Rapports sur la santé
Prise en compte des erreurs de déclaration lors de la comparaison de l’apport énergétique au fil du temps au Canada
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par Didier Garriguet
En 2015, Statistique Canada a recueilli pour la première fois sur plus d’une décennieNote 1 des données nationales relatives à l’apport alimentaire détaillé. Des données avaient déjà été recueillies en 2004Note 2. Des estimations initialesNote 3 indiquent que l’apport énergétique estimé pour 2015 était inférieur de 250 kcal en moyenne par rapport à celui de 2004Note 4.
Toute variation observée de l’apport énergétique estimé devrait se refléter dans les variations correspondantes des caractéristiques associées aux besoins énergétiques, comme l’âge, la taille, le poids, l’indice de masse corporelle (IMC) et l’activité physique. Par exemple, les données devraient présenter des estimations nationales de l’IMC ou de l’activité physique inférieures en 2015 par rapport à celles de 2004, en raison d’une diminution de 250 kcal de l’apport énergétique estimé. En fonction de l’âge et du sexe, une diminution du poids variant de 8 kg à 27 kg serait attendue pour expliquer une telle variation de l’apport énergétique à l’aide des équations de l’Institute of Medicine relatives aux besoins énergétiques préditsNote 5. Cependant, l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Nutrition (ESCC – Nutrition) de 2015 présente peu de variations des taux d’embonpoint et d’obésité mesurés chez les enfantsNote 6Note 7 et les adultesNote 8. L’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) signale des tendances similairesNote 9Note 10. Les mesures de l’activité physique ont changé entre l’ESCC – Nutrition de 2004 et celle de 2015 et ne peuvent donc pas être comparées; cependant, les données de l’ECMS indiquent que les niveaux d’activité physique mesurée sont demeurés stables chez les enfantsNote 11 et les adultesNote 12 au cours de la dernière décennie. Une diminution quotidienne de 60 minutes de marche en moyenne entre 2004 et 2015 serait nécessaire pour expliquer une diminution de 250 kcal.
L’apport alimentaire autodéclaré fait l’objet d’erreurs de déclaration (c.-à-d. en surestimant ou en sous-estimant l’apport alimentaire). En général, la sous-déclaration tend à être plus courante que la surdéclaration en Europe, en Amérique du Nord et en AustralieNote 13Note 14Note 15Note 16. Si le sens (sous-déclaration ou surdéclaration) et l’ampleur des erreurs de déclaration sont constants de 2004 à 2015, ce biais systématique s’annulerait éventuellement. En revanche, une variation du sens ou de l’ampleur des erreurs de déclaration pourrait expliquer une partie des écarts observés dans l’apport énergétique estimé.
Une mesure sophistiquée de l’apport énergétique à l’aide de techniques telles que la méthode de l’eau doublement marquéeNote 17 n’est pas applicable dans le contexte d’enquêtes sur la santé de la population. Cela empêche toute comparaison entre un apport « réel » et un apport « déclaré ». L’apport énergétique est estimé dans le cadre de l’ESCC – Nutrition à l’aide de renseignements autodéclarés sur ce que les participants à l’enquête ont bu et mangé la veille de leur interview. Une approche acceptable de caractérisation de la sous-déclaration en l’absence de mesures objectives des besoins de dépense énergétique totale (DÉT)Note 17 est d’avoir recours à une méthode permettant d’évaluer les erreurs de déclaration en fonction de la DÉT et en les dérivant d’équations fondées sur l’âge, la taille, le sexe, le poids, l’IMC et l’activité physique. De telles méthodes comprennent la méthode GoldbergNote 18 ou la méthode que propose McCroryNote 19, laquelle a été utilisée précédemment dans l’ESCC – Nutrition de 2004Note 20Note 21.
D’autres enquêtes sur la nutrition ont comparé les erreurs de déclaration au fil du temps. En AustralieNote 16, la prévalence de personnes faisant une sous-déclaration d’apport énergétique a augmenté de 1995 à 2011-2012. Aux États-Unis, la prévalence de la sous-déclaration a également changé de 1971 à 2010Note 22 et serait principalement due à des différences méthodologiques.
L’objectif de la présente étude est d’estimer la variation des erreurs de déclaration entre l’ESCC – Nutrition de 2004 et celle de 2015 et de déterminer la façon dont cette variation peut influer sur une analyse plus approfondie des données. La présente étude examine en particulier les effets de cette variation sur les estimations de l’apport énergétique total, sur les principales sources de cette variation et sur l’introduction possible d’un biais.
Méthodologie
Sources de données
L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Nutrition (ESCC – Nutrition) de 2004 et celle de 2015 ont recueilli des renseignements sur la consommation d’aliments et de boissons au moyen d’un rappel alimentaire de 24 heures. La population cible comprenait les résidents de logements privés âgés d’un an ou plus (les enfants de moins d’un an ont également été inclus dans l’ESCC – Nutrition de 2004). Les deux enquêtes ont exclu les membres de la force régulière des Forces canadiennes, les personnes vivant dans les territoires, dans les réserves indiennes, dans les établissements institutionnels et dans certaines régions éloignées, ainsi que tous les résidents (militaires et civils) des bases des Forces canadiennes.
Au total, respectivement 35 107 et 20 487 personnes ont participé aux rappels alimentaires de 24 heures initiaux de 2004 et de 2015. De plus, 10 786 et 7 608 personnes ont participé à un deuxième rappel effectué 3 à 10 jours plus tard. Les données ont été principalement recueillies en personne lors du premier rappel et par interview téléphonique lors du deuxième rappel. Les taux de réponse ont été de 76,5 % en 2004 au premier rappel et de 72,8 % au deuxième rappel. Les taux de réponse correspondants en 2015 ont été de 61,6 % au premier rappel et de 68,6 % au deuxième rappel. La taille et le poids ont été mesurés pour 20 739 participants âgés de deux ans ou plus en 2004 et pour 13 713 participants âgés de deux ans ou plus en 2015. Le taux de réponse aux questions en ce qui concerne cette composante a été de 62,5 % en 2004 et de 70,6 % en 2015.
Dans le but de représenter la population canadienne aux échelles nationale et provinciale, les deux enquêtes ont été pondérées afin de tenir compte du plan d’échantillonnage et de la non-réponse. Des poids supplémentaires ont été fournis pour tenir compte de la non-réponse supplémentaire en ce qui concerne la composante de mesure de la taille et du poids. Des détails sur le plan, l’échantillon et la collecte sont disponibles en ligneNote 1Note 2.
Apport énergétique
Les participants à l’enquête devaient indiquer tout ce qu’ils avaient mangé et bu au cours des 24 heures précédant l’interview. Dans le but de maximiser la remémoration chez les participants, les deux enquêtes ont eu recours à l’Automated Multiple Pass MethodNote 23, qui comprend les cinq éléments suivants : 1) une courte liste des aliments dont il est facile de se souvenir; 2) des questions supplémentaires sur des aliments couramment oubliés; 3) l’heure et l’occasion, afin de regrouper les aliments consommés au même moment; 4) des questions détaillées sur les aliments précédemment déclarés, notamment la taille de la portion; 5) une vérification finale.
Un livret sur les aliments a été utilisé pour montrer aux participants des images d’assiettes, de bols, de verres et de tasses, afin d’accroître l’exactitude de la déclaration des portions d’aliments et de boissons; en 2004, les plats étaient présentés sous forme de dessins, puis ont été remplacés par des photographies en 2015. En 2015, les quantités standards étaient en général inférieures à celles de 2004, particulièrement dans le cas des bols, des verres et des tassesNote 1.
Fichier canadien sur les éléments nutritifs
Une base de données sur les aliments est nécessaire pour attribuer des valeurs énergétiques et nutritives aux aliments et boissons déclarés dans le cadre du rappel alimentaire de 24 heures. Santé Canada maintient et met à jour régulièrement le Fichier canadien sur les éléments nutritifs (FCEN)Note 24. Lors de chaque ESCC – Nutrition, une version fixe du FCEN est utilisée.
Le FCEN utilisé dans l’enquête de 2004 était le supplément 2001b, alors que dans l’enquête de 2015, la version de 2015 a été utilisée. Le FCEN reflète les aliments disponibles sur le marché au moment de l’enquête.
Besoins énergétiques
Il est possible d’estimer les besoins de dépense énergétique totale (DÉT) grâce à une série d’équations établies par l’Institute of Medicine (IOM)Note 5. Ces équations sont propres aux catégories d’âge, de sexe et d’IMC (poids normal comparé à un embonpoint ou à l’obésité). De plus, le niveau d’activité physique (personne sédentaire, peu active, active, très active) est nécessaire pour estimer la DÉT.
Taille, poids et catégories d’indice de masse corporelle
Des intervieweurs qualifiés ont mesuré la taille et le poids des participants à l’ESCC âgés de deux ans ou plus en suivant les mêmes protocoles en 2004 et en 2015Note 1Note 2. Le même modèle de pèse-personne (US-321 de LifeSource) a été utilisé en 2004 et en 2015. Dans le but de réduire les erreurs de déclaration, on avait utilisé en 2015 un ruban à mesurer métrique seulement, alors qu’un ruban à mesurer selon les systèmes métrique et impérial avait été utilisé en 2004.
Le calcul de l’IMC se fait en divisant le poids mesuré en kilogrammes par le carré de la taille mesurée en mètres. Selon les lignes directrices de Santé Canada pour les adultesNote 25, les personnes dont l’IMC est compris entre 18,5 kg/m2 et 24,99 kg/m2 sont considérées comme ayant un poids normal, celles dont l’IMC est compris entre 25 kg/m2 et 29,99 kg/m2, comme faisant de l’embonpoint, et celles dont l’IMC est supérieur à 30 kg/m2, comme étant obèses. Dans le cas des participants âgés de 17 ans ou moins, les catégories définies par Cole et coll.Note 26 ont été utilisées puisque les catégories de l’Organisation mondiale de la SantéNote 27 n’étaient pas publiées lors de la publication des équations de l’IOM pour estimer la DÉT.
Activité physique
L’activité physique a été évaluée différemment en 2004 et en 2015, ce qui empêche l’utilisation des estimations de l’activité physique de l’enquête elle-même aux fins de comparaison. En l’absence de niveaux d’activité physique comparables, un niveau d’activité physique fixe est supposé pour l’ensemble de la populationNote 28. Dans le cadre de cette étude, on a supposé que les enfants âgés de moins de 14 ans étaient légèrement actifs et que les adolescents âgés de 14 ans ou plus et les adultes étaient sédentaires. Ces niveaux correspondent aux observations directes de l’activité physique mesurée chez les enfantsNote 11 et les adultesNote 12 de 2007 à 2015. Des analyses de sensibilité ont été effectuées en supposant que tous les groupes étaient soit sédentaires, soit légèrement actifs.
Erreurs de déclaration
Puisque ni l’apport énergétique réel ni les marqueurs biologiques de l’apport énergétique réel ne sont disponibles dans l’ESCC – Nutrition, il est raisonnable d’utiliser la DÉT prédite pour caractériser les erreurs de déclaration et identifier les personnes ayant fait une sous-déclaration, une déclaration plausible ou une surdéclarationNote 17. Pour ce faire, il est nécessaire d’établir des seuils afin de créer un intervalle de confiance pour le ratio entre l’apport énergétique et les besoins énergétiques. GoldbergNote 18 a suggéré la méthode originale, que BlackNote 29 et McCroryNote 19Note 28 ont modifiée par la suite. Cette dernière technique a été utilisée précédemment dans le cadre de l’ESCC – Nutrition de 2004Note 21.
Pour estimer les seuils, il est nécessaire d’utiliser un écart-type qui tienne compte des coefficients de variation de plusieurs composantes selon l’équation suivante :
où représente la variation de l’apport énergétique pour une même personne, où d représente le nombre de jours de remémoration, où représente l’erreur de prédiction des besoins énergétiques et où représente la variation d’un jour à l’autre et l’erreur de mesure de la DÉT en fonction de la méthode de l’eau doublement marquée.
Selon des travaux antérieursNote 21, Black et ColeNote 30 estiment à 8,2 %. Les autres coefficients sont estimés pour chaque ESCC – Nutrition de la façon suivante : est estimé à partir de la variation individuelle moyenne des personnes ayant participé à deux rappels alimentaires et à partir des prédictions de dépense énergétique. Puisque seul le premier rappel est utilisé dans la présente étude, d a été fixé à 1. Le tableau 1 présente les écarts-types estimés pour l’ESCC – Nutrition selon l’apport nutritionnel de référence (ANR) pour l’ensemble de la population. Afin de faciliter l’estimation, un écart-type uniforme de 35 % a été utilisé pour les deux enquêtes.
Enfin, l’intervalle de confiance pour le ratio est construit sur une échelle logarithmique afin de tenir compte de l’inclinaison de la répartition des apports énergétiques estimés. Un facteur multiplicatif peut être appliqué à l’écart-type, mais ce facteur est fixé à 1 dans la présente étude. L’intervalle obtenu pour le ratio AE à DÉT est par conséquent (0,70 - 1,42). Les participants sont classés en fonction du pourcentage de la DÉT qu’ils ont déclaré comme apport énergétique : moins de 70 % dans le cas des personnes ayant fait une sous-déclaration, entre 70 % et 142 % dans le cas des personnes ayant fait une déclaration plausible et plus de 142 % dans le cas des personnes ayant fait une surdéclaration.
Sources de l’apport énergétique estimé
L’ESCC – Nutrition comprend des catégories d’aliments fondées sur la classification du Bureau des sciences de la nutrition (BSN). Ces catégories ont été utilisées dans le but d’estimer les sources de l’apport énergétique. Des aliments de base et des ingrédients de recette sont utilisés dans cette classification et non les recettes en tant que telles. Les catégories sont énumérées à l’annexe 1.
Biais
Outre la taille, le poids, l’âge et les catégories d’IMC, d’autres catégories sont utilisées pour estimer le biais potentiel chez les personnes ayant fait une déclaration plausible, notamment le fait d’être immigrant ou fumeur quotidien. Le niveau de scolarité le plus élevé dans le ménage a également été utilisé en fonction des catégories disponibles en 2004 (diplôme d’études postsecondaires) et en 2015 (baccalauréat ou diplôme supérieur au baccalauréat). On a auparavant reconnu que ces variablesNote 21 sont corrélées au ratio AE à DÉT.
Analyse statistique
Des statistiques descriptives ont été employées pour présenter l’apport énergétique estimé, la DÉT, les types de déclarants, les sources et le biais potentiel. Seul le premier rappel a été utilisé à cette étape puisque seules des moyennes sont présentées, et l’apport quotidien moyen est le même que l’apport habituel moyen. Les estimations ont été pondérées en fonction des participants âgés de deux ans ou plus présentant un poids de sondage particulier, en tenant compte du plus faible taux de réponse chez les personnes pour lesquelles une taille et un poids mesurés étaient disponibles. Les estimations de l’apport énergétique à partir de l’échantillon complet n’ont pas différé des estimations de l’apport énergétique qui limitaient l’échantillon aux participants pour lesquels une taille et un poids mesurés étaient disponibles (données non présentées). La méthode bootstrap a été utilisée pour estimer les intervalles de confiance puisqu’elle tient compte de la complexité de l’enquête. Des comparaisons ont été effectuées à l’aide de tests t. Le niveau de signification a été établi à p < 0,05.
Résultats
Apport énergétique estimé et besoins énergétiques
Le tableau 2 montre qu’en moyenne pour l’échantillon complet, l’apport énergétique estimé en 2015 était de 250 kcal inférieur à celui de 2004, alors que la dépense énergétique totale (DÉT) prédite en 2015 était de 1 kcal supérieure à celle de 2004. Les écarts dans l’apport énergétique estimé variaient de -60 kcal à -512 kcal selon le groupe d’âge et le sexe, les estimations de 2015 étant toujours inférieures à celles de 2004. Des écarts significatifs dans la DÉT ont été observés chez les garçons âgés de 9 à 13 ans (DÉT inférieure en 2015) et chez les hommes de 31 à 50 ans (DÉT supérieure en 2015). Ces écarts s’expliquent principalement par le poids moyen inférieur, en 2015, de 2,5 kg chez les garçons de 9 à 13 ans et supérieur de 3,7 kg chez les hommes âgés de 31 à 50 ans (données non présentées).
Erreurs de déclaration
Les personnes ayant fait une sous-déclaration, une déclaration plausible ou une surdéclaration ont été identifiées à l’aide du ratio de l’apport énergétique aux besoins de dépense énergétique totale (AE à DÉT) et en appliquant les seuils de 0,7 et de 1,42. Le pourcentage de personnes ayant fait une déclaration plausible est demeuré stable entre 2004 et 2015 (tableau 3). Cependant, pour les groupes d’âge et de sexe de 2015, le pourcentage de personnes ayant fait une surdéclaration était inférieur à celui de 2004 dans 11 des 14 groupes, tandis que le pourcentage des personnes ayant fait une sous-déclaration était supérieur à celui de 2004 dans 9 groupes (tableau 3).
Comparaison de l’apport énergétique estimé en 2004 et en 2015
Les participants ayant fait une sous-déclaration ou une surdéclaration présentaient un apport énergétique similaire en 2004 et en 2015. En 2015, l’apport énergétique estimé pour les personnes ayant fait une sous-déclaration était de 21 kcal inférieur à celui de 2004 et 2 groupes d’apport nutritionnel de référence (ANR) sur 14 présentaient des estimations significativement inférieures en 2015 (tableau 4). Bien que l’apport énergétique estimé total pour les personnes ayant fait une surdéclaration ait été significativement inférieur (181 kcal) en 2015, seuls 2 groupes d’ANR sur 14 présentaient des estimations significativement inférieures en 2015 (tableau 4).
L’écart dans l’apport énergétique estimé était de 84 kcal pour les personnes ayant fait une déclaration plausible. Les enfants âgés de 2 à 13 ans, les adolescents mâles (âgés de 14 à 18 ans) et les femmes âgées de 19 à 50 ans dans la catégorie de personnes ayant fait une déclaration plausible présentaient un apport énergétique estimé significativement inférieur à celui des autres catégories (tableau 4).
Sources d’énergie
Le tableau 5 dresse la liste des principales sources de calories qui contribuent pour au moins 10 kcal chacune à l’écart dans l’apport énergétique estimé selon le groupe du BSN. Les principales sources sont fondées sur l’échantillon entier ainsi que sur la valeur absolue de la différence, ce qui représente environ 75 % de tout l’apport énergétique estimé pour les deux années (données non présentées). Pour l’échantillon entier, deux tiers de l’écart de 250 kcal de l’apport énergétique estimé s’expliquent par les boissons sucrées, les pâtes alimentaires, le riz, les grains céréaliers et les farines, la viande et le lait. Chez les personnes ayant fait une déclaration plausible, l’apport énergétique estimé a très peu varié selon le groupe du BSN, à l’exception des boissons sucrées, ce qui explique la majeure partie de l’écart. Pour l’échantillon réduit de personnes ayant fait une surdéclaration, les écarts variaient davantage.
En 2015, l’apport énergétique estimé provenant des boissons sucrées et du lait était inférieur à celui de 2004, quelle que soit la catégorie de participants. Au contraire, l’apport énergétique estimé provenant des noix et des pâtisseries était supérieur en 2015 pour toutes les catégories de participants.
Biais
Le tableau 6 présente les comparaisons entre les personnes ayant fait une déclaration plausible et la population entière. Le biais est faible entre les personnes ayant fait une déclaration plausible et la population entière. Le poids corporel et le pourcentage de la population faisant de l’embonpoint ou étant obèse sont inférieurs chez les personnes ayant fait une déclaration plausible, particulièrement en 2015. La prévalence de l’obésité était de 3 % inférieure chez les personnes ayant fait une déclaration plausible en 2015.
Discussion
L’apport énergétique déclaré en 2015 était significativement inférieur à celui de 2004, de 250 kcal en moyenne. Cette diminution ne peut s’expliquer par une variation de la dépense énergétique totale prédite (écart de 1 kcal en moyenne), du fait de l’absence de variation du poids et de l’activité physique au cours de cette période.
Si la prévalence des erreurs de déclaration à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Nutrition (ESCC – Nutrition) était similaire en 2004 et en 2015, le biais systématique pour chaque année s’annulerait, et tout écart observé entre les cycles refléterait une variation de l’apport énergétique estimé de la population. La présente étude révèle que la prévalence d’erreurs de déclaration a varié entre 2004 et 2015. Par rapport à 2004, la proportion de personnes ayant fait une sous-déclaration en 2015 était supérieure et celle de personnes ayant fait une surdéclaration était inférieure. Lorsque seules les personnes ayant fait une déclaration plausible sont prises en compte dans chaque enquête, l’écart dans l’apport énergétique estimé est de 84 kcal, comparativement à 250 kcal pour l’ensemble de la population. Une alternative à limiter l’analyse aux personnes ayant fait une déclaration plausible est de corriger l’estimation de l’apport énergétique en fonction du type de déclaration. Il s’agit d’une opération similaire à une normalisation selon l’âge, en utilisant plutôt le type de déclaration. Pour ce faire, une répartition du type de déclaration doit être déterminée. Dans ce cas, elle a été fixée en fonction de 2004. L’apport estimé moyen selon le type de déclaration en 2015 est alors multiplié par la proportion observée en 2004 des personnes ayant fait une sous-déclaration, une déclaration plausible et une surdéclaration. Cela mènerait à une estimation corrigée en fonction du type de déclaration. Selon cette approche, l’apport énergétique a diminué de 85 kcal entre 2004 et 2015, ce qui correspond à ce qui a été observé en ne tenant compte que des personnes ayant fait une déclaration plausible.
L’objectif principal de cette étude n’était pas de mener des analyses détaillées des sources alimentaires. Cependant, ces analyses ont fourni des renseignements sur l’effet potentiel d’une variation des erreurs de déclaration entre l’ESCC – Nutrition de 2004 et celle de 2015. Par exemple, les analyses font ressortir que, quelle que soit la catégorie de participants, l’apport énergétique estimé provenant des boissons était inférieur en 2015, tandis que celui provenant des pâtisseries et des noix était supérieur en 2015. Dans le cas de nombreuses autres sources alimentaires, comme la viande, les sucres et l’huile, la diminution de l’apport énergétique estimé provient de la diminution observée dans la catégorie de personnes ayant fait une surdéclaration.
Peu d’études ont été publiées sur la variation des erreurs de déclaration entre deux périodes de référence d’enquêtes sur la nutrition. ArcherNote 22 a montré qu’aux États-Unis les sous-déclarations ont également augmenté de 1999 à 2010, mais dans une moindre mesure qu’au Canada. Certaines hypothèses de l’analyse ont été critiquéesNote 31. En Australie, les sous-déclarations ont augmenté de 1995 à 2011-2012Note 16. Selon la méthode de Goldberg, l’écart dans l’apport énergétique estimé chez les participants âgés de 10 ans ou plus était de 347 kcal pour l’ensemble de l’échantillon australien, par rapport à 244 kcal chez les personnes ayant fait une déclaration plausible. L’écart dans l’apport énergétique déclaré comprend les personnes ayant fait une surdéclaration et peut expliquer l’incidence moindre en Australie. Par défaut, les personnes ayant potentiellement fait une surdéclaration ont été classées comme ayant fait une déclaration plausible en Australie, et il n’est pas possible de savoir si la variation des sous-déclarations est due à une variation par rapport aux déclarations plausibles ou aux surdéclarations. Au Canada, les proportions de sous-déclarations et de surdéclarations ont varié entre les enquêtes.
Limites
De nombreuses hypothèses avancées dans le cadre de cette étude pourraient influer sur la variation estimée de l’apport énergétique. Il a été supposé que l’activité physique était demeurée la même de 2004 à 2015 et chez tous les participants d’une tranche d’âge donnée. Il n’est donc pas possible de tenir compte de la variabilité de l’activité physique. L’hypothèse selon laquelle l’ensemble de la population est peu active ou sédentaire modifierait la prévalence d’erreurs de déclaration pour une année donnée, mais n’influerait pas sur les évaluations de la variation des erreurs de déclaration entre deux périodes de référence (données non présentées).
Bien qu’un Fichier canadien sur les éléments nutritifs (FCEN) différent ait été utilisé à chaque ESCC – Nutrition, il a été supposé, dans le cadre de cette analyse, que cette différence n’avait pas d’incidence. Cependant, les modifications apportées au FCEN tiennent compte des changements observés dans l’industrie alimentaire, dans les recettes et dans les formulations de produits alimentaires, ainsi que dans la manière de combiner certains aliments. Par exemple, l’énergie qu’apportent les vinaigrettes italiennes a été divisée par trois de 2004 à 2015. Parallèlement, l’énergie qu’apporte le chocolat pour cuisson a diminué de 20 %. Une analyse préliminaire a montré que ces modifications de profils alimentaires n’ont pas contribué significativement à la variation observée de l’apport énergétique estimé global (diminution de 20 kcal en moyenne pour l’ensemble de la population).
Des données démographiques ont été prises en compte lors de la comparaison des besoins de dépense énergétique totale (DÉT). L’Institute of Medicine publie les équations de DÉT prédite. Ces équations ne sont pas nécessairement représentatives de la population canadienne ou étatsunienne, mais elles sont les meilleures équations actuellement disponibles. D’autres variations des caractéristiques sociodémographiques n’ont pas été prises en compte. De nombreux immigrants se sont installés au Canada au cours des 11 dernières années, par exempleNote 32. Dans l’ensemble, l’apport énergétique estimé chez les récents immigrants n’était pas différent de celui du reste de la population (données non présentées).
Pour l’analyse des principales sources de l’apport énergétique, les groupes du Bureau des sciences de la nutrition au niveau des aliments de base et des ingrédients ont été utilisés. Le « lait » comprend, par exemple, le lait comme boisson et le lait comme ingrédient dans une recette de gâteau. Cette première analyse est suffisante pour faire ressortir les domaines dans lesquels de plus amples recherches sont nécessaires dans le but de distinguer certains aliments dans leur forme de base et ceux incorporés à une recette. Certaines modifications apportées au livret sur les aliments ont également influé sur l’analyse des principales sources de l’apport énergétique. Les modifications des choix de déclaration standard en 2015 ont pu influer sur la quantité de boissons consomméeNote 1. L’enquête de 2004 comprenait, par exemple, quatre choix de verre. Un verre plein représentait un volume de 148 mL, 311 mL, 325 mL et 429 mL. L’enquête de 2015 comprenait trois photos représentant des volumes de 200 mL, 270 mL et 390 mL. En ce qui concerne les deux choix de gros volumes, cela représente une diminution de 9 % (429 mL en 2004 par rapport à 390 mL en 2015) et de 16 % (325 mL en 2004 par rapport à 270 mL en 2015). Un participant consommant le même grand verre en 2004 et en 2015 sélectionnerait le plus gros volume, ce qui attribuerait automatiquement un plus petit volume pour 2015.
Le fait d’exclure les sous-déclarations et les surdéclarations de l’analyse pourrait éventuellement exclure les apports plausibles de personnes mangeant moins ou mangeant plus le jour donné. D’autres techniques permettent de corriger le type de déclaration sans exclure de participantsNote 33Note 34. Cependant, l’importance de cette source particulière de biais était minime dans la présente étude, à la fois pour 2004 et pour 2015.
Dans cette analyse particulière, seul le premier rappel a été utilisé pour estimer l’apport énergétique moyen. Dans le but de tenir compte de la variabilité d’un jour à l’autre, l’apport habituel devrait être calculé. Tooze a suggéré de prendre en compte les erreurs de déclaration en ajoutant une variable indicatrice d’erreur de déclaration à la modélisation de l’apport habituelNote 34.
Conclusion
L’objectif de la présente analyse était d’estimer la variation des erreurs de déclaration de 2004 à 2015 et la façon dont cette variation influe sur l’analyse des données. La prévalence des erreurs de déclaration a varié et influe sur l’analyse des données de l’ESCC – Nutrition, en particulier lors des comparaisons avec les données de 2004.
En présence d’erreurs de déclaration et conformément à diverses autres sourcesNote 15Note 31Note 33Note 34, il conviendrait de reconnaître au moins l’existence d’erreurs de déclaration. Une catégorie comparable de personnes ayant fait une déclaration plausible peut être utilisée, bien qu’un biais soit ainsi potentiellement créé. Il est possible d’apporter une correction en fonction du type de déclarants ou de l’apport énergétique estimé afin d’éviter l’exclusion de participants.
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