Rapports économiques et sociaux
Amélioration des résultats des nouveaux immigrants sur le marché du travail depuis le milieu des années 2010

Date de diffusion : le 28 février 2024

DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202400200004-fra

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Plusieurs facteurs peuvent avoir contribué à l’amélioration des résultats des nouveaux immigrants sur le marché du travail depuis le milieu des années 2010.

Le premier facteur correspond à l’élargissement du processus de sélection des immigrants en deux étapes, dans le cadre duquel un nombre accru d’immigrants économiques sont sélectionnés à partir d’un bassin de travailleurs étrangers temporaires (TET) (Hou, Crossman et Picot, 2020). En 2022, 36 % de tous les nouveaux immigrants étaient titulaires d’un permis de travail au Canada avant leur immigration, ce qui représente une hausse importante par rapport à la proportion de 19 % enregistrée en 2010 et à celle de 33 % observée en 2019Note . Les anciens TET, surtout ceux occupant un emploi hautement spécialisé, ont de meilleurs résultats sur le marché du travail après leur immigration, comparativement aux immigrants admis directement de l’étranger (Hou, Crossman et Picot, 2020).

Le deuxième facteur est lié aux divers changements apportés dans le processus de sélection des immigrants depuis le début des années 2010, notamment l’introduction du système Entrée express en 2015. Ce système met beaucoup l’accent sur l’expérience de travail au Canada, favorise les compétences linguistiques et évalue rigoureusement les études effectuées à l’étranger (Crossman, Hou et Picot, 2021).

Le troisième facteur est la présence d’un marché du travail national robuste, surtout à la fin des années 2010 et en 2022. Le taux de chômage national a diminué pour passer de 8,2 % en 2010 à 5,7 % en 2019, et il a reculé davantage pour se situer à 5,3 % en 2022 et à 5,4 % en 2023 après avoir affiché une hausse temporaire pendant la pandémie de COVID-19 (Statistique Canada, s.d.). De plus, la croissance enregistrée dans les postes de gestion, les emplois professionnels ou les emplois techniques s’est accélérée à la fin des années 2010 (Frenette, 2023). Cette demande accrue de travailleurs hautement spécialisés profiterait aux nouveaux immigrants ayant fait des études universitaires.

Les caractéristiques sociodémographiques des nouveaux immigrants continuent d’évoluer. Leur niveau de scolarité s’est accru, alors que l’on constate une réduction du pourcentage d’immigrants provenant d’Europe et d’Asie de l’Est, ainsi qu’une proportion croissante d’immigrants provenant d’Asie du Sud et d’Afrique. De plus, une proportion plus élevée d’immigrants ont décidé de s’établir en dehors des trois plus importantes régions métropolitaines. Néanmoins, ces changements dans les caractéristiques sociodémographiques ont eu un effet relativement faible sur les récentes tendances en matière de résultats des nouveaux immigrants sur le marché du travail (Crossman, Hou et Picot, 2021).

Le présent article fournit des analyses à jour sur l’emploi et les résultats en matière de gains des nouveaux immigrants. Il aborde également des facteurs qui pourraient influer sur ces résultats à court terme. Dans cet article, le terme « nouveaux immigrants » désigne les personnes nées à l’étranger qui ont acquis le statut de résident permanent au Canada au cours des 10 dernières années.

Réduction de l’écart au chapitre de l’emploi entre les nouveaux immigrants et la population née au Canada

Depuis le début des années 2010, les nouveaux immigrants qui font partie du groupe des 25 à 54 ans ont connu une croissance plus rapide des taux d’emploi, comparativement à leurs homologues nés au Canada. De 2010, à 2023, on a constaté une forte hausse de 10,7 points de pourcentage des taux d’emploi chez les nouveaux immigrants, comparativement à une hausse de 4,1 points de pourcentage chez les personnes nées au Canada (graphique 1). Par conséquent, l’écart entre les taux d’emploi de ces deux groupes s’est rétréci pour passer de 13,1 points de pourcentage en 2010 à 6,5 points de pourcentage en 2023. Les changements des caractéristiques sociodémographiques des nouveaux immigrants n’ont pas eu beaucoup d’effet sur la tendance à la hausse du taux d’emploi de ce groupeNote .

Parallèlement à la hausse des taux d’emploi, le taux de chômage a également diminué chez les nouveaux immigrants du groupe des 25 à 54 ans; il est passé de 12,1 % en 2010 à 6,2 % en 2022 et 6,6 % en 2023. L’écart enregistré dans le taux de chômage entre les nouveaux immigrants et les travailleurs nés au Canada a diminué pour passer de 5,7 points de pourcentage en 2010 à 2,6 points de pourcentage en 2023.

La progression globale des résultats relatifs à l’emploi des nouveaux immigrants depuis 2010 a été perturbée de manière discontinue pendant la pandémie de COVID-19. De 2019 à 2020, les nouveaux immigrants ont connu une baisse légèrement plus marquée du taux d’emploi et une plus forte hausse du taux de chômage comparativement à la population née au CanadaNote . Cette variation était largement attribuable au fait que les nouveaux immigrants, surtout les femmes, étaient embauchés de façon disproportionnée dans des secteurs gravement touchés par la pandémie, notamment le secteur des services d’hébergement et de restauration et le secteur du commerce de détail (Hou et Picot, 2022). Toutefois, les nouveaux immigrants ont connu une reprise plus rapide de 2020 à 2022, comparativement à la population née au CanadaNote . En 2023, l’écart entre les taux d’emploi des deux groupes était plus faible que celui enregistré en 2019, avant la pandémie, et l’écart entre les taux de chômage était le même qu’en 2019.

Graphique 1 : Taux d’emploi des immigrants et de la population née au Canada, de 25 à 54 ans, 2010 à 2023

Tableau de données du graphique 1 
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Immigrants au Canada depuis 10 ans ou moins, Immigrants au Canada depuis plus de 10 ans et Population née au Canada, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Immigrants au Canada depuis 10 ans ou moins Immigrants au Canada depuis plus de 10 ans Population née au Canada
pourcentage
2010 69,1 79,4 82,2
2011 69,0 80,1 82,7
2012 71,4 80,5 83,1
2013 72,1 80,7 83,3
2014 71,5 80,1 83,1
2015 71,8 80,9 83,3
2016 72,5 80,8 83,2
2017 73,8 82,1 84,0
2018 76,3 82,4 84,5
2019 76,2 83,2 85,2
2020 71,9 77,9 81,9
2021 76,9 80,8 84,1
2022 80,0 83,8 86,3
2023 79,8 84,5 86,3

De plus fortes hausses de gains ont été observées chez les nouveaux immigrants que chez les travailleurs nés au Canada

Depuis le milieu des années 2010, outre les améliorations des résultats liés à l’emploi, les nouveaux immigrants ayant un emploi ont aussi connu un taux de croissance des gains plus rapide, comparativement aux travailleurs nés au Canada. Les données du recensement indiquent que l’écart entre la rémunération hebdomadaire des nouveaux immigrants et celle des travailleurs nés au Canada s’est rétréci; de 2015 à 2020, cet écart est passé de 19,9 % à 13,4 % chez les hommes et de 20,4 % à 15,5 % chez les femmes (tableau 1). Cette tendance s’est maintenue même après que l’analyse a tenu compte des différences liées aux caractéristiques socioéconomiques entre les nouveaux immigrants et les travailleurs nés au Canada, y compris des facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, les compétences linguistiques, la composition ethnoculturelle et l’emplacement géographiqueNote . Une tendance semblable a aussi été observée en ce qui concerne les données tirées de l’Enquête sur la population activeNote .

Même si les nouveaux immigrants continuent de gagner des revenus relativement inférieurs à ceux des travailleurs nés au Canada, la tendance observée récemment constitue une amélioration par rapport à la situation de stagnation de longue date concernant les gains relatifs des hommes nouveaux immigrants et à la tendance à la détérioration des gains relatifs des nouvelles immigrantes pour la période de 2000 à 2015. Les caractéristiques socioéconomiques étant semblables, les nouveaux immigrants (hommes) touchaient des gains inférieurs de 16,7 % (2000) et de 17,3 % (2015) à ceux de leurs homologues nés au Canada. De même, les nouvelles immigrantes touchaient des gains inférieurs de 22,1 % en 2000 et de 25,4 % en 2015 à ceux de leurs homologues nées au Canada (tableau 1). Grâce aux récentes améliorations, l’écart enregistré en 2020 en matière de revenus des nouveaux immigrants était le plus faible jamais enregistré au cours des deux dernières décenniesNote .

L’augmentation des gains des nouveaux immigrants depuis le milieu des années 2010 coïncide avec une meilleure utilisation de leurs compétences. Parmi les nouveaux immigrants titulaires d’un baccalauréat ou d’un diplôme de niveau supérieur, la proportion des personnes qui occupent un emploi peu spécialisé a chuté pour passer de 31,1 % en 2016 à 26,7 % en 2021, alors que la proportion des personnes qui occupent des professions hautement qualifiées a augmenté pour passer de 40,0 % à 44,4 %Note . Toutefois, malgré ces améliorations, la proportion des personnes occupant une profession hautement qualifiée demeure inférieure à celle observée il y a deux décennies. En revanche, cette proportion s’est améliorée chez les jeunes travailleurs nés au Canada (de 25 à 34 ans) titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires (Schimmele et Hou, à venir).

En résumé, les nouveaux immigrants ont connu des améliorations considérables en ce qui a trait à l’emploi, aux gains et à l’utilisation des compétences depuis le milieu des années 2010. Ces améliorations sont probablement attribuables à la sélection accrue d’immigrants économiques à partir du bassin de TET, à la mise en œuvre du système Entrée express pour la sélection des immigrants et aux conditions macroéconomiques favorables.


Tableau 1
Rémunération hebdomadaire moyenne selon le statut d’immigrant chez les employés de 25 à 54 ans
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Rémunération hebdomadaire moyenne selon le statut d’immigrant chez les employés de 25 à 54 ans Rémunération hebdomadaire moyenne, Écart par rapport aux homologues nés au Canada, 2000, 2005, 2010, 2015 et 2020, calculées selon dollars constants de 2020 et pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Rémunération hebdomadaire moyenne Écart par rapport aux homologues nés au Canada
2000 2005 2010 2015 2020 2000 2005 2010 2015 2020
dollars constants de 2020 pourcentage
Gains observés
Hommes
Hommes nés au Canada 1 354 1 400 1 492 1 571 1 642 0 0 0 0 0
Nouveaux immigrants 1 092 1 115 1 260 1 258 1 422 -19,4 -20,4 -15,5 -19,9 -13,4
Immigrants de longue date 1 399 1 384 1 463 1 518 1 658 3,3 -1,2 -2,0 -3,4 1,0
Femmes
Femmes nées au Canada 940 984 1 105 1 159 1 297 0 0 0 0 0
Nouvelles immigrantes 791 800 939 922 1 096 -15,9 -18,7 -15,0 -20,4 -15,5
Immigrantes de longue date 988 1 008 1 124 1 172 1 325 5,1 2,4 1,7 1,1 2,2
Gains ajustésTableau 1 Note 1
Hommes
Hommes nés au Canada 1 355 1 400 1 495 1 563 1 648 0 0 0 0 0
Nouveaux immigrants 1 129 1 104 1 232 1 292 1 434 -16,7 -21,1 -17,6 -17,3 -13,0
Immigrants de longue date 1 370 1 392 1 463 1 535 1 627 1,1 -0,6 -2,1 -1,8 -1,2
Femmes
Femmes nées au Canada 953 999 1 121 1 174 1 318 0 0 0 0 0
Nouvelles immigrantes 742 718 864 876 1 054 -22,1 -28,2 -22,9 -25,4 -20,0
Immigrantes de longue date 935 962 1 078 1 125 1 262 -1,8 -3,8 -3,9 -4,2 -4,3

À l’avenir, certaines de ces conditions pourraient subir des changements à court terme. Bien que la hausse continue du nombre de TET et d’étudiants étrangers puisse permettre d’élargir le bassin pour la sélection d’immigrants économiques, il y a eu un changement proportionnel dans l’emploi des TET et des étudiants étrangers dans les secteurs industriels peu spécialisés, comme le secteur des services d’hébergement et de restauration et le secteur du commerce de détail (Lu et Hou, 2023a). Ces changements pourraient donner lieu à une proportion plus élevée de TET peu spécialisés parmi les nouveaux immigrants. Des études ont montré que les TET peu spécialisés enregistrent souvent de faibles gains et une croissance de gains lente après être devenus des résidents permanents (Hou et Bonikowska, 2018).

De plus, les dynamiques de l’offre et de la demande de main-d’œuvre sont susceptibles de changer. De 2010 à 2019, 276 000 nouveaux immigrants ont été admis au Canada chaque année, ce qui représente l’ajout d’un minimum de 148 000 personnes dans l’offre de main-d’œuvre chaque annéeNote . La hausse annuelle nette estimée du nombre de résidents temporaires ayant un emploi a probablement augmenté pour passer de 14 000 en 2011 à 108 000 en 2019Note . En ce qui a trait à la demande, l’emploi annuel a enregistré une croissance moyenne de 234 000 au cours de la période de 2010 à 2019. Par conséquent, la hausse annuelle de l’offre d’emploi chez les nouveaux immigrants et les résidents temporaires est demeurée généralement en dessous de la croissance totale de l’emploi dans l’économie tout au long des années 2010. La croissance résiduelle a été absorbée par la population née au Canada et par les immigrants de plus longue date.

Toutefois, on s’attend à ce que cette tendance diffère au cours des prochaines années. Le niveau d’immigration prévu augmente pour passer de 465 000 en 2023 à 500 000 en 2025, en hausse d’environ 80 % comparativement au taux moyen enregistré dans les années 2010. De plus, le nombre d’admissions de TET et d’étudiants étrangers a aussi augmenté considérablement au cours des dernières années. On ne sait pas si l’économie nationale va créer suffisamment de possibilités d’emploi pour accommoder la hausse prévue de l’offre de main-d’œuvre des nouveaux immigrants et des TET. Un autre élément d’incertitude concerne la façon dont l’intelligence artificielle influera sur la création nette d’emplois au cours des années à venir.

Auteurs

Feng Hou travaille à la Division de l’analyse sociale et de la modélisation de la Direction des études analytiques et de la modélisation à Statistique Canada.

Remerciements

L’auteur remercie René Morissette, Elizabeth Richards et Li Xue pour leurs suggestions visant à améliorer une ébauche antérieure de la présente étude.

Bibliographie

Crossman, E., Hou, F. et Picot, G. (2021). « Les écarts relatifs à la situation sur le marché du travail entre les immigrants et leurs homologues nés au Canada commencent-ils à se resserrer? ». Rapports économiques et sociaux, 1(4), p. 1 à 19.

Frenette, M. (2023). « L’évolution de la nature du travail depuis le début de la pandémie de COVID-19 ». Rapports économiques et sociaux, 3(7), p. 1 à 11.

Hou, F. et Bonikowska, A. (2018). « Selections before the selection: Earnings advantages of immigrants who were former skilled temporary foreign workers in Canada ». International Migration Review, 52(3), p. 695 à 723.

Hou, F., Crossman, E. et Picot, G. (2020). « Sélection des immigrants en deux étapes : tendances récentes de la situation des immigrants sur le marché du travail ». Aperçus économiques, no 113, produit no 11-626-X – 2020009 au catalogue de Statistique Canada.

Hou, F. et Picot, G. (2022). « Les résultats des immigrants sur le marché du travail en période de récession : comparaison entre la récession du début des années 1990, celle de la fin des années 2000 et celle liée à la COVID-19 ». Rapports économiques et sociaux, 2(2), Statistique Canada, p. 1 à 11.

Lu, Y. et Hou, F. (2023a). « Travailleurs étrangers au Canada : répartition de l’emploi rémunéré selon le secteur ». Rapports économiques et sociaux, 3(12), Statistique Canada, p. 1 à 7.

Lu, Y. et Hou, F. (2023b). « Travailleurs étrangers au Canada : titulaires de permis de travail par rapport aux enregistrements de revenu d’emploi, 2010 à 2022 ». Rapports économiques et sociaux, 3(10), Statistique Canada, p. 1 à 8.

Schimmele, C. et Hou, F. (à paraître). « Trends in education-occupation mismatch among recent immigrants with a bachelor’s degree or higher, 2001 to 2021 ». Rapports économiques et sociaux, Statistique Canada.

Statistique Canada. (s.d.). Tableau 14-10-0327-01 Caractéristiques de la population active selon le sexe et le groupe d’âge détaillé, données annuelles. Consulté le 29 septembre 2023.

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