Chapitre 7 : Projection des résidents non permanents

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Par Jonathan Chagnon, Nora Bohnert et Patrice Dion

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Introduction

Les flux de migrants temporaires ont connu une hausse au cours de la dernière décennie dans de nombreux pays industrialisés. Les raisons expliquant ce phénomène sont multiples, et comprennent l’émergence de nouveaux programmes de travailleurs temporaires (Castles et Miller 2009), l’intégration de nombreux pays dans des communautés économiques telle que l’Union européenne (Ibid) ainsi que des efforts plus énergiques pour attirer des étudiants internationaux (Ibid; Florida 2005).

Le Canada ne fait pas exception. Au cours des dernières années, l'effectif des résidents non permanents (RNP) a connu une forte croissance au Canada, sous l’effet notamment d’un nombre grandissant de permis de résidence temporaire accordés à des travailleurs. Toutefois, parce que l’admission de travailleurs temporaires est davantage liée aux politiques du gouvernement fédéral qu’à des facteurs démographiques, la projection des tendances futures dans ce domaine demeure un exercice difficile.

Tendances dans le nombre de résidents non permanents

À Statistique Canada, les données sur les résidents non permanents sont disponibles à partir de 1971. Des modifications dans les méthodes de comptabilisation rendent toutefois les comparaisons difficiles entre les données récentes et celles colligées avant 1996.

Le solde des RNP a fluctué largement entre les périodes 1996-1997 et 2011-2012 (figure 7.1). Il est toutefois demeuré positif depuis 1998-1999, atteignant un sommet en 2008-2009 à près de 72 000 personnes. En 2011-2012, le solde des RNP s’établissait à environ 56 000 personnes, ce qui représentait une proportion non négligeable de la croissance de la population canadienne pour cette période, soit 14 %.

Figure 7.1 Solde annuel de résidents non permanents, Canada, 1996-1997 à 2011-2012

Description de la figure 7.1

Au total, l’effectif des résidents non permanents présent au Canada a presque triplé au cours de la période allant de 1996 à 2012, passant de 243 700 à 684 200 personnes (figure 7.2). Cette croissance s’est particulièrement accélérée depuis 2007.

Figure 7.2 Nombre total de résidents non permanents, Canada, 1er juillet, 1996 à 2012

Description de la figure 7.2

La majorité des RNP admis au Canada tend à s’établir dans seulement quatre provinces, soit en Ontario, au Québec, en Colombie-Britannique et en Alberta (figure 7.3). Les proportions de RNP choisissant l’Ontario ou le Québec ont généralement diminué durant les 20 dernières années, alors qu’elles se sont accrues de façon substantielle en Colombie-Britannique et particulièrement en Alberta, où la proportion a doublé.

Figure 7.3 Répartition (en pourcentage) des résidents non permanents selon la province ou territoire, Canada, 1er juillet, 1997 à 2012

Description de la figure 7.3

Plusieurs raisons font en sorte que des individus se voient octroyer un droit de résidence temporaire au Canada. On peut, par exemple, répartir les RNP en quatre grandes catégories, soit les travailleurs étrangers, les étudiants étrangers, les réfugiésNote 1 ainsi que les détenteurs de permis ministériels. Au tournant des années 2000, les travailleurs, les étudiants et les réfugiés comptaient chacun pour environ un tiers des RNP (figure 7.4). Le nombre de personnes admises dans la catégorie des travailleurs a toutefois augmenté rapidement lors des périodes subséquentes, atteignant 58 % en 2012.

Figure 7.4 Répartition (en pourcentage) des résidents non permanents selon la catégorie, Canada, 1er juillet, 1996 à 2012

Description de la figure 7.4

Généralement stable de 2003 à 2009, le nombre d’étudiants étrangers s’est accru considérablement par la suite, passant de près de 150 000 en 2009 à 187 700 en 2012Note 2. La proportion d’étudiants étrangers au sein de l’ensemble des RNP résidant au Canada a néanmoins diminué depuis 2004, année où elle avait atteint un sommet de 38 %, pour atteindre 27 % en 2012.

D’environ un tiers des RNP en 2003, la proportion de réfugiés n’a cessé de diminuer, de sorte qu’elle ne représentait plus que 14 % en 2012. Enfin, au cours des 10 dernières années, le nombre de détenteurs de permis ministériels a représenté tout au plus 1,1 % de tous les RNP.

La proportion que représente chacune des catégories de RNP varie substantiellement d’une province à l’autre (figure 7.5). Par exemple, en 2012, plus des trois quarts des RNP s’étant établis en Saskatchewan, en Alberta et dans les territoires étaient des travailleurs temporaires, comparativement à environ la moitié en Nouvelle-Écosse, au Québec et en Ontario. La Nouvelle-Écosse était la seule province dont au moins la moitié des RNP étaient des étudiants temporaires. Enfin, plus de 20 % des RNP admis en 2012 au Québec et en Ontario étaient des réfugiés, de loin les proportions les plus élevées au pays.

Figure 7.5 Répartition (en pourcentage) des résidents non permanents selon la catégorie, Canada, provinces et territoires, 1er juillet 2012

Description de la figure 7.5

Plusieurs facteurs suggèrent que le nombre de RNP pourrait être en hausse au cours des prochaines années au Canada. Selon de récentes projections, le taux de croissance de la population active est appelé à diminuer au cours des prochaines années (Martel et coll. 2011)Note 3. Un tel contexte pourrait s’avérer propice à une augmentation du nombre de RNP comme moyen envisagé par le gouvernement pour répondre à court terme à d’éventuelles pénuries sectorielles de main-d’œuvre. En effet, l’admission temporaire de travailleurs étrangers a notamment pour but de combler ces pénuries, et de « […] répondre aux besoins urgents et à court terme du marché du travail, qui ne pourraient l’être facilement par les travailleurs se trouvant déjà au pays. » (Citoyenneté et Immigration Canada 2013). En outre, contrairement au nombre d’immigrants, le nombre de résidents non permanents admis au Canada au cours d’une année n’est pas soumis à des cibles, ce qui fait en sorte que leur nombre est susceptible de fluctuer grandement d’une année à l’autre, notamment en fonction de la situation économique canadienne.

Tout comme c’est le cas pour les travailleurs étrangers, le nombre d’étudiants étrangers admis au Canada a généralement été en progression au fil des ans. Parce qu’ils possèdent des diplômes canadiens et parce qu’ils ont côtoyé d’autres étudiants canadiens, les étudiants étrangers sont bien préparés pour le marché du travail canadien et tendent à s’intégrer rapidement à la société canadienne (Citoyenneté et Immigration Canada 2013). Aussi de nombreux moyens sont-ils déployés afin d’attirer et retenir les étudiants étrangers, tels que le Programme de permis de travail et de permis de travail postdiplôme qui leur permettent d’acquérir de l’expérience hors campus (Ibid).

Il y a quelques années, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a également mis en place le programme Catégorie de l’expérience canadienne (CEC) afin de faciliter la rétention des « personnes qualifiées ayant déjà démontré leur capacité à s’intégrer au marché du travail canadien », programme qui a été bonifié au cours de l’année 2013. Le CEC permet aux travailleurs étrangers temporaires et aux étudiants étrangers diplômés ayant acquis une expérience de travail au Canada de présenter une demande de résidence permanente. Il constitue, pour certains étrangers, une voie alternative et potentiellement plus rapide d’admission en tant qu’immigrants au Canada. Depuis le 2 janvier 2013, les critères ont été modifiés, de sorte que les demandeurs peuvent maintenant postuler dès qu’ils ont 12 mois d’expérience de travail à temps plein au Canada (plutôt que les 24 mois précédemment requis). En outre, la période permise pour répondre à ces exigences a été prolongée et s’étend maintenant sur un maximum de 36 mois. À propos du CEC, CIC mentionne qu‘il s’agit du programme d’immigration connaissant actuellement la plus forte croissance (Citoyenneté et Immigration Canada 2013).

L’Accord économique et commercial global (AECG), récemment négocié entre le Canada et l’Union européenne, pourrait également avoir un impact sur le nombre de demandes de résidence temporaire. En effet, l’accord devrait contenir une clause sur la mobilité de la main-d'œuvre et la reconnaissance des compétences, visant un allégement de certaines règles afin de faciliter l’entrée temporaire de certaines catégories de travailleursNote 4.

À l’inverse, certains facteurs pourraient faire diminuer le nombre de RNP, ou à tout le moins ralentir sa croissance, au cours des prochaines années. Ainsi, des modifications et un resserrement des règles d’admission du Programme des travailleurs étrangers temporairesNote 5 annoncés dans le budget fédéral 2013-2014 seront mis en place afin de veiller à ce que les emplois disponibles soient d’abord offerts aux Canadiens. Les mesures visent à s’assurer que l’embauche de travailleurs canadiens soit priorisée par rapport à celle de travailleurs étrangers, et dans le cas où le recours à des travailleurs étrangers temporaires est requis, à ce que les employeurs se dotent d’un plan pour passer éventuellement à une main-d’œuvre canadienne (Plan d’action économique 2013)Note 6. Plus récemment, le gouvernement fédéral a annoncé des révisions supplémentaires du programme, celles-ci ayant principalement comme objectif de « limiter l’accès au Programme des travailleurs étrangers temporaires » (Gouvernement du Canada 2014). Ces révisions, dont certaines ne seront introduites que graduellement sur l’espace de plusieurs années, visent principalement à restreindre le nombre d’admissions de travailleurs temporaires peu spécialisés dans des secteurs et des régions où les taux de chômage sont relativement élevés. Bien que le rapport ne précise pas de cibles, les nombreuses révisions ont toutes comme conséquence possible de stabiliser ou de réduire le nombre de travailleurs temporaires dans le futurNote 7.

Méthodologie

La population de RNP est projetée en parallèle à la population des résidents permanents. Toutefois, contrairement à la population des résidents permanents, celle des RNP n’est pas soumise en cours de projection aux risques de décéder ou d’émigrer. L’immigration n’a pas non plus d’impact sur le nombre de RNP puisque les immigrants sont par définition des résidents permanents. Quant aux naissances, comme les enfants nés sur le territoire acquièrent la citoyenneté canadienne à la naissance, et ce peu importe le statut des parents (résidents permanents, RNP ou visiteurs), la fécondité des femmes RNP n’a une incidence que sur la population projetée des résidents permanentsNote 8. En conséquence, l’accroissement de la population de RNP n’est dicté que par les soldes annuels, c’est-à-dire la différence entre le nombre de RNP entrant au pays et ceux qui en sortent. C’est pourquoi les hypothèses portant sur l’évolution de la population de RNP portent sur le solde annuel de RNP.

En plus de la taille des flux, les caractéristiques de ceux qui entrent et sortent du pays doivent être déterminées. À cet égard, une hypothèse fort simple est adoptée : il est présumé que chaque personne sortante est remplacée par une personne du même sexe, du même âge et habitant la même province ou le même territoire. La population des RNP au Canada est donc projetée comme une population stable, ne vieillissant pas et gardant toujours une structure par âge similaire, et devient même une population stationnaire, c'est-à-dire à l’effectif invariable, les années où le solde annuel projeté est nul.

Hypothèses

Les hypothèses pour les RNP sont basées sur les tendances récentes, le contexte démographique actuel ainsi que sur les orientations récentes du gouvernement du Canada. Trois hypothèses ont été développées, ce qui constitue une nouveauté par rapport aux éditions précédentes où une seule hypothèse était définie pour la composante des RNP.

L’hypothèse moyenne suggère un solde de départ du nombre de RNP correspondant au solde annuel moyen observé de 2002-2003 à 2011-2012 (figure 7.6). Le solde projeté décline ensuite de façon linéaire à partir de 2012-2013 pour atteindre zéro en 2021-2022. Ce niveau est ensuite maintenu constant jusqu’à la fin de la période. La répartition de ce solde au sein des provinces et territoires, tout comme sa composition par âge et sexe, correspondent à celles observées au cours de la période 2010 à 2012. Selon cette hypothèse, l’effectif de résidents non permanents établi au Canada atteindra 864 600 en 2021 et demeurera à ce niveau jusqu’à la fin de la projection (figure 7.7 et tableau 7.1).

Figure 7.6 Solde annuel de résidents non permanents, observé (1995-1996 à 2011-2012) et projeté (2013-2014 à 2037-2038) selon trois hypothèses, Canada, 1er juillet

Description de la figure 7.6

Figure 7.7 Nombre total de résidents non permanents, observé (1996 à 2012) et projeté (2013 à 2038) selon trois hypothèses, Canada, 1er juillet

Description de la figure 7.7

L’hypothèse forte prolonge plus avant les tendances récentes en ce qui concerne le solde des RNP et sa composition. De fait, elle suggère dans les grandes lignes un accroissement plus important du nombre de travailleurs temporaires afin de combler des besoins spécifiques sur le marché du travail. Le solde annuel de départ, plus important que dans l’hypothèse moyenne, correspond au solde annuel moyen observé de 2007-2008 à 2011-2012 (figure 7.6). Il décline aussi moins rapidement que dans l’hypothèse moyenne, atteignant zéro en 2031-2032. Ce niveau est ensuite maintenu constant jusqu’à la fin de la période. Selon cette hypothèse, l’effectif de résidents non permanents atteindra 1 144 300 en 2031 et demeurera à ce niveau jusqu’à la fin de la projection (figure 7.7).

Quant à la répartition des RNP entre les provinces et les territoires, elle tient compte de la croissance différentielle de l’effectif de RNP selon la catégorie d’admission et de leur répartition inégale sur le territoire canadien, telle que notée précédemment. La méthode consiste à projeter d’abord le solde au niveau national selon la catégorie de RNP et à pondérer ensuite leur répartition géographique selon la catégorie. Ainsi, dans un premier temps, le solde au niveau national est réparti selon la catégorie de RNP selon les proportions moyennes estimées de 2010 à 2012, et qui sont ensuite extrapolées linéairement pour une période de cinq ans sur la base des variations estimées au cours des 10 dernières années. Dans un deuxième temps, les soldes par catégorie ont été répartis au sein des provinces et territoires selon les proportions moyennes observées au cours de la période 2010 à 2012 (tableau 7.1). Par rapport à l’hypothèse moyenne, la méthode accroît la proportion de travailleurs temporaires au sein des RNP (tableau 7.2), et favorise ainsi davantage les provinces de l’ouest où ils sont davantage concentrés.

Finalement, l’hypothèse faible propose simplement que le nombre de résidents non permanents et leur distribution au pays demeureront stables et identiques à ce qui a été observé en 2013. Elle reflète les révisions récentes du Programme des travailleurs temporaires susceptibles de donner lieu à une stabilisation du nombre de résidents non permanents présents au pays au cours de la projection.

Références

Castles, S. et M.J. Miller. 2009. The Age of Migration : International Population Movements in the Modern World, 4e édition, Guilford Press, 370 pages.

Citoyenneté et Immigration Canada. 2012. Faits et Chiffres 2012 : Aperçu de l’immigration – Résidents permanents et temporaires.

Citoyenneté et Immigration Canada. 2013. Rapport annuel au Parlement sur l’immigration de 2013.

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Florida, R.L. 2005. The Flight of the Creative Class : The New Global Competition for Talent, Harper Business, 326 pages.

Gouvernement du Canada. 2013. Résumé technique des résultats finaux de la négociation; Accord économique et commercial global Canada-Union européenne, http://plandaction.gc.ca, site consulté le 25 novembre 2013.

Gouvernement du Canada. 2014. Réforme globale du Programme des travailleurs étrangers temporaires : Les canadiens d’abord, WP-191-06-14F.

Martel, L., É. Caron Malenfant, J.D. Morency, A. Lebel, A. Bélanger et N. Bastien. 2011. « La population active canadienne : tendances projetées à l’horizon 2031 », L’Observateur économique canadien, n° 11-010 au catalogue de Statistique Canada.

Plan d’action économique de 2013. Emplois croissance et prospérité à long terme, par le ministre des Finances, l’honorable James M. Flaherty, C.P., Député, 21 mars 2013. www.budget.gc.ca/2013/doc/plan/budget2013-fra.pdf.

Notes

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