Rapports sur la santé
Activité physique et comportement sédentaire quotidiens dans les catégories professionnelles chez les adultes canadiens

par Stephanie A. Prince, Karen C. Roberts, Jennifer L. Reed, Aviroop Biswas, Rachel C. Colley et Wendy Thompson

Date de diffusion : le 16 septembre 2020

DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202000900002-fra

On sait que l’activité physique (AP) régulière protège contre plusieurs maladies chroniques (p. ex. diabète, maladies cardiovasculaires, cancer) et la mortalité prématurée toutes causes confonduesNote 1Note 2. Il est également prouvé qu’un comportement sédentaire (CS) plus prononcé (comportements d’éveil en position assise, inclinée et allongéeNote 3) augmente le risque de nombreuses des mêmes maladies chroniques et de mortalité prématuréeNote 4. Les données probantes disponibles indiquent que de grandes périodes (environ 60 à 75 minutes par jour) de marche ou d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse (APMV) à des fins récréatives peuvent compenser les risques associés à une position assise prolongéeNote 5. Une grande proportion d’adultes canadiens courent un risque accru de problèmes de santé, car la majorité d’entre eux (82,5 %) ne respectent pas les directives en matière d’AP (au moins 150 minutes d’APMV par semaine à raison d’au moins 10 minutes par séance) et sont sédentaires pendant la majeure partie de la journée (9,6 heures)Note 6. Étant donné que les adultes passent une grande partie de leur journée au travail (environ 8 heures) et que les niveaux d’AP varient considérablement d’une profession à l’autreNote 7, l’AP et le CS au travail peuvent avoir une influence importante sur les niveaux globaux quotidiens d’AP et de CS. C’est particulièrement troublant, car les pays à revenu élevé comme le Canada connaissent une transition vers des professions plus sédentairesNote 8Note 9.

Des études précédentes fondées sur des mesures d’appareil ont permis de déterminer que le nombre de pas total et le nombre de pas faits durant les loisirs, l’APMV et le temps consacré à des activités sédentaires diffèrent selon la professionNote 10. On a constaté que les employés de bureau affichaient le plus petit nombre de pas, la plus faible quantité d’AP d’intensité légère, le temps le plus sédentaire, mais aussi la plus grande APMV (en grande partie attribuable au temps libre)Note 10. En revanche, les personnes qui occupent des emplois plus exigeants sur le plan physique (p. ex. les travailleurs agricoles, les nettoyeurs, les travailleurs de la construction, les nettoyeurs à sec, les fermiers, les mécaniciens de fret) sont parmi les moins sédentaires, accumulent plus de pas par jour et consacrent plus de temps à de l’AP d’intensité légère à modéréeNote 10. Bien qu’il y ait eu une augmentation du nombre d’études faisant état d’appareils de mesure de l’AP et du CS par profession, la majorité a été menée dans de plus petits échantillons non représentatifs, était axée sur un seul résultat d’AP et a négligé de décrire les différences entre les sexesNote 10. Au Canada, il existe des différences connues entre les femmes et les hommes en ce qui concerne les types de professions qu’ils exercentNote 11, leurs rôles d’aidants naturels en dehors des heures de travailNote 11et leur AP professionnelle et pendant les loisirsNote 12. À la connaissance des chercheurs, aucune étude n’a examiné les mesures de l’AP et du CS prises par appareil avec les mesures autodéclarées propres à la profession pour les travailleurs canadiens à temps plein.

Steeves et al.(2018) ont récemment décrit les niveaux d’AP et du CS mesurés par accéléromètre dans l’ensemble des groupes professionnels aux États-Unis à l’aide des données du National Health and Nutrition Examination Survey 2005-2006Note 13. Il s’agissait d’une mise à jour de leurs travaux antérieursNote 14 et il s’agit de l’un des seuls examens de grande envergure et représentatifs des niveaux d’AP mesurés par appareils dans l’ensemble des groupes professionnels. Ils ont condensé 22 groupes professionnels en trois catégories d’AP professionnelle en fonction du nombre total de mouvements liés à l’activité, de l’APMV et du temps consacré à des activités sédentaires mesuré au moyen d’accéléromètres. Ils ont constaté un lien étroit entre la catégorie professionnelle et les niveaux quotidiens d’AP et de CS. Les travailleurs du groupe à activité élevée exerçaient davantage d’APMV et faisaient plus de pas que ceux des groupes à activité moyenne et faible. Steeves et al. ont également constaté que le groupe professionnel à activité élevée comptait plus d’hommes, de personnes sans diplôme d’études secondaires et de personnes à faible revenuNote 13.

La présente étude visait à appliquer et à exploiter les méthodes utilisées par Steeves et al. (2018)Note 13 pour caractériser les niveaux d’activité des travailleurs canadiens dans les 10 groupes professionnels qui représentaient le niveau et le type de compétence, à l’aide des données combinées de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS), représentative à l’échelle nationale. L’étude a permis d’examiner l’hypothèse selon laquelle l’AP et le CS seraient différents dans ces 10 catégories professionnelles; que les travailleurs et les travailleuses de la même catégorie professionnelle exerceraient des niveaux différents d’AP et de CS; que les caractéristiques sociodémographiques, les caractéristiques cliniques et l’AP et le CS autodéclarés seraient différents dans l’ensemble des catégories professionnelles en fonction des groupes d’activité mesurés par appareil.

Les objectifs de l’étude étaient les suivants : décrire l’AP et le CS quotidiens mesurés par accéléromètre dans 10 catégories professionnelles; caractériser les professions en trois groupes d’activité (c.-à-d. faible, moyenne, élevée) en fonction de l’AP et du CS mesurés par accéléromètre; examiner les différences entre les sexes en matière d’AP et de CS dans les 10 catégories professionnelles; examiner les différences de caractéristiques sociodémographiques et cliniques (p. ex. l’âge, le sexe, le niveau de scolarité, l’état matrimonial, le statut d’immigrant, l’usage du tabac, les maladies chroniques, l’indice de masse corporelle [IMC]) connues pour influencer l’activité et la catégorie professionnelle et la situation entre les groupes d’activité.

Méthodes

Source des données

La présente étude a combiné les données des cycles 3, 4 et 5 (2012 à 2013, 2014 à 2015, 2016 à 2017) de l’ECMS. L’ECMS est une enquête transversale continue menée par Statistique Canada qui permet de recueillir des données autodéclarées et mesurées directement sur la santé à partir d’un échantillon représentatif des membres de ménages canadiens âgés de 3 à 79 ans vivant dans les provinces. L’étude comprend des données sur les adultes (18 ans et plus) qui ont déclaré travailler à temps plein (30 heures et plus par semaineNote 15) au moment de l’enquête. Les cycles 1 et 2 n’ont pas été inclus parce qu’ils reposaient sur un système de classification des professions non comparable. La classification des groupes d’activité était fondée sur 4 080 répondants ayant des données accélérométriques valides des cycles 3 à 5 combinés. L’analyse des données autodéclarées sur l’AP, le CS et les caractéristiques sociodémographiques et cliniques dans l’ensemble des groupes d’activité professionnelle (voir ci-dessous) a été effectuée auprès de 3 698 répondants et reposait sur des données complètes autodéclarées sur l’AP et le CS tirées des cycles 4 et 5 de l’enquête auprès des ménages de l’ECMS.

Catégories professionnelles

Les répondants ont été regroupés en catégories professionnelles selon les codes de la Classification nationale des professions (CNP) de 2011Note 16 pour les cycles 3 et 4, et les codes de la CNP 2016, version 1.1Note 17, pour le cycle 5. Les catégories de la CNP ont été élaborées par Statistique Canada et Emploi et Développement social Canada et constituent la taxonomie et le cadre organisationnel reconnus à l’échelle nationale des professions sur le marché du travail canadienNote 18. La CNP classe les renseignements sur les professions fournis par les répondants et regroupe les professions selon le type de travail habituellement effectuéNote 18. « Une profession se définit comme un ensemble d’emplois suffisamment analogues sur le plan du travail exécutéNote 18.» De plus, 10 grandes catégories professionnelles ont été utilisées, selon le niveau de compétences et le genre de compétences. Bien que la CNP 2016 ait été mise à jour à partir de la CNP 2011, Statistique Canada a mis au point une variante pour assurer la comparabilité entre les cycles de l’ECMS. Le tableau 1 énumère les 10 grandes catégories professionnelles de la CNP 2011 et leurs principaux groupes professionnels.

Activité physique et temps consacré à des activités sédentaires mesurés par accéléromètre

Dans l’ECMS, l’AP et le temps consacré à des activités sédentaires sont évalués à l’aide d’accéléromètres Actical (Philips Respironics, Oregon, États-Unis). On a demandé aux répondants qui ont participé à une visite à la clinique de porter l’accéléromètre à leur hanche droite au moyen d’une ceinture élastique pendant les heures d’éveil pendant sept jours consécutifs. Pour cette étude, les répondants devaient disposer d’au moins quatre jours de données valides, c’est-à-dire des jours d’au moins 10 heures de port. Les seuils d’intensité des mouvements validés précédemment à l’aide de l’ECMS de 2007 à 2009Note 19Note 20 ont été appliqués aux données pour calculer le temps consacré à des activités sédentaires (moins de 100 mouvements par minute [MPM]) et le temps consacré à de l’AP d’intensité légère (APIL; 100 à < 1 535 MPM) et à l’APMV (⋝ 535 MPM)Note 21. Les données accélérométriques fournissent également le nombre total de mouvements brut (MPM) et le nombre de pas.

Les trois résultats mesurés par accéléromètre qui ont servi à calculer le résultat composite pour la création des trois groupes d’activité professionnelle étaient la proportion moyenne du temps de port quotidien consacré à des activités sédentaires (%SED), le nombre moyen de minutes hebdomadaires d’APMV à raison d’au moins 10 minutes par séance (APMVséances) et le nombre moyen de pas quotidiens. De plus, les moyennes mesurées par accéléromètre sont décrites pour les MPM, la proportion du temps de port lors d’APIL (%APIL) et la proportion du temps de port lors de l’APMV non pratiquée par séances (%APMV).

Activité physique autodéclarée, propre au domaine

Dans le cadre de l’ECMS, on utilise l’autodéclaration pour évaluer l’AP propre au domaine. On a demandé aux répondants de déclarer le nombre total de minutes d’AP par semaine consacrées aux loisirs, au transport ou à d’autres activités (professionnelles ou domestiques) pendant au moins 10 minutes continues. Comme le module d’AP a changé entre les cycles 3 et 4 et qu’il n’a pas évalué les mêmes domaines, les estimations fondées sur les deux cycles ne sont pas comparablesNote 12. Par conséquent, aux fins de la présente analyse, seules les données du nouveau module d’AP ont été utilisées (cycles 4 et 5). Les résultats autodéclarés en matière d’AP comprennent le nombre de minutes par jour d’AP liée aux déplacements actifs, d’AP récréative, d’AP professionnelle et domestique, et d’AP au total.

Comportement sédentaire lié aux loisirs autodéclaré

Dans le cadre de l’ECMS, on utilise également l’autodéclaration pour évaluer le CS lié aux loisirs propre au type. Au cours des trois derniers mois, on a demandé aux répondants de déclarer le nombre total d’heures au cours d’une semaine type qu’ils ont consacrées à des activités sédentaires particulières pendant leurs temps libres. Les activités sédentaires comprenaient l’utilisation d’un ordinateur, des jeux vidéo inactifs, le visionnement de la télévision, de DVD ou de vidéos, et la lecture. Le temps d’écran total consacré aux loisirs a été calculé comme la somme du temps consacré aux ordinateurs, aux jeux vidéo et à la télévision, aux DVD et aux vidéos.

Caractéristiques sociodémographiques et cliniques

L’étude a permis d’examiner les différences entre les groupes d’activité professionnelle pour les caractéristiques autodéclarées suivantes, car on sait qu’elles influencent à la fois la situation d’activité et la situation professionnelle : l’âge, le sexe (homme ou femme), le niveau de scolarité (ayant fait des études postsecondaires partielles ou moins ou ayant un diplôme d’études postsecondaires), l’état matrimonial (marié ou vivant avec un partenaire ou célibataire ou ne vivant pas avec un partenaire), le statut d’immigrant, le statut de fumeur, la présence de tout problème de santé chronique (c.-à-d. asthme, fibromyalgie, arthrite, problèmes de dos, ostéoporose, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, bronchite chronique, emphysème, maladie pulmonaire obstructive chronique, diabète, maladie du cœur, cancer, maladie thyroïdienne, trouble de l’humeur, trouble alimentaire, dysfonctionnement ou maladie des reins, maladie du foie ou problèmes de vésicule biliaire, hépatite, déficience ou trouble du développement, trouble déficitaire de l’attention, trouble de l’apprentissage ou tout autre problème de santé physique ou mentale à long terme diagnostiqué par un professionnel de la santé), et l’IMC mesuré objectivement (kg/m2).

Analyse statistique

Toutes les analyses ont été effectuées à l’aide du logiciel SAS Enterprise Guide v.7.1 (SAS, Inc., Cary, NC). Les statistiques descriptives, y compris les moyennes et les intervalles de confiance (IC) de 95 %, sont présentées pour les variables fondées sur les données accélérométriques et les variables d’AP et de CS autodéclarés pour chacun des 10 groupes professionnels.

Chacune des variables d’AP mesurée par accéléromètre a été classée par ordre croissant de 1 à 10 pour les groupes professionnels, à l’exception du %SED qui a été classé par ordre décroissant. Un résultat composite a été généré pour chacun des groupes professionnels en additionnant les classements de trois des variables connues pour avoir de fortes associations avec les résultats de santé (pas, APMVséances et %SED) et en les harmonisant avec la méthodologie de Steeves et al. (2018)Note 13. Dans le cas d’une égalité, on a utilisé un classement d’APMVséances plus élevé. Les groupes d’activité professionnelle étaient fondés sur le résultat sommaire au premier rang, où les trois professions les mieux classées faisaient partie du groupe à « activité élevée » et les trois professions au bas du classement faisaient partie du groupe à « faible activité ». Les quatre autres professions faisaient partie du groupe à « activité moyenne ».

Les différences entre les groupes d’activité dans les variables fondées sur les données accélérométriques, les caractéristiques sociodémographiques et cliniques, et l’AP autodéclarée propre au domaine et le CS lié aux loisirs propre au type ont été évalués à l’aide de l’analyse de la variance, avec des contrastes multiples ajustés à l’aide d’une correction de Bonferroni pour les données continues et le khi carré et des contrastes pour les proportions. Les résultats pour les hommes et les femmes sont présentés séparément.

Toutes les analyses ont été pondérées à l’aide de poids de sondage des cycles combinésNote 22.Les cas pour lesquels il manquait des données pour l’accéléromètre ou les variables d’enquête examinées ont été omis des analyses respectives. Les analyses des données de l’accéléromètre reposaient sur les poids du sous-échantillon de l’accéléromètre, et les analyses de l’AP et du CS autodéclarés, ainsi que les caractéristiques sociodémographiques et cliniques étaient fondées sur les poids totaux des ménages. Dans l’analyse des cycles 3, 4 et 5 combinés, les degrés de liberté ont été établis à 33. Dans les cycles 4 et 5 combinés, les degrés de liberté étaient établis à 22. Pour tenir compte des effets du plan d’enquête, des IC de 95 % ont été estimés à l’aide de la technique bootstrap avec 500 valeurs bootstrap.

Résultats

Caractéristiques de l’activité physique mesurée par accéléromètre des adultes canadiens qui travaillent à temps plein

Les tableaux 2 à 5 présentent des renseignements descriptifs sur les variables de l’AP mesurée par accéléromètre. En moyenne, les Canadiens qui travaillaient à temps plein étaient sédentaires pendant 68,9 % de leur journée (IC de 95 % : 68,3 % à 69,6 %), ont fait 8 984 pas par jour (IC de 95 % : 8 719 à 9 249) et ont accumulé 79,5 minutes par semaine d’APMVséances (IC de 95 % : 71,1 à 87,9). Parmi ces Canadiens, seulement 18,5 % (IC de 95 % : 15,3 % à 21,7 %) ont respecté les Directives canadiennes en matière d’activité physique. La plupart des différences significatives entre les groupes professionnels ont été observées pour le %SED, le %APIL et le nombre de pas par jour. Peu ou pas de différences ont été observées pour le %APMV, l’APMVséances ou les MPM.

Groupes d’activité

Les tableaux 2 à 5 décrivent les trois groupes d’activité professionnelle, les résultats sommaires et l’ordre de classement des variables de l’AP mesurée par accéléromètre dans l’échantillon total, et pour les hommes et les femmes séparément. Des résultats sommaires plus faibles indiquent une AP plus élevée et un %SED plus faible, ce qui donne un rang global plus élevé. Parmi les répondants, 26,3 % ont été classés dans le groupe à activité élevée, 27,5 % dans le groupe à activité moyenne et 46,2 % dans le groupe à faible activité. Les membres du groupe à activité élevée ont fait beaucoup plus de pas par jour (élevée : 9 904 par rapport à moyenne : 9 020 [p = 0,04] par rapport à faible : 8 369 [p < 0,0001]) et avaient un %SED plus faible (élevée : 65,1 % par rapport à moyenne : 69,6 % [p < 0,0001] par rapport à faible : 71,0 % [p < 0,0001]). Toutefois, les personnes du groupe à activité élevée affichaient un %APIL plus élevé (élevée : 31,8 % par rapport à moyenne : 27,4 % [p < 0,0001] par rapport à faible : 25,6 % [p < 0,0001]) que les groupes à activité moyenne et faible. Aucune différence significative n’a été observée entre les groupes pour l’APMVséances, les MPM ou la %APMV.

Le groupe à activité moyenne avait une %APMV significativement plus élevée que le groupe à faible activité (p = 0,013). Aucune autre différence n’a été observée entre les groupes à activité moyenne et à faible activité.

À l’exception de la catégorie professionnelle classée au premier rang (services personnels et services d’information de la clientèle), les deux autres catégories du groupe à activité élevée affichaient certaines des plus faibles quantités d’APMVséances. Dans le groupe à faible activité, la catégorie professionnelle au rang le plus bas (professionnels) a été classée au dernier rang dans trois des six variables, avec le plus petit nombre de pas et les %SED et %APIL les plus faibles. Toutefois, cette catégorie a également été classée au premier rang pour trois des six variables : APMVséances, MPM et %APMV.

Caractéristiques par groupes d’activité

À l’aide des données des cycles 4 et 5 seulement, aucune différence significative n’a été observée entre le groupe d’activité pour ce qui est de l’âge, du statut d’immigrant, de l’IMC ou de la présence d’une maladie chronique (tableau 6). Comparativement au groupe à faible activité, les groupes à activité élevée et moyenne ont des proportions beaucoup plus élevées de répondants ayant un niveau de scolarité inférieur (c.-à-d. ayant fait des études postsecondaires partielles ou moins), qui étaient célibataires ou qui vivaient sans partenaire et qui fumaient. L’AP et le CS autodéclarés différaient d’un groupe à l’autre (figure 1). Les groupes à activité élevée et moyenne ont déclaré beaucoup plus d’AP professionnelle et domestique et plus de temps consacré à l’utilisation d’ordinateur, de jeux vidéo, de télévision et de temps total passé devant un écran durant les loisirs. Le groupe à faible activité a autodéclaré davantage d’AP récréative et liée aux déplacements actifs que le groupe à activité moyenne. Toutefois, le groupe à faible activité a autodéclaré une AP totale beaucoup moins élevée que le groupe à activité élevée.

Différences entre les sexes

Les femmes travaillant à temps plein consacraient une plus grande proportion de leur journée totale en mode sédentaire que les hommes travaillant à temps plein (69,8 % par rapport à 68,3 %, p = 0,009), mais une plus faible proportion de leur journée totale à de l’APMV (3,0 % par rapport à 3,4 %, p = 0,02). Comparativement aux hommes, les femmes affichaient également un nombre de MPM plus faible (211,0 par rapport à 232,8, p = 0,005) et faisaient moins de pas par jour (8 361 par rapport à 9 446, p < 0,0001). Toutefois, les femmes affichaient une %APMV semblable à celle des hommes (27,3 % par rapport à 28,3 %, p = 0,06).

Des différences significatives entre les hommes et les femmes ont été observées dans les catégories professionnelles (tableaux 3 et 4). Par exemple, les femmes qui travaillent dans les professions des industries, de la construction et d’opération d’équipement ont passé une proportion beaucoup plus grande de leur journée totale en mode sédentaire, une proportion plus petite de leur journée totale à faire de l’APIL, et ont fait moins de pas par jour que les hommes dans la même catégorie professionnelle (%SED : 73,4 % par rapport à 64,5 %, p = 0,0005; %APIL : 24,3 % par rapport à 32,5 %, p < 0,0001; pas : 5 079 par rapport à 10 333, p = 0,01). Les femmes qui travaillent dans les services personnels et les services d’information de la clientèle s’adonnaient à moins d’APMV que les hommes dans la même catégorie professionnelle (2,4 % par rapport à 4,2 %, p = 0,015).

Les classements diffèrent entre les hommes et les femmes. Bien que les services personnels et les services d’information de la clientèle fassent partie du groupe à activité élevée tant pour les hommes que pour les femmes, les autres professions du groupe à activité élevée différaient. Chez les hommes, les professions des industries, de la construction et de l’opération d’équipement faisaient partie du groupe à activité élevée, tandis que chez les femmes, ces professions faisaient partie du groupe à faible activité. L’inverse était vrai pour les professions techniques et paraprofessionnelles, qui faisaient partie du groupe à activité élevée pour les femmes, mais du groupe à faible activité pour les hommes. Il y avait beaucoup plus d’hommes que de femmes dans l’ensemble du groupe à activité élevée comparativement aux groupes à activité moyenne ou faible (tableau 6).

Discussion

Cette étude est la première à décrire les variables quotidiennes d’AP et de CS autodéclarés et mesurées par accéléromètre parmi les catégories professionnelles des adultes canadiens qui travaillent à temps plein. Elle s’appuie sur des études antérieures aux États-UnisNote 13 et d’autres recherches dans des pays à revenu élevé qui ont démontré que les niveaux d’AP et de CS mesurés par appareil diffèrent selon la professionNote 10.

Cette étude a révélé que les répondants du groupe à activité élevée ont fait beaucoup plus de pas et avaient un %APIL plus élevé et un %SED plus faible que ceux des groupes à activité moyenne et faible. Toutefois, aucune différence significative n’a été observée entre les groupes d’activité pour l’APMVséances ou le %APMV; il y avait peu ou pas de variation d’APMV entre les catégories professionnelles. Par conséquent, le classement a favorisé en grande partie les répondants qui ont fait plus de pas et qui avaient un %SED plus faible. Comme il a été mentionné précédemment, de grandes périodes d’APMV (environ 60 à 75 minutes par jour) sont nécessaires pour compenser les risques associés à une position assise prolongéeNote 5.. Les travailleurs canadiens adultes ne satisfont pas à cette exigence, peu importe leur profession. En fait, aucun des groupes professionnels ne respectait les Directives canadiennes en matière d’activité physique à l’intention des adultesNote 23, et tous les travailleurs ont consacré une proportion élevée (de 65 % à 73 %) de leur journée en mode sédentaire.

Les données accélérométriques représentent l’APMV quotidienne moyenne totale. Bien que les données probantes soient mitigées, certaines études laissent entendre qu’il pourrait y avoir un effet compensatoire, selon lequel les personnes qui s’adonnent à une activité professionnelle plus intense pourraient être moins actives pendant leurs temps libres, et celles qui sont plus sédentaires au travail pourraient s’adonner davantage à des activités physiques pendant leurs temps libresNote 24Note 25. Cela pourrait expliquer pourquoi aucune différence n’a été observée entre les groupes professionnels lorsque l’on a examiné l’APMV quotidienne moyenne totale. Cette constatation concorde également avec les données d’une méta-analyse des mesures d’appareils qui n’a révélé aucune différence professionnelle dans l’APMV quotidienne totaleNote 10. Il est également possible que des différences se soient manifestées si l’on avait examiné plus de groupes professionnels.

Les résultats ont montré que les travailleurs dans des professions qui peuvent être considérées comme des « cols bleus » (p. ex. construction, manœuvres, agriculture) ont déclaré plus de mouvements totaux (c.-à-d. %SED inférieur, %APIL supérieur et plus de pas par jour), une APMV quotidienne inférieure et davantage d’AP domestique et professionnelle. En comparaison, les travailleurs exerçant des professions qui seraient considérées comme des « cols blancs » (p. ex. les gestionnaires et professionnels, les professions de bureau) avaient tendance à être plus sédentaires, mais ils passaient également plus de temps au cours de la journée à exercer de l’APMV et déclaraient des niveaux plus élevés d’AP récréative. D’autres étudesNote 10Note 26Note 27 ont également indiqué que les cols blancs et les employés de bureau s’adonnent le moins à de l’APMV professionnelle et sont les plus sédentaires, mais déclarent également plus de temps consacré de l’APMV durant les loisirs et dans l’ensemble de la journée. Les différences dans les types d’AP auxquels participent les travailleurs de certains groupes professionnels sont importantes, car la recherche indique que l’AP durant les loisirs donne des avantages différents et peut-être plus grands pour la santé cardiovasculaire que l’AP professionnelle (appelé le « paradoxe de l’activité physique »)Note 28. Les types de tâches que les cols blancs et les cols bleus effectuent sont susceptibles d’avoir une incidence sur ce qu’ils font en dehors du travail (c.-à-d. durant les loisirs). La fatigue physique ou psychologique présente dans certains emplois peut réduire la motivation des travailleurs à exercer de l’AP durant les loisirsNote 29Note 30. La situation socioéconomique des travailleurs (p. ex. revenu, études, situation d’emploi) peut également avoir une incidence sur leurs moyens et leurs possibilités de faire de l’AP récréative et liée aux déplacements. Les recherches indiquent que la situation socioéconomique d’une personne est l’une des plus grandes influences sur son AP, avec un statut plus élevé associé à une AP plus élevée durant les loisirs, mais une AP professionnelle plus faibleNote 31Note 32. Ces facteurs peuvent expliquer pourquoi les personnes qui occupent des emplois de cols bleus sont moins actives pendant leurs temps libresNote 33. Pour élaborer des interventions et des politiques visant à réduire ces disparités, il est important de comprendre les inégalités socioéconomiques qui existent en ce qui concerne les niveaux d’AP professionnelle, d’AP durant les loisirs et d’AP totale.

Toutes les variables d’AP autodéclarée différaient considérablement entre les groupes d’activité. Les niveaux d’AP liée aux déplacements actifs et aux loisirs étaient plus élevés dans le groupe à faible activité, tandis que les niveaux d’AP professionnelle et domestique étaient plus élevés dans les groupes à activité élevée et moyenne. Les données probantes indiquent que les employés de bureau passent probablement plus de temps que les autres à exercer de l’APMV non professionnelle (p. ex. déplacements actifs et loisirs)Note 10Note 34. En comparaison, les travailleurs occupant un plus grand nombre d’emplois manuels sont plus susceptibles d’être sédentaires dans leurs temps libresNote 35Note 36. Toutefois, il existe des preuves contradictoires qui donnent à penser qu’une AP professionnelle plus élevée autodéclarée est associée positivement à une AP durant les loisirsNote 26 . L’AP autodéclarée est sujette au biais du répondant et à la perception d’une personne quant à la durée et à l’intensité de l’activité. Une comparaison du module d’AP autodéclarée avec l’AP mesurée par accéléromètre dans le cadre de l’ECMS a permis de déterminer que l’AP professionnelle et domestique était probablement plus représentative de l’APIL que de l’APMVNote 12. D’autres recherches ont montré que la variabilité de l’AP entre les groupes d’activité professionnelle (définis de la même façon) est plus grande lorsqu’on utilise l’autodéclaration comparativement aux accéléromètresNote 37. Cela se reflète dans le %APIL plus élevé et le nombre de pas par jour observés dans les groupes professionnels à activité élevée, ainsi que dans le manque de variabilité de l’APMV mesurée par accéléromètre entre les groupes d’activité.

En particulier, les répondants des groupes à activité élevée et moyenne ont autodéclaré avoir passé plus de temps devant un écran à des fins récréatives comparativement au groupe à faible activité (élevée : 3,1 heures par jour, moyenne : 3,2 heures par jour, faible : 2,4 heures par jour). Le contraire a été observé pour la lecture de détente, le groupe à faible activité déclarant une plus longue durée comparativement aux deux autres groupes (faible : 0,7 heure par jour par rapport à élevée : 0,4 heure par jour par rapport à moyenne : 0,5 heure par jour). Il n’est pas clair s’il s’agit d’un effet compensatoire qui fait que ceux qui occupent des emplois plus exigeants physiquement passent une plus grande partie de leur temps libre en mode sédentaire et à utiliser des écrans, ou s’il est le résultat d’influences socioéconomiques sur les comportements de loisirNote 38. Il y a des données probantes selon lesquelles les adultes dont le niveau de scolarité du ménage ou du répondant est moins élevé passent plus de temps devant un écran à des fins récréatives et moins de temps à lire que ceux qui ont un niveau de scolarité plus élevéNote 39.

À ce jour, il n’y a pas eu suffisamment d’études sur les professions, surtout si l’on utilise des cohortes représentatives à l’échelle nationale, pour examiner les différences entre les sexes dans l’AP ou le CS mesuré par appareilNote 10Note 13. La présente étude commence à combler cette lacune en montrant que les hommes et les femmes exerçant les mêmes professions ont des niveaux différents d’AP et de CS. En général, cette étude a révélé que les travailleuses étaient plus sédentaires et faisaient moins de pas, mais qu’elles avaient des niveaux d’APMV semblables à ceux des travailleurs. Il y avait aussi moins de femmes dans le groupe à activité élevée. Semblable aux analyses effectuées par Steeves et al. (2018)Note 13, les analyses de la présente étude ont révélé que différentes professions étaient classées dans chaque groupe d’activité pour les hommes et les femmes. Cela indique que, dans les professions, les hommes et les femmes exerçaient un volume et une intensité différents des mouvements quotidiens totaux. Cela peut indiquer que les hommes et les femmes d’une même profession accomplissent des tâches différentes.

Limites

La présente étude n’est pas sans limites. Premièrement, les données accélérométriques ont été utilisées pour définir les groupes d’activité. Les accéléromètres aident à éliminer bon nombre des biais associés à l’AP autodéclarée, mais ils ne sont pas en mesure de saisir tous les types d’activité (p. ex. mouvements des bras, cyclisme et activités aquatiques). Ils appliquent également des seuils préétablis qui peuvent mal classer une certaine intensité de mouvement. Pour ces raisons, les activités ambulatoires (c.-à-d. les activités qui ont lieu pendant la marche) sont plus susceptibles d’être saisies que certaines des activités associées aux emplois physiquement exigeants (p. ex. transporter des charges lourdes, exécuter des tâches avec les bras, rester sur place pendant des périodes prolongées), et rester debout peut être saisie comme un CS. Les accéléromètres reflètent également l’activité quotidienne totale plutôt que de fournir des renseignements propres au domaine (p. ex. AP professionnelle). Il est possible que le résultat composite basé sur ces données ait introduit une erreur aléatoire dans la catégorisation des professions.

Deuxièmement, les quatre jours valides requis pour le temps de port n’ont pas nécessité une composition précise de jours de travail et d’autres jours, et l’activité physique totale a été examinée, peu importe le moment où elle s’est produite (pendant le travail ou en dehors du travail). Troisièmement, il n’a pas été possible de décrire les niveaux d’AP de certaines professions (p. ex. infirmier, enseignant, ingénieur, gardien). En raison des limites de taille de l’échantillon, l’étude a été limitée aux 10 grandes catégories de la CNP de l’ECMS. Les professions de ces catégories sont considérées comme ayant un travail similaire (déterminé par les tâches, les fonctions et les responsabilités). Il est toutefois possible que des personnes appartenant aux catégories professionnelles n’effectuent pas toutes les mêmes tâches. Les résultats de cette étude sont transversaux. On ne peut pas déduire si les professions influencent l’AP ou si les préférences des travailleurs en matière d’AP peuvent influencer le type de professions qu’ils choisissent.

Enfin, plusieurs des groupes professionnels (p. ex. travailleurs et manœuvres dans les secteurs du transport et de la construction) comptaient peu de femmes. Historiquement, ces professions employaient plus d’hommes que de femmesNote 40. En plus du fait qu’elles sont sous-représentées dans ces professions, les types de tâches qu’elles accomplissent comparativement aux hommes dans la même catégorie peuvent ne pas être saisis avec exactitude.

Conclusions

La majorité des adultes qui travaillent à temps plein au Canada ne font pas suffisamment d’APMV et passent une grande partie de leur journée en mode sédentaire, peu importe leur profession. Les résultats de cette vaste étude transversale démontrent que l’AP et le CS mesurés par accéléromètre et autodéclarés diffèrent selon la profession chez les travailleurs canadiens adultes. Les résultats soulignent également les différences entre les sexes dans les niveaux d’AP et de CS au sein des professions. Les adultes exerçant des professions à faible activité déclarent davantage d’AP récréative et liée aux déplacements actifs et de lecture de détente, tandis que ceux exerçant des professions à activité élevée déclarent plus d’AP professionnelle et domestique et plus de temps passé devant un écran à des fins récréatives.

Par conséquent, les stratégies de santé publique axées sur la réduction du temps de sédentarité quotidien dans toutes les professions, sur le fait d’amener les personnes exerçant des professions à faible activité à bouger davantage au travail et sur le fait d’amener les personnes exerçant des professions à activité élevée à exercer plus d’AP durant les loisirs pourraient être les plus bénéfiques. Il faut approfondir la question afin de mieux comprendre comment l’AP et le CS propres à un domaine influent sur les résultats en matière de santé des travailleurs canadiens dans différentes professions. Ces données appuient la possibilité que les politiques en milieu de travail améliorent l’adoption de l’APMV favorisant la santé chez tous les travailleurs canadiens et sensibilisent les gens au besoin de différents messages d’AP et de CS fondés sur la profession.

Remerciements

Stephanie A. Prince a reçu une bourse d’apprentissage en matière d’impact sur le système de santé des Instituts de recherche en santé du Canada – Agence de la santé publique du Canada.

Références
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