Rapports économiques et sociaux
Les réseaux sociaux des femmes immigrantes

Date de diffusion : le 24 avril 2024

DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202400400006-fra

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Résumé

Dans la présente étude, les données de l’Enquête sociale générale de 2020 sont utilisées pour examiner les liens sociaux des femmes immigrantes avec la société canadienne. La taille et la composition des réseaux personnels des femmes immigrantes variaient selon les caractéristiques sociodémographiques et résidentielles des immigrantes et celles propres aux immigrantes, ainsi que selon le groupe de population. Dans la plupart des sous-groupes, les femmes immigrantes avaient des réseaux sociaux moins étendus que ceux de leurs homologues nées au Canada, même si dans certains cas, la différence était faible. La majeure partie des différences observées entre les immigrantes et les femmes nées au Canada se rapportaient aux liens faibles, et dans la plupart des sous-groupes, il y avait peu ou pas du tout de différences en ce qui concerne le nombre de liens étroits qui composaient les réseaux des femmes. Dans la majorité des sous-groupes, les femmes immigrantes avaient plus d’amis interethniques que les femmes nées au Canada, même si leurs réseaux étaient principalement de composition ethnique homogène.

Mots-clés : capital social, femmes immigrantes, intégration des immigrants, réseaux sociaux

Auteurs

Max Stick et Christoph Schimmele travaillent à la Division de l’analyse sociale et de la modélisation de Statistique Canada. Maciej Karpinski et Amélie Arsenault travaillent à la Direction de la recherche et de la mobilisation des connaissances au sein d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Rubab Arim, Christopher Hamilton, Feng Hou, Martin Turcotte et Li Xue pour leurs conseils et leurs commentaires concernant une version antérieure du présent document.

Introduction

Les relations et les liens sociaux sont des indicateurs importants, mais souvent négligés, du bien-être (Stiglitz, Sen et Fitoussi, 2009). Les réseaux personnels (« les personnes que vous connaissez ») ont une valeur semblable à celle du capital humain (« ce que vous savez ») pour ce qui est d’atteindre les objectifs voulus et d’améliorer largement les chances d’épanouissement (Lin, 2001). Chez les immigrants, les différences concernant les réseaux personnels expliquent les raisons pour lesquelles certaines personnes réussissent et s’intègrent bien et d’autres sont susceptibles de connaître des résultats défavorables. Les immigrants ayant un vaste réseau social au Canada affichent des taux d’emploi et une rémunération plus élevés et occupent des professions plus prestigieuses que ceux ayant des liens restreints ou un réseau social homogène (Nakhaie et Kazemipur, 2013; Ooka et Wellman, 2006; Xue, 2008). Les liens sociaux sont également associés à plusieurs autres résultats chez les immigrants canadiens, tels que leur sentiment d’appartenance à la collectivité locale (Drolet et Moorthi, 2018), leur satisfaction à l’égard de la vie (Li, 2020), leur engagement politique (Gidengil et Stolle, 2009) et leur état de santé (Zhao, Xue et Gilkinson, 2010).

De nombreux immigrants ont de la famille ou des amis installés au Canada avant leur arrivée, bien que cela dépende de caractéristiques telles que la catégorie d’admission, le sexe et l’âge à l’arrivée (Evra et Kazemipur, 2019). Néanmoins, force est de constater que l’immigration perturbe et réduit dans une certaine mesure les réseaux personnels, et que les nouveaux arrivants doivent établir de nouveaux liens pour améliorer leurs perspectives d’intégration. Cependant, les immigrants ne sont pas placés sur le même pied au Canada et vivent des expériences d’établissement différentes, ce qui influe sur leur intégration sociale (Soltane, 2020). Plus particulièrement, les rôles et les inégalités des sexes dans le processus d’établissement sont étroitement liés au temps accordé à la participation sociale et aux types d’environnements sociaux (p. ex. le lieu de travail, le quartier) où les liens sociaux sont noués. Ainsi, il y a des raisons de s’attendre à ce que les réseaux soient perturbés et transformés dans une mesure différente et de différentes manières pour les femmes immigrantes que pour les hommes immigrants (Couton et Gaudet, 2008).

Les études sur les différences entre les sexes au chapitre de l’intégration économique des immigrants mettent en lumière certaines des difficultés particulières que rencontrent les femmes immigrantes. L’intersection entre le sexe et le statut d’immigrant différencie les immigrantes des femmes nées au Canada ainsi que de leurs homologues masculins. Premièrement, les disparités entre les sexes en ce qui concerne la situation d’emploi, le décalage entre le niveau de scolarité et la profession et le revenu d’emploi sont plus importantes chez les immigrants que chez les personnes nées au Canada. Deuxièmement, les différences en ce qui concerne ces résultats économiques sont plus grandes entre les immigrantes et les femmes nées au Canada qu’entre les immigrants et les hommes nés au Canada (Gu, 2023; Hudon, 2015). Ces différences en ce qui a trait aux résultats économiques ont d’autres conséquences sur l’intégration des femmes immigrantes. Par exemple, la segmentation du travail peut restreindre la variété des contacts sociaux établis dans le cadre de l’emploi, réduisant ainsi l’accès au capital social nécessaire à la mobilité professionnelle et à l’intégration sociale dans la société d’accueil (Hagan, 1998).

Couton et Gaudet (2008) mettent en relief la nature contingente de l’intégration sociale des immigrants canadiens. Selon leur étude, certains groupes d’immigrants courent un plus grand risque d’isolement social que d’autres. En se concentrant sur les activités fondées sur des réseaux (échange de services et bénévolat), Couton et Gaudet ont déterminé que la majeure partie de la différence entre les immigrants et les personnes nées au Canada était le résultat de leur taux de participation et que l’écart concernant le temps consacré à ces activités était moindre. En d’autres termes, pour certains groupes d’immigrants, il semble y avoir des obstacles qui diminuent leur taux de participation sociale, tandis que d’autres immigrants sont en mesure de participer aux activités sociales à des niveaux comparables à ceux des personnes nées au Canada. De plus, les tendances relatives à la participation à ces activités tout au long de la vie des immigrants étaient différentes de celles de leurs homologues nés au Canada. Selon Couton et Gaudet, la parentalité et le milieu de l’âge adulte sont des périodes de pointe pour la participation des personnes nées au Canada, mais ces étapes de la vie sont caractérisées par des taux de participation limités ou stagnants chez les immigrants.

Parmi les conclusions tirées de leur étude, Couton et Gaudet (2008, p. 39) indiquent que la structure des réseaux sociaux des femmes a tendance à être particulièrement perturbée après la migration en raison des dynamiques entre les sexes dans les processus de rétablissement axés sur la famille. On peut en déduire qu’il existe des facteurs propres au sexe qui font obstacle à la participation à des activités fondées sur des réseaux qui interagissent avec d’autres caractéristiques, comme la parentalité. En général, les immigrantes ont des niveaux d’intégration sociale inférieurs à ceux des femmes nées au Canada. Cet écart a été observé pour la taille des réseaux et l’adhésion à des associations communautaires (Hudon, 2015), en plus des taux d’activités fondées sur des réseaux examinés par Couton et Gaudet. L’étude de Couton et Gaudet constitue une source d’information sur ce que les femmes immigrantes offrent en ce qui concerne l’engagement social (p. ex. le bénévolat), mais pas sur les différences par rapport à ce qu’elles en retirent en ce qui concerne les liens sociaux et les avantages fondés sur des réseaux.

À l’exception de l’étude de Couton et Gaudet (2008), peu d’études canadiennes ont porté sur la manière dont le statut social et les événements survenant au cours de la vie façonnent la vie sociale des immigrants, et aucune n’a abordé de façon explicite l’écart relevé chez les immigrantes. Il s’agit là d’un déficit majeur de connaissances, surtout si l’on tient compte du fait que les lacunes liées aux liens sociaux avec la société canadienne peuvent engendrer des inégalités sociales et économiques et les aggraver (Ooka et Wellman, 2006). Pour combler ce déficit de connaissances, la présente étude porte sur les liens entre les caractéristiques sociodémographiques et les circonstances de vie des immigrantes et leurs liens sociaux. L’étude permet d’examiner les différences par rapport à la capacité des immigrantes à créer des réseaux sociaux au Canada et à atteindre un niveau d’appartenance sociale semblable à celui des femmes nées au Canada.

Données et méthodes

Les données de la présente étude sont tirées de l’Enquête sociale générale (ESG) sur l’identité sociale de 2020. L’ESG est une enquête transversale annuelle qui permet de recueillir des renseignements sur les tendances sociales et le bien-être des Canadiens. La population cible de l’ESG de 2020 était les Canadiens de 15 ans et plus vivant dans les 10 provinces du Canada; elle excluait les résidents à temps plein des établissements institutionnels et des réserves des Premières Nations. Coïncidant avec la pandémie de COVID-19, l’ESG de 2020 a été menée d’août 2020 à février 2021Note . La taille de l’échantillon était de 34 044 répondants et comprenait 13 931 immigrants ayant obtenu le droit d’établissement. L’échantillon de l’étude était composé de 6 395 immigrantes et de 7 186 femmes appartenant à la troisième génération ou à toute génération subséquente (c’est-à-dire des personnes nées au Canada de parents nés au Canada) du groupe des personnes blanches.

Dans l’étude, on a comparé les immigrantes aux femmes blanches de la troisième génération ou des générations subséquentes (désormais appelées « femmes nées au Canada ») en ce qui concerne les caractéristiques structurelles de leurs réseauxNote . La taille et la composition des réseaux ont été mesurées à l’aide de variables sur le nombre d’amis proches et le nombre de connaissances habitant dans la même ville ou la même collectivité locale que le répondant. Dans l’ESG, on a défini les amis proches comme « ceux qui ne sont pas membres de la famille, mais avec qui on se sent à l’aise, à qui on peut dire ce qu’on pense ou à qui on peut demander de l’aide ». Les connaissances font partie des « autres amis », qui ne sont ni des amis proches ni des membres de la famille. Les amitiés interethniques ont été définies comme la proportion d’amis (parmi ceux avec qui le répondant a eu des contacts au cours du mois précédent) que le répondant percevait comme appartenant à un groupe ethnique « visiblement différent » du sien.

Dans l’analyse, on s’est servi de tableaux de contingence pour comparer les immigrantes aux femmes nées au Canada appartenant à diverses catégories sociodémographiques et examiner la façon dont les caractéristiques propres aux immigrantes (p. ex. l’âge au moment de l’immigration et le nombre d’années écoulées depuis l’immigration) influencent leurs différences par rapport aux femmes nées au Canada. Les estimations ont été calculées à l’aide de facteurs de pondération d’enquête pour tenir compte de la surreprésentation ou de la sous-représentation possible de certains groupes démographiques. Des poids bootstrap ont également été utilisés pour calculer la signification statistique afin de tenir compte du plan d’enquête complexe de l’ESG.

Liens sociaux chez les immigrantes

Principaux concepts

Granovetter (1973) a classé les liens sociaux en deux groupes : les liens étroits et les liens faibles. Les liens étroits font référence aux membres de la famille ou aux amis proches, ou au cercle restreint du réseau social d’une personne. Les liens étroits représentent des sources de soutien social qui diminuent les coûts d’immigration et facilitent le processus d’adaptation (Hagan, 1998; Majerski, 2019). Les liens faibles font référence aux connaissances ou aux personnes relativement déconnectées du cercle restreint d’une personne. Pour les immigrants, les liens faibles constituent des ponts vers les réseaux de personnes nées dans le pays et des sources d’information nécessaires pour leur intégration économique (Lancee, 2012). Les immigrants canadiens ayant peu ou pas de liens en dehors de leur cercle restreint sont moins susceptibles de s’intégrer que ceux ayant de nombreux liens faibles (Majerski, 2019; Nakhaie et Kazemipur, 2013).

Comme le dit Turcotte (2015), il n’existe pas de taille optimale de réseau, car elle dépend des besoins et des préférences propres à chacun. Cependant, comme il est indiqué ci-dessus, les immigrants dont les réseaux sont plus petits ou homogènes sur le plan social ont tendance à avoir des résultats moins favorables. Les estimations de Turcotte fondées sur les données de l’ESG de 2013 donnent une idée de la taille habituelle des réseaux de liens étroits et de liens faibles des Canadiens. Les trois quarts des Canadiens de 15 ans et plus avaient au moins trois amis proches, et environ les deux cinquièmes en avaient trois à cinq. Les trois cinquièmes des Canadiens avaient plus de 10 connaissances, bien qu’un cinquième en avaient cinq ou moins. Cela laisse entendre que les personnes ayant moins de trois amis proches ou moins de 10 connaissances ont des réseaux anormalement petits comparativement à ceux de la plupart des Canadiens.

Les caractéristiques sociodémographiques influent sur les différences de taille entre les réseaux des femmes immigrantes et ceux des femmes nées au Canada

Tout comme les femmes nées au Canada, les immigrantes avaient en moyenne quatre amis proches dans la région (tableau 1). Les immigrantes avaient en moyenne 13 connaissances dans la région, soit trois de moins que les femmes nées au Canada. Ces comparaisons générales cachent les sources de variation. Pour comprendre cette variation, les immigrantes ont été comparées avec les femmes nées au Canada ayant les mêmes caractéristiques sociodémographiques (p. ex. le même niveau de scolarité). Cela a permis de cerner les groupes d’immigrantes qui avaient des réseaux personnels plus petits ou plus grands que ceux de leurs homologues nées au Canada, et les groupes dont les réseaux étaient similaires.

Pour la plupart des niveaux de scolarité, les immigrantes avaient un nombre d’amis proches semblable à celui des femmes nées au Canada, mais un plus petit nombre de connaissances. Les immigrantes titulaires d’un diplôme d’études secondaires ou d’un diplôme de niveau inférieur avaient 11 connaissances, tandis que les femmes nées au Canada ayant le même niveau de scolarité en avaient 15. La différence entre les immigrantes et les femmes nées au Canada était moindre, voire inverse, aux niveaux de scolarité plus élevés. Les immigrantes titulaires d’un certificat ou d’un diplôme d’un collège, d’un cégep ou d’un autre établissement non universitaire, ou d’un diplôme ou d’un certificat universitaire inférieur au baccalauréat avaient trois connaissances de moins et celles titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade supérieur en avaient quatre de moins que leurs homologues nées au Canada. La situation inverse a été observée chez les femmes titulaires d’un certificat ou d’un diplôme d’une école de métiers : les immigrantes avaient plus d’amis proches et de connaissances que les femmes nées au Canada, bien que les écarts observés ne soient pas statistiquement significatifs.


Tableau 1
Liens sociaux dans la collectivité locale chez les immigrantes et les femmes nées au Canada selon les caractéristiques sociodémographiques
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Liens sociaux dans la collectivité locale chez les immigrantes et les femmes nées au Canada selon les caractéristiques sociodémographiques Amis proches, Connaissances, Immigrantes, Femmes nées au Canada (réf.) et Femmes nées au Canada (réf.), calculées selon moyenne observée unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Amis proches Connaissances
Immigrantes Femmes nées au Canada (réf.) Immigrantes Femmes nées au Canada (réf.)
moyenne observée
Dans l’ensemble 3,8 4,0 12,9Note * 16,0
Niveau de scolarité
Études secondaires ou niveau inférieur 3,7 4,2 10,9Note * 15,1
Certificat ou diplôme d’une école de métiers 5,4Note E: à utiliser avec prudence 3,3 14,3Note E: à utiliser avec prudence 12,6
Diplôme ou certificat non universitaire 3,8 3,8 12,8Note * 16,0
Baccalauréat ou grade supérieur 3,7 4,1 14,1Note * 17,9
Situation d’emploi
Personne occupée 3,7 4,0 13,7Note * 17,2
Personne au chômage 2,7Note * 4,1 11,0 15,1
Personne inactive 4,2 3,9 11,9Note * 13,9
État matrimonial
Personne mariée ayant des enfants de moins
de 18 ans à la maison
3,6 3,8 13,4Note * 18,2
Personne mariée sans enfant de moins de
18 ans à la maison
3,9 3,9 12,8Note * 15,4
Personne divorcée, séparée ou veuve 4,3 4,0 10,9 12,8
Personne jamais mariée 3,1Note * 4,3 13,3Note * 17,5
Famille monoparentale 5,6 3,5 16,5 14,8
Groupe d’âge
15 à 24 ans 3,1Note *Note E: Use with caution 4,7 13,3Note *Note E: Use with caution 19,0
25 à 34 ans 2,6Note * 3,6 12,3Note * 16,1
35 à 54 ans 4,0 4,0 13,8Note * 18,0
55 ans et plus 4,3 3,9 12,1Note * 13,6

Les immigrantes au chômage avaient en moyenne 2,7 amis proches, comparativement à 4,1 pour les femmes nées au Canada au chômage. Bien entendu, une personne ne peut pas avoir un nombre fractionnaire d’amis. Les moyennes de groupe de 2,7 et de 4,1 montrent qu’une proportion comparativement plus élevée d’immigrantes de ce groupe avaient deux amis proches ou moins. Notamment, même si le fait d’être au chômage a réduit le nombre d’amis proches pour les immigrantes, il en allait autrement pour les femmes nées au Canada. Parmi les femmes occupées, au chômage et inactives, les immigrantes avaient un moins grand nombre de connaissances que leurs homologues nées au Canada. La différence entre les immigrantes et les femmes nées au Canada était la plus marquée chez les personnes au chômage et la plus faible chez les personnes inactives.

Parmi les femmes mariées, les immigrantes avaient un nombre d’amis proches semblable à celui des femmes nées au Canada, mais avaient moins de connaissances. Cette différence était particulièrement importante pour les immigrantes ayant des enfants de moins de 18 ans à la maison, qui avaient cinq connaissances de moins. Parmi les femmes qui n’ont jamais été mariées, les immigrantes avaient également moins d’amis proches et de connaissances que les femmes nées au Canada. En revanche, parmi les femmes vivant dans des familles monoparentales, les immigrantes avaient un nombre comparativement plus grand d’amis proches et de connaissances que celui des femmes nées au Canada, mais cet écart n’était pas statistiquement significatif. Le fait de vivre dans une famille monoparentale semble aussi avoir eu des répercussions différentes chez les immigrantes et les femmes nées au Canada. Parmi les femmes nées au Canada, celles qui étaient mariées et qui avaient des enfants à la maison avaient des réseaux personnels plus étendus que celles vivant dans des familles monoparentales, mais il s’agissait de l’inverse pour les immigrantes.

En général, les jeunes Canadiens ont un plus grand nombre d’amis proches et de connaissances que les personnes d’âge moyen et plus âgées (Turcotte, 2015). Les femmes immigrantes faisaient exception à cette tendance : le fait d’être jeune était associé à un moins grand nombre de liens sociaux. Alors que les femmes de 15 à 24 ans nées au Canada avaient plus d’amis proches que celles de 55 ans et plus, les immigrantes de 15 à 24 ans avaient moins d’amis proches que celles de 55 ans et plus. Les immigrantes de 15 à 24 ans avaient 3,1 amis proches, comparativement à 4,7 pour les femmes nées au Canada du même groupe d’âge et à 4,3 pour les immigrantes de 55 ans et plus. Parmi les femmes de 25 à 34 ans, les immigrantes avaient un ami proche de moins que les femmes nées au Canada. Pour tous les groupes d’âge, les immigrantes avaient un moins grand nombre de connaissances que les femmes nées au Canada. L’écart était le plus marqué chez les jeunes. Parmi les personnes de 15 à 24 ans, les immigrantes avaient 13 connaissances, soit près de 6 de moins que les femmes nées au Canada.

Le rôle des caractéristiques des immigrants

Des facteurs tels que le nombre d’années écoulées depuis l’établissement au pays, l’âge à l’arrivée au Canada, la catégorie d’admission et la capacité à parler français ou anglais ont influé sur la façon dont les femmes immigrantes se comparent aux femmes nées au Canada sur le plan de leurs liens sociaux à l’échelle locale (tableau 2).

Comparativement aux femmes nées au Canada, les immigrantes récentes (cinq ans ou moins depuis l’établissement au pays) avaient un ami proche de moins. Les immigrantes de moyenne date (six à neuf ans depuis l’établissement au pays) avaient également un réseau d’amis proches plus petit, mais cet écart n’était pas statistiquement significatif. Les immigrantes de longue date (au moins 10 ans depuis l’établissement au pays) avaient un nombre d’amis proches semblable à celui des femmes nées au Canada. Pour toutes les catégories d’années écoulées depuis l’admission, les immigrantes avaient un moins grand nombre de connaissances que les femmes nées au Canada. L’écart le plus important a été observé chez les immigrantes récentes, qui en comptaient six de moins. Cet écart a diminué pour s’établir à trois connaissances de moins pour les immigrantes de moyenne date et à deux connaissances de moins pour les immigrantes de longue date.

L’âge à l’arrivée n’a pas contribué à l’écart observé entre les immigrantes et les femmes nées au Canada en ce qui concerne le nombre d’amis proches, mais il a contribué à la différence observée en ce qui concerne le nombre de connaissances. Les immigrantes âgées de 0 à 14 ans à leur arrivée avaient un nombre de connaissances semblable à celui des femmes nées au Canada. En revanche, les immigrantes âgées de 15 à 24 ans et de 25 ans ou plus à leur arrivée avaient près de quatre connaissances de moins.

Les femmes arrivées à titre de réfugiées ou d’immigrantes parrainées par la famille avaient moins d’amis proches que les femmes nées au Canada, tandis que celles admises à titre d’immigrantes de la catégorie économique (tant les demandeuses principales que les conjointes et personnes à charge de demandeurs principaux) comptaient un nombre similaire d’amis proches. Les femmes admises à titre d’immigrantes de la catégorie économique (les demandeuses principales seulement), d’immigrantes parrainées par la famille ou de réfugiées avaient moins de connaissances que les femmes nées au Canada. Ce nombre variait de deux connaissances de moins chez les immigrantes de la catégorie économique à quatre de moins chez les immigrantes parrainées par la famille et à cinq de moins chez les réfugiées.


Tableau 2
Liens sociaux dans la collectivité locale chez les immigrantes selon les caractéristiques propres aux immigrantes
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Liens sociaux dans la collectivité locale chez les immigrantes selon les caractéristiques propres aux immigrantes Amis proches et Connaissances, calculées selon moyenne observée unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Amis proches Connaissances
moyenne observée
Femmes nées au Canada (réf.) 4,0 16,0
Immigrantes
Nombre d’années depuis l’établissement
0 à 5 ans 3,1Note * 10,2Note *
6 à 9 ans 3,2 13,1Note *
10 ans ou plus 4,0 13,5Note *
Âge à l’arrivée
0 à 14 ans 3,9 15,2
15 à 24 ans 3,6 12,4Note *
25 ans ou plus 3,8 12,1Note *
Catégorie d’admission
Immigrante économique — demandeuse principale 4,0 13,8Note *
Immigrante économique — conjointe ou personne à
charge
3,9 14,6
Immigrante parrainée par la famille 3,4Note * 12,3Note *
Réfugiée 2,7Note * 11,1Note *
Parle anglais ou français
Oui 3,8 13,1Note *
Non 2,6 8,3

Dans le cadre de l’ESG, on a posé la question suivante aux répondantes : « Connaissez-vous assez bien le français ou l’anglais pour soutenir une conversation? ». Parmi celles qui ont répondu « Anglais seulement », « Français seulement » ou « Français et anglais », les immigrantes avaient en moyenne 3,8 amis proches et 13,1 connaissances. Ces nombres étaient de 2,6 amis proches et de 8,3 connaissances chez les immigrantes qui ne parlaient pas une des langues officiellesNote . Celles du dernier groupe linguistique avaient plus d’un ami proche de moins et deux fois moins de connaissances que les femmes nées au Canada.

Le rôle du contexte résidentiel

Le quartier est un environnement essentiel où les immigrantes établissent leurs réseaux sociaux après leur arrivée au Canada, notamment leurs liens étroits avec la région locale (tableau 3). Parmi les femmes qui habitaient dans leur quartier depuis moins de trois ans, les immigrantes avaient moins d’amis proches par rapport aux femmes nées au Canada, mais il n’y avait aucune différence chez les résidentes de plus longue date : il semble que les immigrantes surmontent ce désavantage initial après quelques années. Les femmes immigrantes résidant dans leur quartier depuis cinq ans ou plus avaient 4,3 amis proches, comparativement à 2,7 chez leurs homologues résidant dans leur quartier depuis moins de trois ans.


Tableau 3
Liens sociaux dans la collectivité locale chez les immigrantes et les femmes nées au Canada selon les caractéristiques résidentielles
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Liens sociaux dans la collectivité locale chez les immigrantes et les femmes nées au Canada selon les caractéristiques résidentielles Amis proches, Connaissances, Immigrantes, Femmes nées au Canada (réf.) et Femmes nées au Canada (réf.), calculées selon moyenne observée unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Amis proches Connaissances
Immigrantes Femmes nées au Canada (réf.) Immigrantes Femmes nées au Canada (réf.)
moyenne observée
Nombre d’années dans le quartier
Moins de trois ans 2,7Note * 3,4 11,9Note * 14,9
Trois ans à moins de cinq ans 3,7 3,8 12,2 14,7
Cinq ans ou plus 4,3 4,1 13,4Note * 16,4
Statut par rapport au logement
Propriétaire 3,9 4,1 13,1Note * 16,5
Locataire 3,3 3,7 12,6 14,2
Région géographique
Montréal 3,6 3,4 13,8 13,1
Toronto 3,6 3,5 11,8Note * 14,9
Vancouver 4,0 4,9 15,1 17,8Note E: à utiliser avec prudence
RMR de taille moyenne 4,0 4,3 14,4Note * 18,1
RMR de petite taille 3,5 4,2 10,6Note * 17,6
Régions autres que les RMR 4,0 3,9 13,1 14,9

Les immigrantes ont fait la plupart de leurs connaissances pendant les trois premières années où elles ont résidé dans leur quartier actuel ou avaient déjà ces connaissances avant de déménager dans le quartier. Les immigrantes vivant dans leur quartier depuis moins de trois ans avaient 12 connaissances et celles vivant dans leur quartier depuis cinq ans ou plus en avaient 13, soit 3 de moins que les femmes nées au Canada. Comme les immigrantes font peu de nouvelles connaissances après trois ans de vie dans leur quartier, leur différence initiale avec les femmes nées au Canada persiste.

Le statut par rapport au logement ne constituait pas un facteur ayant contribué à l’écart observé entre les immigrantes et les femmes nées au Canada au chapitre de leurs liens étroits avec la collectivité locale. Cependant, les immigrantes qui étaient propriétaires de leur logement avaient plus de trois connaissances de moins que les femmes nées au Canada qui étaient propriétaires de leur logement. La différence entre les immigrantes et les femmes nées au Canada qui étaient locataires était plus faible et non significative sur le plan statistique.

La taille de la population du secteur géographique où vivaient les immigrantes n’a pas contribué à l’écart observé par rapport aux femmes nées au Canada en ce qui concerne le nombre d’amis proches, mais elle était pertinente pour les différences observées en ce qui concerne le nombre de connaissances. À Toronto, les immigrantes avaient trois connaissances de moins que les femmes nées au Canada. Les immigrantes de Montréal avaient un peu plus de connaissances et celles de Vancouver en avaient moins que les femmes nées au Canada résidant dans la même région métropolitaine de recensement (RMR), mais les différences à cet égard n’étaient pas statistiquement significatives. Dans les RMR de taille moyenne, les immigrantes avaient quatre connaissances de moins que les femmes nées au Canada, tandis que dans les RMR de petite taille, les immigrantes en avaient sept de moins que les femmes nées au CanadaNote . Dans les régions autres que les RMR, les immigrantes avaient moins de connaissances que les femmes nées au Canada, mais cet écart n’était pas statistiquement significatifNote .

Différences de taille de réseau entre les groupes de population

La majorité des immigrants (70 %) font partie de groupes racisés, et chacun de ces groupes représente une petite proportion de la population canadienne (Hou, Schimmele et Stick, 2023). La petite taille des groupes combinée à leur préférence pour l’homophilie dans leurs relations avec leurs amis (Cheng et Xie, 2013) peut contribuer aux différences de taille de réseau. Dans le tableau 4, on compare les immigrantes, selon le groupe de population, aux femmes nées au Canada en ce qui concerne le nombre de contacts sociaux. Le groupe de population indique si une personne déclare être Blanche, Noire, Chinoise, Sud-Asiatique, Philippine et Asiatique du Sud-Est, Arabe et Asiatique occidentale, ou Latino-AméricaineNote .

Les immigrantes du groupe de la population blanche avaient un nombre d’amis proches semblable à celui des femmes nées au Canada. Les immigrantes des groupes de population noire, chinoise, et arabe et asiatique occidentale avaient beaucoup moins d’amis proches que les femmes nées au Canada. Le nombre d’amis proches observé chez les immigrantes sud-asiatiques et latino-américaines était également inférieur à celui observé chez les femmes nées au Canada, mais cet écart n’était pas statistiquement significatif.

Le nombre de connaissances variait de 9,5 chez les immigrantes noires à 15,2 chez les immigrantes philippines et asiatiques du Sud-Est. Comparativement aux femmes nées au Canada, les immigrantes noires avaient près de sept connaissances de moins, les immigrantes sud-asiatiques en avaient plus de quatre de moins et les immigrantes blanches en avaient plus de trois de moins. Les différences entre les femmes nées au Canada et les immigrantes chinoises, philippines, asiatiques du Sud-Est, arabes et asiatiques occidentales, et latino-américaines allaient d’une à trois connaissances de moins, mais ces différences n’étaient pas statistiquement significatives.


Tableau 4
Liens sociaux dans la collectivité locale chez les immigrantes et les femmes nées au Canada selon le groupe de population
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Liens sociaux dans la collectivité locale chez les immigrantes et les femmes nées au Canada selon le groupe de population Amis proches, Connaissances, Immigrantes et Femmes nées au Canada (réf.), calculées selon moyenne observée unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Amis proches Connaissances
Immigrantes Femmes nées au Canada (réf.) Immigrantes Femmes nées au Canada (réf.)
moyenne observée
Blanches 3,9 4,0 12,7Note * 16,0
Noires 2,8Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 9,5Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Chinoises 3,4Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 13,7 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Sud-Asiatiques 3,7 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 11,7Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Philippines et Asiatiques du Sud-Est Note F: trop peu fiable pour être publié Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 15,2Note E: à utiliser avec prudence Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Arabes et Asiatiques occidentales 3,2Note *Note E: à utiliser avec prudence Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 13,7 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Latino-Américaines 3,4Note E: à utiliser avec prudence Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 12,6Note E: à utiliser avec prudence Note ...: n'ayant pas lieu de figurer

Amitiés interethniques

Dans le cadre de l’ESG, on a posé la question suivante aux répondants : « Parmi tous les ami(e)s avec qui vous avez été en contact au cours du dernier mois, combien ont un groupe ethnique visiblement différent du vôtre? ». Au niveau global, le quart des femmes immigrantes n’avaient pas été en contact avec un ami d’un groupe interethnique et les deux cinquièmes avaient été en contact avec « quelques » amis interethniques (tableau 1 en annexe). Cela signifie que les deux tiers des immigrantes avaient des réseaux sociaux qui étaient de composition ethnique grandement homogène. La composition interethnique des réseaux était assez similaire pour les immigrantes récentes et les immigrantes de moyenne et de longue date.

Moins d’immigrantes âgées de 0 à 14 ans au moment de leur arrivée (17 %) n’avaient pas d’amis issus d’un groupe interethnique que celles âgées de 15 à 24 ans (28 %) et de 25 ans ou plus (28 %) au moment de leur arrivée. Environ les deux cinquièmes des personnes âgées de 0 à 14 ans au moment de leur arrivée ont déclaré qu’au moins la moitié de leurs contacts sociaux étaient des contacts interethniques. De même, les immigrantes plus jeunes avaient des réseaux plus diversifiés sur le plan ethnique que ceux des immigrantes plus âgées.

Le fait de ne connaître ni le français ni l’anglais constituait un obstacle à la création de liens interethniques chez les immigrantes. Parmi les immigrantes qui ne parlaient ni le français ni l’anglais suffisamment bien pour soutenir une conversation, 69 % n’avaient pas d’amis interethniques, comparativement à une proportion de 24 % pour celles qui parlaient français ou anglais.

La proportion de liens interethniques dans les réseaux des immigrantes variait d’un groupe de population à l’autre (graphique 1). Parmi les immigrantes du groupe de population des Noires, une petite proportion n’avait pas d’amis interethniques. Le cinquième des immigrantes des groupes de population des Sud-Asiatiques, des Philippines et des Asiatiques du Sud-Est, et des Latino-Américaines n’avaient pas d’amis interethniques. Parmi les immigrantes des groupes de population des Blanches, des Chinoises, et des Arabes et des Asiatiques occidentales, environ le tiers n’avaient pas d’amis interethniques.

Graphique 1 : Nouveaux immigrants du Programme des candidats des provinces par province de destination prévue, provinces de l’Atlantique, 2000 à 2021

Tableau de données du graphique 1 
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Aucun, Quelques-uns et La moitié ou plus, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Aucun Quelques-uns La moitié ou plus
pourcentage
Femmes nées au Canada 45,3 38,7 16,1
Immigrantes blanches 32,6 43,5 23,9
Immigrantes arabes et asiatiques occidentales 31,6 29,6 38,8
Immigrantes chinoises 30,2 31,0 38,8
Immigrantes philippines et asiatiques du Sud-Est 21,2 43,7 35,1
Immigrantes latino-américaines 18,8 42,0 39,2
Immigrantes sud-asiatiques 18,1 43,9 38,1
Immigrantes noires 12,7 37,7 49,6

En ce qui concerne la diversité, la moitié des femmes immigrantes du groupe de population des Noires et les deux cinquièmes de celles des groupes de population des Latino-Américaines, des Arabes et des Asiatiques occidentales, des Sud-Asiatiques, et des Chinoises ont déclaré qu’au moins la moitié de leurs amis étaient des amis interethniques. Plus du tiers des immigrantes du groupe de population des Philippines et des Asiatiques du Sud-Est et moins du quart des immigrantes du groupe de population des Blanches ont déclaré qu’au moins la moitié de leurs amis étaient des amis interethniques.

Conclusion

La présente étude a permis de comparer, à l’aide des données de l’Enquête sociale générale sur l’identité sociale de 2020, les immigrantes et les femmes nées au Canada en ce qui concerne la taille et la composition de leurs réseaux sociaux au Canada. Certaines des principales constatations sont présentées ci-après.

En général, les immigrantes avaient un nombre d’amis proches (liens étroits) semblable à celui des femmes nées au Canada, à quelques exceptions près. Les immigrantes récentes avaient moins d’amis proches que les femmes nées au Canada, mais elles en avaient un nombre similaire quand la durée de leur résidence au Canada était plus longue. Le quartier constitue un environnement important où les immigrants établissent des liens étroits avec la collectivité locale. Il existait une différence marquée entre les immigrantes et les femmes nées au Canada vivant dans le même quartier depuis moins de trois ans en ce qui concerne le nombre d’amis proches, mais il n’y avait aucune différence entre celles vivant dans le même quartier depuis plus longtemps. Les liens étroits constituent une source importante de capital social que les immigrants utilisent pour s’adapter au pays d’accueil, notamment pour obtenir un emploi (Evra et Kazemipur, 2019; Goel et Lang, 2019). Cela peut être particulièrement vrai pour les immigrants récents et ceux issus de groupes racisés qui ont moins de contacts à l’extérieur de leur cercle restreint (Amado, 2006).

Des différences plus persistantes et plus appréciables par rapport aux femmes nées au Canada ont été observées en ce qui concerne les réseaux de connaissances des immigrantes (liens faibles).La différence la plus grande par rapport aux femmes nées au Canada en ce qui concerne le nombre de connaissances a été constatée chez les immigrantes récentes, mais même les immigrantes de longue date avaient un nombre moindre de connaissances. Dans la plupart des groupes sociodémographiques comparés, les immigrantes avaient un moins grand nombre de connaissances. Contrairement aux liens étroits, les liens faibles constituent des sources de capital social et des ponts vers les réseaux de la population née dans le pays (Granovetter, 1973; Lancee, 2012). Un nombre moindre de connaissances signifie un niveau plus élevé de déconnexion sociale avec les personnes nées dans le pays et moins de possibilités d’intégration. Les immigrants ont besoin de liens faibles pour s’intégrer, car leurs liens étroits ont moins de valeur pour leur mobilité socioéconomique et leur intégration sociale (Hagan, 1998; Nakhaie et Kazemipur, 2013; Ooka et Wellman, 2006).

Plusieurs groupes démographiques se démarquaient par leurs réseaux plus petits (liens étroits et liens faibles) que ceux de la plupart des Canadiens. Une proportion relativement élevée d’immigrantes du groupe de population des Noires avaient deux amis proches ou moins et moins de 10 connaissances. Le fait d’être réfugiée et le fait de ne pas parler l’une des langues officielles constituaient d’autres caractéristiques associées aux réseaux plus petits. Pour leur tranche d’âge, les femmes plus jeunes avaient également des réseaux moins étendus. Le fait d’avoir un réseau moins étendu à un plus jeune âge pourrait mener à des conséquences à long terme pour les immigrantes en raison de la relation entre le capital social et la mobilité socioéconomique, la satisfaction à l’égard de la vie et d’autres résultats (Li, 2020; Xue, 2008).

Puisque la plupart des immigrants appartiennent à des groupes racisés, la majorité des personnes qu’ils rencontrent dans leur vie quotidienne appartiennent à un groupe ethnique différent. Cela augmente la probabilité de nouer des amitiés interethniques. Ces amitiés sont un indicateur de l’intégration des immigrants, en particulier ceux issus de groupes racisés (Martinović, van Tubergen et Maas, 2011; Soltane, 2020). Bien qu’elles soient plus susceptibles de rencontrer des personnes appartenant à divers groupes ethniques, une forte proportion d’immigrantes de la plupart des groupes de population (à l’exception des Noires) avaient des réseaux de composition ethnique très homogène. Une dépendance excessive à l’égard des réseaux du même groupe ethnique peut avoir des effets négatifs pour les immigrants, comme les contraindre à occuper des emplois peu rémunérés ou à avoir un statut social vulnérable (Hagan, 1998; Lancee, 2012; Majerski, 2019). Cela signifie que, même si les réseaux des immigrantes sont de taille semblable à ceux des femmes nées au Canada, il existe des différences au chapitre de la composition qui pourraient nuire à leurs perspectives d’intégration.

Annexe


Tableau 1 de l’annexe
Diversité ethniqueTableau 1 Note 1 des liens sociaux chez les immigrantes et les femmes nées au Canada selon les caractéristiques démographiques et résidentielles
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Diversité ethnique des liens sociaux chez les immigrantes et les femmes nées au Canada selon les caractéristiques démographiques et résidentielles Aucun, Quelques-uns, La moitié ou plus, Immigrantes et Femmes nées au Canada (réf.), calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Aucun Quelques-uns La moitié ou plus
Immigrantes Femmes nées au Canada (réf.) Immigrantes Femmes nées au Canada (réf.) Immigrantes Femmes nées au Canada (réf.)
pourcentage
Dans l’ensemble 25,2Note * 45,3 39,7 38,7 35,1Note * 16,1
Nombre d’années depuis l’établissement
0 à 5 ans 28,8Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 37,4 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 33,8Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
6 à 9 ans 23,0Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 42,3 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 34,7Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
10 ans ou plus 24,6Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 39,8 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 35,6Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Âge à l’arrivée
0 à 14 ans 16,6Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 44,2 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 39,2Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
15 à 24 ans 28,4Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 38,8 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 32,8Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
25 ans ou plus 27,6Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 37,9 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 34,5Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Catégorie d’admission
Immigrante économique — demandeuse principale 18,1Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 49,1Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 32,7Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Immigrante économique — conjointe ou personne à charge 24,4Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 40,5 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 35,1Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Immigrante parrainée par la famille 28,3Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 31,2Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 40,6Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Réfugiée 19,1Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 27,7 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 53,2Note * Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Parle français ou anglais
Oui 24,2Note * 45,3 40,4 38,6 35,4Note * 16,1
Non 69,0 Note x: confidentiel en vertu des dispositions de la Loi sur la statistique 7,5 Note x: confidentiel en vertu des dispositions de la Loi sur la statistique 23,6 Note x: confidentiel en vertu des dispositions de la Loi sur la statistique
Niveau de scolarité
Études secondaires ou niveau inférieur 26,7Note * 47,9 35,2 34,3 38,2Note * 17,9
Certificat ou diplôme d’une école de métiers 38,0 51,5 33,7 35,7 28,3Note * 12,8
Diplôme ou certificat non universitaire 24,1Note * 46,4 41,3 39,4 34,5Note * 14,3
Baccalauréat ou grade supérieur 24,0Note * 39,6 42,0 43,9 34,0Note * 16,5
Situation d’emploi
Personne occupée 21,5Note * 41,0 42,2 42,7 36,3Note * 16,4
Personne au chômage 20,4Note * 32,9 43,3 48,6 36,3Note * 18,5
Personne inactive 32,9Note * 53,7 34,3 31,1 32,8Note * 15,3
État matrimonial
Personne mariée ayant des enfants de moins de 18 ans à la maison 27,6Note * 41,2 35,7Note * 43,5 36,6Note * 15,3
Personne mariée sans enfant de moins de 18 ans à la maison 30,0Note * 51,1 40,1 35,4 30,0Note * 13,5
Personne divorcée, séparée ou veuve 29,8Note * 57,5 38,8Note * 29,7 31,4Note * 12,8
Personne jamais mariée 12,3Note * 30,7 46,0 46,2 41,6Note * 23,1
Famille monoparentale 16,5Note * 37,3 34,6 42,4 49,0Note * 20,3
Groupe d’âge
15 à 24 ans 15,5Note * 28,9Note E: à utiliser avec prudence 41,1 43,5Note E: à utiliser avec prudence 43,4Note * 27,7
25 à 34 ans 22,1Note * 33,3 41,5 47,6 36,4Note * 19,1
35 à 54 ans 23,7Note * 40,3 37,4Note * 44,5 39,0Note * 15,2
55 ans et plus 31,1Note * 58,2 41,2Note * 30,0 27,7Note * 11,8
Nombre d’années dans le quartier
Moins de trois ans 22,6Note * 41,4 41,9 42,0 35,5Note * 16,6
Trois ans à moins de cinq ans 28,7Note * 45,6 33,0 41,2 38,4Note * 13,2
Cinq ans ou plus 26,0Note * 46,3 40,1 37,3 33,9Note * 16,4
Statut par rapport au logement
Propriétaire 26,4Note * 46,1 38,7 38,2 34,9Note * 15,7
Locataire 22,9Note * 42,6 41,2 39,6 35,9Note * 17,8
Région géographique
Montréal 23,6Note * 53,4 31,3 35,0 45,1Note * 11,6
Toronto 21,8Note * 23,2 41,3 49,0 36,9 27,8
Vancouver 26,8 22,3 37,0 45,2 36,3 32,5
RMR de taille moyenne 25,5Note * 35,3 38,0 45,5 36,4Note * 19,3
RMR de petite taille 30,8Note * 44,6 45,2 41,4 23,9Note * 14,0
Régions autres que les RMR 32,0Note * 54,3 44,4Note * 32,5 23,6Note * 13,2

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