Regards sur la société canadienne
La persistance de la surqualification en emploi des immigrants et des non-immigrants

par Louis Cornelissen et Martin Turcotte

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Début de l’encadré

Aperçu de l’étude

À l’aide des données intégrées des recensements de 2006 et de 2016, la présente étude examine la persistance dans le temps de la surqualification en emploi chez les immigrants et les non-immigrants. Plus précisément, l’étude permet d’examiner le lien entre différentes caractéristiques associées à l’immigration et la probabilité d’avoir été surqualifié tant en 2006 qu’en 2016. Dans l’étude, la surqualification est définie comme la situation dans laquelle se trouvent les titulaires d’un diplôme universitaire (baccalauréat ou grade supérieur) qui occupent un emploi exigeant tout au plus une formation de niveau secondaire.

  • Parmi les travailleurs de 25 à 49 ans qui étaient titulaires d’un diplôme universitaire en 2006, 20 % ont été en situation de surqualification au moins une fois, en 2006 ou en 2016. Cependant, 5 % d’entre eux étaient surqualifiés de façon persistante, c’est-à-dire qu’ils étaient surqualifiés à la fois en 2006 et en 2016.
  • La proportion de travailleurs qui étaient surqualifiés à la fois en 2006 et en 2016 s’élevait à 10 % parmi les immigrants et à moins de 4 % parmi les non-immigrants.
  • Parmi les immigrants, le lieu des études était un facteur important quant au risque de surqualification. En effet, 14 % des immigrants ayant étudié à l’extérieur du Canada étaient en situation de surqualification à la fois en 2006 et en 2016, comparativement à 4 % de ceux ayant étudié au Canada.
  • Les immigrants ayant obtenu leur diplôme en Amérique du Nord, en Océanie et en Europe de l’Ouest et du Nord se distinguaient peu des diplômés canadiens au chapitre de la surqualification, alors que les diplômés de l’Asie du Sud et du Sud-Est étaient caractérisés par une plus grande probabilité d’être surqualifiés à la fois en 2006 et en 2016.
  • Les immigrants arrivés récemment et plus âgés étaient particulièrement à risque d’être surqualifiés de façon persistante. En effet, parmi les immigrants de 40 ans et plus qui sont arrivés au Canada au cours des cinq années précédant le Recensement de 2006 et qui étaient titulaires d’un diplôme universitaire, près de 1 sur 5 était surqualifié à la fois en 2006 et en 2016.

Fin de l’encadré

Introduction

Parmi différentes définitions du concept de surqualification en emploi, on peut considérer qu’un travailleur se trouve en situation de surqualification lorsque son niveau de scolarité est supérieur à celui qui est normalement requis dans le cadre de l’emploi qu’il occupe.

Par rapport aux travailleurs qui occupent un poste correspondant à leur niveau de scolarité, les travailleurs surqualifiés ont des salaires inférieurs et une moins grande satisfaction à l’égard de la vieNote . D’un point de vue collectif, la surqualification peut tendre à remettre en question la capacité du système d’éducation à permettre aux gens d’améliorer leur sort. De plus, elle peut représenter, sur le plan économique, une sous-utilisation des ressources humaines. Pour toutes ces raisons, la surqualification en emploi est devenue un sujet de recherche répandu et une préoccupation grandissante pour les décideurs. Cela est d’autant plus vrai que, de manière générale, on a observé une hausse des taux de surqualification au cours des dernières décenniesNote .

Comme ont permis de l’illustrer des études antérieures, les taux de surqualification sont généralement plus élevés chez les jeunes travailleurs, chez les femmes ainsi que chez les diplômés de certains domaines (p. ex. en sciences humaines ou arts plutôt qu’en éducation ou en sciences appliquées) ou de certains niveaux de scolarité (p. ex. baccalauréat plutôt que cycles universitaires supérieurs)Note . La surqualification est aussi plus fréquente chez les immigrants fortement scolarisés, auxquels on s’intéresse particulièrement dans le cadre de la présente étude.

Ce thème de la surqualification des immigrants demeure d’actualité dans le contexte de la pandémie de la COVID-19. Au niveau des pertes d’emplois, la pandémie a eu un impact plus important chez les immigrants, particulièrement chez les immigrants récentsNote . Ces derniers, qui travaillent souvent dans les secteurs qui ont été les plus durement frappés par la pandémie (commerce au détail, hébergement et restauration), comptent parmi les sous-groupes les plus susceptibles d’être surqualifiés. On sait par ailleurs que les immigrants, dont bon nombre sont surqualifiés, sont surreprésentés parmi les travailleurs des secteurs de soutien des services de santé, lesquels ont été particulièrement exposés au risque de contracter la COVID-19Note . Finalement, alors que la pandémie de COVID-19 a révélé des difficultés de recrutement de travailleurs qualifiés dans certains domaines essentiels, les immigrants sont surreprésentés parmi les adultes qui ont fait des études en santé mais qui ne travaillent pas dans le secteur de la santéNote .

Différentes caractéristiques ont été identifiées comme des facteurs liés au risque de surqualification chez les immigrants : le caractère récent de l’immigration, le lieu des études, la maîtrise des langues officielles et les compétences en littératie, l’appartenance à certains groupes désignés comme minorités visibles, l’expérience de travail pré-migratoire, la catégorie d’admission et les caractéristiques des programmes au moyen desquels les immigrants sont sélectionnésNote . L’effet de plusieurs de ces facteurs — mais pas de tous — se manifeste vraisemblablement à travers une difficulté particulière pour les immigrants à voir leurs diplômes être reconnus comme qualifiants par les employeurs. Les immigrants récents semblent aussi être plus touchés par les variations de l’offre et de la demande de travailleurs titulaires d’un diplôme universitaire, et souffriraient en particulier de la compétition avec d’autres immigrants récents hautement qualifiésNote .

La majorité des études portant sur la surqualification — et en particulier celles portant plus spécifiquement sur les immigrants — font appel à des données en coupe transversale, c’est-à-dire qu’elles évaluent si les personnes sont surqualifiées à un moment précis et unique dans le temps. Si ces études sont éclairantes sur de nombreux plans, elles ne permettent pas d’évaluer le caractère persistant ou temporaire de la surqualification. La surqualification ne constituerait probablement pas un enjeu très important relativement aux politiques publiques si elle ne devait être, pour la majorité des travailleurs, qu’une situation temporaire et transitoire. En revanche, une situation de surqualification qui perdure durant plusieurs années pourrait s’avérer particulièrement néfaste pour les personnes qui en font l’objet. Certains ont notamment suggéré qu’une surqualification prolongée, et le fait de ne pas mettre en pratique ses apprentissages pour une longue période, pouvait éventuellement entraîner une perte des compétences acquises au cours des étudesNote . D’autres ont suggéré que le fait de connaître des épisodes de surqualification pourrait avoir des effets persistants sur les trajectoires professionnelles, les personnes concernées courant, plus tard dans leur carrière, de plus grands risques de vivre des épisodes de chômage ou de surqualification et de toucher des salaires plus basNote .

Certaines études longitudinales sur la surqualification et sa persistance ont été réalisées au Canada. La plupart ont traité de la surqualification dans le cadre de trajectoires d’insertion professionnelle. Par exemple, certaines études ont permis d’analyser la persistance de la surqualification chez les nouveaux diplômés canadiens au cours des années suivant l’obtention du diplôme, alors que d’autres ont porté sur l’accès à l’emploi qualifié par les immigrants récents, durant les premières années suivant leur admission au CanadaNote . Enfin, certaines études se sont penchées sur la surqualification persistante, mais elles ne permettent généralement pas une analyse approfondie des facteurs liés à la surqualification chez les immigrantsNote .

À l’aide d’une intégration des données des recensements de 2006 et 2016, la présente étude vient enrichir et approfondir ce portrait, en traitant de la question de la persistance à long terme de la surqualification chez les immigrants et les non-immigrants (voir l’encadré « Sources de données, méthodes et définitions »). L’étude est restreinte aux titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade supérieur, et la surqualification y est définie comme étant la situation dans laquelle se trouvent les titulaires d’un diplôme universitaire qui occupent un emploi requérant tout au plus un niveau d’études secondaires. Elle se distingue de celles réalisées antérieurement en ce qu’elle permet d’examiner la persistance de la surqualification en fonction de nombreux facteurs ayant une incidence importante chez les immigrants (lieu des études, lieu de naissance, caractère récent de l’admission et âge au moment de celle-ci, maîtrise des langues officielles, et catégorie d’admission). Elle permet aussi d’examiner l’incidence d’autres facteurs généraux (âge, sexe, région de résidence, plus haut niveau de scolarité atteint et domaine d’études) liés à la persistance de la surqualification, en analysant notamment si l’impact de ces facteurs est différent chez les immigrants et les non-immigrants.

La surqualification persistante n’est pas la forme prédominante de surqualification, mais les immigrants sont trois fois plus à risque de la connaître que les non-immigrants

En 2016, parmi les travailleurs canadiens de 25 à 59 ans titulaires d’au moins un baccalauréat, 15,5 % étaient surqualifiés en emploi. Conformément à ce qui avait été constaté dans des études antérieures, les immigrants étaient plus susceptibles d’être surqualifiés que les non-immigrants (24 % et 11 %, respectivement)Note .

La présente étude portant sur la persistance de la surqualification, on y examine les trajectoires relatives à la surqualification en emploi (dites « trajectoires de surqualification »). En combinant les renseignements relatifs aux emplois et des caractéristiques des mêmes travailleurs en 2006 et en 2016, quatre trajectoires sont possibles (tableau 1).



Tableau 1
Trajectoires de surqualification entre 2006 et 2016 des travailleurs de 25 à 49 ans en 2006 selon le statut d’immigration et le sexe, Canada, 2006 à 2016
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Trajectoires de surqualification entre 2006 et 2016 des travailleurs de 25 à 49 ans en 2006 selon le statut d’immigration et le sexe. Les données sont présentées selon Trajectoire 2006 à 2016 (titres de rangée) et Total, Non-immigrants, Immigrants, Femmes et Hommes, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Trajectoire 2006 à 2016 Total Non-immigrants Immigrants Non-immigrants Immigrants
Femmes Hommes Femmes Hommes
pourcentage
Aucune surqualification 80,4 83,9 70,7 82,5 85,6 66,2 74,7
Entrée en surqualification (surqualification en 2016, non en 2006) 4,6 4,2 5,5 4,6 3,7 6,1 5,0
Sortie de surqualification (surqualification en 2006, non en 2016) 9,7 8,3 13,7 9,1 7,2 16,1 11,6
Surqualification persistante 5,3 3,6 10,1 3,8 3,5 11,6 8,7

Parmi l’ensemble des travailleurs qui étaient âgés de 25 à 49 ans en 2006 et qui étaient titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade supérieurNote , 1 sur 5 (19,6 %) avaient été en situation de surqualification à au moins une reprise lors des deux années observées (80,4 % n’ayant quant à eux jamais été en situation de surqualification). Les immigrants étaient généralement plus susceptibles de faire face à des situations de surqualification que les non-immigrants. De fait,  29,3 % d’entre eux ont été surqualifiés à au moins une reprise au cours des deux années de référence observées, comparativement à 16,1 % des non-immigrants. En outre, et de manière générale, on constatait une prévalence de la surqualification plus élevée chez les femmes que chez les hommes. L’écart était cependant nettement plus prononcé chez les immigrants. Ainsi,  33,8 % des femmes immigrantes s’étaient retrouvées en situation de surqualification à au moins une reprise, comparativement à 25,3 % des hommes immigrants.

La surqualification persistante n’était pas la forme prédominante de surqualification. Seuls 5,3 % des travailleurs ont en effet été surqualifiés à la fois en 2006 et en 2016. Cependant, l’écart relatif entre les immigrants et les non-immigrants à cet égard était encore plus marqué en ce qui concerne la surqualification persistante : 10,1 % des immigrants ont été surqualifiés lors des deux périodes, comparativement à 3,6 % des non-immigrants.

Dans l’ensemble, les femmes (5,6 %) étaient un peu plus susceptibles que les hommes (5,0 %) d’avoir connu une trajectoire de surqualification persistante. L’écart à ce chapitre était encore une fois plus marqué chez les immigrants. En effet, 11,6 % des femmes immigrantes étaient touchées par la surqualification persistante, comparativement à 8,7 % de leurs homologues de genre masculin.

En somme, par rapport aux non-immigrants, les immigrants avaient environ deux fois plus de chances d’être surqualifiés à un moment donné (voir tableau A1), mais près de trois fois plus de chances d’être surqualifiés de façon persistante. Ce dernier résultat a été observé de façon encore plus prononcée chez les femmes immigrantes.

Les immigrants plus récents et les immigrants plus âgés sont davantage susceptibles d’avoir connu une surqualification persistante

En croisant l’âge, le statut d’immigration et, s’il y a lieu, les périodes d’immigration, on peut prendre en compte simultanément, chez les immigrants, l’effet de l’âge et celui de l’âge au moment de l’admission au pays sur les trajectoires de surqualification (tableau 2). Les risques d’avoir connu une surqualification persistante augmentaient à la fois avec l’avancée en âge et avec le caractère récent de l’immigration (les personnes les moins à risque à ce chapitre étant les non-immigrants). Les travailleurs ayant connu le plus souvent une telle trajectoire étaient les immigrants de plus de 40 ans qui étaient arrivés au pays au cours de la décennie précédant le recensement de 2006  (soit de 1997 à 2006).



Tableau 2
Trajectoires de surqualification entre 2006 et 2016 des travailleurs âgés de 25 à 49 ans entre 2006 et 2016 selon l'âge et selon le statut et la période d'immigration, Canada, 2006 à 2016
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Trajectoires de surqualification entre 2006 et 2016 des travailleurs âgés de 25 à 49 ans entre 2006 et 2016 selon l'âge et selon le statut et la période d'immigration. Les données sont présentées selon Statut et période d'immigration (titres de rangée) et Âge en 2006, 25 à 29 ans, 30 à 34 ans, 35 à 39 ans, 40 à 44 ans, 45 à 49 ans et Total, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Statut et période d'immigration Âge en 2006
25 à 29 ans 30 à 34 ans 35 à 39 ans 40 à 44 ans 45 à 49 ans Total
pourcentage
Aucune surqualification
Non-immigrants 77,9 85,3 84,8 85,8 85,9 83,9
Immigrants – admis avant 1987 77,8 82,2 87,2 83,4 82,8 83,5
Immigrants – admis de 1987 à 1996 73,9 80,0 75,6 74,3 73,4 75,0
Immigrants – admis de 1997 à 2001 63,6 72,2 71,5 67,3 61,8 68,6
Immigrants – admis de 2002 à 2006 50,6 57,8 53,9 52,6 52,5 54,2
Total (immigants) 65,8 70,6 71,6 71,0 71,7 70,7
Total 76,0 81,7 80,7 81,2 81,8 80,4
Entrée en surqualification (surqualification en 2016, non en 2006)
Non-immigrants 4,0 3,8 4,1 4,3 5,1 4,2
Immigrants – admis avant 1987 Note F: trop peu fiable pour être publié 4,5 2,8 4,2 4,3 3,8
Immigrants – admis de 1987 à 1996 5,2 4,8 5,5 6,0 6,2 5,7
Immigrants – admis de 1997 à 2001 6,1 5,4 6,4 7,8 7,2 6,6
Immigrants – admis de 2002 à 2006 4,6 5,0 6,4 8,2 5,5 6,0
Total (immigants) 4,6 5,0 5,4 6,4 5,7 5,5
Total 4,1 4,1 4,5 5,0 5,2 4,6
Sortie de surqualification (surqualification en 2006, non en 2016)
Non-immigrants 14,8 7,7 6,9 6,3 5,1 8,3
Immigrants – admis avant 1987 14,8 9,8 5,6 7,3 5,7 7,5
Immigrants – admis de 1987 à 1996 17,0 9,1 10,1 9,0 8,2 10,2
Immigrants – admis de 1997 à 2001 17,4 12,9 12,8 12,6 12,8 13,0
Immigrants – admis de 2002 à 2006 31,4 25,2 25,7 21,8 23,1 25,4
Total (immigants) 21,3 15,8 13,8 11,8 10,0 13,7
Total 15,8 9,7 9,1 8,0 6,5 9,7
Surqualification persistante
Non-immigrants 3,4 3,2 4,1 3,5 4,0 3,6
Immigrants – admis avant 1987 5,4 3,5 4,3 5,1 7,3 5,3
Immigrants – admis de 1987 à 1996 3,9 6,1 8,8 10,7 12,2 9,1
Immigrants – admis de 1997 à 2001 12,9 9,5 9,4 12,3 18,3 11,7
Immigrants – admis de 2002 à 2006 13,4 12,0 14,0 17,4 19,0 14,5
Total (immigants) 8,4 8,6 9,3 10,9 12,6 10,1
Total 4,1 4,5 5,7 5,8 6,4 5,3

Les immigrants plus récents étaient dans l’ensemble plus susceptibles d’avoir vécu au moins un épisode de surqualification en 2006 ou en 2016. Chez les immigrants d’arrivée plus ancienne, soit ceux arrivés avant 1997, ainsi que chez les non-immigrants, c’étaient surtout les travailleurs qui étaient âgés de 25 à 29 ans en 2006 qui avaient été proportionnellement plus portés à être surqualifiés à un moment ou à un autre.

Le fait d’avoir connu une trajectoire de sortie de surqualification était aussi plus fréquent chez les immigrants plus récents, et chez les plus jeunes (en particulier chez les personnes âgées de 25 à 29 ans en 2006). Ce résultat est cohérent avec l’idée selon laquelle la surqualification peut parfois être vécue comme une situation transitoire s’inscrivant dans un processus d’insertion sur le marché du travail, à la suite de l’entrée initiale dans la vie active ou de l’achèvement des études (en ce qui concerne les jeunes) ou à la suite de l’arrivée au pays (en ce qui a trait aux immigrants). C’est pourquoi, malgré le fait que les jeunes étaient plus susceptibles d’avoir vécu au moins un épisode de surqualification, ils étaient aussi moins susceptibles d’avoir connu une trajectoire de surqualification persistante. En contrepartie, plus les travailleurs étaient âgés, moins ils étaient susceptibles de vivre de la surqualification, mais plus la surqualification qu’ils connaissaient risquait d’être persistante.

Les trajectoires de sortie de surqualification sont importantes et pourraient faire l’objet d’une étude en soi. Les prochaines sections portent néanmoins sur le principal sujet de la présente étude, soit les facteurs associés à la persistance de la surqualification chez les immigrants et les non-immigrants.

Les immigrants ayant obtenu leur grade à l’extérieur du Canada sont les plus à risque de connaître une surqualification persistante

La propension accrue à la surqualification persistante constatée chez les immigrants ressort comme étant étroitement liée au lieu des études (entendu dans le cadre de cette étude comme le lieu d’obtention du plus haut certificat, diplôme ou grade). En effet, les immigrants ayant complété leur plus haut niveau de scolarité au Canada présentaient généralement des trajectoires relativement similaires à celles observées chez les non-immigrants ayant eux aussi obtenu leur diplôme d’un établissement canadien (graphique 1). Cependant, les immigrants diplômés d’un établissement canadien étaient moins susceptibles de se trouver en situation de surqualification à la fois en 2006 et en 2016 que leurs homologues ayant obtenu leur diplôme à l’extérieur du Canada (4,4% et 14,3% respectivement). Cela suggère que ce n’est pas tant le statut d’immigrant que le lieu des études (au Canada ou à l’extérieur du Canada) qui est au cœur de l’explication des écarts constatés entre les immigrants et les personnes nées au Canada. Notons qu’une majorité des immigrants dans la population à l’étude avaient obtenu leur diplôme à l’extérieur du Canada (56 %).

Chart 1

Tableau de données du graphique 1 
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1. Les données sont présentées selon Lieu des études (titres de rangée) et Immigrants et Non-immigrants, calculées selon probabilité prédite unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Lieu des études Immigrants Non-immigrants
probabilité prédite
Études à l'extérieur du Canada 14,3 2,6
Études au Canada 4,4 3,7

Le lieu des études, le plus haut niveau de scolarité atteint et le domaine d’études sont des déterminants importants des trajectoires de surqualification

Afin de départager les effets respectifs de différents facteurs sur les trajectoires de surqualification, on a produit des modèles de régression logistique, lesquels permettent de calculer des probabilités prédites ajustées de connaître une trajectoire de surqualification persistante (voir l’encadré « Sources de données, méthodes et définitions »). Le tableau 3 présente les résultats du modèle portant sur l’ensemble des travailleurs immigrants et non-immigrants.



Tableau 3
Probabilités prédites de connaître une trajectoire de surqualification persistante selon certaines caractéristiques sélectionnées, Canada, 2006 et 2016
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Probabilités prédites de connaître une trajectoire de surqualification persistante selon certaines caractéristiques sélectionnées probabilité ajustée(figurant comme en-tête de colonne).
probabilité prédite
Sexe
Femmes 5,4
Hommes 5,1
Plus haut niveau de scolarité
Baccalauréat sans continuation (réf.) 6,8
Baccalauréat avec continuation 3,0Note *
Certificat ou diplôme universitaire de niveau supérieur au baccalauréat sans continuation 3,7Note *
Certificat ou diplôme universitaire de niveau supérieur au baccalauréat avec continuation 2,6Note *
Diplôme en médecine, art dentaire, médecine vétérinaire ou optométrie 2,3Note *
Maîtrise sans continuation 2,4Note *
Maîtrise avec continuation 0,4Note *
Doctorat acquis 0,5Note *
Domaine d'étudesTableau 3 Note 1
Éducation (réf.) 3,3
Arts visuels et d'interprétation, et technologie des communications 8,2Note *
Sciences humaines 11,4Note *
Sciences sociales et de comportements, et droit 8,3Note *
Commerce, gestion et administration publique 5,4Note *
Sciences physiques et de la vie, et technologies 5,7Note *
Mathématiques, informatique et sciences de l'information 2,4Note *
Architecture, génie et services connexes 3,0
Agriculture, ressources naturelles et conservation 8,0Note *
Santé et domaines connexes 3,0
Autres 10,0Note *
Niveau de familiarité avec les langues officielles (en 2006)
1. Niveau le plus élevé (réf.) 3,9
2. 4,4Note *
3. 4,7
4. 5,7Note *
5. 7,3Note *
6. Niveau le moins élevé 8,5Note *
Lieu des études
Canada (réf.) 3,8
Amérique du Nord 5,1Note *
Amérique Centrale et du Sud 7,3Note *
Antilles et Bermudes 12,1Note *
Europe de l'Ouest 5,7
Europe de l'Est 10,9Note *
Europe du Nord 3,7
Europe du Sud 7,1Note *
Afrique subsaharienne 8,6Note *
Afrique du Nord 7,3Note *
Asie de l'Ouest et centrale 8,7Note *
Asie de l'Est 8,2Note *
Asie du Sud-Est 20,4Note *
Asie du Sud 18,2Note *
Océanie 6,2

Les chances de connaître une surqualification persistante sur une période de 10 ans variaient de façon marquée en fonction du plus haut niveau de scolarité atteint. Il existe en effet un gradient clair qui s’étend des titulaires d’un baccalauréat aux titulaires d’un doctorat, chaque augmentation du niveau de scolarité étant associée à une diminution des chances de surqualification persistante. Le fait d’avoir continué ses études et d’avoir obtenu un diplôme de niveau plus élevé entre 2006 et 2016 (voir l’encadré « Sources de données, méthodes et définitions ») était aussi généralement associé à de moins grands risques de surqualification persistante.

Le domaine d’études s’avérait aussi un facteur important quant à la probabilité de connaître une surqualification persistante. Les diplômés ayant étudié dans les domaines de l’éducation; des mathématiques, de l’informatique et des sciences de l’information; de l’architecture, génie et services connexes, ainsi que de la santé et domaines connexes présentaient des probabilités inférieures de surqualification persistante (environ 3 %). Les diplômés des programmes de sciences humaines se distinguaient par leurs probabilités particulièrement élevées d’être surqualifiés à la fois en 2006 et en 2016 (11,4 %). Les diplômés des programmes en arts visuels et d’interprétation, et technologie des communications; en sciences sociales et de comportements, et droit ainsi qu’en agriculture, ressources naturelles et conservation présentaient eux aussi, quoique dans une moindre mesure, des probabilités de surqualification persistante supérieures à la moyenne (leurs probabilités prédites s’établissant à environ 8 %).

Le lieu des études était aussi, sinon plus, déterminant que le domaine d’études en ce qui a trait à la probabilité de connaître une surqualification persistante. Lorsque l’on isolait l’effet des autres facteurs, la surqualification persistante était moins probable non seulement chez les diplômés du Canada (3,8 %), mais aussi chez ceux ayant obtenu leur diplôme ailleurs en Amérique du Nord (5,1 %), en Océanie (6,2 %) et en Europe de l’Ouest (5,7 %) et du Nord (3,7 %). Les diplômés issus des autres régions présentaient quant à eux des taux plus élevés de surqualification persistante. Ceux ayant obtenu leur diplôme en Asie du Sud (18,2 %) et du Sud-Est (20,4 %) formaient ensemble une classe à part, environ un cinquième d’entre eux ayant été en situation de surqualification tant en 2006 qu’en 2016.

Des analyses supplémentairesNote ont permis de montrer que, parmi les immigrants ayant fait leurs études en Asie du Sud-Est, ce sont en particulier les diplômés des Philippines qui se distinguaient par de fortes probabilités prédites de surqualification persistante (20,9 %). Parmi les travailleurs immigrants diplômés en Asie du Sud, les probabilités de surqualification persistante les plus élevées ont été observées chez les travailleurs ayant complété leurs études au Bangladesh (26,0 %), suivis de ceux ayant achevé leurs études en Inde (18,2 %) et au Pakistan (18,2 %), puis de ceux ayant achevé leurs études dans le reste de la région (13,2 %). Malgré les différences considérables que l’on constate d’un pays à l’autre, les probabilités de surqualification observées pour chacun des pays dans ces régions étaient tout de même systématiquement plus élevées que celles observées pour les autres régions du monde. Ces deux régions semblent donc se distinguer à une échelle proprement régionale par des dynamiques particulières qui feraient en sorte que les diplômés qui en sont issus sont nettement plus susceptibles de se retrouver en situation de surqualification persistante.

Même lorsqu’ils avaient obtenu leur diplôme au Canada, les travailleurs nés en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est étaient plus à risque de surqualification persistante

Le fait d’avoir achevé ses études au Canada diminue le risque de surqualification persistante des immigrants. Mais cette protection est-elle observable chez l’ensemble des immigrants, peu importe leur lieu d’origine? Le graphique 2 présente les probabilités de surqualification persistante selon la région de naissance et le fait d’avoir achevé ses études au Canada ou à l’extérieur du Canada (une fois les autres facteurs pris en compte)Note . Globalement, les travailleurs ayant obtenu leur diplôme au Canada, peu importe leur région d’origine, étaient nettement moins susceptibles d’avoir connu une trajectoire de surqualification persistante que ceux ayant fait leurs études hors du Canada.

Chart 2

Tableau de données du graphique 2 
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2. Les données sont présentées selon Lieu de naissance (titres de rangée) et Lieu des études , Études au Canada et Études à l'extérieur du Canada, calculées selon probabilité prédite unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Lieu de naissance Lieu des études
Études au Canada Études à l'extérieur du Canada
probabilité prédite
Asie du Sud 6,3 18,5
Asie du Sud-Est 5,5 21,0
Antilles et Bermudes 4,5 10,6
Amérique centrale et du Sud 4,5 7,5
Afrique subsaharienne 4,2 9,3
Amérique du Nord 4,1 3,9
Asie de l'Est 4,1 8,9
Europe du Sud 4,0 8,8
Asie de l'Ouest et centrale 3,9 8,4
Canada 3,7 4,5
Europe du Nord 3,7 2,4
Europe de l'Ouest 3,3 4,6
Afrique du Nord 2,8 8,5
Europe de l'Est 2,7 10,8
Océanie 2,0 4,3

Cependant, bien que le fait d’avoir achevé ses études au Canada réduise grandement les écarts en matière de surqualification qui existent en fonction du lieu de naissance, cela ne les élimine pas complètement. Les diplômés canadiens originaires d’Asie du Sud (6,3 %) et du Sud-Est (5,5 %) étaient particulièrement susceptibles d’avoir connu une surqualification persistante. En comparaison, les probabilités de surqualification persistante étaient par exemple de moins de 3 % chez les travailleurs originaires d’Océanie, d’Europe de l’Est et d’Afrique du Nord ayant obtenu leur diplôme au Canada.

En ce qui concerne la majorité des régions d’origine, les travailleurs ayant obtenu leur diplôme à l’extérieur du Canada (c’est-à-dire, dans la grande majorité des cas, dans leur région de naissance) étaient nettement plus à risque d’être surqualifiés, ce qui concorde avec les résultats présentés plus tôt. Il y a cependant quelques exceptions : les travailleurs nés en Amérique du Nord (États-Unis), en Europe de l’Ouest et du Nord et en Océanie présentaient, même lorsqu’ils avaient étudié hors du Canada, des taux de surqualification persistante similaires à ceux de leurs homologues ayant obtenu leur diplôme au Canada.

Comment expliquer les variations régionales en ce qui a trait aux probabilités de surqualification? Il est probable qu’elles relèvent en partie de différences, documentées dans la littérature, dans la capacité des diplômés internationaux à voir leur diplôme être reconnu par les employeurs. On sait en effet qu’une proportion importante des immigrants peinent à obtenir une reconnaissance de leurs diplômes par les employeurs, associations professionnelles ou établissements d’éducation — au point où certains ne tentent même pas d’obtenir cette reconnaissance —, et que les taux de reconnaissance des diplômes varient selon le pays d’origineNote . La notion de reconnaissance doit ici être entendue au sens large, comme concernant tant les certifications formelles d’équivalence fournies par certaines institutions que la valeur que les employeurs accordent au diplôme lorsqu’ils évaluent les candidats à un poste. On tend aussi à assumer que les compétences des diplômés sont équivalentes, peu importe le lieu d’obtention du diplôme, ou qu’elles sont entièrement transférables d’un pays à l’autre, ce qui n’est pas nécessairement le casNote .

De plus, il est possible qu’une part des différences qui existent selon la région d’obtention du diplôme s’explique par des dynamiques migratoires particulières propres à certaines régions, voire à certains pays. Par exemple, le fait que les immigrants originaires d’Europe du Nord aient des chances légèrement plus élevées de surqualification lorsqu’ils ont obtenu leur diplôme au Canada plutôt qu’à l’étranger (voir le graphique 2) s’explique vraisemblablement par le fait que certains diplômés de ces régions viennent au Canada parce qu’un emploi qualifié les y attend. Les cas distinctifs des immigrants originaires de l’Asie du Sud-Est et de l’Asie du Sud s’expliquent peut-être aussi par des dynamiques migratoires particulières. Certaines particularités de l’immigration en provenance des Philippines ont déjà été soulignées dans la littérature ; en outre, les politiques d’émigration de ce pays soutiennent l’émigration de diplômés universitaires, une forte présence dans certains programmes d’immigration liés à la main-d’œuvre dans le secteur des soins (notamment les programmes liés aux aides familiaux), ainsi que des difficultés particulières à obtenir une reconnaissance du diplômeNote . Moins d'attention a cependant été portée au cas apparemment tout aussi particulier des diplômés universitaires venus d'Asie du Sud.

Le niveau de familiarité avec les langues officielles canadiennes influe sur les probabilités de surqualification persistante chez les immigrants

Chez les immigrants, on constate un gradient dans les probabilités de surqualification qui suit le niveau de familiarité avec les langues officielles canadiennes, à savoir le français et l’anglais (voir l’encadré « Sources de données, méthodes et définitions ») : plus la familiarité avec ces langues est grande, plus les probabilités de surqualification persistante sont faibles. Chez les non-immigrants, l’effet est aussi présent chez les personnes parlant une langue non officielle le plus souvent à la maison, mais les écarts sont beaucoup plus faibles.

En ce qui a trait à certaines régions de naissance, la familiarité avec les langues officielles semble expliquer en partie les risques plus élevés de connaître une surqualification persistante (Europe de l’Est et du Sud, Amérique centrale et du Sud, Asie) (voir le graphique 3). Pour ce qui est d’autres régions, la prise en compte de la familiarité avec les langues faisait peu ou pas de différence, en raison de la plus forte tendance à la plus grande familiarité avec les langues officielles canadiennes chez les immigrants originaires de ces régions (Amérique du Nord, Europe de l’Ouest et du Nord, Antilles et Bermudes, Afrique subsaharienne, Océanie).

Chart 3

Tableau de données du graphique 3 
Tableau de données du graphique 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 3. Les données sont présentées selon Lieu des études (titres de rangée) et Ajusté, sans tenir compte du niveau de familiarité avec les langues officielles et Ajusté en tenant compte du niveau de familiarité avec les langues officielles, calculées selon probabilité prédite unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Lieu des études Ajusté, sans tenir compte du niveau de familiarité avec les langues officielles Ajusté en tenant compte du niveau de familiarité avec les langues officielles
probabilité prédite
Canada 3,5 3,8
Amérique du Nord 5,1 5,1
Amérique centrale et du Sud 10,9 7,3
Antilles et Bermudes 12,9 12,1
Europe de l'Ouest 6,0 5,7
Europe de l'Est 16,4 10,9
Europe du Nord 3,6 3,7
Europe du Sud 11,0 7,1
Afrique subsaharienne 9,7 8,6
Afrique du Nord 10,0 7,3
Asie de l'Ouest et centrale 13,1 8,7
Asie de l'Est 13,1 8,2
Asie du Sud-Est 27,7 20,4
Asie du Sud 25,4 18,2
Océanie 6,3 6,2

L’obtention d’un diplôme des cycles universitaires supérieurs a un effet protecteur moindre chez les immigrants quant à la probabilité de faire l’objet de surqualification persistante par rapport aux non-immigrants

L’impact du plus haut niveau de scolarité sur les risques de surqualification des immigrants et des non-immigrants variait selon leur lieu d’études (voir le tableau 4). Chez les non-immigrants (ayant très majoritairement obtenu leur diplôme au Canada) de même que chez les immigrants ayant obtenu leur diplôme au Canada, les probabilités prédites de connaître une trajectoire de surqualification persistante étaient un peu plus élevées que la moyenne chez ceux dont le plus haut niveau de scolarité était le baccalauréat. Ces probabilités de surqualification persistante diminuaient considérablement et devenaient marginales parmi les titulaires de diplômes des niveaux supérieurs au baccalauréat.



Tableau 4
Probabilités prédites de connaître une trajectoire de surqualification persistante en fonction de certaines caractéristiques, selon le statut d'immigration et le lieu des études, Canada, 2006 et 2016
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Probabilités prédites de connaître une trajectoire de surqualification persistante en fonction de certaines caractéristiques Non-immigrants, Immigrants, Études au Canada et Études à l'extérieur du Canada, calculées selon probabilité ajustée unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Non-immigrants Immigrants
Études au Canada Études à l'extérieur du Canada
probabilité prédite
Sexe
Femmes 3,6 4,7 15,0
Hommes 3,5 4,4 13,2Note *
Plus haut niveau de scolarité
Baccalauréat sans continuation (réf.) 4,7 6,4 16,8
Baccalauréat avec continuation 1,4Note * 2,7Note * 11,7Note *
Certificat ou diplôme universitaire de niveau supérieur au baccalauréat sans continuation 1,8Note * 1,2Note * 13,8
Certificat ou diplôme universitaire de niveau supérieur au baccalauréat avec continuation 1,0Note * 0,7Note * 10,7Note *
Diplôme en médecine, art dentaire, médecine vétérinaire ou optométrie 0,2Note * 0,5Note * 10,1Note *
Maîtrise sans continuation 1,0Note * 1,1Note * 9,5Note *
Maîtrise avec continuation 0,1Note * NE 2,1Note *
Doctorat acquis 0,2Note * NE 2,4Note *
Domaine d'étudesTableau 4 Note 1
Éducation (réf.) 1,5 3,0 17,7
Arts visuels et d'interprétation, et technologie des communications 6,0Note * 8,7Note * 15,1
Sciences humaines 8,9Note * 8,7Note * 24,8Note *
Sciences sociales et de comportements, et droit 5,6Note * 7,8Note * 19,7
Commerce, gestion et administration publique 3,3Note * 4,6 15,9
Sciences physiques et de la vie, et technologies 4,2Note * 4,4 14,5
Mathématiques, informatique et sciences de l'information 1,4 1,5 8,0Note *
Architecture, génie et services connexes 1,0Note * 2,9 10,5Note *
Agriculture, ressources naturelles et conservation 4,2Note * 7,2 25,4Note *
Santé et domaines connexes 1,7 2,6 9,9Note *
Autres 10,1Note * NE 18,3
Niveau de familiarité avec les langues officielles (en 2006)
1. Niveau le plus élevé (réf.) 3,3 2,9 7,9
2. 3,7Note * 3,8 6,0
3. 3,7 3,3 10,4
4. 3,4 4,8Note * 12,5Note *
5. 4,5 5,5 14,0Note *
6. Niveau le moins élevé 5,0 6,7Note * 16,1Note *
Lieu des études
Canada (réf.)Tableau 4 Note 2 3,5 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Amérique du Nord Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 7,3
Amérique Centrale et du Sud Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 8,2
Antilles et Bermudes Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 15,2Note *
Europe de l'Ouest Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 6,9
Europe de l'Est Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 11,6Note *
Europe du Nord Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 5,2
Europe du Sud Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 8,8
Afrique subsaharienne Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 10,2
Afrique du Nord Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 8,5
Asie de l'Ouest et centrale Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 10,4Note *
Asie de l'Est Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 10Note *
Asie du Sud-Est Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 23,6Note *
Asie du Sud Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 22Note *
Océanie Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 11,3
Hors du Canada (non-immigrants uniquement) 4,7 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer

Chez les immigrants ayant obtenu un diplôme hors du Canada, cependant, on retrouvait un gradient moins prononcé dans les probabilités de surqualification persistante, les diplômés des cycles universitaires supérieurs présentant eux aussi des risques relativement élevés. Par exemple, la probabilité de surqualification persistante des immigrants titulaires d’un diplôme de maîtrise (sans continuation) obtenu à l’extérieur du Canada était de 9,5 %, comparativement à 1,1 % chez leurs homologues immigrants ayant obtenu ce même titre au Canada. La surqualification persistante des diplômés des cycles universitaires supérieurs (maîtrise, doctorat) semblait donc être distinctivement plus probable chez les immigrants ayant obtenu leur diplôme à l’extérieur du Canada.

Les immigrants ayant achevé leurs études à l’extérieur du Canada et dont le plus haut niveau de scolarité était un diplôme en médecine, art dentaire, médecine vétérinaire ou optométrie présentaient aussi des probabilités prédites de surqualification persistante particulièrement élevées (10,1 %), contrairement à ce qu’on observait chez les non-immigrants (0,2 %).

Parmi les immigrants ayant obtenu un diplôme en éducation hors du Canada, près de 1 sur 5 avaient connu une surqualification persistante

L’impact du domaine d’études sur les risques de surqualification était similaire chez les non-immigrants, chez les immigrants ayant étudié au Canada et chez ceux ayant étudié hors du Canada. Le domaine de l’éducation était cependant une exception notable à ce chapitre. En effet, les non-immigrants et les immigrants ayant étudié au Canada dans ce domaine figuraient parmi ceux qui affichaient les plus faibles probabilités d’avoir connu une surqualification persistante (2 % et 3 %, respectivement); au contraire, les personnes immigrantes diplômées en éducation ayant étudié hors du Canada étaient plus susceptibles que la moyenne d’avoir connu une telle trajectoire (18 %).

Ces résultats laissent donc penser que les diplômes en éducation obtenus à l’étranger seraient les plus difficiles à faire reconnaître et à valoriser sur le marché du travail canadien, de façon relative à ceux obtenus au Canada, lesquels offrent des perspectives particulièrement favorables en ce qui a trait à l’accès à l’emploi qualifié.

Les femmes immigrantes admises dans la catégorie de l’immigration économique sont plus susceptibles d’avoir connu une trajectoire de surqualification persistante que leurs homologues de genre masculin

Tel qu’illustré au Tableau 1, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de connaître une trajectoire de surqualification persistante, en particulier chez les immigrants. En tenant compte d’un ensemble de variables, cette différence rétrécissait mais demeurait significative. Chez les immigrants, c’était plus précisément chez ceux admis plus récemment (de 1997 à 2006) que l’on constatait un écart entre les hommes et les femmes, les femmes présentant chez les immigrants admis auparavant des probabilités prédites de surqualification persistante similaires à celles observées chez les hommesNote .

Il existait aussi des différences entre les hommes et les femmes en ce qui a trait aux probabilités de surqualification persistante en fonction de la catégorie d’admissionNote (graphique 4), mais uniquement chez les immigrants admis dans la catégorie de l’immigration économique. En effet, les femmes immigrantes admises dans cette catégorie étaient plus à risque que les hommes d’avoir connu une surqualification persistante, et ce, tant chez les demandeurs principaux que secondaires.

Chart 4

Tableau de données du graphique 4 
Tableau de données du graphique 4
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 4. Les données sont présentées selon Catégorie d'admission (titres de rangée) et Hommes et Femmes, calculées selon probabilité prédite unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Catégorie d'admission Hommes Femmes
probabilité prédite
Immigrants issus de la catégorie économique — demandeurs principaux 8,2 11,1
Immigrants issus de la catégorie économique — demandeurs secondaires 9,1 13,8
Immigrants parrainés par la famille 14,3 14,2
Réfugiés 14,3 13,6

Conclusion

Chez les titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade supérieur, la surqualification persistante à long terme touche de façon disproportionnée les immigrants ayant obtenu leur diplôme le plus élevé hors du Canada. Pour ces derniers, le lieu d’origine et d’obtention du diplôme s’avère cependant déterminant. Les immigrants ayant étudié aux États-Unis, en Europe (sauf l’Europe de l’Est) et en Océanie présentaient des probabilités de surqualification persistante similaires, voire inférieures à celles des non-immigrants et des immigrants ayant obtenu leur diplôme au Canada. En revanche, les immigrants ayant étudié dans certaines régions (nommément l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est) se distinguaient par leurs probabilités particulièrement élevées de connaître de la surqualification persistante. Les immigrants ayant étudié au Canada se rapprochaient beaucoup plus des non-immigrants à ce chapitre, même si l’on peut relever certaines différences en fonction de la région d’origine.

Il est possible que ces variations régionales dans les probabilités de surqualification persistante s’expliquent par des différences ayant trait à la reconnaissance des diplômes, par des variations ayant trait aux compétences des diplômés ou à leur transférabilité internationale, ou par des dynamiques migratoires particulières. Cette étude ne permet cependant pas de se prononcer quant à ces différentes hypothèses.

Les différences régionales dans les probabilités de surqualification persistante étaient de plus en partie liées à la familiarité avec le français ou l’anglais. Plus la maîtrise des langues officielles canadiennes — estimée en croisant les variables sur la connaissance des langues officielles, les langues maternelles et les langues parlées à la maison — était grande, plus faibles étaient les risques d’avoir connu une telle trajectoire.

Au-delà du lieu des études, les autres caractéristiques associées au diplôme, soit le niveau de scolarité atteint et le domaine d’études, s’avèrent aussi être des prédicteurs importants des trajectoires de surqualification. Certains domaines d’études étaient moins associés à la surqualification persistante (éducation; mathématiques, informatique et sciences de l’information; santé et domaines connexes; ainsi qu’architecture, génie et services connexes), alors que d’autres l’étaient plus (sciences humaines).

L’effet du domaine d’études s’est révélé globalement similaire selon le fait que les études avaient été poursuivies au Canada ou à l’étranger. On a toutefois observé une exception notable : le domaine de l’éducation, qui était marqué par une faible tendance à la surqualification chez les travailleurs ayant étudié au Canada, mais par des probabilités plus fortes que la moyenne chez ceux ayant étudié hors du Canada.

Si l’obtention d’un diplôme de niveau plus élevé tendait toujours à diminuer les risques de connaître une trajectoire de surqualification persistante, les immigrants étaient moins protégés d’une telle trajectoire que les non-immigrants lorsqu’ils obtenaient un diplôme des cycles universitaires supérieurs. De plus, on peut souligner le cas des immigrants titulaires d’un diplôme en médecine, art dentaire, médecine vétérinaire ou optométrie obtenu à l’étranger qui présentaient des probabilités de surqualification persistante qui étaient sans commune mesure avec ce que l’on a observé chez les diplômés canadiens.

L’effet du genre s’avérait notable chez les immigrants, en particulier chez les immigrants récents. Les femmes étaient dans l’ensemble plus susceptibles que les hommes de connaître une trajectoire de surqualification persistante.

Les immigrants récents étaient plus à risque de connaître de la surqualification en 2006, mais les risques que la situation se transforme en une trajectoire de surqualification persistante étaient plus élevés chez les immigrants plus âgés, les plus jeunes étant davantage susceptibles de connaître une trajectoire de sortie de surqualification.

Les risques relatifs de surqualification persistante qui touchent différemment les travailleurs présentant certaines caractéristiques plutôt que d’autres ne doivent pas faire oublier le fait que la grande majorité des travailleurs, qu’ils soient immigrants, diplômés d’un programme de sciences humaines ou titulaires d’un diplôme sud-asiatique, n’avaient pas connu une telle trajectoire. Cela dit, ces trajectoires ne représentaient qu’une partie de celles caractérisées par au moins un épisode de surqualification.

De futurs travaux pourraient aussi s’attarder aux dynamiques qui font en sorte que les immigrants titulaires de diplômes étrangers se distinguent autant les uns des autres en fonction de leur région d’origine. En particulier, les cas distinctifs de l’Asie du Sud-Est et surtout de l’Asie du Sud mériteraient d’être approfondis. De plus, les effets de certains facteurs supplémentaires (l’expérience de travail, les compétences, l’appartenance à certains groupes de population désignés comme minorités visibles, le programme spécifique d’immigration, le fait d’avoir résidé au Canada comme étudiant ou comme travailleur temporaire un certain nombre d’années avant d’être admis comme résident permanent) mériteraient d’être étudiés. Par ailleurs, il serait pertinent de se pencher directement sur la question de la reconnaissance formelle et informelle des diplômes acquis à l’étranger, qui apparaît comme un facteur de différenciation important entre certains groupes d’immigrants, mais que l’étude de la surqualification ne nous permet de toucher que de façon approximative.

Début de l'encadré

Sources de données, méthodes et définitions

Sources de données

La présente étude repose sur une intégration des données des recensements de 2006 et de 2016. Cette intégration consiste à coupler les réponses d’une même personne ayant répondu au questionnaire détaillé du recensement lors de ces deux cycles de recensement.

Comparativement à d’autres enquêtes, cette intégration de données a l’avantage de fournir un échantillon de grande taille représentatif de l’ensemble de la population active canadienne, ce qui facilite les comparaisons entre différents groupes. Son principal désavantage est le fait que 10 ans séparent les périodes mesurées, ce qui représente une longue période en ce qui concerne l’emploi.

Des risques d’erreur particuliers existent en lien avec cette intégration de données. À la possibilité d’erreurs de mesure et d’imputation propres à chacun des recensementsNote s’ajoute la possibilité d’erreurs dans les couplages effectués entre les deux cycles. Dans une perspective longitudinale, ces sources d’erreurs pourraient avoir comme effet de mener à une surestimation du changement lorsque l’on compare les valeurs d’une même variable dans le temps, comme on le fait pour l’occupation (qui renseigne sur le niveau de qualification de l’emploi et qui est par extension utilisée dans la définition de la surqualification) et pour le niveau de scolarité.

Les analyses ont été pondérées à l’aide d’un poids tenant compte de la probabilité de sélection à la fois au Recensement de 2006 et au Recensement de 2016.

Population

La population inclut les titulaires d’un diplôme de baccalauréat ou d’un niveau supérieur, qui étaient âgés de 25 à 49 ans en 2006 (35 à 59 ans en 2016), et qui ont déclaré avoir occupé un emploi lors de la semaine de référence du recensement, ou, s’ils n’avaient pas travaillé lors de cette semaine-là, lors de la période s’étendant jusqu’au 1er janvier de l’année précédente. La population comprend donc des personnes qui étaient inactives ou au chômage lors des semaines de référence des recensements, pour autant qu’elles aient déclaré avoir occupé un emploi en 2005 ou au début de 2006, et en 2015 ou au début de 2016. Seules les personnes qui avaient déclaré avoir au moins un baccalauréat à chacun des cycles de recensement sont visées par l’étude (les personnes ayant obtenu leur diplôme entre 2006 et 2016 sont exclues). En outre, on a exclu de l’étude les résidents non permanents, tout comme les immigrants très récents (admis en 2005 ou en 2006) qui ont déclaré comme dernier emploi occupé un emploi situé hors du Canada.

Définitions

Immigrants et non-immigrants

Le terme « immigrant » fait référence aux personnes qui ne sont pas canadiennes de naissance et qui ont été admises à titre de résidentes permanentes au Canada. Le terme « non-immigrant » fait référence aux personnes canadiennes de naissance.

Surqualification

La présente étude repose sur l’approche dite « objective » à la définition de la surqualification (Vultur, 2006). On a utilisé la Classification nationale des professions (CNP), qui attribue à l’ensemble des catégories professionnelles un niveau de compétence sur une échelle de A à D (ainsi qu’un niveau 0, hors échelle, regroupant les professions de gestion), lequel correspond notamment au niveau de diplôme normalement requis pour occuper les postes qui y sont regroupés. On considère que les titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade supérieur sont surqualifiés s’ils occupent un poste de niveau de compétence C ou D, c’est-à-dire des emplois requérant normalement au plus un diplôme d’études secondaires ou une formation courte en cours d’emploi. Il s’agit d’une définition restreinte de la surqualification; les travailleurs occupant des emplois de niveau B (exigeant normalement un diplôme d’études postsecondaires non universitaires) ne sont pas classés comme étant en situation de surqualification, même s’ils occupent des emplois qui requièrent normalement un diplôme d’un niveau inférieur au niveau universitaire. Différentes considérations motivent ce choix de définition.

D’abord, cette définition restreinte de la surqualification a le mérite d’identifier des cas de surqualification qui sont souvent plus clairs. Il est en effet possible qu’une part des situations de surqualification identifiées parmi les emplois de niveau B relève de l’artéfact, c’est-à-dire que cette catégorie soit en fait hétérogène et qu’elle englobe des emplois au sein desquels les diplômés universitaires ne seraient en réalité pas surqualifiés. Dans une perspective transversale, ces éventuels faux cas de surqualification sont peut-être négligeables, à considérer comme du bruit aléatoire. Ils deviennent cependant plus problématiques dans une perspective longitudinale, puisqu’ils sont tout particulièrement susceptibles de prendre l’apparence d’une forme persistante de surqualification : les situations d’adéquation entre les études et l’emploi sont probablement plus stables que celles marquées par l’inadéquation. La surqualification persistante étant déjà relativement peu fréquente, cela est susceptible de fausser les résultats de manière notable.

De plus, il est vraisemblable que les facteurs influençant la surqualification soient les mêmes peu importe la définition que l’on adopte, si bien que l’adoption de la définition restreinte pourrait permettre d’éliminer du bruit sans changer de façon fondamentale les résultats obtenus. Enfin, elle permet aussi de simplifier la question du traitement des professions de gestion, qui sont caractérisées par une forte présence de diplômes postsecondaires, mais pas nécessairement universitaires. On considère simplement dans ce cas que tous les titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade supérieur occupant un poste de gestion ne sont pas surqualifiés, alors que lorsqu’on utilise la définition plus élargie, plusieurs choix sont possibles.

Plus haut niveau de scolarité atteint et continuation des études

La variable concernant le plus haut niveau de diplôme obtenu utilisée dans les analyses multivariées comprend une dimension liée à la continuation des études entre 2006 et 2016. Par exemple, la catégorie « Baccalauréat avec continuation » englobe des personnes qui avaient obtenu tout au plus un baccalauréat en 2006, mais qui ont déclaré en 2016 avoir obtenu un diplôme d’un niveau supérieur, quel qu’il soit. On n’inclut pas dans cette catégorie des personnes qui auraient continué des études sans obtenir un diplôme d’un niveau supérieur, par exemple en obtenant plutôt un deuxième baccalauréat. On n’a pas considéré la continuation des études pour les titulaires de diplômes en médecine, art dentaire, médecine vétérinaire ou optométrie en raison du petit nombre de personnes concernées dans l’échantillon.

Il convient de souligner que l’on a évité l’usage du terme « diplômés universitaires » puisqu’il existe au Canada de plus en plus de diplômes de baccalauréat décernés par des établissements collégiaux.

Niveau de familiarité avec les langues officielles canadiennes

La variable de niveau de familiarité avec les langues officielles utilisée s’inspire de celle mise de l’avant par Ledent, Bélanger et Marois (2014). Elle se construit par la combinaison de différentes variables linguistiques : langue maternelle, langue parlée le plus souvent à la maison et connaissance des langues officielles. Elle vise à présenter un portrait plus nuancé de la maîtrise des langues officielles, qui dépasse le simple fait de connaître ou non ces langues en apportant une dimension liée à la familiarité. L’hypothèse ici est que le fait de parler une langue à la maison ou de l’avoir comme langue maternelle tendrait à être associé à une plus grande familiarité avec cette langue et, par extension, augmenterait les probabilités d’en avoir une plus grande maîtrise. Il s’agit bien entendu d’un indicateur approximatif, et non pas d’une mesure directe. Les catégories se conçoivent comme formant un gradient allant d’un niveau de familiarité avec les langues officielles plus élevé (catégorie 1) à un niveau plus bas (catégorie 6). Elles se définissent ainsi :


Table 5
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Table 5. Les données sont présentées selon Cat. (titres de rangée) et Langue(s) maternelle(s) (LM), Langue(s) parlée(s) le plus souvent à la maison (LPSM) et Connaissance des langues officielles (CLO)(figurant comme en-tête de colonne).
Cat. Langue(s) maternelle(s) (LM) Langue(s) parlée(s) le plus souvent à la maison (LPSM) Connaissance des langues officielles (CLO)
1. Niveau le plus élevé Officielle (français et/ou anglais) uniquement Officielle (français et/ou anglais) uniquement Français et anglais
2. Officielle (français et/ou anglais) uniquement Officielle (français et/ou anglais) uniquement Français ou anglais
3. Langue non officielle Officielle (français et/ou anglais) uniquement Français et anglais
4. Langue non officielle Officielle (français et/ou anglais) uniquement Français ou anglais
5. Langue officielle et/ou non officielle Langue non officielle Français et anglais
6. Niveau le plus bas Langue officielle et/ou non officielle Langue non officielle Français ou anglais, ou aucune langue officielle parlée

Analyses multivariées

On a recours à des modèles de régression logistique binomiaux (fonction logit) afin d’estimer les probabilités prédites ajustées de connaître une trajectoire de surqualification persistante, c’est-à-dire une trajectoire caractérisée par le fait d’avoir été surqualifié à la fois en 2006 et en 2016.

Les probabilités prédites doivent être interprétées comme la probabilité pour une personne présentant une caractéristique donnée de connaître cette trajectoire, les autres variables comprises dans le modèle étant maintenues à leur valeur moyenne mesurée au sein de l’échantillon. Par exemple (à partir du tableau 3), si l’on s’imaginait que les personnes ayant étudié en éducation étaient réparties de la même façon que l’ensemble de la population en ce qui a trait aux autres variables prises en compte dans le modèle (p. ex. âge, lieu de résidence, plus haut niveau de diplôme obtenu), on pourrait s’attendre à ce que 3,3 % d’entre elles aient connu une trajectoire de surqualification persistante (alors que, en réalité, cette situation concernait 2,5 % d’entre elles).

Limites de l’étude

Il est important de souligner que l’on considérait dans la présente étude uniquement la surqualification des titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade supérieur. Or, les différents éléments identifiés (ou non) comme des facteurs de risque de surqualification au sein de cette population ne sont pas nécessairement ceux qui sont déterminants en ce qui a trait de façon plus globale aux difficultés rencontrées en emploi au sein de l’ensemble de la population. Par ailleurs, on a exclu de la population les personnes n’ayant pas travaillé lors des années de référence des recensements considérés. Il est cependant possible que le fait d’avoir connu des situations d’inactivité au cours de la carrière soit caractéristique, d’abord, d’une certaine partie de la population (les femmes), mais aussi de certaines trajectoires marquées par de plus fortes tendances à la surqualification. Les immigrants sont aussi plus susceptibles d’émigrer (et donc de sortir de l’échantillon) que les non-immigrants. Cela est vraisemblablement d’autant plus le cas s’ils se retrouvent en situation de surqualification, ce qui pourrait entraîner un biais d’attrition. En outre, l’analyse ne considérait pas les personnes ayant intégré le marché du travail après 2006, groupe dont font notamment partie les immigrants ayant été admis au Canada depuis, et il est possible que des dynamiques différentes caractérisent ces populations.

Enfin, les trajectoires telles qu’on les a définies se basaient uniquement sur deux points dans le temps, espacés de 10 ans, avec les limites que cela implique. Des études longitudinales permettant de suivre les individus à des périodes plus fréquentes s’avèreraient pertinentes pour mieux comprendre la place prise par la surqualification dans les trajectoires d’emploi individuelles. Cela dit, les sources de données longitudinales fournissant un échantillon ayant l’ampleur et la versatilité de l’intégration des données de recensement utilisée dans la présente analyse sont rares sinon inexistantes.

Fin de l’encadré

Louis Cornelissen est analyste de recherche au sein du Centre de la statistique ethnoculturelle, langue et immigration de Statistique Canada et Martin Turcotte est éditeur en chef de Regards sur la société canadienne, qui fait partie du Centre de renseignements et d’innovation en données sociales de Statistique Canada.


Annexe 1
Taux de surqualification par année selon différentes caractéristiques, travailleurs de 25 à 59 ans, Canada, 2006 et 2016
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Taux de surqualification par année selon différentes caractéristiques. Les données sont présentées selon Caractéristiques (titres de rangée) et Total, Immigrants, Non-immigrants, 2006 et 2016, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Caractéristiques Total Immigrants Non-immigrants
2006 2016 2006 2016 2006 2016
pourcentage
Total 16,7 15,5 25,8 24,0 12,6 10,9
Sexe
Femmes 18,1 16,4 29,9 27,2 13,5 11,1
Hommes 15,1 14,5 22,1 20,7 11,5 10,5
Âge
25 à 29 ans 21,9 20,3 31,5 25,9 19,4 18,4
30 à 34 ans 16,7 15,1 27,2 24,2 12,2 10,5
35 à 39 ans 17,0 14,5 26,6 25,0 11,8 8,5
40 à 44 ans 16,4 14,0 26,3 22,8 10,9 8,2
45 à 49 ans 15,3 14,8 25,9 22,7 10,2 9,2
50 à 54 ans 14,2 14,9 23,0 23,7 10,3 9,3
55 à 59 ans 13,9 15,0 19,2 24,5 11,3 10,1
Région de résidence
Provinces de l'Atlantique 13,9 12,7 15,3 18,7 14,1 12,1
Québec 13,8 12,1 27,2 21,4 12,5 8,9
Ontario 18,2 15,9 27,2 22,0 14,6 11,5
Manitoba et Saskatchewan 15,1 19,8 29,1 39,6 13,9 11,4
Alberta 15,5 17,5 26,5 28,4 13,8 10,7
Colombie-Britannique 19,2 17,7 28,0 24,8 14,0 12,2
Territoires 10,5 11,9 37,7 28,7 10,0 7,8
Plus haut niveau de scolarité
Baccalauréat 19,5 18,2 30,3 28,6 15,3 13,3
Certificat ou diplôme universitaire de niveau supérieur au baccalauréat 15,2 13,9 27,2 24,7 9,6 7,3
Diplôme en médecine, en médecine dentaire, en médecine vétérinaire ou en optométrie 7,8 7,8 16,1 15,4 2,5 1,9
Maîtrise 11,3 10,0 19,5 16,7 6,1 5,0
Doctorat acquis 5,4 4,1 6,6 5,8 4,4 2,4
Domaine d'étudesAnnexe 1 Note 1
Éducation 9,1 8,8 22,0 25,3 6,8 5,6
Arts visuels et d'interprétation, et technologie des communications 21,6 19,4 25,3 21,1 20,3 18,7
Sciences humaines 26,6 25,4 36,4 37,0 22,7 20,0
Sciences sociales et de comportements, et droit 20,4 18,5 30,0 27,1 17,5 15,5
Commerce, gestion et administration publique 18,4 17,1 30,2 27,3 13,1 10,4
Sciences physiques et de la vie, et technologies 17,6 15,9 23,6 21,7 14,2 12
Mathématiques, informatique et sciences de l'information 13,0 12,2 18,1 16,1 8,0 6,2
Architecture, génie et services connexes 15,1 11,9 22,4 17,3 5,8 4,4
Agriculture, ressources naturelles et conservation 20,2 19,6 35,9 32,1 14,2 14
Santé et domaines connexes 10,4 10,8 19,8 21,7 6,6 5,4
Autres domaines 25,5 27,9 35,5 43,0 20,6 19,7
Niveau de familiarité avec les langues officielles (en 2006)
1. Niveau le plus élevé (réf.) 11,6 9,4 11,5 9,1 13,2 12,6
2. 13,2 12 15,2 14,7 13,0 11,7
3. 15,6 13,6 16,9 15,4 13,5 10,6
4. 20,4 17,7 23,4 20,1 13,2 10,7
5. 24,9 20,4 25,8 21,1 18,5 15,6
6. Niveau le moins élevé 33,4 30,3 34,0 30,8 18,5 17,6
Catégorie d'immigration
Immigrants admis avant 1980 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 10,0 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Immigrants issus de la catégorie économique — demandeurs principaux Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 23,3 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Immigrants issus de la catégorie économique — demandeurs secondaires Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 24,6 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Immigrants parrainés par la famille Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 29,6 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Réfugiés Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 24,5 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Autres immigrants Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 27,3 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Période d'immigration
Avant 1987 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 14,6 15,0 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
1987 à 1996 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 24,8 22,3 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
1997 à 2001 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 29,0 30,2 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
2002 à 2006 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 39,3 36,4 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer

Annexe 2
Taux de surqualification par année selon le lieu de naissance et le lieu des études, travailleurs de 25 à 59 ans, Canada, 2006 et 2016
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Taux de surqualification par année selon le lieu de naissance et le lieu des études. Les données sont présentées selon Lieu de naissance (titres de rangée) et Total, Études au Canada, Études à l'extérieur du Canada, 2006 et 2016, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Lieu de naissance Total Études au Canada Études à l'extérieur du Canada
2006 2016 2006 2016 2006 2016
pourcentage
Canada 12,6 10,9 12,7 10,9 10,5 9,0
Amérique du Nord 12,1 12,0 10,4 11,2 14,2 13,0
Amérique centrale et du Sud 26,2 20,8 15,9 12,7 33,4 26,0
Antilles et Bermudes 22,0 20,6 18,3 16,2 31,9 28,8
Europe de l'Ouest 12,5 9,3 11,2 9,2 14,5 9,4
Europe de l'Est 24,1 18,6 14,2 11,6 27,2 22,2
Europe du Nord 10,6 9,5 11,1 9,7 9,7 9,3
Europe du Sud 18,4 14,7 12,1 11,7 27,2 18,6
Afrique subsaharienne 21,0 22,5 16,3 16,4 26,3 28,7
Afrique du Nord 23,9 21,3 15,1 13,0 29,1 26,1
Asie de l'Ouest et centrale 23,9 18,6 14,7 11,0 29,2 24,7
Asie de l'Est 23,9 18,5 15,5 13,4 29,8 23,6
Asie du Sud-Est 40,3 44,6 17,6 13,9 50,3 53,6
Asie du Sud 39,9 32,1 16,6 13,4 46,0 38,0
Océanie 12,2 11,3 10,2 11,3 14,4 11,3
Renseignements additionnels

Articles connexes

Sources de données

Références bibliographiques

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