Rapports économiques et sociaux
Essayer différents magasins pour composer avec le taux d’inflation élevé : les ventes d’aliments des magasins d’alimentation et magasins de marchandises diverses
DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202300700005-fra
Depuis la fin de 2021, la hausse des prix des produits d’épicerie, mesurés d’une année à l’autre, dépasse celle de l’inflation globale des prix à la consommation. Bien que la croissance de l’inflation globale ait ralenti ces derniers mois, se situant sous la barre des 10 % en mars et en avril 2023, les prix de nombreux produits d’épicerie ont continué d’augmenter mois après mois et, dans l’ensemble, ont été supérieurs de 20 % aux niveaux observés deux ans plus tôtNote . En 2022, l’augmentation des prix dans les épiceries s’est généralisée et la croissance marquée des prix — de l’ordre de 10 % ou plus d’une année à l’autre — a touché une plus grande part des dépenses alimentaires totales, y compris pour de nombreux produits de consommation couranteNote .
Plusieurs facteurs ont contribué à l’accélération soutenue du rythme de croissance des prix des aliments. Pendant que les économies se remettaient des mesures de confinement liées à la COVID-19, l’augmentation des prix de l’énergie a exercé une pression à la hausse sur les coûts dans l’ensemble du circuit de distribution des aliments, de l’ensemencement et de la récolte au transport et à la vente. Les mauvaises conditions de croissance au Canada et aux États-Unis en 2021, la hausse du coût des intrants et du transport, l’augmentation des prix à la production, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les hausses des marges des grossistes et des détaillants ont toutes contribué à la croissance constante des prix des alimentsNote . Bon nombre de ces facteurs se sont produits simultanément, ou leurs effets ont été encore plus marqués que d’habitude, amplifiant les pressions subies à différents points de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Le présent article de la série Pleins feux sur les données et la recherche, fondé sur des données d’enquêtes récentes menées auprès d’entreprises et de ménages, s’intéresse à la façon dont les Canadiens se sont adaptés à la hausse des prix des aliments.
Les ménages consomment moins, dépensent différemment et achètent ailleurs
En 2022, Statistique Canada a mené une enquête spéciale auprès des ménages pour demander aux Canadiens comment ils composaient avec la hausse du coût de la vie. Au printemps, avant que le taux d’inflation atteigne un sommet, près de 3 répondants sur 4 ont déclaré que la hausse des prix avait une incidence sur leur capacité à assumer leurs dépenses quotidiennes. Pour de nombreuses familles, l’augmentation des prix des aliments constituait leur principale préoccupation. Les deux tiers des répondants ont déclaré être très préoccupés par la hausse des prix des aliments, tandis que 4 répondants sur 10 ont indiqué qu’ils s’inquiétaient davantage de la hausse des prix des aliments que de la croissance des prix dans d’autres catégories (comme le logement et le transport).
De nombreux ménages ont changé leurs habitudes d’achat pour composer avec la hausse soutenue de l’inflation des prix des aliments. La moitié des répondants ont déclaré avoir cherché des soldes ou des offres promotionnelles et une même proportion a indiqué avoir acheté des produits de remplacement, ou des marques ou articles moins chers, en réaction aux pressions exercées sur les prixNote .
Le volume des aliments achetés par les consommateurs a également changé. Les données sur le volume des achats d’aliments sont présentées dans les tableaux des dépenses des ménages, qui sont publiées avec les estimations trimestrielles du produit intérieur brut. Selon celles-ci, le volume de produits alimentaires achetés par les ménages a fortement augmenté au cours de la première année de la pandémie de COVID-19, atteignant un sommet de près de 11 % supérieur aux niveaux prépandémie enregistrés au début de 2021. Par la suite, le volume des aliments achetés a commencé à fléchir, à mesure que les consommateurs ont augmenté leurs dépenses au restaurant et pour d’autres services extérieurs lorsque les restrictions liées à la COVID-19 ont été assoupliesNote . Au début de 2023, le volume des aliments achetés par les ménages avait diminué au cours de six des huit trimestres précédents (et était inchangé pendant les deux autres trimestres), et dépassait de 1,1 % les niveaux observés avant la pandémieNote .
Le recul observé dans les dépenses alimentaires à mesure que les prix augmentaient est évident dans les données sur les ventes au détail des magasins d’alimentation. Depuis que les prix dans les épiceries ont commencé à grimper au début de 2021, les ventes en dollars constants — une mesure du volume des ventes dans les magasins d’alimentation — ont affiché une tendance à la baisse (graphique 1). Les acheteurs dépensent davantage, mais ils consomment moins. En 2022, les ventes en dollars courants des magasins d’alimentation ont augmenté de 5,8 %, mais mesurées en volume, elles ont diminué de 3,6 %.
Tableau de données du graphique 1
Magasins d’alimentation | Prix des aliments (côté droit) | |
---|---|---|
indice (janvier 2018=100) | variation en pourcentage (d’une année à l’autre) | |
2018 | ||
Janvier | 100,0 | 2,3 |
Février | 100,1 | 2,1 |
Mars | 100,6 | 1,7 |
Avril | 100,9 | 1,8 |
Mai | 102,9 | 1,0 |
Juin | 102,6 | 1,4 |
Juillet | 103,1 | 1,4 |
Août | 103,9 | 1,6 |
Septembre | 105,2 | 1,8 |
Octobre | 103,9 | 2,0 |
Novembre | 101,5 | 2,2 |
Décembre | 101,8 | 2,9 |
2019 | ||
Janvier | 102,3 | 2,8 |
Février | 102,9 | 3,2 |
Mars | 101,9 | 3,6 |
Avril | 103,6 | 2,9 |
Mai | 101,4 | 3,5 |
Juin | 101,4 | 3,5 |
Juillet | 102,7 | 3,8 |
Août | 102,0 | 3,6 |
Septembre | 102,5 | 3,7 |
Octobre | 102,4 | 3,7 |
Novembre | 101,6 | 3,4 |
Décembre | 104,0 | 3,0 |
2020 | ||
Janvier | 102,3 | 3,2 |
Février | 102,3 | 2,4 |
Mars | 124,7 | 2,3 |
Avril | 112,6 | 3,4 |
Mai | 109,9 | 3,1 |
Juin | 111,7 | 2,7 |
Juillet | 110,3 | 2,2 |
Août | 109,7 | 1,8 |
Septembre | 110,7 | 1,6 |
Octobre | 110,1 | 2,3 |
Novembre | 113,8 | 1,9 |
Décembre | 112,3 | 1,1 |
2021 | ||
Janvier | 115,0 | 1,0 |
Février | 113,3 | 1,8 |
Mars | 112,1 | 1,8 |
Avril | 112,0 | 0,9 |
Mai | 112,1 | 1,5 |
Juin | 109,4 | 1,3 |
Juillet | 105,9 | 1,7 |
Août | 107,7 | 2,7 |
Septembre | 108,0 | 3,9 |
Octobre | 106,3 | 3,8 |
Novembre | 107,5 | 4,4 |
Décembre | 105,9 | 5,2 |
2022 | ||
Janvier | 107,3 | 5,7 |
Février | 105,3 | 6,7 |
Mars | 105,5 | 7,7 |
Avril | 103,0 | 8,8 |
Mai | 105,0 | 8,8 |
Juin | 103,2 | 8,8 |
Juillet | 102,4 | 9,2 |
Août | 103,8 | 9,8 |
Septembre | 100,6 | 10,3 |
Octobre | 101,9 | 10,1 |
Novembre | 100,3 | 10,3 |
Décembre | 99,3 | 10,1 |
2023 | ||
Janvier | 100,2 | 10,4 |
Février | 100,1 | 9,7 |
Mars | 99,8 | 8,9 |
Sources : Statistique Canada, tableaux 20-10-0067-01 et 18-10-0004-01. |
Si les ménages achètent moins d’aliments, beaucoup choisissent également de faire leurs achats ailleurs. Les analystes du secteur du commerce de détail se sont penchés sur la façon dont les habitudes d’achat ont changé en réponse à la hausse des prix. Une récente enquête menée par Capterra (2023) a révélé que 86 % des personnes interrogées ont changé leurs habitudes de dépenses et 71 % d’entre elles ont déclaré acheter ou utiliser moins de produits d’épicerie qu’auparavant. Le changement de marque et de magasin est devenu une pratique répandue. En mai 2022, le Retail Insider a rapporté que [traduction] « plus de la moitié des acheteurs se tournent vers les produits de marque privée pour leurs aliments frais et emballés ». Les analystes ont aussi constaté que l’inflation élevée et persistante des aliments a conduit de nombreux consommateurs à rechercher des options à faible coût, telles que les épiceries au rabais, pour tirer le maximum de leurs budgets alimentaires limités.
Selon les données de l’Enquête sur les marchandises vendues au détail, les consommateurs ont délaissé les magasins d’alimentation pour se tourner vers les magasins de marchandises diverses, un groupe de magasins comprenant les clubs-entrepôts, les supercentres et les autres détaillants de marchandises diverses. Avant la pandémie, les ventes d’aliments et de boissons dans les magasins d’alimentation représentaient 73,0 % de tous les achats d’aliments au détail. Cette proportion se situait à 74,3 % au début de 2021, au moment où les prix des aliments ont amorcé leur hausse. À mesure que les prix augmentaient, la part des ventes d’aliments au détail dans les magasins d’alimentation a commencé à baisser pour s’établir à 70 % à la fin de 2022. Parallèlement, la part des aliments achetés dans les magasins de marchandises diverses a augmenté pour passer de 21,6 % au début de 2021 à 25,9 % à la fin de 2022.
Le graphique 2 illustre la part des ventes d’aliments dans les magasins d’alimentation et les magasins de marchandises diverses (après correction pour tenir compte de l’inflation des prix des aliments). Étant donné que les données sur les ventes (données au niveau des produits par type de magasin) ne sont pas désaisonnalisées, les estimations sont présentées en tant que variations en pourcentage d’une année à l’autre. Le volume des ventes d’aliments dans les magasins d’alimentation affiche des baisses d’une année à l’autre depuis le deuxième trimestre de 2021. Au début de 2022, le volume des ventes a diminué de 9 % par rapport aux niveaux observés au début de 2021. Ces baisses se sont poursuivies au cours des derniers trimestres, mais à un rythme plus lent. En revanche, de telles diminutions n’ont pas été observées dans les ventes d’aliments rajustées en fonction de l’inflation dans les magasins de marchandises diverses, et les volumes d’une année à l’autre ont progressé en 2022.
Tableau de données du graphique 2
Magasins de marchandises diverses | Magasins d’alimentation | |
---|---|---|
variation en pourcentage (d’une année à l’autre) | ||
2020 | ||
Trimestre 1 | 12,6 | 7,7 |
Trimestre 2 | 1,8 | 9,0 |
Trimestre 3 | 8,7 | 7,2 |
Trimestre 4 | 8,2 | 11,1 |
2021 | ||
Trimestre 1 | 8,2 | 2,5 |
Trimestre 2 | 8,9 | -2,4 |
Trimestre 3 | 1,7 | -4,3 |
Trimestre 4 | 3,6 | -7,2 |
2022 | ||
Trimestre 1 | -0,9 | -9,0 |
Trimestre 2 | 7,5 | -7,7 |
Trimestre 3 | 8,5 | -5,0 |
Trimestre 4 | 4,7 | -5,5 |
Note : Les données sur les ventes (données au niveau des produits par type de magasin) ne sont pas désaisonnalisées. Source : Tableaux spéciaux, Enquête sur les marchandises vendues au détail et Indice des prix à la consommation. |
Les estimations propres au magasin présentées ici suggèrent que de nombreux consommateurs ont changé de magasin en réponse aux pressions inflationnistes. La baisse des ventes dans les magasins d’alimentation pourrait également être attribuable à d’autres tendances émergentes plus difficiles à quantifier, telles que la popularité croissante des plats à préparer livrés à domicile, l’utilisation accrue de bons de réduction, l’achat de certains produits dans d’autres magasins et la diminution du gaspillage alimentaire. D’autres analyses fondées sur des données d’enquêtes sont nécessaires pour examiner l’ampleur de ces changements de comportements.
Auteurs
Sean Clarke travaille à la Division de l’analyse stratégique, des publications et de la formation, Statistique Canada. Rebecca Lehto travaille à la Division des prix à la consommation, Statistique Canada et Simon Sheldrick travaille à la Division du commerce de détail et des industries de service, Statistique Canada.
Références
Anaya, T. 2023. « Has inflation had an impact on consumer spending in Canada? ». Capterra, 22 mai 2023.
Fradella, A. 2022. « Derrière les chiffres : ce qui cause la hausse des prix des aliments ». Ottawa : Statistique Canada.
Krashinksky Robertson, S. 2023. « Inflation is changing the way Canadians are spending ». The Globe and Mail, 27 mai 2023.
Mitchell, T. et G. Gellatly. 2023. « Évaluation de la hausse des pressions inflationnistes généralisées en 2021 et en 2022 ». Rapports économiques et sociaux. Produit no 36-28-0001 au catalogue de Statistique Canada. Ottawa : Statistique Canada.
Toneguzzi, M. 2022. « Consumers in Canada Changing Spending Patterns Due to Inflation: Study/Interview ». Retail Insider, 16 mai 2022.
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