Section 4 : Affaires de violence familiale envers les enfants et les jeunes déclarées par la police

par Shana Conroy

La violence envers les enfants et les jeunes a de graves répercussions à court et à long terme. Ces dernières peuvent être de nature physique ou émotionnelle et toucher la santé, le développement et la survie des victimes (Agence de la santé publique du Canada, 2016). Les affaires de violence familiale envers les enfants et les jeunes dans lesquelles l’agresseur est un membre de la famille ou une personne apparentée et où la relation est censée en être une de confiance ou d’autorité peuvent avoir des conséquences particulièrement graves sur les victimes. Dans le contexte familial, les répercussions immédiates et permanentes sur les victimes peuvent comprendre le lien d’attachement insécurisant, l’autoaccusation, l’anxiété, la dissociation mentale et le retard du développement (Gendarmerie royale du Canada, 2012). La violence envers les enfants et les jeunes peut également leur faire courir un plus grand risque de développer des comportements malsains tels que la toxicomanie et les relations sexuelles non protégées (Agence de la santé publique du Canada, 2016). Ces comportements peuvent s’accentuer si le cycle de la violence se répète de génération en génération.

Bien que la question de la violence envers les enfants et les jeunes soit complexe et qu’il soit difficile d’en déterminer la portée réelle, on estime que, à l’échelle mondiale, 25 % des adultes ont subi de la violence physique durant l’enfance, tandis que 20 % des femmes et 8 % des hommes ont subi de la violence sexuelle durant l’enfance (Organisation mondiale de la Santé, 2016). La prévalence de la violence envers les enfants et les jeunes, considérée par les spécialistes comme un important problème de santé publique à l’échelle mondiale, est particulièrement difficile à mesurer, puisque les jeunes victimes ne sont peut‑être pas conscientes de ce qui leur arrive au moment où elles sont agressées, ne savent peut‑être pas vers qui se tourner pour obtenir de l’aide ou ne sont peut‑être pas en mesure de signaler elles‑mêmes la violence qu’elles subissent (Organisation des Nations Unies, 2006; Ogrodnik, 2010; Kuoppamäki, Kaariainen et Ellonen, 2011).

S’appuyant sur les données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire de 2016 et de l’Enquête sur les homicides de 2016, cette section présente de l’information sur les affaires de violence familiale commises envers les enfants et les jeunes de 17 ans ou moins et déclarées par la police. L’analyse qui suit met en relief la prévalence des infractions avec violence envers les enfants et les jeunes dans lesquelles l’auteur présumé est un membre de la famille. Ces renseignements comprennent le type d’infraction, le lien de l’auteur présumé avec la victime et l’emplacement géographique. On présente également une analyse des tendances relatives à certaines infractions avec violence commises à l’endroit des enfants et des jeunes et déclarées par la police, afin de dresser un portrait des changements au fil du temps. Pour la première fois en 2016, cette section comprend aussi une analyse des auteurs présumés de violence familiale envers les enfants et les jeunes. Les renseignements sur le sexe et l’âge des auteurs présumés de crimes violents dans la famille jettent un éclairage sur la dynamique qui sous‑tend les contextes de violence familiale.

La présente section porte sur tous les types d’infractions avec violence prévues au Code criminel qui ont été portées à l’attention de la police en 2016, lesquelles vont des menaces aux homicides, en passant par la violence physique et sexuelle. Les crimes sans violence, comme le vol et la fraude, toutes les formes de violence qui n’ont pas été corroborées par la police ainsi que la conduite qui n’est pas visée par le Code criminel ne sont pas compris dans cette section. De plus, l’analyse fondée sur les données de l’Enquête sur les homicides exclut les homicides qui n’ont pas été résolus par la police.

Afin de lutter contre la violence sexuelle envers les enfants et les jeunes, le gouvernement du Canada a adopté la Loi sur le renforcement des peines pour les prédateurs d’enfants, qui est entrée en vigueur en 2015. Cette loi renforce les peines maximales pour les infractions sexuelles contre les enfants suivantes : contacts sexuels; incitation à des contacts sexuels; exploitation sexuelle; fait de rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite; leurre d’enfants au moyen d’un ordinateur; entente ou arrangement avec quiconque pour perpétrer une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’un enfant. La peine maximale pour les infractions sexuelles envers les enfants a été portée à 14 ans, tandis que la peine maximale pour les agressions sexuelles (niveau 1) est demeurée inchangée, s’établissant à 10 ans. Les modifications apportées aux peines maximales ont eu une incidence sur les affaires comportant à la fois une agression sexuelle (niveau 1) et une infraction sexuelle à l’égard d’un enfant, l’infraction la plus grave déclarée par la police ayant pu changerNote  .

Sauf indication contraire, tous les taux indiqués dans cette section sont calculés pour 100 000 personnes. La section « Description des enquêtes » qui se trouve dans le présent rapport contient des renseignements sur les sources de données et les méthodes d’enquête ainsi que des définitions.

Trois enfants et jeunes sur dix victimes de crimes violents déclarés par la police ont été agressés par un membre de la famille

Début de l’encadré

Encadré 1
La violence subie durant l’enfance autodéclarée

Bien que cette section contienne des renseignements contextuels importants sur la fréquence de la violence familiale, il se peut qu’elle présente un portrait sous‑estimé de la véritable ampleur des infractions commises envers les enfants et les jeunes au Canada, puisque les données policières présentées ici ne comprennent que les infractions avec violence qui ont été portées à l’attention de la police et qui sont visées par le Code criminel.

Une autre importante source d’information sur la criminalité au Canada est l’Enquête sociale générale (ESG) sur la sécurité des Canadiens (victimisation). L’ESG sur la victimisation permet de recueillir des renseignements autodéclarés par les répondants de 15 ans et plus au sujet de leurs expériences de victimisation, que les incidents aient été signalés à la police ou non. En 2014, des questions rétrospectives liées à la violence pendant l’enfance — c’est‑à‑dire la violence physique et/ou la violence sexuelle subie avant l’âge de 15 ans et perpétrée par un adulte de 18 ans et plus — ont été incluses pour la première fois dans le questionnaire de l’ESG sur la victimisation.

Les résultats montrent que près du tiers (30 %) des Canadiens de 15 ans et plus ont subi une forme quelconque de violence étant enfants; plus précisément, 26 % ont été victimes de violence physique, et 8 %, de violence sexuelle. La violence physique faisait plus souvent des victimes de sexe masculin (31 %) que de sexe féminin (22 %), alors que la violence sexuelle touchait plus fréquemment des personnes de sexe féminin (12 %) que de sexe masculin (4 %). Les victimes ont été interviewées sur l’incident le plus grave de violence qu’elles ont subi : la violence physique était perpétrée le plus souvent par un parent (61 %), et la violence sexuelle, par une personne ne faisant pas partie de la famille (61 %).

La grande majorité (93 %) des victimes n’ont pas parlé de la violence avec les autorités — comme la police ou les services de protection de l’enfance — avant d’avoir 15 ans. En outre, 2 victimes sur 3 (67 %) ont déclaré n’avoir parlé de leur victimisation à personne d’autre, y compris une source informelle de soutien comme un membre de la famille, un ami, un enseignant ou un médecin (Burczycka et Conroy, 2017).

Comme les incidents ne viennent pas tous à l’attention de la police, les données autodéclarées de l’ESG sur la victimisation apportent un éclairage sur la nature et l’étendue de la criminalité au Canada. Toutefois, dans le cadre de l’ESG sur la victimisation, on ne recueille pas de renseignements auprès des Canadiens de moins de 15 ans, et on recueille seulement des renseignements limités sur l’auteur présumé. De plus, les renseignements autodéclarés sur les expériences vécues durant l’enfance sont de nature rétrospective et sont donc susceptibles d’erreur de mémoire. Pour ces raisons, il vaut mieux utiliser les données autodéclarées et les données déclarées par la police comme des sources d’information complémentaires, plutôt que mutuellement exclusives, sur la criminalité et la victimisation au CanadaNote  .

Fin de l’encadré

Le taux d’infractions sexuelles commises par un membre de la famille et déclarées par la police est plus de quatre fois plus élevé chez les filles que chez les garçons

Selon les données policières, Trois‑Rivières et Saguenay enregistrent les taux les plus élevés de violence familiale commise envers les enfants et les jeunes, alors qu’Ottawa affiche le plus faible taux

On observe une diminution de la plupart des types de voies de fait et d’agressions sexuelles perpétrées contre les enfants et les jeunes par un membre de la famille et déclarées par la police

Les deux tiers des auteurs présumés d’homicide dans la famille contre les enfants et les jeunes sont de sexe masculin

Tableaux de données détaillés

Tableau 4.1 Victimes d’un crime violent déclaré par la police, selon le groupe d’âge de la victime et le type d’infraction, Canada, 2016

Tableau 4.2 Enfants et jeunes de 0 à 17 ans qui ont été victimes de violence familiale, affaires déclarées par la police, selon le groupe d’âge de la victime et le lien de l’auteur présumé avec celle‑ci, Canada, 2016

Tableau 4.3 Enfants et jeunes de 0 à 17 ans qui ont été victimes de violence familiale, affaires déclarées par la police, selon le sexe et l’âge de la victime, Canada, 2016

Tableau 4.4 Enfants et jeunes de 0 à 17 ans qui ont été victimes de violence familiale, affaires déclarées par la police, selon le sexe de la victime et l’état de classement des affaires, Canada, 2016

Tableau 4.5 Enfants et jeunes de 0 à 17 ans qui ont été victimes de violence familiale, affaires déclarées par la police, selon le sexe de la victime et le type d’infraction, Canada, 2016

Tableau 4.6 Enfants et jeunes de 0 à 17 ans qui ont été victimes d’un homicide dans la famille, selon le groupe d’âge de la victime et la cause du décès, Canada, 2006 à 2016

Tableau 4.7 Enfants et jeunes de 0 à 17 ans qui ont été victimes d’un homicide dans la famille, selon le groupe d’âge de la victime et le type de mobile, Canada, 2006 à 2016

Tableau 4.8 Enfants et jeunes de 0 à 17 ans qui ont été victimes de violence familiale, affaires déclarées par la police, selon le sexe de la victime et la province ou le territoire, 2016

Tableau 4.9 Enfants et jeunes de 0 à 17 ans qui ont été victimes de violence familiale, affaires déclarées par la police, selon le sexe de la victime et la région métropolitaine de recensement, 2016

Tableau 4.10 Enfants et jeunes de 0 à 17 ans qui ont été victimes de certaines infractions avec violence dans la famille, affaires déclarées par la police, selon le sexe de la victime et le type d’infraction, Canada, 2009 à 2016

Tableau 4.11 Auteurs présumés de violence familiale envers les enfants et les jeunes de 0 à 17 ans, affaires déclarées par la police, selon le sexe de l’auteur présumé et le lien de celui‑ci avec la victime, Canada, 2016

Tableau 4.12 Auteurs présumés de violence familiale envers les enfants et les jeunes de 0 à 17 ans, affaires déclarées par la police, selon le groupe d’âge et le sexe de l’auteur présumé et selon l’état de classement des affaires, Canada, 2016

Tableau 4.13 Auteurs présumés d’homicides commis dans la famille sur des enfants et des jeunes de 0 à 17 ans, selon le groupe d’âge et le sexe de l’auteur présumé et selon le type de mobile, Canada, 2006 à 2016

Références

AGENCE DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU CANADA. 2016. Rapport de l’administrateur en chef de la santé publique sur l’état de la santé publique au Canada 2016 : Regard sur la violence familiale au Canada, ISSN no 1924‑7087.

BURCZYCKA, Marta, et Shana CONROY. 2017. « La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2015 », Juristat, produit no 85‑002‑X au catalogue de Statistique Canada.

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA. 2012. « Les effets de la violence familiale sur les enfants — Où est‑ce que ça fait mal? », ISBN no 978‑1‑100‑54296‑6.

KEIGHLEY, Kathryn. 2017. « Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2016 », Juristat, produit no 85‑002‑X au catalogue de Statistique Canada.

KUOPPAMÄKI, Sanna‑Mari, Juha KAARIAINEN et Noora ELLONEN. 2011. « Physical violence against children reported to the police: Discrepancies between register‑based data and child victim survey », Violence and Victims, vol. 26, no 2, p. 257 à 268.

OGRODNIK, Lucie. 2010. Les enfants et les jeunes victimes de crimes violents déclarés par la police, 2008, produit no 85F0033M au catalogue de Statistique Canada, « Série de profils du Centre canadien de la statistique juridique », no 23.

ORGANISATION DES NATIONS UNIES. 2006. Rapport mondial sur la violence à l’encontre des enfants, Genève, Services d’édition des Nations Unies.

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ. 2016. « La maltraitance des enfants », Aide‑mémoire no 150 (site consulté le 5 octobre 2017).

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