une correction pour l'âge uniquement. Les modèles 2 à 7 neutralisaient les effets de l'âge et d'un autre facteur socioéconomique. Le modèle complet (modèle 8) était rajusté en fonction de l'âge et de tous les facteurs socioéconomiques simultanément. Les différences de surmortalité (1 moins le rapport de risques) dans la comparaison du modèle complet au modèle de base ont été interprétées en tant qu'estimations de l'effet des variables socioéconomiques sur les disparités. Les effets des variables suivantes ont été neutralisés : l'âge, l'état matrimonial [(marié(e)/conjoint(e) de fait, non marié(e)], la monoparentalité (oui, non), le niveau de scolarité (pas de diplôme d'études secondaires, diplôme d'études secondaires, diplôme d'études postsecondaires, diplôme universitaire), le quintile de suffisance du revenu, la situation vis-à-vis de l'activité (actif, inactif), le surpeuplement (plus d'une personne par pièce; oui, non), la propriété du logement (oui, non), la nécessité de réparations majeures au logement (oui, non) et la taille de la population urbaine (1 million ou plus; 500 000 à 999 999; 100 000 à 499 999; 10 000 à 99 999; moins de 10 000).

Cause de décès

La cause principale des décès survenus pendant la période d'étude avait été codée au préalable selon la Classification statistique internationale des maladies, traumatismes et causes de décès, neuvième révision (CIM-9)20 de l'Organisation mondiale de la Santé pour les décès survenus de 1991 à 1999, inclusivement, et selon la dixième révision (CIM-10)21 pour ceux survenus en 2000 ou en 2001. Les décès ont aussi été regroupés selon les catégories du Global Burden of Disease, qui mettent l'accent sur le développement humain plutôt que sur les fonctions de l'organisme22, et selon des facteurs de risque, à savoir les maladies liées à l'usage du tabac23 ou à la consommation d'alcool23 ou de drogue24, ou les décès prématurés potentiellement traitables par des soins médicaux23.

Définitions

Le statut d'Indien inscrit a été déterminé à partir d'une question directe posée lors du recensement : « Cette personne est-elle un Indien inscrit aux termes de la Loi sur les Indiens du Canada? » (oui, non). Un participant ayant répondu « oui » a été considéré comme un Indien inscrit.

On a déterminé le lieu de résidence le 4 juin 1991; la mobilité subséquente n'a pas été considérée. Les réserves indiennes ont été définies de façon à inclure les types suivants de subdivisions de recensement : Indian government district; Réserve indienne; Établissement indien; Terres réservées; Village Cri; Village Naskapi; Village nordique. Toutes les autres régions ont été classées comme étant situées à l'extérieur des réserves.

Résultats

Caractéristiques de base

Les caractéristiques démographiques et socioéconomiques des membres de la cohorte des Indiens inscrits différaient de celles des membres non autochtones et variaient aussi selon la résidence dans une réserve ou hors réserve (tableau A en annexe). Comparativement aux adultes non autochtones, les Indiens inscrits étaient plus jeunes et moins susceptibles d'être légalement mariés. Les Indiens inscrits, particulièrement ceux vivant dans une réserve, étaient moins susceptibles d'avoir terminé des études secondaires, d'être occupés et d'être propriétaires de leur logement, et plus susceptibles d'appartenir aux deux quintiles inférieurs de suffisance du revenu et de vivre dans des conditions de surpeuplement ou dans des logements ayant besoin de réparations majeures.

Tableau A Certaines caractéristiques des Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve comparativement aux hommes et aux femmes non autochtones, membres de la cohorte de 25 à 74 ans ne vivant pas en établissement, Canada, 1991Tableau A Certaines caractéristiques des Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve comparativement aux hommes et aux femmes non autochtones, membres de la cohorte de 25 à 74 ans ne vivant pas en établissement, Canada, 1991

Les Indiens inscrits avaient tendance à mourir plus jeunes que les non-Autochtones. Parmi tous les décès de membres de la cohorte des Indiens inscrits survenus de 25 à 74 ans, 28 % se sont produits de 65 à 74 ans, comparativement à plus de 50 % dans le cas des non-Autochtones (tableau B en annexe).

Tableau B Distribution par âge des décès survenus de 25 à 74 ans chez les Indiens inscrits (les deux sexes) et chez les hommes et les femmes non autochtones, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001Tableau B Distribution par âge des décès survenus de 25 à 74 ans chez les Indiens inscrits (les deux sexes) et chez les hommes et les femmes non autochtones, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001

Causes de décès

Parmi les Indiens inscrits considérés dans leur ensemble, les maladies non transmissibles étaient à l'origine du pourcentage le plus élevé d'années potentielles de vie perdues (APVP) totales (53 % pour les hommes, 69 % pour les femmes), suivies par les blessures (38 % et 21 %) (tableau C en annexe). Les maladies ayant contribué de façon notable aux APVP totales étaient les maladies cardiovasculaires (19 % et 14 %), les tumeurs malignes (13 % et 25 %), les maladies de l'appareil digestif (6 % et 9 %), les blessures non intentionnelles (26 % et 14 %), comme les accidents de la route, et les blessures intentionnelles (11 % et 7 %), comme le suicide.

Tableau C Membres de la cohorte, décès déterminés, taux d'APVP normalisés selon l'âge et distribution des APVP selon la cause de décès à l'âge de 25 à 74 ans chez les Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve et chez les hommes et les femmes non autochtones, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001Tableau C Membres de la cohorte, décès déterminés, taux d'APVP normalisés selon l'âge et distribution des APVP selon la cause de décès à l'âge de 25 à 74 ans chez les Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve et chez les hommes et les femmes non autochtones, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001

La distribution en pourcentage des APVP totales selon la principale cause de décès parmi les Indiens inscrits était généralement similaire chez ceux vivant dans une réserve et ceux vivant hors réserve. Toutefois, le pourcentage d'APVP attribuable aux blessures intentionnelles (suicide, homicide) était deux fois plus élevé chez les Indiennes inscrites vivant dans une réserve que chez leurs homologues vivant hors réserve (8 % comparativement à 4 %). Les tumeurs malignes représentaient une part plus importante des APVP totales chez les Indiens inscrits de sexe masculin vivant à l'extérieur qu'à l'intérieur d'une réserve (17 % par rapport à 12 %).

Les APVP ont aussi été classées comme étant attribuables aux décès par maladie liée au tabagisme, à la consommation d'alcool et à la consommation de drogue, ou par maladie potentiellement traitable par des soins médicaux (p. ex., maladies cérébrovasculaires, hypertension, cancer du sein, pneumonie/grippe). Dans le cas des Indiens inscrits, les pourcentages d'APVP attribuables aux décès se classant dans ces catégories étaient les suivants : maladies liées à l'usage du tabac (6 % pour les deux sexes); maladies liées à la consommation d'alcool (8 % pour les hommes et 7 % pour les femmes); maladies liées à la consommation de drogue (2 % et 5 %), et maladies potentiellement traitables par des soins médicaux (8 % et 20 %). Les pourcentages étaient similaires chez les Indiens inscrits vivant dans une réserve et ceux vivant hors réserve.

Inégalités relatives

Le taux d'APVP normalisé selon l'âge était environ deux fois et demie plus élevé pour les Indiens inscrits que pour les adultes non autochtones, ce qui rend compte des rapports de taux plus élevés pour la plupart des causes de décès (tableaux 1 et 2). Pour toutes les causes de décès confondues, l'inégalité relative était plus grande chez les Indiens inscrits de sexe masculin vivant à l'intérieur d'une réserve que chez ceux vivant hors réserve, mais elle était similaire chez les Indiennes inscrites de l'un et l'autre goupe.

Tableau 1 Rapports de taux (RT) normalisés selon l'âge pour les années potentielles de vie perdues de 25 à 74 ans pour les Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, comparativement aux hommes non autochtones, selon la cause de décès, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001Tableau 1 Rapports de taux (RT) normalisés selon l'âge pour les années potentielles de vie perdues de 25 à 74 ans pour les Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, comparativement aux hommes non autochtones, selon la cause de décès, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001

Tableau 2 Rapports de taux (RT) normalisés selon l'âge pour les années potentielles de vie perdues de 25 à 74 ans pour les Indiennes inscrites vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, comparativement aux femmes non autochtones, selon la cause de décès, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001Tableau 2 Rapports de taux (RT) normalisés selon l'âge pour les années potentielles de vie perdues de 25 à 74 ans pour les Indiennes inscrites vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, comparativement aux femmes non autochtones, selon la cause de décès, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001

Les rapports de taux correspondant à la plupart des maladies transmissibles et non transmissibles étaient élevés, soit de façon substantielle pour certaines causes de décès. Chez les Indiens inscrits de sexe masculin, ces causes comprenaient les troubles dus à la consommation d'alcool, les maladies génito-urinaires, les affections respiratoires, le diabète sucré, et la cirrhose du foie. Parmi les Indiennes inscrites, les rapports de taux étaient particulièrement élevés dans le cas des affections dues à la consommation d'alcool, de la cirrhose du foie, des infections respiratoires, du diabète sucré et des maladies infectieuses et parasitaires.

Les rapports de taux étaient aussi élevés dans le cas des décès attribuables aux blessures – notamment la noyade –, aux actes de violence, aux incendies, aux accidents de la route et aux intoxications. L'ampleur de ces inégalités relatives était plus grande chez les femmes vivant dans les réserves, particulièrement par rapport aux suicides (blessures auto-infligées) et aux actes de violence.

Les rapports de taux étaient élevés dans le cas des décès liés à la consommation d'alcool chez les Indiens inscrits des deux sexes, et dans le cas des décès liés à la consommation de drogue chez les Indiennes inscrites. Toutefois, les rapports de taux n'étaient pas statistiquement élevés pour les décès liés à l'usage du tabac et modérément élevés dans le cas des décès par maladie traitable par des soins médicaux.

Inégalités absolues

Parmi les Indiens inscrits de sexe masculin, la différence de taux global, ou les « APVP excédentaires », était de 8 692 années par 100 000 années-personnes à risque (9 976 années dans les réserves; 5 293 années à l'extérieur des réserves) (tableau 3). Chez les Indiennes inscrites, les APVP excédentaires s'établissaient à 5 128 années par 100 000 années-personnes à risque (5 386 années dans les réserves; 4 561 années à l'extérieur des réserves) (tableau 4).

Tableau 3 Différences de taux (DT) normalisés selon l'âge pour les années potentielles de vie perdues de 25 à 74 ans pour les Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, comparativement aux hommes non autochtones, selon la cause de décès, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001Tableau 3 Différences de taux (DT) normalisés selon l'âge pour les années potentielles de vie perdues de 25 à 74 ans pour les Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, comparativement aux hommes non autochtones, selon la cause de décès, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001

Tableau 4 Différences de taux (DT) normalisés selon l'âge pour les années potentielles de vie perdues de 25 à 74 ans pour les Indiennes inscrites vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, comparativement aux femmes non autochtones, selon la cause de décès, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001Tableau 4 Différences de taux (DT) normalisés selon l'âge pour les années potentielles de vie perdues de 25 à 74 ans pour les Indiennes inscrites vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, comparativement aux femmes non autochtones, selon la cause de décès, membres de la cohorte ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001

Plus de la moitié (57 %) des APVP excédentaires chez les Indiens inscrits de sexe masculin étaient attribuables aux blessures, suivies par les maladies non transmissibles (31 %) et les maladies transmissibles (2 %) (pourcentages non présentés). Les pourcentages étaient similaires chez les personnes vivant à l'intérieur et à l'extérieur des réserves.

Les résultats différaient parmi les Indiennes inscrites, chez qui les maladies non transmissibles représentaient la part la plus importante (53 %) des APVP excédentaires, suivies par les blessures (35 %) et les maladies transmissibles (7 %) (pourcentages non présentés). Le pourcentage d'APVP attribuable aux blessures chez les Indiennes inscrites vivant dans les réserves était de 39 %, comparativement à 23 % à l'extérieur des réserves.

Dans le cas des Indiens inscrits (hommes), les accidents de la route et les suicides contribuaient dans une large mesure aux APVP excédentaires. Le suicide était un facteur plus important pour les personnes vivant dans les réserves, et la noyade, pour celles vivant à l'extérieur des réserves. Dans le cas des Indiennes inscrites, les accidents de la route et les intoxications contribuaient dans une large mesure aux APVP excédentaires. Les blessures intentionnelles, comme le suicide et l'homicide, rendaient compte d'une part importante des APVP excédentaires parmi les Indiennes inscrites vivant à l'intérieur des réserves, mais pas à l'extérieur des réserves.

Les maladies non transmissibles qui contribuaient de façon particulièrement importante aux APVP excédentaires chez les Indiens inscrits de sexe masculin étaient les maladies cardiovasculaires, les troubles dus à la consommation d'alcool et la cirrhose du foie. Le pourcentage d'APVP excédentaires attribuables aux maladies cardiovasculaires était plus élevé chez les Indiens inscrits vivant à l'extérieur des réserves que pour ceux vivant dans les réserves (pourcentages non présentés). Chez les Indiennes inscrites, les différences de taux étaient élevées pour les maladies cardiovasculaires, les tumeurs malignes et la cirrhose du foie. Le pourcentage d'APVP excédentaires attribuables à des tumeurs malignes était plus élevé pour celles vivant à l'extérieur des réserves que pour celles vivant dans les réserves (pourcentages non présentés).

Les décès liés à la consommation d'alcool ont été à l'origine d'environ 10 % des APVP excédentaires totales parmi les Indiens inscrits des deux sexes (pourcentages non présentés). Les pourcentages d'APVP excédentaires totales attribuables aux décès liés à la consommation de drogue et aux décès par maladie traitable par des soins médicaux étaient significativement élevés chez les Indiennes inscrites.

Facteurs socioéconomiques

L'ampleur des différences entre les Indiens inscrits et les adultes non autochtones risquant de mourir avant l'âge de 75 ans variait selon qu'ils résidaient ou non dans une réserve et selon les facteurs socioéconomiques (tableau 5).

Tableau 5 Rapports de risques pour les décès avant l'âge de 75 ans chez les Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, comparativement aux membres non autochtones de la cohorte, après correction pour tenir compte de certains facteurs démographiques, économiques, géographiques et de logement, selon le sexe, membres de la cohorte de 25 à 74 ans ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001Tableau 5 Rapports de risques pour les décès avant l'âge de 75 ans chez les Indiens inscrits vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, comparativement aux membres non autochtones de la cohorte, après correction pour tenir compte de certains facteurs démographiques, économiques, géographiques et de logement, selon le sexe, membres de la cohorte de 25 à 74 ans ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 à 2001

Comparativement aux hommes non autochtones, les rapports de risques rajustés selon l'âge pour les Indiens inscrits de sexe masculin se situaient à 1,92 et 1,58, respectivement, dans le cas de ceux vivant dans les réserves et à l'extérieur des réserves (modèle 1). Les modèles 2 à 7 comportaient chacun une correction pour l'âge et pour un seul facteur socioéconomique. Sauf pour les modèles 6 (Indiens inscrits vivant dans les réserves) et 7, qui tenaient compte des variables du logement et des variables géographiques, respectivement, les rapports de risques étaient atténués, ce qui laisse supposer que chaque facteur avait un effet sur la disparité. Dans le modèle complet (modèle 8), qui neutralisait les effets de tous les facteurs socioéconomiques simultanément, les rapports de risques passaient à 1,41 pour les Indiens inscrits de sexe masculin vivant dans les réserves et à 1,09 pour ceux vivant à l'extérieur des réserves.

Les résultats étaient similaires pour les Indiennes inscrites : dans le modèle 1, les rapports de risques rajustés en fonction de l'âge étaient de 2,37 (dans les réserves) et de 2,27 (hors réserve), mais dans le modèle complet, les rapports de risques diminuaient pour passer à 1,92 et 1,70 respectivement.

Discussion

La présente étude fait ressortir le fardeau de décès prématuré chez les Indiens inscrits en âge de travailler. Dans d'autres études des APVP, l'effet des décès de bébés ou d'enfants avait tendance à masquer les tendances chez les adultes.

Le taux d'APVP chez les Indiens inscrits de 25 à 74 ans représentait environ deux fois et demie celui des adultes non autochtones, et était légèrement plus élevé dans le cas des Indiens inscrits vivant dans les réserves. Même s'ils ne sont pas directement comparables, les résultats concordent avec ceux de deux autres études sur les APVP chez les Indiens inscrits6,7.

Comme il a été déterminé dans d'autres travaux de recherche6,25,26, les taux d'APVP pour les décès attribuables aux blessures étaient élevés chez les Indiens inscrits. En termes absolus, les blessures intentionnelles et non intentionnelles contribuaient dans une large mesure aux APVP excédentaires chez les Indiens inscrits, hommes et femmes.

Malgré cela, les résultats montrent que les maladies chroniques représentent une cause croissante de mortalité chez les Indiens inscrits, ce qui rend compte d'une transition épidémiologique entre les maladies infectieuses et les maladies non transmissibles10. Des études antérieures ont aussi montré que, dans les populations autochtones, la prévalence du diabète est élevée et continue d'augmenter27, et que les maladies cardiovasculaires28,29, de même que certains cancers8,30-33, sont plus répandus.

Les différences entre les Indiens inscrits vivant à l'intérieur et à l'extérieur des réserves n'étaient pas importantes, même si le taux global d'APVP était légèrement supérieur chez les personnes vivant dans les réserves. Une étude menée au Manitoba a permis de déterminer que les disparités entre les Indiens inscrits et les autres résidents étaient plus grandes dans les régions du sud de la province que dans celles du nord7. Étant donné que la présente analyse n'a pas tenu compte de la mobilité, les mouvements des Indiens inscrits entre les réserves et d'autres lieux ne sont pas connus. Si ces données avaient été disponibles, les différences géographiques dont il est question ici auraient pu être plus faibles ou plus importantes encore.

La présente étude a démontré que les facteurs socioéconomiques (scolarité, revenu, logement et situation à l'égard de l'activité) ont contribué de façon importante aux disparités dans les APVP entre les Autochtones et les non-Autochtones. Les résultats sont cohérents avec ceux d'autres recherches fondées sur la population qui démontrent que le statut socioéconomique contribue de façon importante aux inégalités en matière de santé, particulièrement en ce qui a trait aux maladies chroniques, à l'état de santé autoévalué et à la mortalité8,34.

Limites

La présente analyse comporte plusieurs limites. L'admissibilité à la cohorte a été limitée aux personnes dénombrées au moyen du formulaire complet dans le cadre du Recensement de 1991. Du fait du suréchantillonnage des résidents des réserves indiennes et des collectivités éloignées et du Nord qu'engendre systématiquement le dénombrement à l'aide de ce questionnaire, les populations vivant dans les réserves et dans les territoires étaient surreprésentées dans la cohorte. En revanche, environ 3,4 % de la population a été laissée de côté lors du dénombrement, y compris les résidents de 78 réserves indiennes (environ 38 000 personnes).

Par ailleurs, la cohorte comprend les participants au recensement qui ont produit une déclaration de revenu en 1990 ou en 1991. Une analyse antérieure a montré que cette cohorte a une durée de vie plus longue que l'ensemble de la population du Canada. Toutefois, cela ne devrait pas avoir trop influé sur les estimations de l'inégalité relative, puisque l'effet de la cohorte en santé devrait s'appliquer aux Indiens inscrits et aux membres non autochtones de la cohorte. En outre, en dépit de l'exclusion de celle-ci des non-déclarants, les caractéristiques socioéconomiques des personnes admissibles au couplage et de celles véritablement appariées avec le fichier des noms étaient similaires.

Les résultats s'appliquent à la population qui ne vivait pas en établissement le 4 juin 1991, et non à l'ensemble de la population. Il se pourrait que les Indiens inscrits soient surreprésentés au sein de la population vivant en établissement.

On estime que la détermination des décès chez les membres autochtones de la cohorte est légèrement inférieure à celle pour l'ensemble de la cohorte. Par conséquent, on s'attend à un léger biais à la baisse dans les taux de mortalité obtenus pour les Indiens inscrits, tout comme la portée véritable des disparités pourrait être plus importante que ne le suggère la présente étude.

Certains suicides peuvent avoir été mal classés, par exemple en tant que décès par une autre cause, comme la noyade, l'intoxication ou d'autres blessures. Il se pourrait également que la déclaration des suicides diffère selon le secteur de compétence (c.-à-d. réserve, ville, grande ville).

Conclusion

Les taux d'APVP étaient significativement plus élevés pour les Indiens inscrits que pour les adultes non autochtones. Les maladies non transmissibles (chroniques), comme les maladies cardiovasculaires et les cancers, ont le plus contribué aux APVP totales. Toutefois, les blessures, notamment les blessures non intentionnelles, rendent compte d'une part importante des disparités, ce qui fait ressortir l'importance des programmes de prévention des blessures. Bon nombre des disparités en matière de santé sont liées aux indicateurs du statut socioéconomique.

Remerciements

La présente étude a été financée par la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de Santé Canada. L'étude canadienne de suivi de la mortalité selon le recensement de 1991 à 2001 a été élaborée grâce à l'aide financière de l'Initiative sur la santé de la population canadienne de l'Institut canadien d'information sur la santé.