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Langues autochtones au Canada : nouvelles tendances et perspectives sur l’acquisition d’une langue secondepar Mary Jane Norris Le Canada bénéficie d’une riche diversité de peuples, de cultures et de langues. Outre le français et l’anglais, les deux langues officielles du pays, et les multiples langues parlées par les immigrants, il existe de nombreuses langues autochtones au Canada. Le Canada compte en effet quelque 50 langues individuelles appartenant aux 11 familles linguistiques autochtones. Ces langues reflètent autant d’histoires, de cultures et d’identités distinctes liées à la famille, à la collectivité, à la terre et à la connaissance traditionnelle. Pour les Premières nations, les Inuit et les Métis, ces langues sont au cœur même de leur identité. Les Autochtones, cependant, sont confrontés au fait que beaucoup de leurs langues se perdent, ce qui peut avoir de profondes répercussions. Au cours des 100 dernières années ou plus, au moins 10 langues jadis florissantes sont disparues. Toutefois, ces tendances à la baisse de la transmission intergénérationnelle des langues sont en partie compensées par l’enseignement des langues autochtones comme langues secondes.Seulement un Autochtone sur quatre parle une langue autochtone Seulement un Autochtone sur quatre parle une langue autochtoneÀ l’heure actuelle, seule une minorité de la population autochtone au Canada est capable de parler ou de comprendre une langue autochtone. Selon les données du Recensement de 2001, des 976 300 personnes qui se sont déclarées autochtones, 235 000, soit 24 %, ont indiqué qu’elles pouvaient entretenir une conversation dans une langue autochtone1. Il s’agit d’une baisse marquée par rapport à 29 % en 19962. Cela semble confirmer la plupart des recherches selon lesquelles une érosion importante de l’utilisation des langues autochtones s’est produite au cours des dernières décennies. Un autre indicateur certain de cette érosion est le pourcentage à la baisse de la population autochtone dont la langue maternelle est autochtone. En 2001, seulement 21 % des Autochtones au Canada avaient une langue maternelle autochtone, contre 26 % en 1996. Toutefois, la baisse de population de langue maternelle a été en partie compensée par le fait que de nombreux Autochtones ont appris une langue autochtone comme langue seconde. En 2001, il y avait plus de personnes pouvant parler une langue autochtone que d’Autochtones ayant une langue maternelle autochtone (239 600 contre 203 300), ce qui indique que certains locuteurs ont dû apprendre leur langue autochtone comme langue seconde. Il semble que ce soit particulièrement le cas pour les jeunes. L’apprentissage d’une langue autochtone comme langue seconde ne peut prétendre se substituer à l’apprentissage d’une langue maternelle autochtone3. Néanmoins, le nombre croissant de locuteurs de langue seconde s’inscrit dans un processus de redynamisation de la langue et peut aider à prévenir ou, du moins, à ralentir l’érosion rapide et la disparition possible de langues menacées. L’acquisition d’une langue autochtone comme langue seconde peut en effet être la seule option qui s’offre à de nombreuses collectivités autochtones si la transmission parent-enfant n’est plus viable. De plus, en apprenant à parler la langue de leurs parents ou de leurs grands-parents, les jeunes Autochtones pourront communiquer avec les membres âgés de leur famille dans leur langue traditionnelle. On estime également que le processus d’apprentissage d’une langue seconde peut contribuer comme tel à accroître l’estime de soi et le bien-être de la collectivité et favoriser la continuité culturelle4. Langue parlée à la maison aujourd’hui, langue maternelle de demain Locuteurs de langue seconde autochtoneSelon le Recensement de 2001, 20 % de la population totale qui pouvait parler une langue autochtone — plus de 47 100 personnes — l’avait apprise comme langue seconde. Il semble d’ailleurs que l’apprentissage d’une langue seconde soit à la hausse. L’indice d’acquisition d’une langue seconde indique que pour chaque 100 personnes de langue maternelle autochtone, le nombre de personnes capables de parler une langue autochtone est passé de 117 à environ 120 locuteurs de 1996 à 2001 (tableau 1). Il semble que le nombre croissant de locuteurs de langue seconde puisse compenser de plus en plus la baisse des populations de langue maternelle (graphique 1). Tableau 1 Les jeunes qui parlent une langue autochtone sont de plus en plus susceptibles de l'avoir apprise comme langue seconde plutôt que comme langue maternelle Fait peut-être encore plus important pour leur vitalité à long terme, les locuteurs de langue seconde ont tendance à être beaucoup plus jeunes que les personnes qui ont appris une langue autochtone comme langue maternelle. En 2001, par exemple, environ 45 % des locuteurs de langue seconde avaient moins de 25 ans, comparativement à 38 % des locuteurs de langue maternelle (graphique 1). Graphique 1 Les personnes qui apprennent une langue autochtone comme langue seconde sont beaucoup plus jeunes que celles dont c'est la langue maternelle Les apprenants de langue seconde influent sur les langues autochtones menacéesAu cours de la période de 20 ans allant de 1981 à 2001, la plupart des langues autochtones, qu’elles soient considérées comme viables ou menacées, ont connu une baisse à long terme de leur continuité (voir « Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude » pour obtenir les définitions). Chose non surprenante, les langues menacées sont celles qui ont été le plus touchées. Ainsi, les langues menacées parlées en Colombie-Britannique, telles que le haïda et le tlingit, ont enregistré des niveaux de continuité presque nuls en 2001; de fait, chacune de ces langues compte moins de 200 locuteurs de langue maternelle. Par ailleurs, alors que les langues les plus viables, telles que l’inuktitut, conservaient leur viabilité linguistique, plusieurs langues viables importantes, telles que le cri et l’ojibway, subissaient une baisse à long terme constante de continuité au cours des deux décennies. Selon l’état d’une langue donnée, c’est-à-dire selon qu’elle soit viable ou menacée, diverses tendances de croissance ont été observées entre 1996 et 2001. En particulier, les jeunes générations de locuteurs de langue autochtone sont de plus en plus susceptibles d’acquérir leur langue, particulièrement si elle est menacée, comme langue seconde plutôt que comme langue maternelle. Par exemple, la famille linguistique tlingite compte l’une des populations de langue maternelle les plus âgées, mais l’indice d’acquisition d’une langue seconde et l’âge moyen des locuteurs indiquent que deux personnes (habituellement jeunes) parlent la langue pour chaque personne de langue maternelle. Ces indicateurs donnent à penser que les jeunes générations sont plus susceptibles d’apprendre le tlingit comme langue seconde. En général, parmi les langues les plus menacées, on assiste à une baisse généralisée de la capacité à parler la langue, parce que les gains de locuteurs de langue seconde ne suffisent pas à compenser les pertes de locuteurs de langue maternelle. Toutefois, pour certaines langues autochtones menacées, il semble que la population locutrice puisse augmenter en raison d’un effort concerté d’apprentissage de ces langues comme langues secondes.Tel semble être le cas des langues salishennes peu répandues, qui ont enregistré une diminution de 5 % de la population de langue maternelle de 1996 a 2001, tout en affichant simultanément une impressionnante progression de 17 % du nombre total de locuteurs. Par ailleurs, l’âge moyen de tous les locuteurs salishens, 42 ans, était de beaucoup inférieur à celui de la population de langue maternelle, 50 ans (tableau 2). Tableau 2 Pour certaines langues autochtones, les locuteurs de langue seconde parviennent à combler le déclin de locuteurs dont c'est la langue maternelle Cette tendance s’applique également à diverses langues viables dont les locuteurs de langue seconde semblent accroître le nombre total de locuteurs. Les langues qui ont enregistré une tendance à la hausse de 1996 à 2001 comprennent l’attikamekw, avec une croissance de 21 % de la population capable de parler la langue, comparativement à 19 % de sa population de langue maternelle. De même, le nombre de personnes capables de parler le déné a augmenté de 11 %, tandis que sa population de langue maternelle n’a progressé que de 7 %. Les autres langues ayant enregistré des gains dans la capacité de parler la langue par rapport aux gains comme langue maternelle comprennent le micmac, le dakota/sioux, le montagnais-naskapi et l’inuktitut. En fait, parmi certaines des langues les plus menacées, les locuteurs de langue seconde représentent plus de la moitié de la population locutrice. En 2001, par exemple, 57 % de ceux qui parlaient le tlingit, tout comme 54 % de ceux qui s’exprimaient en haïda et 52 % de ceux qui employaient une des langues salishennes peu répandues, étaient des apprenants de langue seconde. De même, parmi pratiquement toutes les langues menacées, ainsi que pour de nombreuses langues considérées comme « pas très viables, en voie d’être menacées » ou « incertaines », au moins un tiers de tous les locuteurs sont des locuteurs de langue seconde. Ces langues comprennent les langues salishennes peu répandues, le malécite, le pied-noir, le carrier, le tsimshian, le kutenai, le nishga et le shuswap. Il semble également que, dans le cas des langues menacées, les jeunes représentent une proportion importante des locuteurs de langue seconde autochtone. En 2001, par exemple, 71 % des jeunes de moins de 15 ans pouvant parler une langue menacée l’avaient apprise comme langue seconde (graphique2). Graphique 2 Dans les groupes d'âge plus jeunes, la majorité des locuteurs d'une langue autochtone menacée l'ont apprise comme langue seconde Par contre, la prévalence des locuteurs de langue seconde diminue avec l’âge chez les locuteurs de langues viables et menacées, une tendance qui n’est guère surprenante, puisque les générations plus âgées d’Autochtones sont plus susceptibles d’avoir une langue autochtone maternelle. Chez les locuteurs âgés de 65 ans et plus, la proportion des locuteurs de langue seconde tombe à seulement 17 % de ceux qui parlent une langue menacée et à 11 % de ceux qui emploient une langue viable. Toutefois, pour certaines des langues les plus menacées, les proportions élevées de locuteurs de langue seconde ne signifient pas toujours la présence de jeunes locuteurs. En fait, les populations de locuteurs de langue seconde vieillissent tout comme les populations de langue maternelle. Par exemple, en 2001, pratiquement aucune des 500 personnes pouvant parler le tsimshian avaient moins de 25 ans, bien que 32 % d’entre elles étaient des locuteurs de langue seconde. Que ce soit dans les réserves ou en dehors de celles-ci, les apprenants en langue seconde sont plus nombreuxFait intéressant, il semble également que les jeunes générations vivant hors réserve, et particulièrement celles habitant dans les régions urbaines, sont de plus en plus susceptibles d’apprendre une langue autochtone comme langue seconde plutôt que comme langue maternelle. Parmi les indiens inscrits vivant hors réserve, 165 enfants de 10 à 14 ans parlent une langue autochtone pour chaque 100 enfants ayant une langue maternelle autochtone5, ce qui indique qu’un nombre important d’enfants apprennent leur langue traditionnelle comme langue seconde. Évidemment, la question est encore plus pertinente dans les collectivités autochtones (c.-à-d. les réserves ainsi que les collectivités et établissements inuits). En 1996, environ les deux tiers des collectivités comparables ont déclaré que la majorité des locuteurs autochtones avaient appris la langue comme langue maternelle; en 2001, la proportion s’élevait à moins de la moitié. Par contre, le nombre de collectivités où de nombreux locuteurs l’avaient acquise comme langue seconde a doublé, passant de 8,5 % à 17 %. En tout, environ 33 % des collectivités recensées en 2001 peuvent être considérées comme en transition d’une population de langue maternelle à une population de langue seconde6. Naturellement, les familles exercent une influence sur la transmission d’une langue autochtone des parents à l’enfant, que ce soit à titre de langue maternelle ou de langue seconde. La vaste majorité des enfants autochtones de 5 à 14 ans (plus de 90 %) peuvent converser dans la langue de leurs parents ou de leurs grands-parents, apprise dans beaucoup de cas comme langue seconde. Les enfants les plus susceptibles d’apprendre une langue autochtone comme langue seconde proviennent de familles linguistiquement mixtes, vivent dans des régions urbaines ou parlent une langue menacée7. Par exemple, alors que 70 % des enfants de filiation linguistique salishenne pouvaient parler la langue de leurs parents, seulement 10 % l’avaient acquise comme langue maternelle8. Pour la plupart des parents, l’apprentissage de la langue autochtone est importantLes tendances récentes observées en matière d’acquisition des langues autochtones comme langues secondes indiquent une reconnaissance accrue de l’importance de parler une langue autochtone. Selon l’Enquête sur les peuples autochtones de 2001, les parents de 60 % des enfants autochtones vivant hors réserve considéraient qu’il était très important ou assez important que leurs enfants parlent et comprennent une langue autochtone. Les parents ne sont pas les seuls à penser que l’apprentissage d’une langue autochtone est important. Autant les adultes autochtones que les jeunes, dont ceux vivant hors réserve, partagent la même opinion. Par exemple, parmi la population hors réserve en Saskatchewan, 65 % des adultes autochtones et 63 % des jeunes Autochtones de 15 à 24 ans étaient d’avis que l’apprentissage, le réapprentissage ou le maintien de leur langue étaient « assez important » ou « très important ». De même, au Yukon, l’apprentissage de la langue autochtone était considéré important par des proportions encore plus élevées d’adultes et de jeunes (78 % et 76 %, respectivement)9. L’attitude des jeunes est d’une importance capitale pour l’avenir des langues, particulièrement chez les parents de la prochaine génération. De plus, contrairement aux générations précédentes, les jeunes Autochtones d’aujourd’hui doivent contrer l’influence dominante de l’anglais et du français dans les médias de masse et la culture populaire et dans d’autres aspects de la vie quotidienne comme l’éducation et le travail. Par ailleurs, leur langue traditionnelle peut jouer un rôle différent de celui des langues plus courantes : il peut s’agir d’une façon d’exprimer l’identité des locuteurs d’une collectivité… de renforcer les liens familiaux, de maintenir des relations sociales ou de préserver les liens historiques…10. Une étude approfondie sur les valeurs et les attitudes des jeunes Inuit relativement à l’inuktitut et à l’anglais a révélé que la plupart de ces jeunes, même ceux qui se trouvaient « bons » ou « excellents » en inuktitut, ont fait part de leur inquiétude de perdre leur capacité de bien parler l’inuktitut à force d’utiliser et d’entendre l’anglais plus souvent11. Beaucoup d’entre eux déclarent parler davantage en anglais que lorsqu’ils étaient enfants. Par ailleurs, de nombreux jeunes associent l’inuktitut à leur identité, connaissance traditionnelle et culture; pour certains, la perte de l’inuktitut peut fragiliser leur sentiment d’appartenance, provoquant des sentiments de marginalisation et d’exclusion. Alors que les jeunes font un effort concerté pour utiliser l’inuktitut dans leurs activités quotidiennes, ils ressentent également le besoin d’un soutien de la famille, de la collectivité et du milieu scolaire, afin d’avoir des occasions de l’apprendre, de l’entendre et de l’utiliser. RésuméMême si la majorité des locuteurs de langue autochtone apprennent leur langue comme langue maternelle, de nombreux facteurs contribuent à l’érosion de la transmission intergénérationnelle des langues autochtones, dont la migration croissante entre les collectivités autochtones et les villes, les mouvements en direction et en provenance des réserves, les mariages linguistiquement mixtes, l’influence prépondérante de l’anglais et du français dans la vie quotidienne, et l’héritage négatif laissé par le régime des pensionnats12. De plus, pour la plupart des enfants autochtones, les conditions « idéales » d’acquisition d’une langue maternelle autochtone — avoir deux parents de langue maternelle autochtone et résider dans une collectivité autochtone — ne sont pas toujours possibles. Ces pressions et les données démographiques accroissent la probabilité qu’une proportion importante de la prochaine génération de locuteurs de langue autochtone soit formée de locuteurs de langue seconde. Chose plus importante encore, toutefois, ce sont le désir et l’intérêt d’apprendre les langues autochtones aujourd’hui qui contribueront à influencer la croissance des générations futures de locuteurs de langue autochtone, tant les apprenants de langue maternelle que ceux de langue seconde. Notes et sources
Auteur Mary Jane Norris est gestionnaire principale de recherche à la Direction de la recherche et de l’analyse de Affaires indiennes et du Nord Canada.
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