Rapports économiques et sociaux
Maintien en poste et recrutement de jeunes travailleurs qualifiés : résultats par province et territoire

Date de diffusion : le 24 avril 2024

DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202400400003-fra

Passer au texte

Début du texte

Résumé

Une main-d’œuvre jeune et qualifiée peut contribuer de manière importante à la vitalité économique, sanitaire, culturelle et civique de toute collectivité. Étant donné que le Canada est un vaste pays qui offre diverses possibilités d’emploi à divers endroits, certaines provinces et certains territoires peuvent devoir composer avec des difficultés ou des possibilités en ce qui concerne le maintien en poste et l’attraction de jeunes talents qualifiés. Le présent article est le premier à éclairer la question. Il permet de déterminer la proportion de jeunes qui ont grandi dans une province ou dans un territoire donné et y ont éventuellement obtenu un diplôme d’études postsecondaires, mais qui sont partis travailler dans une autre province ou dans un autre territoire (ce qui est appelé « perte de compétences »). De même, l’article traite également des jeunes travailleurs qualifiés qui sont entrés dans une province ou un territoire pour y travailler, en proportion de la population initiale de jeunes travailleurs qualifiés ayant grandi dans cette province ou dans ce territoire (ce qui est appelé « acquisition de compétences »). Les résultats semblent indiquer que les acquisitions nettes de compétences sont (de loin) les plus élevées au Nunavut; viennent ensuite les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. Parmi les provinces, deux d’entre elles affichaient des acquisitions nettes de compétences (Alberta et Colombie‑Britannique). Des pertes nettes de compétences particulièrement importantes ont été enregistrées à l’Île‑du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador, tandis que des pertes plus faibles ont été enregistrées en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et en Saskatchewan. Le Québec et l’Ontario ont enregistré de très faibles pertes nettes de compétences. En plus d’être les deux seules provinces à tirer avantage des tendances migratoires des jeunes talents qualifiés, l’Alberta et la Colombie-Britannique étaient également moins susceptibles d’avoir assuré l’enseignement postsecondaire des personnes qui ont quitté leur province, par rapport à la proportion de personnes qui y sont entrées et qui avaient déjà terminé leurs études postsecondaires ailleurs. Parmi les provinces, la Colombie-Britannique a enregistré, et de loin, l’acquisition nette la plus élevée de diplômés en médecine. La Colombie-Britannique et l’Alberta ont affiché l’acquisition nette la plus élevée de diplômés du doctorat. Ces résultats constituent un point de départ pour orienter les discussions entre les provinces et les territoires sur la question du maintien des compétences et du recrutement au sein de leurs populations de jeunes.

Auteurs

Marc Frenette et Tomasz Handler travaillent à la Division de l’analyse sociale et de la modélisation de la Direction des études analytiques et de la modélisation à Statistique Canada.

Introduction

La main-d’œuvre qualifiée est essentielle au développement économique de toute collectivité. Les jeunes travailleurs hautement qualifiés sont souvent à l’avant-garde de l’innovation, ce qui favorise la productivité et peut aider les entreprises à rester compétitives sur le marché mondial. Les travailleurs qualifiés peuvent également avoir des effets d’entraînement positifs, puisqu’ils transfèrent leurs connaissances à des collègues, à des clients et à d’autres membres de l’économie locale. L’accès à des talents qualifiés qui sont jeunes est également important pour des raisons démographiques, surtout lorsque la population locale est vieillissante et doit composer avec une baisse du nombre de résidents en âge de travailler. De tels ajustements démographiques peuvent produire des avantages pour la viabilité économique à long terme de la collectivité. Bien sûr, les avantages découlant des jeunes talents qualifiés peuvent s’étendre au-delà du secteur économique. Toute collectivité a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée pour répondre aux besoins en soins de santé de sa population. Les collectivités tirent également profit des diplômés dans divers domaines pour des raisons culturelles, civiques ou autres.

Toutefois, les collectivités peuvent avoir de la difficulté à maintenir en poste et à attirer des jeunes talents qualifiés. Cela s’explique par le fait que la demande de main-d’œuvre qualifiée pourrait être en train d’augmenter, selon des données probantes récentes sur l’évolution de la nature du travail (Frenette, 2023). Les emplois canadiens sont devenus de plus en plus non routiniers et de nature cognitive, une tendance à long terme qui n’a fait que s’accélérer pendant la pandémie de COVID-19. Les grandes entreprises des grandes villes ont peut-être un avantage lorsqu’il s’agit de recruter les meilleurs talents.

L’enjeu est particulièrement important pour les provinces et les territoires parce que l’éducation relève de leur compétence. En fait, les provinces et les territoires investissent dans leurs résidents y ayant grandi au moyen de services de garde d’enfants, d’écoles primaires et secondaires et, souvent, d’établissements d’études postsecondaires financés par l’État. Le fait de connaître le nombre de jeunes qualifiés que l’on perd ou que l’on acquiert en raison des tendances migratoires entre le secondaire et l’arrivée sur le marché du travail peut éclairer les discussions stratégiques sur le maintien en poste et le recrutement de la main‑d’œuvre qualifiée. Tel est l’objectif du présent articleNote .

Plus précisément, dans le cadre de l’article, on a commencé par déterminer la population de base des jeunes en âge de fréquenter l’école secondaire (selon la province ou le territoire où ils vivaient à 16 ansNote ) à partir du Fichier des familles T1 (FFT1). Parmi cet échantillon, seuls ceux qui ont finalement obtenu un diplôme d’études postsecondaires de 2010 à 2017 selon le Système d’information sur les étudiants postsecondaires (SIEP) et qui n’ont pas figuré dans le SIEP deux ans après l’obtention du diplôme ont été sélectionnés. Ensuite, on a déterminé la province de travail deux ans après l’obtention du diplôme d’études postsecondaires au moyen du Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre et du FFT1Note . La comparaison de la province de travail avec la province de résidence initiale permet de calculer les pertes et les acquisitions de compétences à l’échelon provincial et territorialNote .

Il est important de noter que le présent article porte sur la propension des provinces et des territoires à maintenir en poste ou à recruter de jeunes travailleurs qualifiés qui vivaient au Canada au cours de leur adolescence et qui ont fait des études de niveau postsecondaire au Canada. Les pénuries qui subsistent peuvent être comblées par les talents étrangers grâce au système d’immigration. Toutefois, la connaissance des tendances migratoires des jeunes talents canadiens qualifiés pourrait servir de base aux discussions stratégiques sur la dépendance à l’égard des talents étrangers lorsqu’il s’agit de combler les pénuries de main-d’œuvre dans les provinces et les territoires.

Les trois territoires et deux provinces (l’Alberta et la Colombie-Britannique) étaient les seuls à présenter des acquisitions nettes de jeunes travailleurs qualifiés

Le graphique 1 indique que, parmi les provinces, l’Alberta se distingue comme le plus grand bénéficiaire net de la migration des jeunes travailleurs qualifiés. Les acquisitions nettes de talents qualifiés enregistrées par l’Alberta représentaient 22 % de sa population initiale de jeunes travailleurs qualifiés. La Colombie‑Britannique a également présenté des acquisitions nettes de compétences (7 %), tandis que toutes les autres provinces ont présenté des pertes nettes de compétences. Des pertes particulièrement importantes ont été enregistrées à l’Île-du-Prince-Édouard (-25 %), au Nouveau-Brunswick (-17 %) et à Terre-Neuve-et-Labrador (-17 %), tandis que des pertes plus faibles ont été enregistrées en Nouvelle-Écosse (-10 %), au Manitoba (-8 %) et en Saskatchewan (-7 %). Le Québec et l’Ontario ont enregistré de très faibles pertes nettes de compétences (-2 %).

Graphique 1 : Perte et acquisition de compétences par province

Tableau de données du graphique 1 
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Perte de compétences, Acquisition de compétences et Perte ou acquisition nette de compétences, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences
pourcentage
Terre-Neuve-et-Labrador -27 10 -17
Île-du-Prince-Édouard -37 12 -25
Nouvelle-Écosse -28 19 -10
Nouveau-Brunswick -29 11 -17
Québec -6 4 -2
Ontario -8 6 -2
Manitoba -18 10 -8
Saskatchewan -22 15 -7
Alberta -12 34 22
Colombie-Britannique -16 22 7

Bien qu’il s’agisse de pertes et d’acquisitions importantes à l’échelon provincial, la migration des jeunes talents qualifiés a touché les territoires dans une bien plus grande mesure. En fait, les résultats pour les territoires sont tellement différents qu’ils justifient leur propre graphique distinct. Bien que les trois territoires aient perdu une proportion importante de leurs jeunes talents qualifiés, ils en ont également attiré une proportion plus importante encore (graphique 2). Les pertes étaient plus importantes au Yukon (‑53 %) et dans les Territoires du Nord-Ouest (‑51 %), par rapport à celles enregistrées au Nunavut (-17 %); toutefois, dans les trois cas, les acquisitions ont largement dépassé les pertes. Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, les acquisitions représentaient, respectivement, 96 % et 92 % de la population initiale de jeunes talents qualifiés. Aussi importantes que ces acquisitions aient été, elles représentaient moins de la moitié de ce qui a été enregistré au Nunavut (201 %). Dans l’ensemble, les acquisitions nettes de jeunes talents qualifiés étaient les plus élevées au Nunavut (184 %); venaient ensuite les Territoires du Nord-Ouest (45 %) et le Yukon (39 %).

Graphique 2 : Perte et acquisition de compétences par territoire

Tableau de données du graphique 2 
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2 Perte de compétences, Acquisition de compétences et Perte ou acquisition nette de compétences, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences
pourcentage
Yukon -53 92 39
Territoires du Nord-Ouest -51 96 45
Nunavut -17 201 184

Bien sûr, les pertes et les acquisitions de compétences ne sont pas toutes égales du point de vue fiscal. L’enseignement postsecondaire est financé en partie par les provincesNote . Par conséquent, et toutes choses étant égales par ailleurs, les talents qui quittent leur province d’origine pour travailler ailleurs coûteront moins à leur province d’origine s’ils poursuivent leurs études postsecondaires ailleurs. À l’inverse, les jeunes talents qualifiés qui finissent par travailler dans une province différente de leur province d’origine coûteront plus à leur province d’origine s’ils font leurs études postsecondaires dans cette province.

Le graphique 3 indique le pourcentage de personnes ayant quitté la province et y étant entrées qui ont terminé leurs études postsecondaires avant de l’avoir fait. Une barre orange plus élevée (indiquant le pourcentage de personnes qui ont fait leurs études postsecondaires avant d’y être entrées), par rapport à une barre bleue (indiquant le pourcentage de personnes qui ont fait leurs études postsecondaires avant d’être parties), coûtera moins du point de vue provincial, toutes choses étant égales par ailleurs.

En plus d’être les seules provinces à présenter des acquisitions nettes de compétences, l’Alberta et la Colombie-Britannique étaient également moins susceptibles d’avoir assuré l’enseignement postsecondaire des personnes qui étaient parties, par rapport à la proportion de nouveaux arrivants qui avaient déjà fait leurs études postsecondaires ailleurs. Toutefois, pour ce point, la Saskatchewan occupait le premier rang parmi les provinces : 60 % des nouveaux arrivants avaient déjà fait leurs études postsecondaires, tandis que 33 % des personnes qui étaient parties avaient terminé leurs études postsecondaires avant de partir. En revanche, l’Ontario a enregistré presque les mêmes taux que la Saskatchewan : 63 % des personnes qui étaient parties avaient terminé leurs études postsecondaires en Ontario avant de partir, tandis que 39 % des nouveaux arrivants avaient fait leurs études postsecondaires à l’extérieur de l’Ontario. Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle‑Écosse comptaient également une proportion beaucoup plus élevée de personnes étant parties qui avaient fait leurs études postsecondaires dans leur province d’origine, par rapport à la proportion de personnes étant entrées dans la province qui avaient obtenu leur diplôme à l’extérieur de leur province d’accueil.

Graphique 3 : Pourcentage de personnes ayant quitté la province ou étant entrées dans la province qui ont terminé leurs études postseconcondaires avant de changer de province

Tableau de données du graphique 3 
Tableau de données du graphique 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 3 Niveau d’études postsecondaires le plus élevé obtenu avant d’avoir quitté la province ou le territoire et Niveau d’études postsecondaires le plus élevé obtenu avant d’être entré dans la province ou le territoire, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Niveau d’études postsecondaires le plus élevé obtenu avant d’avoir quitté la province ou le territoire Niveau d’études postsecondaires le plus élevé obtenu avant d’être entré dans la province ou le territoire
pourcentage
Terre-Neuve-et-Labrador 59 45
Île-du-Prince-Édouard 31 43
Nouvelle-Écosse 52 40
Nouveau-Brunswick 42 51
Québec 57 54
Ontario 63 39
Manitoba 38 51
Saskatchewan 33 60
Alberta 37 55
Colombie-Britannique 42 49

La Colombie-Britannique a présenté la plus grande acquisition nette de diplômés en médecine

Les diplômés en médecine sont assez mobiles en raison de la nature concurrentielle de l’entrée dans une faculté de médecine et du placement en résidence. Par conséquent, toutes les provinces, à l’exception du Québec et de l’Ontario, ont perdu une proportion importante de leurs futurs diplômés en médecine y ayant grandi (tableau 1). Très peu de ces personnes ont quitté le Québec (-7 %), peut-être en raison des préférences linguistiques (le Québec compte de loin la plus grande population francophone du pays). L’Ontario a également obtenu un résultat relativement bon à ce chapitre, la perte de compétences étant l’avant-dernière en importance (-16 %). Les pertes de compétences étaient plus importantes dans d’autres provinces (allant de -32 % en Colombie-Britannique à -63 % à l’Île-du-Prince-Édouard)Note  Note .


Tableau 1
Perte et acquisition de compétences par province et niveau d’études postsecondaires le plus élevé obtenu
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Perte et acquisition de compétences par province et niveau d’études postsecondaires le plus élevé obtenu. Les données sont présentées selon Province (titres de rangée) et Certificat ou diplôme , Baccalauréat, Maîtrise, Doctorat, Diplôme professionnel en médecine, Diplôme professionnel en dentisterie, en optométrie ou en médecine vétérinaire, Diplôme professionnel en droit, Perte de compétences, Acquisition de compétences et Perte ou acquisition nette de compétences, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Province Certificat ou diplôme Baccalauréat Maîtrise Doctorat Diplôme professionnel en médecine Diplôme professionnel en dentisterie, en optométrie ou en médecine vétérinaire Diplôme professionnel en droit
Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences
pourcentage
Terre-Neuve-et-Labrador -25 6 -19 -28 13 -15 -31 13 -18 -68 55 -13 -37 14 -23 -53 79 26 -38 23 -15
Île-du-Prince-Édouard -25 11 -14 -42 11 -30 -53 14 -39 -73 37 -37 -63 41 -22 Note x: confidentiel en vertu des dispositions de la Loi sur la statistique Note x: confidentiel en vertu des dispositions de la Loi sur la statistique Note x: confidentiel en vertu des dispositions de la Loi sur la statistique -55 17 -38
Nouvelle-Écosse -20 11 -9 -32 23 -9 -41 31 -10 -66 67 1 -55 48 -7 -52 25 -26 -46 29 -17
Nouveau-Brunswick -20 8 -12 -31 13 -18 -46 14 -32 -72 33 -38 -46 19 -27 -49 20 -29 -42 12 -30
Québec -5 2 -3 -6 4 -2 -9 7 -2 -17 14 -3 -7 5 -2 Note x: confidentiel en vertu des dispositions de la Loi sur la statistique Note x: confidentiel en vertu des dispositions de la Loi sur la statistique Note x: confidentiel en vertu des dispositions de la Loi sur la statistique -9 3 -6
Ontario -6 3 -3 -8 6 -2 -13 12 -1 -23 19 -3 -16 18 2 -12 11 -1 -10 15 5
Manitoba -15 9 -6 -16 9 -6 -35 15 -19 -56 27 -29 -39 21 -18 -32 16 -15 -37 14 -24
Saskatchewan -19 15 -5 -21 14 -7 -34 19 -15 -65 40 -26 -54 36 -19 -29 45 15 -36 25 -11
Alberta -9 38 29 -11 28 17 -25 50 25 -44 74 30 -36 36 0 -18 37 18 -26 32 6
Colombie-Britannique -12 16 4 -16 22 6 -25 40 15 -45 87 41 -32 62 30 -37 44 7 -28 37 9

Certaines provinces avaient tendance à recruter relativement plus de diplômés en médecine. C’était particulièrement le cas en Colombie-Britannique, qui a obtenu 62 % des diplômés en médecine. Ainsi, la Colombie-Britannique a enregistré une acquisition nette de 30 % des diplômés en médecine, dépassant de loin toute autre province. L’Ontario est arrivé au deuxième rang (acquisition nette de 2 %), suivi de l’Alberta (aucune perte ni acquisition nette). Des pertes nettes de compétences allant de faibles à modérées ont été enregistrées au Québec (-2 %) et en Nouvelle-Écosse (-7 %), tandis que les pertes nettes de compétences ont été plus importantes dans les autres provinces (allant de -18 % au Manitoba à -27 % au Nouveau-Brunswick).

Parmi les autres diplômes professionnels en soins de santé, nous avons examiné la dentisterie, l’optométrie et la médecine vétérinaire, qui devaient être regroupées pour produire un échantillon de taille suffisante. Terre-Neuve-et-Labrador a enregistré l’acquisition nette la plus importante de ce groupe (26 %), suivi de l’Alberta (18 %) et de la Saskatchewan (15 %). Le Nouveau-Brunswick (-29 %) et la Nouvelle-Écosse (-26 %) ont enregistré les pertes nettes les plus importantes.

Nous avons également examiné le diplôme professionnel en droit. Dans ce cas, la Colombie-Britannique (9 %), l’Alberta (6 %) et l’Ontario (5 %) ont enregistré des acquisitions nettes modérées, tandis que le Nouveau-Brunswick (-38 %) et l’Île-du-Prince-Édouard (-30 %) ont enregistré les pertes nettes les plus importantes.

La Colombie-Britannique et l’Alberta ont également obtenu de bons résultats en ce qui concerne les titulaires de doctorat. En fait, il s’agit des deux seules provinces ayant enregistré des acquisitions nettes considérables de ces diplômés (41 % en Colombie-Britannique et 30 % en Alberta). La Nouvelle‑Écosse a suivi et a affiché une acquisition nette de 1 %. Venaient ensuite de faibles pertes nettes au Québec et en Ontario (-3 % dans les deux cas), des pertes nettes modérées en Nouvelle-Écosse (-7 %) et à Terre‑Neuve-et-Labrador (-13 %), et des pertes nettes plus importantes en Saskatchewan (-26 %), au Manitoba (-29 %), à l’Île-du-Prince-Édouard (-37 %) et au Nouveau-Brunswick (-38 %).

La plupart des provinces ont enregistré des pertes nettes faibles à modérées de titulaires de certificat et de diplôme. Toutefois, l’Alberta a été une exception évidente, celle-ci ayant enregistré une acquisition nette de 29 %. Cela pourrait refléter le fait que la province productrice de pétrole a une forte demande de technologues et de techniciens pour le travail dans les champs pétrolifères. L’Alberta a également enregistré les acquisitions nettes les plus élevées de diplômés du baccalauréat (17 %) et de la maîtrise (25 %), ce qui pourrait refléter une forte demande d’autres types de diplômés (p. ex. en génie).

Toutefois, les résultats du tableau 2 indiquent que l’Alberta a enregistré des acquisitions nettes de compétences dans les cinq domaines d’études examinés dans le présent article : STGM « science, technologie, génie et mathématiques » (très axés sur les mathématiques), STGM (autre), SACHES « santé, arts, commerce, sciences humaines, éducation et sciences sociales » (commerce), SACHES (santé) et SACHES (autre). La Colombie-Britannique a réalisé des acquisitions nettes dans les cinq domaines, mais surtout dans le domaine « STGM (autre) » (qui englobe en grande partie les domaines liés à la biologie).


Tableau 2
Perte et acquisition de compétences par province et domaine d’études en lien avec le niveau d’études postsecondaires le plus élevé obtenu
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Perte et acquisition de compétences par province et domaine d’études en lien avec le niveau d’études postsecondaires le plus élevé obtenu. Les données sont présentées selon Province (titres de rangée) et STGM (très axés sur les mathématiques), STGM (autre), SACHES (commerce), SACHES (santé), SACHES (autre), Perte de compétences, Acquisition de compétences et Perte ou acquisition nette de compétences, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Province STGM (très axés sur les mathématiques) STGM (autre) SACHES (commerce) SACHES (santé) SACHES (autre)
Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences Perte de compétences Acquisition de compétences Perte ou acquisition nette de compétences
pourcentage
Terre-Neuve-et-Labrador -34 10 -24 -34 24 -10 -22 8 -14 -24 10 -13 -27 10 -17
Île-du-Prince-Édouard -48 14 -34 -37 25 -13 -31 7 -24 -32 12 -19 -38 12 -26
Nouvelle-Écosse -38 22 -16 -37 30 -8 -26 15 -11 -19 17 -2 -30 19 -11
Nouveau-Brunswick -37 13 -24 -41 22 -19 -25 9 -17 -24 9 -15 -28 12 -16
Québec -7 5 -2 -10 6 -4 -6 3 -3 -4 2 -1 -7 4 -2
Ontario -10 8 -2 -12 6 -6 -6 7 1 -8 4 -3 -8 6 -3
Manitoba -21 10 -11 -19 12 -6 -17 7 -11 -16 9 -7 -18 11 -7
Saskatchewan -26 14 -12 -23 19 -4 -22 11 -11 -18 13 -5 -23 18 -5
Alberta -12 34 22 -14 38 24 -10 27 17 -9 28 19 -14 39 25
Colombie-Britannique -20 30 9 -17 36 19 -16 17 1 -15 18 3 -15 23 8

Conclusion

Le maintien en poste et le recrutement de jeunes talents qualifiés sont essentiels pour toute collectivité pour des raisons économiques, sanitaires, culturelles et civiques. L’enjeu est particulièrement important pour les provinces et les territoires parce que l’éducation relève de leur compétence. Toutefois, l’existence d’un marché du travail concurrentiel signifie que certaines provinces ou certains territoires peuvent être plus susceptibles que d’autres de perdre ou d’acquérir de jeunes travailleurs qualifiés.

Dans le présent article, on a constaté que les acquisitions nettes de compétences étaient (de loin) les plus élevées au Nunavut, suivi des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon. Parmi les provinces, deux ont fait des acquisitions nettes de compétences (Alberta et Colombie-Britannique). Des pertes nettes de compétences particulièrement importantes ont été enregistrées à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador, tandis que des pertes plus faibles ont été enregistrées en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et en Saskatchewan. Le Québec et l’Ontario ont enregistré de très faibles pertes nettes de compétences. En plus d’être les deux seules provinces à tirer avantage des tendances migratoires des jeunes talents qualifiés, l’Alberta et la Colombie-Britannique étaient également moins susceptibles d’avoir assuré l’enseignement postsecondaire des personnes qui avaient quitté la province, par rapport à la proportion de nouveaux arrivants qui avaient déjà terminé leurs études postsecondaires ailleurs. La Colombie-Britannique a présenté, et de loin, les acquisitions nettes les plus élevées de diplômés en médecine parmi les provinces. La Colombie-Britannique et l’Alberta ont présenté les acquisitions nettes les plus élevées de diplômés du doctorat.

Il convient de mentionner que les migrations peuvent être fortement influencées par les conditions économiques dans différentes régions du pays. Les tendances constatées dans la présente étude ont été observées à une époque où l’Alberta et la Colombie-Britannique étaient les seules à présenter des acquisitions nettes quant à la migration interprovinciale globale (Chastko, 2021)Note . La tendance chez les jeunes pourrait changer si le modèle migratoire interprovincial global change. En fait, l’Alberta a commencé à afficher une baisse de la population en raison de la migration provinciale au cours des dernières années, à la suite de la baisse des prix du pétrole au cours des années 2010.

Il est également important de noter que ces données sont antérieures à la pandémie de COVID-19 et à l’augmentation récente du télétravail. Il est peut-être désormais plus facile pour certains travailleurs de rester dans leur province ou territoire d’origine pendant qu’ils travaillent (à distance) dans une autre région du pays. Bien que cela puisse accentuer les pertes de compétences dans certaines provinces ou certains territoires, le fait que les travailleurs puissent continuer à vivre (et à dépenser) là où ils ont grandi (plutôt que de s’éloigner) pourrait atténuer les pertes pour les provinces ou territoires d’origine (c.-à-d. la ressource peut être disparue, mais les dollars sont toujours dépensés localement). Des études ultérieures au moyen de données plus récentes pourraient porter sur cette dynamique.

Les travaux futurs pourraient également porter sur les pertes et les acquisitions de compétences dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire (p. ex. les Franco-Ontariens, les Acadiens, les Anglo-Québécois). Il peut être difficile de maintenir une masse critique de jeunes talents qualifiés dans ces communautés, surtout parce que bon nombre d’entre eux parlent les deux langues officielles et pourraient concourir pour des emplois partout au Canada.

Bibliographie

Burbidge, J. et R. Finnie. 2000. « The inter-provincial mobility of baccalaureate graduates: Who moves and when », Revue canadienne des sciences régionales, vol. 23, no  3, p. 377 à 402.

Chastko, K. 2021. « Migration interne : aperçu, 2016-2017 à 2018-2019 », Rapport sur l’état de la population du Canada.

Frenette, M. 2023. « L’évolution de la nature du travail depuis le début de la pandémie de COVID-19 », Rapports économiques et sociaux, vol. 3, no 7.

Laporte, C. et R. Mueller. 2011. « Profil d’achèvement des apprentis inscrits : qui poursuit, abandonne et termine les programmes? », Direction des études analytiques : documents de recherche, no  333, produit no  11F0019M au catalogue de Statistique Canada. Ottawa.

Narh, E.D. et M. Buzzelli. 2022. « Higher Education Student Migration in Canada: Interprovincial Structure and the Influence of Student Mother Tongue », Revue canadienne des sciences régionales, vol. 45, no 1, p. 36 à 47.

Usher, A. 2021. « Inter-provincial student mobility », article de blogue, Higher Education Strategy Associates.

Date de modification :