Rapports sur la santé
Hospitalisations en soins de courte durée chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis : résultats des Cohortes santé et environnement des recensements du Canada de 2006 et de 2011

par Evelyne Bougie

Date de diffusion : le 21 juillet 2021

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202100700002-fra

Au Canada, il existe des disparités persistantes dans les résultats en matière de santé entre les populations autochtones et non autochtonesNote 1Note 2Note 3Note 4Note 5Note 6Note 7Note 8Note 9Note 10Note 11. Les raisons expliquant ces disparités sont complexes. On reconnaît que les effets continus de la colonisation, du racisme et des traumatismes intergénérationnels sur les peuples autochtones ainsi que leur plus grand désavantage en ce qui a trait à de nombreux déterminants sociaux de la santé par rapport à la population non autochtone, ont contribué à leurs moins bons résultats en matière de santéNote 12Note 13Note 14Note 15Note 16.

Il est nécessaire de cerner et d’éliminer ces disparités en matière de santéNote 1 en suivant leur évolution dans le temps. La présente étude traite des hospitalisations en soins de courte durée chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis au Canada. Les soins hospitaliers de courte durée aux patients hospitalisés sont un élément important des services de santé au Canada, car ils permettent d’apporter un traitement à une maladie ou à un épisode de maladie grave pendant une courte période. Même si les données sur les hospitalisations en soins de courte durée sont influencées par de nombreux facteurs autres que l’état de santé, notamment la disponibilité des soins, l’accessibilité d’ordre physique et financier, les décisions administratives et la spécialisation de l’hôpitalNote 2, elles jettent un éclairage précieux sur la santé d’une population. Elles indiquent également les maladies, les troubles et les problèmes de santé qui sont à l’origine de la plus forte demande de soins de santé.

La production de taux d’hospitalisation en soins de courte durée au sein de la population autochtone au Canada pose des défis méthodologiques, puisque les bases de données administratives des hôpitaux ne contiennent généralement aucun renseignement pouvant révéler si un patient s’est identifié comme Autochtone. En 2016, les taux nationaux d’hospitalisation (les deux sexes combinés, à l’exclusion du Québec) ont été publiés pour la première fois pour les membres des Premières Nations vivant dans une réserve et hors réserve, les Métis et les Inuits vivant dans l’Inuit Nunangat, à l’aide du questionnaire détaillé du Recensement de 2006 couplé à trois ans de données de la Base de données sur les congés des patients (BDCP)Note 17. Le couplage des dossiers des hôpitaux à ceux des recensements permet d’examiner les taux d’hospitalisation selon l’identité autochtone déclarée dans le recensement. Depuis ce temps, les méthodes utilisées à Statistique Canada pour créer des données couplées se sont améliorées grâce à l’élaboration d’une série d’ensembles de données, que l’on a appelée « Cohortes santé et environnement du recensement canadien (CSERCan) ». Les CSERCan sont une série d’ensembles de données couplées de manière probabiliste qui sont fondés sur la population et qui combinent les données de personnes ayant répondu au questionnaire détaillé du recensement ou à l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011 avec des données administratives sur la santé. Les CSERCan ont été créées à l’aide d’une méthode cohérente de couplage d’enregistrements appliquée aux cohortes actuelles et antérieures en fonction du questionnaire détaillé du recensement et de l’ENM afin de rendre possible leur comparaison au fil du temps.

L’objectif de la présente étude était d’utiliser une approche normalisée dans deux CSERCan (2006 et 2011) pour estimer les taux d’hospitalisation selon le sexe au Canada (à l’exclusion du Québec) chez les membres des Premières Nations vivant dans une réserve et hors réserve, les Inuits vivant dans l’Inuit Nunangat (sauf le Nunavik) et les Métis. Les questions de recherche suivantes ont été abordées : 1) Comment les principales causes d’hospitalisation et les taux de la cohorte de 2006 se comparent-ils à ceux de la cohorte de 2011? 2) Comment les principales causes d’hospitalisation et les taux diffèrent-ils entre les femmes et les hommes et selon le groupe autochtone? 3) Quels sont les écarts les plus importants observés dans les taux d’hospitalisation entre les femmes et les hommes autochtones et non autochtones?

Méthodologie

Sources des données

La présente étude est fondée sur les CSERCan de 2006 et de 2011Note 18. Les ensembles de données des CSERCan ont été créés à l’aide de l’Environnement de couplage de données sociales (ECDS), qui facilite la création de fichiers de données couplés sur la population à l’aide du Dépôt d’enregistrements dérivés (DED). Le DED est une base de données relationnelle dynamique qui renferme uniquement des identificateurs personnels de base. Le couplage probabiliste des enregistrements du recensement et de l’ENM admissibles avec ceux du DED a permis de créer les CSERCan de 2006 et de 2011 dans l’ECDS. Une fois les données des CSERCan couplées à celles du DED, on a couplé des données administratives (déjà couplées à celles du DED) aux ensembles de données des CSERCan. Les taux de couplage pour les années applicables de la BDCP au DED variaient de 92,7 % à 95,8 %Note 18.

Pour la présente étude, les données du questionnaire détaillé du Recensement de 2006 ont été couplées aux enregistrements de la BDCP comportant des dates d’admission allant du 15 mai 2006 au 14 mai 2011. Les données de l’ENM de 2011 ont été couplées aux enregistrements de la BDCP comportant des dates d’admission allant du 10 mai 2011 au 9 mai 2016. Le regroupement des dossiers d’hospitalisation durant les cinq années de suivi permet de réduire l’écart qui peut être observé lorsque les données sont présentes en petit nombre. Un couplage des données du Recensement de 2016 à cinq ans d’enregistrements de la BDCP (de 2016-2017 à 2020-2021) n’était pas possible au moment où l’analyse a été faite.

Seules la population non institutionnelle et les personnes dénombrées dans le recensement ou l’ENM pouvaient être incluses dans la CSERCan. Étant donné que l’ENM a exclu les résidents des logements collectifs, la CSERCan de 2006 a également exclu les logements collectifs pour assurer la comparabilité avec les données de la CSERCan de 2011. Les logements collectifs comprennent les maisons de chambres et pensions, les hôtels, motels et établissements pour touristes, les maisons de soins infirmiers, les hôpitaux, les résidences pour le personnel, les casernes, les camps de chantier, les prisons, les centres d’accueil et les foyers collectifs.

Chaque année, la BDCP compile environ 3 millions de dossiers d’hospitalisation de tous les établissements de soins de courte durée et de certains établissements de soins psychiatriques, de soins aux malades chroniques, de réadaptation et de chirurgie d’un jour, dans toutes les provinces, à l’exclusion du Québec, et tous les territoiresNote 19. L’Institut canadien d’information sur la santé fournit les données chaque année à Statistique Canada. Le Québec ne soumet pas de données à la BDCP. En raison de cette exclusion, les personnes vivant au Québec (y compris les Inuits vivant au Nunavik), de même que les hospitalisations au Québec de résidents d’autres provinces ne sont pas représentées dans la présente étude. De plus, depuis 2005, les hospitalisations pour des raisons de santé mentale en Ontario ne sont pas incluses dans la BDCP, mais le sont plutôt dans le Système d’information ontarien sur la santé mentale. Par conséquent, les hospitalisations en soins de courte durée pour troubles mentaux en Ontario sont sous-déclarées dans la BDCP.

Identité autochtone

Les répondants ont été classés selon l’identité autochtone qu’ils ont déclarée dans le questionnaire détaillé du Recensement de 2006 et dans l’ENM de 2011 (veuillez prendre note que ces sources de données utilisaient le terme « Autochtone »). Les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont été définis par des réponses uniques à la question sur l’identité autochtone. Les personnes qui ont déclaré plusieurs identités autochtones — à savoir une faible proportion de la population totale d’identité autochtone (p. ex. moins de 1 % dans l’ENM de 2011) — n’ont pas été classées dans une catégorie distincte et ont été exclues. La population non autochtone a été définie comme étant composée de personnes qui n’ont pas déclaré être des Premières Nations, Métis ou Inuits dans la question sur l’identité autochtone, qui n’ont pas déclaré être des Indiens inscrits ou avoir le statut d’Indien inscrit et qui n’ont pas déclaré être membres d’une Première nation ou d’une bande indienne.

Lieu de résidence

Le lieu de résidence des répondants, déclaré le jour du Recensement ou le jour de l’ENM, a été utilisé pour déterminer les Inuits vivant dans l’Inuit Nunangat et les Premières Nations vivant dans les réserves.L’utilisation du lieu de résidence le jour du Recensement ou le jour de l’ENM, par opposition à l’utilisation de l’emplacement provincial ou territorial de l’hôpital qui a soumis un dossier de congé donné, a permis de coupler les hospitalisations survenues dans une province ou un territoire différent de la province ou du territoire de résidence à déclarer au moment du recensement ou de l’ENM. Fait à noter, le lieu de résidence des répondants peut avoir changé au cours de la période visée par l’étude et cela n’a pas été pris en compte dans la présente étude.

L’Inuit Nunangat est la patrie des Inuits au Canada et comprend les collectivités situées dans les quatre régions inuites : Nunatsiavut (la côte nord du Labrador), Nunavik (Nord du Québec), le territoire du Nunavut et la région Inuvialuite des Territoires du Nord-Ouest. La majorité (près des trois quarts) des Inuits au Canada résident dans l’Inuit Nunangat. Il convient de mentionner qu’étant donné que le Québec ne soumet pas de données à la BDCP, les Inuits vivant au Nunavik n’étaient pas représentés dans la présente étude.

La population vivant dans les réserves a été calculée à l’aide des normes du recensement et de l’ENM selon les critères établis par le ministère des Services aux Autochtones CanadaNote 20Note 21. Le mot « Réserve » comprend différents genres de subdivisions de recensement (SDR) légalement affiliées aux Premières Nations ou bandes indiennes. Lors du Recensement de 2006, 22 réserves et établissements indiens ont été partiellement dénombrés, alors que 18 l’ont été dans le cadre de l’ENM de 2011Note 22. Pour permettre des comparaisons entre les deux CSERCan, dans la présente étude, seules les SDR qui étaient considérées comme étant « dans une réserve » en 2006 et en 2011 ont été classées dans la catégorie « Réserves ».En 2006, les SDR situées dans les réserves étaient au nombre de 883; en 2011, on en comptait 802; l’étude comprend 716 SDR dans les réserves qui ont été considérées comme telles au cours des deux années étudiées. Environ 11 % de la population à l’étude dans les réserves en 2006 et 6 % en 2011 ont été exclus par suite de cette restriction.

Causes d’hospitalisation

Chaque dossier de congé du patient comprend jusqu’à 25 diagnostics et 20 codes d’intervention. Les causes d’hospitalisation en soins de courte durée dans la BDCP étaient fondées sur le diagnostic principal (DxP), c’est-à-dire le premier code de diagnostic qui indique le problème le plus important ayant été diagnostiqué ou le problème pour lequel la durée du séjour a été la plus longue. Les causes ont été codées en fonction de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, dixième révision (Canada; CIM-10-CA)Note 23. Pour chacun des DxP, les trois premiers caractères ont servi à classer les hospitalisations selon les codes de chapitre. Les codes et les noms complets des chapitres de diagnostic sont indiqués à l’annexe A, et des formes plus courtes seront utilisées dans le texte. Les personnes pouvaient être représentées plus d’une fois si elles avaient été hospitalisées à de nombreuses reprises pendant la période de suivi. Les taux enregistrés pour un chapitre de diagnostic donné représentent donc le nombre d’hospitalisations, pas le nombre de personnes. Fait à noter, toute hospitalisation dont le DxP correspond au chapitre 15 (grossesse, accouchement et puerpéralité) indique qu’il y a eu des difficultés.

Techniques d’analyse

Des statistiques descriptives ont été produites. Des THNA pour 100 000 habitants et des intervalles de confiance (IC) de 95 % ont été calculés pour chaque groupe autochtone et la population non autochtone, séparément pour les femmes et pour les hommes. La méthode directe a été utilisée pour la normalisation selon l’âge, sur la base de la structure par âge de la population autochtone d’après la CSERCan de 2011 (les deux sexes combinés, à l’exclusion du Québec). Les groupes d’âge étaient les suivants : 0 à 9 ans, 10 à 19 ans, 20 à 29 ans, 30 à 39 ans, 40 à 49 ans et 50 ans et plus. La période de suivi a été censurée au moment du décès pour les personnes dont on sait qu’elles étaient décédées.

Les THNA des cohortes de 2006 et de 2011 ont été comparés au moyen d’un calcul de différence de taux et ont été considérés comme significativement différents si leurs IC ne se chevauchaient pas. Les RT et leurs IC de 95 % ont été calculés pour comparer les THNA de la population autochtone avec ceux de la population non autochtone. Un RT est dit significatif si son IC ne comprend pas la valeur nulle.

Des poids d’échantillonnage ont été appliqués pour rendre les cohortes représentatives de la population cible et pour réduire le biais attribuable aux appariements manqués. Des poids de rééchantillonnage bootstrap ont servi à évaluer les erreurs-types appropriées et les IC à 95 %. Les règles de la CSERCan ont été appliquées pour empêcher la divulgation et les risques de divulgation résiduelle de tout renseignement confidentiel fourni à Statistique Canada soit par les répondants à l’enquête, soit par l’entremise de données administratives.

Résultats

La CSERCan de 2006 (annexe B) se composait au total de 190 465 membres des Premières Nations vivant dans les réserves (représentant 144 300 hospitalisations), 71 755 membres des Premières Nations vivant hors réserve (37 860 hospitalisations), 25 795 Inuits vivant dans l’Inuit Nunangat (sauf le Nunavik) (13 035 hospitalisations), 75 535 Métis (35 850 hospitalisations) et 4 040 690 non-Autochtones (1 511 250 hospitalisations).

La CSERCan de 2011 (annexe C) se composait au total de 193 795 membres des Premières Nations vivant dans les réserves (représentant 136 215 hospitalisations), 89 785 membres des Premières Nations vivant hors réserve (41 780 hospitalisations), 22 620 Inuits vivant dans l’Inuit Nunangat (sauf le Nunavik) (11 520 hospitalisations), 80 275 Métis (34 370 hospitalisations) et 4 492 415 non-Autochtones (1 613 000 hospitalisations).

Les THNA, les RT et les différences de taux pour les deux cohortes sont présentés séparément pour les femmes (tableau 1) et les hommes (tableau 2).

Hospitalisations toutes causes confondues

Les THNA pour les hospitalisations toutes causes confondues étaient constamment et considérablement (aucun chevauchement entre l’IC) plus élevés chez les Autochtones que chez les non-Autochtones, une tendance qui a été observée tant chez les femmes que chez les hommes des CSERCan de 2006 et de 2011 (figure 1). Les RT les plus élevés pour les THNA toutes causes confondues ont été enregistrés chez les femmes et les hommes des Premières Nations vivant dans les réserves des deux cohortes. Par exemple, dans la cohorte de 2011, le THNA des femmes des Premières Nations vivant dans les réserves était 2,7 fois plus élevé que celui des femmes non autochtones (17 523 contre 6 539 pour 100 000 habitants), et le THNA des hommes des Premières Nations vivant dans les réserves était 2,4 fois plus élevé que celui des hommes non autochtones (10 840 contre 4 491 pour 100 000 habitants). Les RT chez les femmes et les hommes des Premières Nations vivant hors réserve dans la cohorte de 2011 étaient de 1,7 et de 1,5, respectivement, chez les femmes et les hommes inuits, de 2,1 et de 1,6 et chez les femmes et les hommes métis, de 1,4 et de 1,3.

Les différences de taux indiquaient que les THNA toutes causes confondues étaient généralement plus faibles dans la cohorte de 2011 par rapport à la cohorte de 2006, pour les femmes et les hommes tant autochtones que non autochtones. Les IC se chevauchaient pour les femmes et les hommes inuits et pour les hommes des Premières Nations vivant hors réserve, mais les tendances allaient dans le même sens. Les femmes et les hommes des Premières Nations vivant dans les réserves ont affiché la plus forte baisse des THNA toutes causes confondues de 2006 à 2011. Les RT (aucun chevauchement des IC) ont considérablement diminué au fil du temps pour les femmes des Premières Nations vivant dans les réserves et hors réserve.

Premières Nations vivant dans les réserves

Chez les femmes, les trois principales causes d’hospitalisation étaient la grossesse, les causes d’origine digestive et les blessures dans la cohorte de 2011 et la grossesse, les causes d’origine digestive et les causes d’origine respiratoire dans la cohorte de 2006 (figure 2). Certains THNA propres à une cause ont considérablement diminué de 2006 à 2011; ce fut notamment le cas pour les hospitalisations liées à la grossesse, aux causes d’origine digestive, d’origine respiratoire, d’origine circulatoire, d’origine endocrinienne, d’origine musculosquelettique et aux blessures. Les femmes des Premières Nations vivant dans les réserves présentaient les plus grandes disparités par rapport aux femmes non autochtones dans la plupart des chapitres de la CIM-10-CA au sein des cohortes de 2006 et de 2011 (figure 3). Dans la cohorte de 2011, les RT les plus élevés concernaient les hospitalisations liées à des causes d’origine endocrinienne (RT = 4,0), des causes d’origine respiratoire (RT = 3,7), à la santé mentale (RT = 3,4), aux blessures (RT = 3,3), aux causes d’origine digestive (RT = 3,0), aux causes d’origine génito-urinaire (RT=2,6), à la grossesse (RT = 2,4) et aux causes d’origine circulatoire (RT = 2,1).

Chez les hommes, les trois principales causes d’hospitalisation étaient les blessures, les causes d’origine digestive et les causes d’origine respiratoire dans les cohortes de 2011 et de 2006. Les THNA ont considérablement diminué de 2006 à 2011 pour les causes d’origine respiratoire, les causes d’origine digestive, les causes d’origine circulatoire et les blessures. Dans la cohorte de 2011, les chapitres de la CIM-10-CA qui présentaient les plus grandes disparités avec les hommes non autochtones étaient les causes d’origine endocrinienne (RT = 5,2), la santé mentale (RT = 4,1), les blessures (RT = 3,1), les causes d’origine respiratoire (RT = 2,6) et les causes d’origine digestive (RT = 2,3).

Les THNA ont augmenté de façon importante de 2006 à 2011 pour les hospitalisations liées à la santé mentale chez les femmes et les hommes des Premières Nations vivant dans les réserves.

Premières Nations vivant hors réserve

Chez les femmes vivant hors réserve, les trois principales causes d’hospitalisation étaient la grossesse, les causes d’origine digestive et les blessures dans la cohorte de 2011 et la grossesse, les causes d’origine digestive et les causes d’origine respiratoire dans la cohorte de 2006. Les THNA ont considérablement diminué de 2006 à 2011 pour la grossesse et les causes d’origine digestive. Dans la cohorte de 2011, les causes qui présentaient les plus grandes disparités par rapport aux femmes non autochtones étaient la santé mentale (RT = 3,0), les causes d’origine endocrinienne (RT = 2,3), les causes d’origine respiratoire (RT = 2,1), les blessures (RT = 2,0) et les causes d’origine digestive (RT = 1,9).

Chez les hommes, les trois principales causes d’hospitalisation étaient les blessures, les causes d’origine digestive et les causes d’origine circulatoire dans les deux cohortes, quoique dans un ordre différent. Les THNA ont considérablement diminué de 2006 à 2011 pour les causes d’origine respiratoire. Les causes d’hospitalisation comportant les RT les plus élevés dans la cohorte de 2011 étaient la santé mentale (RT = 2,8) et les causes d’origine endocrinienne (RT = 2,3).

Inuits vivant dans l’Inuit Nunangat (sauf le Nunavik)

Chez les femmes inuites, les trois principales causes d’hospitalisation étaient la grossesse, les causes d’origine respiratoire et les causes d’origine digestive dans les deux cohortes. Tous les IC pour les THNA propres à une cause se chevauchaient pour les femmes inuites, mais les tendances allaient généralement dans le même sens (à la baisse) de 2006 à 2011. Dans la cohorte de 2011, les causes qui présentaient les plus grandes disparités par rapport aux femmes non autochtones étaient les causes d’origine respiratoire (RT = 3,6), les blessures (RT = 2,3), la santé mentale (RT = 2,2) et les causes d’origine digestive (RT= 2,1).

Chez les hommes, les trois principales causes d’hospitalisation étaient les blessures, les causes d’origine digestive et les causes d’origine respiratoire dans les deux cohortes, quoique dans un ordre différent. Tous les IC pour les THNA propres à une cause se chevauchaient pour les hommes inuits, mais les tendances allaient généralement dans le même sens (à la baisse) de 2006 à 2011. Dans la cohorte de 2011, les causes qui présentaient les plus grandes disparités par rapport aux hommes non autochtones étaient la santé mentale (RT =3,1), les blessures (RT = 2,1) et les causes d’origine respiratoire (RT = 1,9).

Métis

Chez les femmes métisses, les trois principales causes d’hospitalisation étaient la grossesse, les causes d’origine digestive et les blessures dans la cohorte de 2011 et la grossesse, les causes d’origine digestive et les causes d’origine respiratoire dans la cohorte de 2006. Les THNA ont considérablement diminué de 2006 à 2011 pour les hospitalisations liées à la grossesse, aux causes d’origine digestive et aux causes d’origine respiratoire. Les causes d’hospitalisation comportant les RT les plus élevés dans la cohorte de 2011 étaient les causes d’origine endocrinienne et la santé mentale (les deux RT = 1,9).

Chez les hommes, les trois principales causes d’hospitalisation étaient les causes d’origine circulatoire, les causes d’origine digestive et les blessures dans les deux cohortes, quoique dans un ordre différent. Tous les IC pour les THNA propres à une cause se chevauchaient pour les hommes inuits, mais les tendances allaient généralement dans le même sens (à la baisse) de 2006 à 2011. Les causes d’hospitalisation comportant les RT les plus élevés dans la cohorte de 2011 étaient la santé mentale (RT = 2,0) et les causes d’origine endocrinienne (RT = 1,9).

Discussion

Dans l’ensemble, les THNA étaient plus élevés chez les membres des Premières Nations, les Inuits vivant dans l’Inuit Nunangat et les Métis comparativement à la population non autochtone, une tendance qui a été observée tant chez les femmes que chez les hommes des CSERCan de 2006 et de 2011. Les plus grandes disparités avec la population non autochtone ont été observées chez les femmes et chez les hommes des Premières Nations vivant dans les réserves des deux cohortes. Ces résultats concordent avec ceux des études nationales antérieures sur les données coupléesNote 17.

La présente étude fournit une comparaison plus détaillée des deux cohortes sur deux périodes. Bien que plus de relevés à des moments différents soient nécessaires pour effectuer des tests statistiques officiels afin de dégager des tendances claires, les taux d’hospitalisation globaux étaient plus faibles dans la CSERCan de 2011 que dans la cohorte 2006, et cette tendance était observée à la fois chez les femmes et chez les hommes autochtones et non autochtones. Les femmes et les hommes des Premières Nations vivant dans les réserves ont affiché la plus forte baisse des taux d’hospitalisation toutes causes confondues de 2006 à 2011.

La présente étude a exposé les différences entre les sexes. Le classement des principales causes d’hospitalisation variait pour les femmes et les hommes, soulignant ainsi l’importance d’examiner les hospitalisations séparément selon le sexe. Chez les femmes, la principale cause d’hospitalisation pour tous les groupes, y compris les femmes non autochtones, était la grossesse, l’accouchement et la puerpéralité. Cela tient à la politique administrative, c’est-à-dire au fait que de nombreuses femmes enceintes en bonne santé sont envoyées à l’hôpital pour le processus de naissance. Cependant, les analyses au niveau du sous-chapitre des complications du travail et de l’accouchement ont donné les mêmes résultats (données non présentées). Les maladies du système digestif (chez les femmes des Premières Nations vivant dans les réserves et hors réserve et les femmes métisses) et les maladies du système respiratoire (chez les femmes inuites) étaient les deuxièmes principales causes d’hospitalisation dans les deux cohortes. Chez les hommes, la principale cause d’hospitalisation des Métis était les maladies de l’appareil circulatoire, tandis que pour les Premières Nations (vivant dans les réserves et hors réserve) et les Inuits, la principale cause était les blessures. Il n’a pas été possible dans le cadre de la présente étude d’examiner les blessures intentionnelles et non intentionnelles séparément. De futurs travaux de recherche pourraient permettre d’approfondir ce sujet, tout en fournissant un contexte important pour des questions sensibles comme celle des agressions et de l’automutilation.

En ce qui a trait aux disparités, les hospitalisations liées aux maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques présentaient les RT les plus élevés pour les femmes et les hommes des Premières Nations vivant dans les réserves, ceux-ci ayant des taux quatre et cinq fois plus élevés que pour la population non autochtone. Ces constatations s’accordent avec celles de travaux de recherche antérieursNote 17 et avec le fardeau disproportionné connu lié au diabète chez les membres des Premières Nations au CanadaNote 24Note 25Note 26Note 27. De nombreux facteurs systémiques contribuent au diabète de type 2 dans la population autochtoneNote 28. Le désavantage socioéconomique a une incidence sur les niveaux de stress et limite les choix sains en matière d’alimentation, d’activité physique ou de respect d’une ordonnance de médicamentsNote 24. Les personnes vivant dans des collectivités éloignées peuvent également ne pas avoir accès à des services de santé complets et à des renseignements sur le diabèteNote 26.

Les maladies du système respiratoire présentaient la plus grande disparité chez les femmes inuites, celles-ci affichant des taux 3,6 fois supérieurs à ceux des femmes non autochtones. Les maladies respiratoires sont l’une des causes principales de décès au sein de la population féminine de l’Inuit Nunangat, lesquelles contribuent aux différences d’espérance de vie par rapport au reste du CanadaNote 29. Les enfants inuits constituent le sous-groupe affichant certains des taux d’infection respiratoire les plus élevés au mondeNote 30. L’usage du tabac est un facteur de risque connu des maladies respiratoiresNote 31 et les taux d’usage du tabac sont élevés chez les Inuits. En 2012, 63 % des Inuits âgés de 15 ans et plus de l’Inuit Nunangat ont déclaré qu’ils fumaient des cigarettes tous les jours, comparativement à 16 % de la population totaleNote 32. D’autres facteurs environnementaux, comme le surpeuplement des ménages et une mauvaise ventilation de ces derniers, contribuent aux infections respiratoires chez les InuitsNote 33.

Les hospitalisations pour maladie mentale présentaient les plus grandes disparités chez les non-Autochtones pour les femmes et les hommes des Premières Nations vivant hors réserve, les hommes métis et les hommes inuits, les taux d’hospitalisation de ces derniers étant de deux à trois fois plus élevés. Ces constatations concordent avec celles des études antérieuresNote 17. De plus, les taux de troubles mentaux et comportementaux étaient plus élevés dans la cohorte de 2011 que dans la cohorte de 2006 pour les femmes et les hommes des Premières Nations vivant dans les réserves. Fait à noter, la BDCP sous-estime les hospitalisations pour troubles mentaux et comportementaux, car la province de l’Ontario relève d’un autre système.

Plusieurs facteurs peuvent contribuer aux taux plus élevés d’hospitalisation liée à la santé mentale observés chez les Autochtones. Les risques plus élevés de maladies mentales et de détresse psychologique causés par le traumatisme intergénérationnel sont attribuables à certains facteurs, comme les pensionnats, le déplacement forcé de communautés et le retrait forcé d’enfants de leurs famillesNote 15Note 34Note 35. Plus généralement, des taux d’hospitalisation plus élevés peuvent également refléter un accès réduit et un plus grand nombre d’obstacles à l’accès aux services de soins primaires, en particulier dans les régions éloignées, y compris l’Inuit NunangatNote 36Note 37Note 38Note 39Note 40. De plus, les peuples autochtones font l’objet de racisme et de discrimination dans le système de santéNote 41Note 42. Il n’a pas été possible, dans le cadre de la présente étude, d’étudier les raisons qui sous-tendent les différents modèles d’hospitalisation chez les Autochtones; il y aurait lieu de mener des recherches plus poussées à l’avenir pour mieux comprendre ces résultats.

D’autres travaux de recherche à venir pourraient également permettre d’étudier les profils d’hospitalisation d’autres groupes autochtones ne faisant pas partie du champ d’observation de la présente étude, comme les Inuits vivant dans des centres urbains et les personnes ayant le statut d’Indien inscrit. Enfin, étant donné que les inégalités dans les déterminants sociaux de la santé peuvent également influencer les disparités des taux d’hospitalisation, de futures études pourraient tirer profit du déploiement d’une approche fondée sur l’analyse multivariée pour mieux comprendre les relations entre les profils d’hospitalisation et les caractéristiques sociodémographiques chez les peuples autochtones.

Points forts et limites

Les ensembles de données des CSERCan comportent de nombreux points forts. Ils comblent des lacunes en matière d’information par le couplage de données administratives nationales sur la santé (qui ne comportent pas d’indicateurs ethnoculturels) aux données au niveau individuel issues du questionnaire détaillé du recensement et de l’ENM qui contiennent ces identificateurs. Par conséquent, les données administratives sur la santé peuvent être examinées en fonction de caractéristiques telles que l’identité autochtone. De plus, les CSERCan ont une grande taille d’échantillon et des périodes de suivi prolongées, ce qui permet d’examiner les résultats en matière de santé dans les populations plus petites, comme les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

Les limitations suivantes devraient être prises en compte. Les taux figurant dans la présente étude portent sur les membres couplés des CSERCan de la population non institutionnelle (ou à domicile) ayant des problèmes de santé, ayant reçu des soins dans un hôpital de soins de courte durée au cours des périodes de suivi et ayant eu un congé qui y était lié. Les tendances d’utilisation des services hospitaliers telles qu’elles sont saisies dans la BDCP ne sont pas généralisables aux tendances d’utilisation de tous les types d’hospitalisations (p. ex. les chirurgies d’un jour et les services psychiatriques).

Les résultats ne sont pas généralisables au Québec puisque les données sur les hospitalisations de la province n’étaient pas disponibles dans la BDCP. De plus, depuis 2005, les hospitalisations pour des raisons de santé mentale en Ontario ont été incluses dans le Système d’information ontarien sur la santé mentaleNote 43. Par conséquent, les hospitalisations liées à la santé mentale dans les établissements de soins de courte durée de l’Ontario et les taux d’hospitalisation pour des raisons de santé mentale figurant dans la présente étude constituent une sous-estimation.

Les résultats de l’étude ne sont pas généralisables aux populations vivant en établissements, à la population des sans-abri et aux personnes vivant dans des logements collectifs ainsi qu’aux SDR dont le statut de réserve n’était pas le même en 2006 et 2011. Les SDR et les personnes exclues de l’échantillon d’analyse pourraient avoir des répercussions inconnues sur les résultats.

Une autre limite tient au fait que la présente étude n’a pas tenu compte des transferts entre hôpitaux. Dans les collectivités éloignées, les transferts entre établissements pour le même épisode de soins peuvent être plus fréquents, ce qui peut fausser les résultats. Cependant, les transferts de soins témoignent d’une utilisation accrue des ressources des services de santé.

Il faut faire preuve de prudence lorsque l’on compare les données sur les populations autochtones qui sont tirées des cycles du recensement et de l’ENMNote 44. Les différences entre les cycles comprennent les modifications du libellé et de la présentation des questions sur l’identité autochtone autodéclarée, les modifications législatives (qui touchent des concepts comme l’identité autochtone et le statut d’Indien inscrit), les changements apportés à la définition de ce que constitue une réserve et les différences au chapitre de la méthodologie et les différences dans la liste des réserves partiellement dénombrées. De plus, il arrive pour diverses raisons que certaines personnes déclarent leur identité autochtone différemment d’une période de collecte à l’autre.

Bien que seules les données de deux périodes différentes aient été comparées, les données présentées dans le présent document servent de référence et d’autres années de données des CSERCan peuvent être ajoutées à l’analyse à mesure qu’elles deviennent disponibles.

Conclusion

Dans son appel à l’action no 19, la Commission de vérité et réconciliation (CVR) du Canada a demandé au gouvernement fédéral de publier des données et d’évaluer les tendances à long terme pour un certain nombre d’indicateurs de la santé des peuples autochtones. L’étude présente de nouvelles données normalisées sur les hospitalisations en soins de courte durée chez les Autochtones en 2006 et 2011 à l’aide d’une approche fondée sur le sexe et les distinctions. Le fardeau disproportionné des hospitalisations chez les Autochtones, en particulier celles attribuables aux maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques ainsi qu’aux troubles mentaux et du comportement, fait ressortir la nécessité de considérer toutes les admissions à l’hôpital comme une occasion importante de faire de la prévention et d’intervenir. La CVR du Canada a reconnu que les mauvais résultats en matière de santé des Autochtones au Canada sont une séquelle de la colonisation; des travaux de recherche à venir devraient poursuivre l’étude des déterminants sociaux et historiques de la santé chez les peuples autochtones.

Annexe

Références
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