Regards sur la société canadienne
Facteurs associés à l’achèvement d’une formation d’apprenti au Canada

par Hyeongsuk Jin, Manon Langevin, André Lebel et Michael Haan

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Début de l’encadré

Fin de l’encadré

Introduction

La formation d’apprenti est la principale voie menant à l'acquisition de l’expertise nécessaire pour devenir un travailleur des métiers spécialisés. Toutefois, le bassin de gens de métier vieillit à un rythme plus rapide que le reste de la main-d’œuvre^Note , ce qui suscite de plus en plus de préoccupations quant à la possibilité d’une pénurie de travailleurs spécialisés dans les prochaines années. Pour répondre à ces préoccupations, le gouvernement fédéral^Note , ainsi que les autorités provinciales et territoriales responsables de la formation des apprentis, investissent chaque année dans la formation des futurs ouvriers, et ce afin de répondre à la demande de main-d’œuvre de certains secteurs en particuliers^Note .

Malgré le besoin croissant en gens de métier spécialisés, les données indiquent que le taux de certification global a diminué au fil du temps. Au cours des trois dernières décennies, le nombre de certificats octroyés aux apprentis a augmenté à un rythme plus lent que le nombre de nouvelles inscriptions à un programme d’apprenti. Le nombre de nouvelles inscriptions par an a en effet plus que doublé au cours de cette période (passant de 31 368 en 1991 à 77 573 en 2019), alors que le nombre de certificats octroyés n’a augmenté que de 47 % au cours de la même période (passant de 35 634 à 52 368)^Note .

Les apprentis inscrits ont avantage à achever leur programme et à obtenir leur certificat puisque cela leur donne plein droit à la rémunération et aux avantages sociaux associés à leur métier. Néanmoins, de nombreux apprentis ne termineront jamais leur programme. Selon les données de l’Enquête nationale auprès des apprentis, les apprentis ayant quitté leur formation mentionnent l’instabilité de l’emploi et une meilleure offre d’emploi comme principales raisons de l’abandon de leur apprentissage. Ces motifs étaient suivis par les contraintes financières et les problèmes personnels ou familiaux^Note .

Puisque la formation des apprentis repose essentiellement sur la formation en milieu de travail, les apprentis sont particulièrement vulnérables aux chocs économiques. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19 actuelle, certains apprentis ont probablement été temporairement mis à pied en raison des difficultés financières rencontrées par leurs employeurs et des fermetures associées aux mesures de santé publique. De plus, il est fort possible que les apprentis qui ont eu la chance de pouvoir poursuivre leur formation aient éprouvé plus de difficultés à la terminer en raison d’une réduction des heures de travail ou de l’annulation de la partie de leur formation qui se déroule en classe. Dans ce contexte, il demeure important de comprendre les facteurs associés à l’obtention d’un certificat d’apprenti.

Les données relatives à l’emploi montrent que les gens de métier ont été durement touchés au cours de la pandémie. Entre février et avril 2020, l’emploi et le nombre d’heures travaillées ont tous deux diminué pour la vaste majorité des métiers et n’avaient toujours pas repris leurs niveaux d’avant la pandémie en septembre 2020. Les travailleurs œuvrant dans les groupes de métiers de coiffeur et esthéticien (-72 %), d’éducateur et d’aide éducateur de la petite enfance (-47 %), des services alimentaires (-47 %) et de tôliers (-44 %), ont été les plus touchés entre février et avril 2020^Note . Bien que l’emploi ait repris avec la réouverture des entreprises, l’emploi de ces métiers n’avait toujours pas retrouvé ses niveaux d’avant la pandémie en septembre 2020. En revanche, l’emploi des techniciens et spécialistes de l’aménagement paysager et de l’horticulture a augmenté entre février et septembre 2020 (+30 %). Toutefois, le nombre de techniciens et spécialistes de l’aménagement paysager et de l’horticulture en septembre 2020 était inférieur à celui enregistré une année auparavant (13 300 en 2020 par rapport à 19 300 en 2019).

La présente étude utilise des données de 2008 à 2016 de la Plateforme longitudinale entre l’éducation et le marché du travail (PLEMT) afin d’examiner les facteurs influençant les taux de certification et les caractéristiques d’emploi des apprentis inscrits au cours de leur apprentissage. Les études effectuées avant la mise en œuvre de la PLEMT étaient limitées par le manque de sources de données longitudinales adéquates permettant de suivre les trajectoires des apprentis au fil du temps^Note . Cette étude complète la littérature existante sur les apprentis en utilisant de nouvelles données administratives longitudinales, en vue de fournir des renseignements sur les parcours menant à la certification des apprentis. La présente étude examine également l’incidence des conditions de travail des apprentis sur l’achèvement de cet apprentissage.

Étant donné qu’un bon nombre d’apprentis prennent plus de temps que la durée prévue de leur programme pour obtenir leur certificat, les résultats de la présente étude sont mesurés pour une période correspondant à 1,5 fois la durée du programme. Trois états d’achèvement différents ont été mesurés et chaque apprenti a été classé dans l’une des trois catégories suivantes :

1. Compagnons certifiés : apprentis ayant terminé leur programme et ayant obtenu leur certificat au cours d’une période correspondant à 1,5 fois la durée de leur programme ;
2. Persévérants à long terme : apprentis qui étaient toujours inscrits à leur programme une fois la période correspondant à 1,5 fois la durée de leur programme écoulée ;
3. Apprentis ayant abandonné leur programme : apprentis ayant quitté leur programme, sans avoir obtenu de certificat, au cours de la période correspondant à 1,5 fois la durée de leur programme.

Les données sont limitées aux apprentis s’étant inscrits à un programme d’apprenti à partir de 2008 et dont la période correspondant à « 1,5 fois la durée normale du programme » se terminait au plus tard en 2016. Par exemple, dans le cas des apprentis inscrits à un programme de quatre ans, seuls ceux inscrits en 2008, 2009 et 2010^Note ont été inclus dans l’échantillon. L’échantillon analytique comprend 244 820 apprentis inscrits dans 165 programmes^Note (voir l’encadré Sources de données, méthodes et définitions).

La plupart des programmes d’apprenti reposent sur une formation en milieu de travail

Le parcours scolaire des apprentis est relativement différent et il n’est pas aussi structuré que celui des étudiants de niveau postsecondaire. Pour devenir apprenti, une personne doit tout d’abord trouver un employeur acceptant de fournir la formation requise et employant des compagnons pour former les apprentis et leur servir de mentors. Les deux parties doivent ensuite signer une entente soulignant les conditions de l’apprentissage, et l’entente doit être enregistrée auprès de l’autorité responsable de la formation d’apprenti de la province ou du territoire en question pour être valide.

La majeure partie de la formation des apprentis se déroule en milieu de travail (environ 80 %). Le reste de la formation est technique et se déroule quant à elle en classe. L’apprenti est rémunéré pour la portion de la formation en milieu de travail, mais à un taux inférieur à celui d’un compagnon exerçant le même métier. Une fois la formation requise terminée, l’apprenti est invité à passer un examen de qualification. Les personnes réussissant l’examen reçoivent un certificat et deviennent alors des compagnons.

Les électriciens (14 %), charpentiers (12 %) et travailleurs dans les services de réparation et d’entretien de véhicules automobiles^Note (11 %) sont les groupes de métiers les plus populaires parmi les apprentis. En 2019, les nouvelles inscriptions à ces programmes de métier ont représenté 40 % de toutes les nouvelles inscriptions chez les hommes et 15 % des nouvelles inscriptions chez les femmes.

Les femmes sont sous-représentées dans les programmes de métier. En 2019, par exemple, les femmes représentaient seulement 14 % de toutes les nouvelles inscriptions à un programme d’apprenti. On les retrouve par ailleurs en plus grand nombre au sein des programmes de formation liés aux professions en vente et services. En 2019, près de la moitié d’entre elles étaient inscrites aux programmes de coiffeur et esthéticien (25 %) et de services alimentaires (19 %).

La plupart des apprentis obtiennent leur certificat après la durée prévue de leur programme

Au Canada, les programmes d’apprenti sont gérés par les provinces et les territoires. L’autorité responsable de la formation des apprentis dans chaque secteur de compétence est responsable de désigner les métiers pouvant faire l’objet d’un apprentissage. Cette dernière doit également définir les normes en matière de formation de chacun de ces programmes. Par conséquent, les programmes d’apprenti ne sont pas homogènes et les caractéristiques ainsi que les exigences peuvent différer d’un secteur de compétence à l’autre. Par exemple, pour obtenir un certificat dans un même métier, un secteur de compétence peut proposer un programme de quatre ans alors qu’un autre peut proposer un programme de trois ans^Note . En Colombie-Britannique, par exemple, le programme de métier de cuisiniers dure trois ans alors qu’il dure quatre ans en Ontario.

La durée des programmes varie selon le programme et le secteur de compétence, et peut s’étendre d’une période d’un an à une période de cinq ans. Parmi les apprentis inscrits à un programme d’apprenti depuis 2008, la plupart étaient inscrits à des programmes de quatre (38 %) et trois ans (33 %). Les programmes d’un an (18 %), de deux ans (8 %) et de cinq ans (3 %) étaient quant à eux moins courants.

Parmi les apprentis s’étant inscrits à un programme d’apprenti depuis 2008, la plupart ont mis plus de temps à obtenir leur certificat que la durée prévue du programme. À la fin de la durée prévue du programme, 16 % avaient obtenu leur certificat, tandis que 64 % poursuivaient toujours leur programme et que 20 % l’avaient quitté (graphique 1 ).

Le nombre d’apprentis qui obtiennent leur certificat continue d’augmenter au-delà de la durée prévue du programme. En effet, la proportion des apprentis ayant obtenu leur certificat s’établissait à 32 % lorsque l’on tenait compte de ceux ayant mis jusqu’à 1,5 fois la durée prévue du programme pour terminer leur formation^Note . Toutefois, la proportion des apprentis ayant obtenu un certificat augmente peu entre 1,5 et 2 fois la durée du programme. Au cours de cette période, la proportion des apprentis ayant obtenu un certificat est seulement passée de 32 % à 36 %. Seuls quelques apprentis obtenaient un certificat après deux fois la durée normale du programme.

Le graphique 2 présente la répartition des apprentis ayant obtenu leur certificat au cours d’une période correspondant à deux fois la durée du programme, et ce selon le temps qui leur a été nécessaire pour obtenir ce certificat relativement à la durée du programme. Parmi les apprentis ayant reçu un certificat au cours d’une période équivalent à deux fois la durée prévue du programme, environ 4 sur 10 (44 %) l’ont obtenu au cours de la durée prévue du programme. De nombreux certificats ont quant à eux été délivrés autour de la durée prévue du programme; environ 2 certificats sur 10 (22 %) ont été délivrés seulement quelques mois avant ou après ce moment (c.-à-d., entre 0,9 et 1,1 fois la durée du programme). La plupart des certificats (73 %) ont été délivrés entre la moitié et 1,5 fois la durée du programme. Par conséquent, 84 % de tous les certificats avaient été délivrés au cours d’une période correspondant à 1,5 fois la durée normale du programme.

Les apprentis ayant reçu des crédits pour une formation ou une expérience de travail antérieure étaient plus susceptibles d’obtenir leur certificat

Dans la présente section, des modèles de régression logistique multinomiaux ont été utilisés afin d’étudier l’association entre l’achèvement d’un programme d’apprenti au cours d’une période correspondant à 1,5 fois la durée du programme et divers facteurs, tels que les caractéristiques du programme et certains facteurs personnels. Les résultats sont présentés sous forme de probabilités prédites. Les trois états étudiés sont les suivants : les apprentis ayant terminé leur programme, ceux qui le poursuive toujours (« persévérants à long terme ») et ceux ayant quitté leur programme.

Au moment de l’inscription à un programme d’apprenti, certains apprentis reçoivent des crédits pour une formation (en classe ou en milieu de travail) suivie avant leur inscription ou pour avoir acquis une expérience de travail dans le métier. Ces apprentis ont ainsi déjà achevé une partie de leur formation et sont donc plus proches d’obtenir leur certificat que ceux n’ayant reçu aucun crédit.

Parmi les apprentis s’étant inscrits à un programme d’apprenti depuis 2008, près de 4 sur 10 (38 %) ont reçu des crédits au moment de l’inscription. Les données montrent que les apprentis ayant reçu des crédits étaient plus susceptibles de terminer leur programme d’apprenti que ceux n’ayant reçu aucun crédit (44 % contre 31 %) [tableau 1]. Ils étaient également moins susceptibles de quitter leur programme (29 % contre 37 %) et moins susceptibles d’être des persévérants à long terme (28 % contre 32 %).



Les apprentis inscrits à des programmes de métier à accréditation Sceau rouge à certification obligatoire enregistrent la plus forte probabilité de certification

Dans une province donnée ou un territoire donné, les métiers sont soit réglementés (métiers pour lesquels la certification est obligatoire), soit non réglementés (métiers pour lesquels la certification est volontaire). Pour exercer un métier réglementé, une personne doit devenir compagnon certifié ou s’inscrire comme apprenti. En revanche, la certification est volontaire dans le cas des métiers non réglementés. Le nombre et le type de métiers désignés à certification obligatoire diffèrent grandement d’un secteur de compétence à l’autre. Par exemple, la charpenterie est un métier à certification obligatoire au Québec, alors qu’elle est volontaire dans d’autres secteurs de compétence.

Le Conseil canadien des directeurs de l’apprentissage administre le programme du Sceau rouge afin d’établir des normes communes entre les métiers et faciliter la mobilité des travailleurs qualifiés dans l’ensemble du Canada. Les apprentis inscrits à des programmes de métier désignés Sceau rouge qui réussissent l’examen menant à l’obtention du Sceau rouge reçoivent la mention Sceau rouge sur leur certificat. La mention est reconnue dans l’ensemble du pays et les apprentis qui la reçoivent peuvent travailler dans n’importe quels provinces ou territoires au Canada.

Parmi les apprentis s’étant inscrits à un programme d’apprenti depuis 2008, la plupart étaient inscrits dans un programme de métier Sceau rouge à certification obligatoire (41 %) ou volontaire (29 %). Le reste des apprentis étaient quant à eux inscrits dans un programme sans accréditation Sceau rouge (certification obligatoire [6 %] ; volontaire [24 %]).

De façon générale, les apprentis inscrits dans un métier à certification obligatoire (qu’il s’agisse de programmes du Sceau rouge ou non) étaient moins susceptibles de quitter leur programme. Par ailleurs, parmi les quatre catégories de programmes, ceux inscrits à un programme de métiers Sceau rouge à certification obligatoire enregistraient la plus forte probabilité d’obtenir un certificat (39 %) et la plus faible probabilité de quitter le programme (30 %).

Les jeunes apprentis étaient plus susceptibles d’obtenir un certificat que les apprentis plus âgés

La majorité des apprentis s’inscrivent à un programme d’apprenti plus tard que les étudiants de premier cycle. Selon le Système d’information sur les étudiants postsecondaires, la moitié des étudiants inscrits à un programme de baccalauréat entre 2008 et 2014 étaient âgés de 21 ans ou moins (55 %). Cette même proportion s’établissait à 24 % chez les apprentis.

Puisque les apprentis tendent à être plus âgés que les étudiants de premier cycle au moment de leur inscription, ils sont davantage susceptibles de posséder de l’expérience de travail avant de commencer leur formation d’apprenti. Ils peuvent également avoir plus de responsabilités familiales et d’obligations financières que les étudiants typiques de premier cycle, ce qui pourrait les rendre moins susceptibles de quitter un emploi rémunéré pour terminer la portion en classe de leur formation, laquelle est requise pour terminer leur programme d’apprenti.

De façon générale, les résultats du tableau 1 montrent que les apprentis plus âgés étaient moins susceptibles d’obtenir un certificat et plus susceptibles de quitter leur programme que leurs homologues plus jeunes. Par exemple, les apprentis âgés de 46 ans ou plus étaient neuf points de pourcentage moins susceptibles d’obtenir un certificat (31 % contre 40 %) et 12 points de pourcentage plus susceptibles de quitter leur programme (41 % contre 29 %) que ceux âgés de 18 à 20 ans. Le même résultat est obtenu pour toutes les tranches d'âge.

Les résultats en fonction de l'âge semblent indiquer que les apprentis ayant décidé d’entreprendre ou de poursuivre^Note une carrière dans les métiers plus tard au cours de leur vie sont davantage susceptibles d’être confrontés à divers défis en lien avec les responsabilités familiales et les obligations financières. De plus, les apprentis plus jeunes peuvent être plus motivés à obtenir leur certificat que leurs homologues plus âgés, sachant qu'ils peuvent s'attendre à un plus grand nombre d'années d'emploi rémunéré.

Les conditions de travail et la rémunération jouent un rôle important dans la réussite d’un apprenti

En général, les apprentis ayant terminé leur programme, les persévérants à long terme et les apprentis ayant abandonné leur programme partagent des caractéristiques démographiques similaires au moment de l’inscription (pour de plus amples détails, voir l’encadré Caractéristiques démographiques et relatives aux programmes des compagnons certifiés, des persévérants à long terme et des apprentis ayant abandonné leur programme)^Note . Cependant, ils connaissent souvent des conditions de travail différentes au cours de leur apprentissage.

Tous les apprentis n’étaient pas en mesure, par exemple, de suivre une formation dans les secteurs d’activité les plus courants de leur métier. Même si les apprentis occupent des emplois directement liés à leur formation, les apprentis d’un même programme peuvent travailler dans différents secteurs. Les charpentiers, par exemple, peuvent à la fois travailler dans le secteur de la construction et dans le secteur de la fabrication de meubles. Ces deux secteurs font intervenir un ensemble différent de compétences et de responsabilités et fournissent, par conséquent, différents types d’expériences de travail, qui peuvent à leur tour influer sur la réussite des apprentis et leurs chances d’obtenir leur certificat.

Les données du tableau 1 montrent que travailler dans un domaine étroitement lié au métier était associé à de meilleurs résultats. En effet, les apprentis travaillant dans l’un des trois secteurs d’activité les plus courants de leur métier au cours de l’année d’inscription^Note étaient plus susceptibles d’obtenir leur certificat (38 %) que ceux travaillant dans des secteurs moins courants (32 %).

L’affiliation syndicale était également associée à de meilleurs résultats pour les apprentis. Les apprentis syndiqués au cours de l’année d’inscription étaient moins susceptibles de quitter leur programme que leurs homologues non syndiqués (31 % contre 35 %). En outre, les apprentis syndiqués étaient plus susceptibles que ceux non syndiqués (32 % contre 29 %) de poursuivre la formation au-delà de la période examinée dans la présente étude. L’instabilité de l’emploi étant la raison la plus couramment citée pour l’abandon d’un programme d’apprenti^Note , les apprentis syndiqués — dont l’emploi est potentiellement plus sûr que celui des apprentis non syndiqués — peuvent être moins susceptibles de travailler à temps partiel ou d’être mis à pied que leurs homologues non syndiqués. Ils peuvent par ailleurs être davantage susceptibles de bénéficier de conditions de travail flexibles afin de terminer la portion en classe de leur formation.

Le nombre de secteurs au sein desquels un apprenti a travaillé a été utilisé comme mesure approximative de changement d’emploi. La relation entre le nombre de secteurs au sein desquels un apprenti a travaillé au cours de l’année d’inscription et les résultats en ce qui concerne l’achèvement de sa formation laisse également supposer que la stabilité de l’emploi est importante^Note . Par rapport aux apprentis ayant travaillé dans un seul secteur, les apprentis ayant travaillé dans plusieurs secteurs au cours de l’année d’inscription étaient moins susceptibles d’obtenir leur certificat et plus susceptibles de quitter le programme.

De la même façon, les données du tableau 1 indiquent que les apprentis occupant un poste d’apprenti bien rémunéré étaient également plus susceptibles d’obtenir leur certification. La probabilité de devenir un compagnon certifié augmentait en fonction du revenu d’emploi de l’apprenti au cours de l’année d’inscription. Les apprentis qui gagnaient entre 45 000 $ et 59 999 $ au cours de l’année d’inscription (46 %) étaient, par exemple, 11 points de pourcentage plus susceptibles d’obtenir leur certification que ceux qui gagnaient entre 15 000 $ et 29 999 $ (35 %).

Enfin, les apprentis faisant partie d’une famille à faible revenu^Note au cours de l’année d’inscription étaient également moins susceptibles que ceux n’appartenant pas à une famille à faible revenu de terminer leur programme (31 % contre 37 %) et d’obtenir leur certificat (31 % contre 37 %). Combinés au fait que le revenu d’emploi présente une association positive avec la probabilité d’obtenir un certificat, ces résultats soutiennent le constat que la situation financière est étroitement associée à l’achèvement d’un programme d’apprenti^Note .

Les femmes inscrites à un programme de métier à prédominance masculine étaient moins susceptibles d’obtenir leur certificat que leurs homologues masculins

Les femmes représentaient approximativement 15 % des apprentis s’étant inscrits à un programme d’apprenti depuis 2008^Note . Bien que les femmes apprenties s’inscrivent dans un éventail plus diversifié de programmes d’apprenti ces dernières années, celles-ci ont tendance à se concentrer dans un petit nombre de métiers, notamment dans les professions en vente et services. Par conséquent, la plupart des programmes d’apprenti sont à prédominance masculine. Parmi les métiers à prédominance masculine, les métiers d’électricien, des services de réparation et d’entretien de véhicules automobiles, de charpentier, de soudeur ainsi que de plombier, tuyauteur et du monteur de conduites de vapeur sont les plus populaires chez les femmes apprenties. Ensemble, ces cinq programmes de formation représentaient 12 % de toutes les femmes apprenties s’étant inscrites à un programme d’apprenti depuis 2008^Note .

En moyenne, un plus grand nombre d’hommes que de femmes ont obtenu un certificat au cours de la période correspondant à 1,5 fois la durée du programme. Environ 37 % des apprentis masculins ont obtenu leur certificat au cours de cette période, par rapport à 32 % des femmes apprenties.

Une partie de l’écart entre les sexes quant au taux d’achèvement du programme peut s’expliquer par des différences sur le plan des caractéristiques individuelles et celles relatives aux programmes. Par rapport aux apprentis masculins, les femmes apprenties étaient moins susceptibles d’avoir reçu des crédits pour une formation suivie avant leur inscription ou pour avoir acquis une expérience de travail dans le métier. Environ deux apprentis masculins sur cinq (43 %) avaient reçu de tels crédits au moment de l’inscription, comparativement à environ une femme apprentie sur quatre (26 %). De plus, les femmes se concentraient davantage dans des métiers sans accréditation Sceau rouge, pour lesquels le taux de certification global (28 %) est inférieur à celui des métiers désignés Sceau rouge (40 %). Alors que la plupart des apprentis masculins (77 %) étaient inscrits dans l’un des métiers désignés Sceau rouge, seules deux apprenties sur cinq l’étaient (38 %).

Après prise en compte de ces différences et d’autres caractéristiques individuelles, les femmes étaient quatre points de pourcentage plus susceptibles d’obtenir leur certificat que les hommes présentant les mêmes caractéristiques (40 % par rapport à 36 %) [tableau 1]. Toutefois, l’écart entre les sexes variait en fonction du type de programmes. Selon la proportion des femmes apprenties au sein d’un métier, les métiers pouvaient être regroupés en trois catégories : métiers à prédominance masculine, métiers à prédominance féminine et métiers mixtes (ni à prédominance masculine ni à prédominance féminine)^Note .

Un programme de métier était classé comme étant à prédominance masculine si moins de 25 % des apprentis inscrits au programme étaient des femmes. La plupart des programmes de métiers relatifs à la construction (charpentier, électricien, soudeur, etc.) se classaient parmi les métiers à prédominance masculine. À l’inverse, les métiers à prédominance féminine correspondaient aux programmes au sein desquels plus de 75 % des apprentis étaient des femmes. Les programmes de coiffeur et d’éducateur de la petite enfance^Note sont des exemples de métiers à prédominance féminine. Le reste des programmes (pour lesquels le pourcentage d’apprenties inscrites variait entre 25 % et 75 %) étaient définis comme étant des métiers mixtes. De nombreux métiers liés à la vente et services, tels que les programmes de cuisinier et du soutien en technologie de l’information^Note , se classaient parmi les métiers mixtes.

Des modèles de régression ont été estimés pour chaque regroupement de programmes (métiers à prédominance masculine, métiers à prédominance féminine et métiers mixtes), et ce à l’aide du même ensemble de variables de contrôle. Après la prise en compte de nombreux facteurs, il s’est avéré que les femmes inscrites dans des métiers à prédominance masculine étaient moins susceptibles d’obtenir leur certificat et plus susceptibles de quitter leur programme que les hommes présentant les mêmes caractéristiques (graphique 3). À l’inverse, les femmes occupant des métiers à prédominance féminine enregistraient une probabilité supérieure de certification et une probabilité inférieure de quitter leur programme que leurs homologues masculins. La même chose s’observait pour les métiers mixtes.

Le revenu d’emploi augmente plus rapidement pour les apprentis ayant obtenu leur certificat

La progression du revenu d’emploi et des avantages sociaux des apprentis tout au long de leur programme est analysée plus en détail dans le tableau 2. Qu’ils aient ou non terminé leur programme, tous les apprentis ont enregistré une amélioration de leurs revenus et de leurs conditions d’emploi au cours de leur formation. En moyenne, le revenu d’emploi de tous les apprentis a augmenté d’environ 14 % par an (tableau 2).

Toutefois, les apprentis ayant terminé leur programme ont enregistré les gains les plus importants tout au long de leur formation^Note . Même un an avant leur inscription, ces derniers gagnaient environ 5 000 $ de plus que les persévérants à long terme et les apprentis ayant abandonné leur programme. Au cours de l’année d’inscription, l’écart de revenu entre les apprentis ayant obtenu un certificat et les persévérants à long terme s’élevait à 7 000 $, alors que cet écart s’établissait à 9 000 $ entre les apprentis certifiés et ceux ayant abandonné leur programme.

Par ailleurs, les apprentis ayant terminé leur programme ont enregistré une plus rapide progression de leurs conditions d’emploi que les persévérants à long terme et les apprentis ayant abandonné leur programme. Leur revenu d’emploi a, par exemple, augmenté de 15 % par an, en moyenne, comparativement à 14 % et 13 % respectivement pour les persévérants à long terme et les ceux ayant quitté leur programme (pour de plus amples détails sur la progression du revenu des apprentis, voir l’encadré Écarts de revenus selon la durée du programme). À la fin de la durée prévue du programme^Note , le revenu médian des apprentis ayant terminé leur programme (51 920 $) était supérieur d’environ 20 000 $ à celui des persévérants à long terme (33 350 $) ou des apprentis ayant abandonné leur programme (32 710 $).



Conclusion

La formation d’apprenti est la principale voie permettant d’acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour devenir un travailleur des métiers spécialisés. Malgré les avantages financiers associés à la certification dans un métier, de nombreux apprentis quittent leur programme sans obtenir de certificat de qualification.

À l’aide des données de la PLEMT, cette étude a permis d’examiner les conditions de travail et de formation des apprentis à partir du moment de leur inscription au programme, de même que l’incidence de ces conditions sur l’achèvement de leur programme. Qu’ils aient ou non terminé leur programme, tous les apprentis ont enregistré une augmentation de revenus au cours de leur formation. Toutefois, ce sont les apprentis ayant terminé leur programme qui ont enregistré les gains les plus importants.

Les résultats de cette étude soulignent l’importance d’avoir un emploi adéquat lors de l’apprentissage. Les apprentis ayant un emploi d’apprenti stable et bien rémunéré, s’accompagnant d’avantages sociaux, étaient plus susceptibles d’obtenir leur certificat que ceux pour qui ce n’était pas le cas. Le secteur de l’emploi compte également. Les apprentis travaillant dans des secteurs liés à leur métier étaient plus susceptibles d’obtenir leur certificat que ceux œuvrant dans des secteurs moins courants.

L’étude fournit des renseignements sur les difficultés auxquelles les apprentis sont confrontés et ses résultats peuvent contribuer aux discussions portant sur les politiques relatives à l’apprentissage. Dans le contexte actuel de pandémie de COVID-19, où de nombreux apprentis pourraient travailler un moins grand nombre d’heures que d’habitude, ou pourraient ne pas être en mesure de poursuivre ou commencer la portion en classe de leur formation, de telles discussions doivent avoir lieu entre les intervenants du domaine de l’apprentissage, afin de déterminer la meilleure façon de surmonter les défis et les obstacles supplémentaires relatifs à la certification des apprentis.

Hyeongsuk Jin est analyste au Centre canadien de la statistique de l’éducation de Statistique Canada. Manon Langevin est chercheuse au Centre de renseignements et d’innovation en données sociales de Statistique Canada. André Lebel est chef au Centre canadien de la statistique de l’éducation de Statistique Canada. Michael Haan est professeur agrégé à l’Université Western.

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