Rapports sur la santé
Le cancer au Canada : stade au moment du diagnostic

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par Shirley Bryan, Huda Masoud, Hannah K. Weir, Ryan Woods, Gina Lockwood, Leah Smith, James Brierley, Mary Gospodarowicz et Nadine Badets

Date de diffusion : le 19 décembre 2018

Le stade du cancer est un indicateur important de la progression de la maladie, et il est utilisé pour planifier les programmes de traitement. Des statistiques agrégées sur l’incidence du cancer par stade peuvent être utilisées par les fournisseurs de soins de santé, les chercheurs et les analystes de politiques pour déterminer les tendances en matière de diagnostic par siège de cancer et pour évaluer l’efficacité des programmes de dépistage précoceNote 1.

En 2015, les quatre cancers les plus fréquemment diagnostiqués au Canada étaient le cancer du poumon, le cancer colorectal, le cancer du sein chez la femme et le cancer de la prostate. Cette année-là, ils représentaient près de la moitié (48,2 %) de tous les nouveaux cas diagnostiqués de cancerNote 2 et ils étaient à l’origine de la moitié (49,9 %) des décès attribuables au cancerNote 3.

En 2015, chez les hommes, le taux d’incidence du cancer était le plus élevé pour le cancer de la prostate (21,4 % des nouveaux cas), suivi du cancer colorectal (13,0 %), puis du cancer du poumon (12,3 %). Chez les femmes, le cancer du sein a été le cancer le plus souvent diagnostiqué (26,6 %), suivi du cancer du poumon (12,5 %) et du cancer colorectal (10,6 %)Note 2. En outre, le cancer du poumon et le cancer colorectal sont les causes principales des décès attribuables au cancer au Canada (2015, respectivement) chez les deux sexes regroupésNote 3.

La stadification du cancer est une façon de classer la maladie en fonction de son étendue et de sa propagation au moment du diagnostic. Depuis 2004, les données du Registre canadien du cancer (RCC) ont été stadifiées au moyen du système de collecte de données sur la stadification concertée, qui intègre le système de classification TNM, une classification de l’étendue de la maladie acceptée mondialementNote 4. De plus amples renseignements sur le système de classification TNM sont offerts ailleursNote 5. Les données sur les stades de cancer utilisées dans la présente analyse ont été obtenues par l’intermédiaire du système de stadification concertée, qui est fondé sur la septième édition du manuel de stadification de l’American Joint Committee on Cancer (AJCC)Note 5.

Lorsqu’un cancer a été classé en fonction des catégories TNM, un groupe de stade lui est attribué. Les groupes vont de 0 à 4 et ils sont exprimés ainsi : 0, I, II, III et IV. Dans le cadre de la présente étude, les analyses ont été limitées aux tumeurs envahissantes, à l’exception des tumeurs de stade 0. À mesure que le groupe de stade augmente, passant de I à IV, la taille et la propagation du cancer augmentent. Par exemple, au stade I, la tumeur est relativement petite et elle se trouve dans l’organe. Au stade IV, il s’agit d’une maladie avancée; le cancer s’est propagé par le sang et le système lymphatique dans un siège éloigné du corps. Une description détaillée de chaque groupe de stade est accessible ailleursNote 1. Les cas de cancer qui ne pouvaient pas être stadifiés en raison du manque d’information ont été ajoutés à la catégorie « inconnu ». Cette catégorie exclut les cas dont le stade est impossible à déterminer et ceux auxquels l’algorithme de stadification concertée n’a pas été appliquéNote 1. Les cas dont le stade est inconnu ont été ajoutés à l’analyse; cependant, les cas dont le stade est impossible à déterminer ont été exclus.

Depuis 2010, les provinces et les territoires recueillent de manière systématique des données sur les stades des quatre cancers les plus fréquemment diagnostiqués, à l’exception du Québec, qui a commencé à le faire en 2014Note 1. Même si des renseignements sur les stades pour les quatre principaux cancers et pour la plupart des secteurs de compétence sont ajoutés au RCC depuis de nombreuses années, ils n’ont pas été examinés de manière détaillée. C’est pourquoi la présente étude établit l’incidence du cancer par stade au moment du diagnostic pour les quatre principaux cancers, au moyen de données tirées du RCC pour la période de 2011 à 2015.

Données et méthodes

Source des données

Le Registre canadien du cancer (RCC) est une base de données dynamique axée sur les personnes dans laquelle sont compilés des renseignements sur le cancer recueillis par les registres provinciaux et territoriaux du cancer (RPTC) pour créer une base de données nationale respectant des critères de collecte, de codage et de déclaration normalisés. Les RPTCs ont accordé la priorité à la collecte courante de données sur les stades de cancer du poumon, de cancer colorectal, de cancer du sein et de cancer de la prostate depuis l’année de diagnostic 2010. Des données sur les stades étaient accessibles dans au moins 90 % des cas pour chacun de ces quatre cancers dans tous les secteurs de compétence, sauf le QuébecNote 1.

Dans le présent article, les données ont été extraites du Fichier maître des totalisations sur l’incidence du RCC de novembre 2017, à l’aide des règles du programme SEER pour déterminer les sièges primitifs multiples. Les cas de cancer ont été définis au moyen de la Classification internationale des maladies pour l’oncologie, troisième édition (CIM-O-3).

Les données sur les stades utilisées dans la présente étude ont été codées au moyen du système de stadification concertée, lequel régit la qualité et l’intégralité des données sur les stades en uniformisant différents aspects de la collecte des données sur le cancer, comme le moment, les évaluations cliniques et pathologiques, et la description du type de cancer.

Méthodes

Dans le présent rapport, les données du Canada excluent celles du Québec, parce que ce dernier n’a commencé la collecte des données sur les stades de cancers diagnostiqués qu’en 2014, et celles-ci n’ont pas encore été intégrées au RCCNote 1. Les cas de cancer qui ne figurent pas dans la septième édition du manuel de stadification concertée de l’AJCC sont considérés comme des cas dont le stade est impossible à déterminer. Ils ont donc été exclus de l’analyse. Par conséquent, le dénominateur utilisé pour calculer les distributions selon le stade pour chaque cancer ne comprend que les cas auxquels un stade a été attribué (de I à IV, ou inconnu). Les distributions selon le stade ont été calculées au moyen du nombre arrondi de cas pour chaque cancer par stade. L’arrondissement aléatoire au multiple de 5 le plus près a été utilisé pour empêcher la divulgation inappropriée de renseignements sur la santé; les nombres se terminant par 0 ou par 5 n’ont pas été arrondis. Même si des données sur le stade 0 sont recueillies dans les cas de cancer du sein chez la femme, elles ont aussi été exclues des analyses pour assurer l’uniformité avec les calculs relatifs aux autres cancers.

Les distributions représentent la population âgée de 18 à 79 ans. Les taux d’incidence normalisés selon l’âge ont été calculés au moyen d’estimations démographiques propres au sexe, au 1er juillet 2017, pour chaque groupe d’âge à l’échelle nationale pour la période de 2011 à 2015Note 1. Pour obtenir plus de renseignements sur les données et les méthodes, veuillez consulter la publication Statistiques canadiennes sur le cancer : Rapport spécial de 2018 sur l’incidence du cancer selon le stade.

La moitié des cas de cancer du poumon ont été diagnostiqués au stade IV

Au cours de la période visée, soit de 2011 à 2015, la moitié (49,6 %) de tous les nouveaux cas de cancer du poumon ont été diagnostiqués au stade IV (figure 1). Les deux principaux types de cancer du poumon sont le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) et le cancer du poumon à petites cellules (CPPC). Le CPPC affichait un pourcentage de cas au stade IV plus élevé que le CPNPC; en effet, près de 7 cas sur 10 (67,4 %) avaient un diagnostic au stade IV. Le fait que le CPPC est la forme plus agressive de cancer du poumon est connu; le potentiel de propagation de ce cancer dans tout le corps (métastase) est élevéNote 1. Moins de 4 % des diagnostics de CPPC ont été émis au stade I.

Les hommes de 60 à 79 ans recevaient plus fréquemment un diagnostic de cancer du poumon de stade IV que les femmes du même groupe d’âge (tableau 1). Par exemple, le taux d’incidence chez les hommes de 70 à 79 ans était de 194,9 cas de cancer de stade IV pour 100 000 personnes, tandis que celui chez les femmes du même groupe d’âge était de 144,5 cas pour 100 000 personnes.

Le cancer colorectal est souvent diagnostiqué tardivement

Près de la moitié (49 %) des cas de cancer colorectal ont été diagnostiqués aux stades III et IV, et un peu plus de 20 % des cas ont été diagnostiqués au stade I (figure 2). Les distributions selon le stade pour le cancer du côlon et celui du rectum étaient relativement semblables. Cependant, le cancer du rectum était plus souvent diagnostiqué au stade III (34,1 % par rapport à 26,4 % pour le cancer du côlon) et il était moins susceptible d’être diagnostiqué au stade II (18,7 % par rapport à 26,4 % pour le cancer du côlon).

Les taux d’incidence normalisés selon stade pour le cancer colorectal au sein de la population de 18 à 79 ans étaient généralement plus élevés chez les hommes que chez les femmes (tableau 1). Par exemple, chez les personnes de 70 à 79 ans, 59,3 femmes sur 100 000 ont reçu un diagnostic de cancer colorectal de stade III, par rapport à 88,2 hommes sur 100 000.

La détection précoce du cancer colorectal est fortement lié à une survie accrueNote 1Note 6. La plupart des provinces et des territoires au Canada disposent d’un programme de dépistage organisé du cancer colorectalNote 3, et le nombre élevé de cas diagnostiqués aux stades III et IV peut être associé à une faible participation à ces programmesNote 1Note 6. Selon les données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2017, environ 40 % seulement de la population canadienne respectent les lignes directrices en matière de dépistage du cancer colorectal. Ce taux est sensiblement inférieur au taux de participation aux programmes de dépistage du cancer du sein (mammographie, environ 79 %) et du cancer du col de l’utérus (test Pap, 74 %)Note 7.

La majorité des cas de cancer du sein chez les femmes sont détectés à un stade précoce

Plus de 80 % des cas de cancer du sein chez la femme ont été diagnostiqués aux stades I et II, et moins de 5 % des cas ont été diagnostiqués au stade IV (figure 3).

Les taux d’incidence normalisés selon stade pour le cancer du sein chez la femme étaient les plus élevés chez les groupes plus âgés (tableau 1). Les taux d’incidence étaient les plus élevés aux stades I et II, mais les femmes de 60 à 79 ans présentaient des taux plus élevés de cancer de stade IV que les femmes plus jeunes, âgées de 18 à 59 ans. Par exemple, on comptait 23,3 diagnostics de cancer de stade IV pour 100 000 femmes de 70 à 79 ans, par rapport à 16,0 diagnostics pour 100 000 femmes de 60 à 69 ans et 4,7 diagnostics pour 100 000 femmes de 18 à 59 ans.

L’incidence élevée de cancer du sein diagnostiqué aux stades I et II est probablement reliée aux programmes de dépistage du cancer du sein offerts dans l’ensemble des provinces et des territoiresNote 1.

Près de trois cancers de la prostate sur quatre ont été diagnostiqués aux stades I et II

Au cours de la période à l’étude, soit de 2011 à 2015, près des trois quarts (74 %) de tous les cancers de la prostate ont été diagnostiqués aux stades I et II (figure 4). Au moment du diagnostic, moins de 9 % des cancers de la prostate étaient de stade IV (figure 4).

Les hommes de 18 à 59 ans affichaient des taux d’incidence dans tous les groupes de stade inférieurs à ceux des hommes de 60 à 69 ans et à ceux de 70 à 79 ans (10,8 cas de cancer de stade I pour 100 000 hommes par rapport à 103,3 et 100,4 cas de cancer de stade I pour 100 000 hommes, respectivement) (tableau 1).

Limites

L’une des principales limites des données est l’absence de données sur les stades pour le Québec, l’une des provinces les plus peuplées du Canada. De plus, il peut y avoir des différences de codage des diagnostics et des stades de cancer entre les provinces et les territoires et au sein de celles-ci et de ceux-ci, ce qui pourrait avoir une incidence sur la qualité et l’exhaustivité des données présentées. Grâce à la formation normalisée et à la planification coordonnée de la collecte de données, Statistique Canada, en collaboration avec le Conseil canadien des registres du cancer, vise à assurer la comparabilité des données transmises au RCC par les secteurs de compétence participants. Cependant, la qualité des données relève du secteur de compétence qui les fournit et elle peut être touchée par de nombreux facteurs, y compris la qualité des dossiers médicaux, le degré de spécialisation des codeurs et les renseignements que contient le dossier du patient pouvant servir à déterminer le stade.

Conclusion

Parmi les quatre cancers les plus fréquemment diagnostiqués au Canada, le cancer du poumon et le cancer colorectal sont les cancers les plus susceptibles d’être diagnostiqués tardivement, aux stades III et IV, lorsque le cancer a commencé à se propager aux tissus environnants ou dans tout le corps. En revanche, la majorité des cas de cancer du sein chez la femme et du cancer de la prostate étaient détectés de manière précoce, aux stades I et II. La surveillance permanente de l’incidence du cancer par stade est essentielle pour planifier et évaluer les efforts de lutte contre le cancer.

Références
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