Méthodes fondées sur la région géographique pour calculer les taux d'hospitalisation chez la population née à l'étranger établie au Canada, 2005-2006

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Par Gisèle Carrière, Paul A. Peters et Claudia Sanmartin

Selon les prévisions, d'ici à 2031, la proportion de la population canadienne née à l'étranger pourrait atteindre 28 %, comparativement à environ 20 % en 20061. Il importe donc de cerner les profils d'utilisation des soins de santé de ce segment croissant de la population en vue de la planification et de la prestation des services. Certaines informations laissent entendre que les personnes nées à l'étranger sont en meilleure santé que celles nées au Canada2-9, mais la plus grande partie de la recherche à ce sujet repose sur des données d'enquête3-6,10,11. Les études portent habituellement sur des échantillons de petite taille, ce qui limite les comparaisons au niveau régional. En outre, les analyses fondées sur des données d'enquête peuvent être sujettes à un biais de remémoration ou être influencées par des obstacles linguistiques et culturels.

Les dossiers administratifs des hôpitaux couvrent toutes les hospitalisations dans les établissements de soins de courte durée et permettent d'effectuer des analyses à de fins niveaux de détail géographique. Cependant, ces dossiers ne contiennent pas de renseignements sur le pays de naissance ni sur le statut d'immigrant des patients. En l'absence de données au niveau de la personne, des méthodes fondées sur la région géographique peuvent être appliquées pour étudier les profils d'utilisation des services hospitaliers dans les régions où la concentration de personnes nées à l'étranger est élevée. Ce genre d'approche a été employé au Canada pour analyser les résultats en matière de santé selon le statut socioéconomique du quartier et la concentration de la population autochtone12-14.

Étant donné que les immigrants s'établissent généralement dans les grandes régions urbaines15 et que la concentration de personnes nées à l'étranger a augmenté au fil du temps16-18, des méthodes fondées sur la région géographique peuvent être appliquées pour étudier les profils d'hospitalisation dans les régions présentant de fortes concentrations de personnes nées à l'étranger. Alors que des données hospitalières ont été appariées à des données sur l'immigration pour des régions particulières2, ce genre d'exercice n'a pas été entrepris à l'échelle nationale.

La présente étude décrit une méthode fondée sur la région géographique de calcul des taux d'hospitalisation normalisés et comparables pour des régions présentant diverses concentrations de personnes nées à l'étranger, aux niveaux national et infranational19. Sur la base des études antérieures2-7, l'hypothèse émise est que les taux d'hospitalisation seront vraisemblablement plus faibles dans les régions où le pourcentage de résidents nés à l'étranger est élevé. 

Méthodes

Sources des données

Les chiffres relatifs à la population née à l'étranger sont fondés sur les réponses au questionnaire complet du Recensement de 2006, qui a été administré à 20 % des ménages (population ne résidant pas en établissement). L'information recueillie à l'aide du questionnaire comprenait le pays de naissance, le statut d'immigrant et certaines caractéristiques démographiques et socioéconomiques.

Les données sur l'hospitalisation proviennent de la Base de données sur la morbidité hospitalière, qui couvre toutes les sorties de patients hospitalisés dans les établissements de soins de courte durée au Canada. Les données sont recueillies par l'Institut canadien d'information sur la santé. Les dossiers d'hospitalisation pour l'exercice 2005-2006 (du 1er avril 2005 au 31 mars 2006) ont été utilisés pour l'étude, parce que ce sont ceux dont l'année de référence est la plus proche de l'année du recensement. Ces dossiers contiennent des renseignements médicaux, tels que les diagnostics et les interventions, et des renseignements sur les patients, dont la date de naissance, le sexe et, ce qui est important pour la présente analyse, les codes postaux. Les six caractères du code postal sont disponibles pour chaque province et territoire, sauf le Québec, pour lequel seuls les trois premiers caractères sont fournis.

Définition d'une personne née à l'étranger

Dans la présente étude, « née à l'étranger » fait référence à une personne qui 1) avait déjà eu le statut légal d'immigrant au Canada ou 2) était un résident non permanent (RNP). Les résidents non permanents sont des personnes originaires d'un autre pays qui, au moment du recensement, étaient titulaires d'un permis de travail ou d'un permis d'études, ou revendicateurs du statut de réfugié, ou qui avaient demandé le statut d'immigrant reçu mais n'avaient pas encore été acceptées, ainsi que les membres de leur famille vivant avec elles au Canada20. Sous l'angle de la santé, les résidents non permanents ressemblent plus aux immigrants qu'aux personnes nées au Canada, de sorte qu'ils sont regroupés avec les immigrants dans la catégorie des personnes nées à l'étranger. En 2006, les résidents non permanents représentaient 4 % de la population née à l'étranger et moins de 1 % de l'ensemble de la population canadienne. 

Niveau de détail géographique

La présente analyse requiert que l'on fasse la distinction entre les régions où le pourcentage de résidents nés à l'étranger est élevé et celles où il est faible. Il convient de choisir une petite unité géographique, car l'homogénéité de la population d'une région a tendance à augmenter parallèlement à la taille géographique de cette dernière21, ce qui affaiblit les associations entre la concentration de personnes nées à l'étranger et les taux d'hospitalisation.

La population née à l'étranger établie au Canada est, dans une certaine mesure, concentrée spatialement. Les immigrants ont tendance à s'installer dans les régions métropolitaines de recensement (RMR), telles que Toronto et Vancouver15, et nombre d'entre eux restent dans ces villes « d'arrivée »22.

L'analyse porte sur les aires de diffusion (AD), qui représentent la plus petite région géographique (400 à 700 habitants) pour laquelle des données du recensement agrégées sont disponibles23. En 2006, on dénombrait 54 626 AD au Canada et des données agrégées sur les caractéristiques de la population étaient disponibles pour 92  % d'entre elles (50 214). 

Élaboration d'une mesure fondée sur la région de la population née à l'étranger

L'élaboration d'une mesure représentative de la région de la concentration de personnes nées à l'étranger comprend trois étapes, à savoir 1) le calcul des concentrations de la population née à l'étranger dans les diverses régions, 2) le choix de la population de référence pour mesurer la distribution des valeurs de concentration et 3) le choix d'un quantile pour déterminer les seuils qui seront utilisés pour classer les régions en fonction de leur concentration de personnes nées à l'étranger.

Calcul de la concentration de personnes nées à l'étranger

La concentration de personnes nées à l'étranger est égale au pourcentage de personnes qui, dans chaque AD en 2006, étaient nées à l'étranger. Dans 45 % des AD, la proportion de la population née à l'étranger ne dépassait pas 10 %, mais dans environ 9 % d'entre elles, au moins 50 % de la population était née à l'étranger (figure 1).  

Figure 1 Distribution des aires de diffusion (AD), selon le pourcentage de la population de l'AD née à l'étranger, Canada, 2006Figure 1 Distribution des aires de diffusion (AD), selon le pourcentage de la population de l'AD née à l'étranger, Canada, 2006

Choix de la population de référence

Pour établir les seuils de concentration, les AD existantes au Canada ont été classées par ordre, de celle affichant le pourcentage le plus faible à celle affichant le pourcentage le plus élevé de personnes nées à l'étranger. Puis, les pourcentages de personnes nées à l'étranger (mesurés au niveau de l'AD) ont été distribués sur chacune des deux populations de référence possibles, à savoir la population nationale totale et la population née à l'étranger totale. La distribution des pourcentages mesurés de personnes nées à l'étranger de cette façon a permis de discerner en quel type de quantiles — par exemple des tiers (terciles) ou des cinquièmes (quintiles) — était répartie la population de référence divisée par une valeur particulière du pourcentage de personnes nées à l'étranger. La population née à l'étranger est celle qui est privilégiée comme population de référence, parce que les seuils obtenus pour définir tout quantile donné contiennent de plus fortes concentrations de personnes nées à l'étranger que ceux établis en se servant de la population nationale totale. La figure 2 illustre l'avantage qu'offre le choix de la population née à l'étranger comme population de référence. Si l'on choisit la population nationale totale comme population de référence, les seuils qui déterminent les régions qui contiennent les terciles de la population totale montrent que le seuil de délimitation du tercile supérieur (dans lequel la population nationale cumulée atteint 66,6 %) correspond à une mesure du pourcentage de personnes nées à l'étranger dans l'AD égale à 24 %. Autrement dit, les AD dont au moins 24 % de la population est née à l'étranger seraient considérées comme ayant une « concentration élevée de personnes nées à l'étranger ». En revanche, les seuils qui délimitent les régions contenant les terciles de la population née à l'étranger donnent un seuil de « concentration élevée » égal à 52 % de personnes nées à l'étranger. Étant donné ces résultats, la distribution du pourcentage de personnes nées à l'étranger sur la population née à l'étranger a été utilisée pour établir les seuils en vue de classer les AD.

Figure 2 Distribution cumulative du pourcentage de personnes nées à l'étranger dans les aires de diffusion (AD), selon le pourcentage de la population nationale totale ou de la population née à l'étranger totale, Canada, 2006Figure 2 Distribution cumulative du pourcentage de personnes nées à l'étranger dans les aires de diffusion (AD), selon le pourcentage de la population nationale totale ou de la population née à l'étranger totale, Canada, 2006

Choix du quantile

Le choix du quantile (tiers ou cinquième de la population née à l'étranger) pour établir les seuils de concentration de personnes nées à l'étranger en vue de classer les AD a été fondé sur deux critères, à savoir 1) l'intervalle de variation du pourcentage de personnes nées à l'étranger dans un quantile donné et 2) la faisabilité du calcul des taux d'hospitalisation aux niveaux national et infranational (province/région/territoire ou RMR). Puisque l'admission à l'hôpital est un événement relativement rare – en moyenne, moins d'une personne sur dix est hospitalisée durant une année donnée – les chiffres de population doivent être suffisamment grands pour produire des estimations stables.

Les seuils pour les terciles et pour les quintiles sont présentés au tableau 1. Par définition, le nombre de personnes nées à l'étranger est à peu près le même à chaque niveau de l'un ou l'autre quantile: environ 2,1 millions dans chaque tercile et environ 1,3 million dans chaque quintile. Toutes les AD existant au Canada ont été classées par ordre en allant de celle contenant le pourcentage le plus faible à celle contenant le pourcentage le plus élevé de personnes nées à l'étranger, puis la population née à l'étranger a été répartie en terciles et en quintiles. Alors que le nombre absolu de personnes nées à l'étranger est le même à chaque niveau d'un quantile, le pourcentage de la population totale qui correspond à des personnes nées à l'étranger (concentration) varie. Par exemple, alors qu'environ 2,1 millions de personnes nées à l'étranger se trouvent dans chaque tercile, elles représentent 9,8 % de la population totale du tercile à « faible concentration », mais 63,7 % de la population totale du tercile à « forte concentration ». .  

Tableau 1 Taux d'hospitalisation toutes causes confondues normalisés selon l'âge et le sexe (pour 10 000 habitants), selon le quantile de pourcentage de la population née à l'étranger, Canada, 2005-2006Tableau 1 Taux d'hospitalisation toutes causes confondues normalisés selon l'âge et le sexe (pour 10 000 habitants), selon le quantile de pourcentage de la population née à l'étranger, Canada, 2005-2006

En ce qui concerne les seuils des quintiles, le quintile 1 (concentration la plus faible de personnes nées à l'étranger) comprend les AD dans lesquelles le pourcentage de la population née à l'étranger était égal ou inférieur à 19,0 %; le quintile 5 (concentration la plus élevée de personnes nées à l'étranger) est constitué des AD dans lesquelles le pourcentage de la population née à l'étranger était supérieur à 62,0 %. Le pourcentage de la population née à l'étranger dans le tercile ayant la concentration la plus faible est inférieur à 27,0 % et dans le tercile ayant la concentration la plus élevée, il est supérieur à 51,8 %.

Les taux d'hospitalisation ont été calculés en se fondant sur les quintiles et sur les terciles (tableau 1). Les seuils fondés sur les quintiles donnent une meilleure discrimination des différences de taux d'hospitalisation toutes causes confondues entre les quantiles supérieur et inférieur (rapport de taux = 0,64) que ceux fondés sur les terciles (rapport de taux = 0,69). Pour les deux types de quantiles, les intervalles de confiance à 95 % indiquent que les taux nationaux d'hospitalisation étaient stables. Cependant, au niveau infranational (province/région/territoire et RMR), les taux étaient moins stables (intervalles de confiance plus larges) en se fondant sur les quintiles qu'en se fondant sur les terciles, particulièrement pour les régions ayant des populations plus faibles (totale et née à l'étranger). Ainsi, en Alberta, l'erreur-type des taux d'hospitalisation produits en se servant des seuils fondés sur les terciles était plus petite que celle des taux produits en utilisant les seuils fondés sur le quintile pour les régions où la concentration de personnes nées à l'étranger était la plus élevée (données non présentées). Par conséquent, la mesure fondée sur les terciles a été choisie pour l'analyse.

Des critères de concentration d'immigrants dans les AD pourraient également être définis au niveau infranational (province/région ou RMR) en vue de produire des seuils par secteur de compétence, qui seraient plus sensibles à la distribution spatiale des immigrants dans chaque secteur de compétence. Des terciles propres au secteur de compétence ont été créés pour les provinces ou régions et pour certaines RMR. Une comparaison des niveaux de ces seuils a révélé une importante variation de la définition des concentrations élevée, moyenne et faible d'immigrants. Ainsi, les seuils d'inclusion des AD dans le tercile de concentration élevée de personnes nées à l'étranger varient d'un creux de 10,7 % dans la région de l'Atlantique à un sommet de 57,8 % en Ontario (données non présentées), tandis que le seuil calculé à l'échelle nationale est de 51 %. Cette variation réduit la capacité de comparer les taux d'hospitalisation entre les secteurs de compétence dans les terciles semblables en raison de la classification croisée des AD. Par exemple, les AD comptant 25 % de personnes nées à l'étranger seraient considérées comme ayant une concentration moyenne dans certaines régions, mais une concentration élevée dans d'autres. L'objectif de l'étude étant de produire des résultats comparables à l'échelle nationale pour chaque niveau de géographie, les analyses sont fondées sur des terciles définis au niveau national. 

Application de la mesure fondée sur la région géographique aux données hospitalières

À l'aide de l'application FCCP+ développée par Statistique Canada, un code d'AD du Recensement de 2006 a été attribué à chaque dossier de sortie de l'hôpital en se basant sur le code postal de la résidence du patient24,25. Le code d'AD a servi à classer chaque dossier d'hospitalisation dans un tercile de concentration de personnes nées à l'étranger.

Pour déterminer les causes de l'hospitalisation, on s'est fondé sur le « diagnostic principal » (sauf ceux liés à la grossesse) codé conformément à la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, dixième révision, Canada (CIM-10-CA)26 ou à la Classification internationale des maladies, neuvième révision, modifications cliniques (CIM-9-MC)27 pour le Québec. Les catégories d'hospitalisation par cause ont été définies ainsi : maladies de l'appareil circulatoire, certains états cardiaques (insuffisance cardiaque, œdème pulmonaire, cardiopathie ischémique, y compris infarctus aigu du myocarde) et troubles mentaux et du comportement. Ces causes ont été choisies pour l'analyse parce que des études antérieures ont révélé des différences de prévalence entre les populations de minorités ethniques et les autres Canadiens11, et parce qu'il est nécessaire d'obtenir des renseignements sur la santé mentale des immigrants28.

Les taux d'hospitalisation ont été calculés comme étant le nombre d'hospitalisations pour 10 000 habitants dans les AD comptant un pourcentage élevé, moyen ou faible de résidents nés à l'étranger. Le nombre de sorties de l'hôpital et les dénominateurs de population correspondants sont présentés au tableau A en annexe pour le Canada, ainsi que par province/région/territoire et pour certaines RMR, en se basant sur les terciles de concentration de résidents nés à l'étranger définis pour la population nationale. Aucune AD de la région de l'Atlantique ne présentait une concentration « élevée » de résidents nés à l'étranger. En Saskatchewan, moins de 700 personnes appartenaient au tercile de concentration élevée de résidents nés à l'étranger.

Tableau A Population et hospitalisations toutes causes confondues, selon le tercile de concentration de la population née à l'étranger, la province/la région/le territoire et certaines régions métropolitaines de recensement, Canada, 2005-2006Tableau A Population et hospitalisations toutes causes confondues, selon le tercile de concentration de la population née à l'étranger, la province/la région/le territoire et certaines régions métropolitaines de recensement, Canada, 2005-2006

Les taux ont été normalisés par la méthode directe en prenant pour référence la structure par âge et sexe de la population canadienne de 2006. Les taux normalisés selon l'âge et le sexe et les intervalles de confiance à 95 % ont été calculés pour le Canada, pour chaque province/région/territoire et pour certaines RMR. Les intervalles de confiance des taux normalisés ont été déterminés selon des méthodes dérivées de Spiegelman29

Résultats

Le taux national le plus faible d'hospitalisation en établissement de soins de courte durée, toutes causes confondues, a été relevé pour les résidents des AD classées dans le tercile de concentration élevée de la population née à l'étranger (559 hospitalisations pour 10 000 habitants), et le taux le plus élevé, chez les résidents des AD du tercile de concentration faible de la population née à l'étranger (814 hospitalisations pour 10 000 habitants) (tableau 1). Le profil restait le même pour les hospitalisations dues à des maladies de l'appareil circulatoire, à certains états cardiaques et à des troubles mentaux et du comportement (tableau 2).

Tableau 2 Taux d'hospitalisation toutes causes confondues normalisés selon l'âge et le sexe (pour 10 000 habitants), selon certaines causes et le tercile de concentration de la population née à l'étranger, Canada, 2005-2006Tableau 2 Taux d'hospitalisation toutes causes confondues normalisés selon l'âge et le sexe (pour 10 000 habitants), selon certaines causes et le tercile de concentration de la population née à l'étranger, Canada, 2005-2006

Les profils dégagés pour l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique étaient semblables à ceux observés à l'échelle nationale, les taux d'hospitalisation étant plus faibles chez les résidents des AD classées dans les terciles de concentration élevée ou moyenne de personnes nées à l'étranger que chez les résidents des AD appartenant au tercile de faible concentration de personnes nées à l'étranger (tableau 3). Au Québec et au Manitoba, les taux d'hospitalisation des résidents classés dans les terciles de concentration moyenne et élevée de personnes nées à l'étranger différaient l'un de l'autre de manière significative (données non présentées) et différaient respectivement de manière significative de ceux observés dans le tercile de faible concentration de personnes nées à l'étranger. En outre, au Manitoba, les résidents classés dans le tercile de concentration moyenne de personnes nées à l'étranger affichaient le taux d'hospitalisation le plus faible.

Tableau 3 Taux d'hospitalisation toutes causes confondues normalisés selon l'âge et le sexe (pour 10 000 habitants), par province/région/territoire et tercile de concentration de la population née à l'étranger, Canada, 2005-2006Tableau 3 Taux d'hospitalisation toutes causes confondues normalisés selon l'âge et le sexe (pour 10 000 habitants), par province/région/territoire et tercile de concentration de la population née à l'étranger, Canada, 2005-2006

Les taux d'hospitalisation toutes causes confondues selon la concentration de personnes nées à l'étranger variaient aussi d'une RMR à l'autre (tableau 4). Le profil national primait à Vancouver, à Calgary, à Toronto et, dans une moindre mesure, à Montréal, les taux d'hospitalisation les plus faibles s'observant chez les résidents des régions classées dans le tercile de concentration élevée de personnes nées à l'étranger. Les écarts entre les terciles n'étaient pas significatifs à Hamilton ni à Halifax.

Tableau 4 Taux d'hospitalisation toutes causes confondues normalisés selon l'âge et le sexe (pour 10 000 habitants), selon certaines régions métropolitaines de recensement (RMR) et le tercile de concentration de la population née à l'étranger, Canada, 2005-2006Tableau 4 Taux d'hospitalisation toutes causes confondues normalisés selon l'âge et le sexe (pour 10 000 habitants), selon certaines régions métropolitaines de recensement (RMR) et le tercile de concentration de la population née à l'étranger, Canada, 2005-2006

Discussion et limites

La présente étude montre qu'une méthode fondée sur la région géographique peut être utilisée pour examiner les taux d'hospitalisation dans les régions où le pourcentage de résidents nés à l'étranger est élevé par opposition à celles où le pourcentage est faible. L'approche fournit des renseignements comparables aux niveaux national et infranational.

Les travaux de recherche donnent généralement à penser qu'il serait raisonnable de s'attendre à observer les taux d'hospitalisation (à l'exclusion des hospitalisations liées à la grossesse) les plus faibles dans les régions où le pourcentage de résidents nés à l'étranger est élevé.   Selon les données au niveau de la personne, l'état de santé autodéclaré est meilleur, la prévalence des problèmes de santé chroniques est plus faible, les risques de mortalité par âge sont plus faibles et l'espérance de vie est plus longue chez les immigrants que chez les personnes nées au Canada3,7,9,30. La distribution des taux d'hospitalisation observée dans la présente analyse appuie cette attente.

Les différences de taux d'hospitalisation entre les terciles de concentration élevée et faible de résidents nés à l'étranger doivent être interprétées dans le contexte des caractéristiques régionales, y compris la composition de la population née à l'étranger (région ou pays de naissance). Des études récentes font état de différences d'état de santé selon le pays de naissance et le temps écoulé depuis l'immigration6-8. En outre, certains segments de la population née à l'étranger pourraient courir un risque plus élevé d'hospitalisation que d'autres, en raison d'une moins bonne santé et de taux plus élevés de problèmes de santé chroniques4,7,9,11,31,32. Étant donné ces indices, il est pertinent de tenir compte des différences de composition de la population née à l'étranger lorsque l'on interprète les différences de taux d'hospitalisation entre les terciles de concentration d'immigrants. Par exemple, en 2006, plus de 70 % des immigrants établis à Vancouver, mais 31 % seulement de ceux établis à Montréal ont déclaré que leur pays de naissance était l'Asie. À Montréal, plus de 25 % des immigrants ont dit être d'origine africaine, proportion plus élevée que n'importe où ailleurs au Canada23. Les différences de composition des populations nées à l'étranger peuvent expliquer les variations du gradient de taux d'hospitalisation entre les secteurs de compétence. L'écart plus prononcé à Vancouver qu'à Montréal, par exemple, entre les taux d'hospitalisation pour les terciles de concentration élevée et de concentration moyenne de personnes nées à l'étranger pourrait être dû au pourcentage plus élevé d'immigrants nés en Asie établis à Vancouver. D'autres facteurs de niveau régional ont été associés à des taux plus élevés d'hospitalisation, y compris le faible revenu et une forte concentration d'Autochtones33.

Une limite importante de la présente étude tient au fait que les taux d'hospitalisation ne peuvent pas être considérés à proprement parler comme des taux relatifs aux personnes nées à l'étranger et non nées à l'étranger, mais plutôt comme des taux chez les personnes vivant dans des régions affichant diverses concentrations de personnes nées à l'étranger. L'analyse suggère l'existence d'une association entre les taux d'hospitalisation et le pourcentage de personnes nées à l'étranger dans la population, mais ne permet pas d'en inférer la cause.

En outre, comme les dossiers de sortie de l'hôpital que le Québec transmet à Statistique Canada ne contiennent que les trois premiers caractères du code postal, l'application FCCP+ utilise des pondérations de la population pour attribuer de manière probabiliste les cas aux AD. Cette méthode produit des appariements moins précis que si l'on disposait du code postal à six caractères. Elle pourrait donner lieu à de plus nombreuses erreurs de classification des dossiers d'hospitalisation dans les régions urbaines, mais a peu d'effets dans les régions rurales, qui se trouvent principalement dans le tercile de faible concentration de personnes nées à l'étranger. 

Conclusion

Les résultats confirment que la méthode fondée sur la région géographique décrite ici peut être appliquée pour comparer les taux d'hospitalisation dans les régions où la concentration de personnes nées à l'étranger est plus élevée ou plus faible que celle des personnes nées au Canada. L'un des avantages de cette approche tient à l'utilisation de données existantes, qui en fait une méthode rentable pour la surveillance régulière de l'utilisation des services de soins de santé. En outre, la mesure obtenue permet de faire des comparaisons entre diverses régions géographiques, particulièrement celles où la concentration de résidents nés à l'étranger est élevée.

Enfin, pour procéder à une analyse définitive de l'utilisation des services de soins de santé par les personnes nées à l'étranger, il faudra attendre que les données administratives contiennent des renseignements au niveau de la personne, tels que le pays de naissance, l'année d'immigration, le revenu et le niveau de scolarité. Le couplage des enregistrements de données administratives sur les soins de santé à d'autres fonds de données de Statistique Canada, tels que les données du recensement de l'Initiative des données longitudinales administratives et sur la santé, devrait permettre de combler cette lacune.

Remerciements

Les auteurs remercient les hôpitaux de soins de courte durée de chaque province et territoire, qui ont créé les données sur les congés des patients, et l'Institut canadien d'information sur la santé, qui fournit les fichiers de données sur la morbidité hospitalière vérifiés et lisibles par machine. Janet Manuel, qui travaille à l'Institut, a offert une aide précieuse pour le groupement des causes d'hospitalisation. La Dre Élizabeth Muggah a fourni d'importants commentaires au sujet du contenu analytique. Russell Wilkins a contribué considérablement à une version antérieure du présent article.