Rapports sur la santé
Utilisation des services hospitaliers liée à la tuberculose chez les nouveaux immigrants au Canada
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par Edward Ng, Dominique Elien Massenat, George Giovinazzo, David Ponka et Claudia Sanmartin
La tuberculose (TB) a causé le plus grand nombre de décès par une maladie infectieuse dans le monde et dépasse le VIH et la malaria combinésNote 1. Selon les estimations, 10,4 millions de nouveaux cas de TB évolutive sont apparus en 2015 à l’échelle mondialeNote 2. Les objectifs de développement durable des Nations Unies et la stratégie de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), « Mettre un terme à la tuberculose », ont fixé des objectifs et des jalons mondiaux relatifs à la réduction du fardeau de la TBNote 3Note 4. Les recommandations formulées aux pays ayant une faible incidence de TB, comme le Canada, de même que le cadre fédéral de lutte contre la TB du gouvernement du Canada, visent à réduire les taux de TB au CanadaNote 5Note 6Note 7.
L’épidémiologie de la TB dans les pays à faible incidence de TB a connu un virement marqué, puisque la population née dans le pays affiche une incidence de TB plus faible que les immigrantsNote 8Note 9. Cette réalité s’observe également au Canada, les Autochtones faisant exception. Des 1 737 cas de TB évolutive enregistrés en 2016, l’incidence dans la population non autochtone née au Canada était de 0,6 pour 100 000 habitants (8 % des cas totaux), comparativement à 15,2 dans la population née à l’étranger (70 % des cas totaux) et à 23,5 dans la population autochtone née au Canada (19 % des cas totaux)Note 8. Les cas de TB chez les immigrants provenaient principalement de pays ayant des taux d’incidence de TB relativement élevésNote 2Note 8.
Au Canada, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) s’occupe de la surveillance de la TB, en collaboration avec les autorités provinciales et territoriales en matière de santé publique, par l’entremise du Système canadien de déclaration des cas de tuberculose (SCDCT) et du Système canadien de surveillance des laboratoires de tuberculose (SCSLT). Bien que ces systèmes puissent servir à déclarer des taux de TB par pays de naissance, la déclaration par catégorie d’immigrant (p. ex. immigration économique, regroupement familial, réfugiés) n’est pas possibleNote 10. Les renseignements sur la TB se trouvent dans les données administratives sur la santé, comme les dossiers d’hospitalisation de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), dont dispose Statistique Canada. Même si le traitement de la TB évolutive se fait habituellement en consultation externe, certains patients doivent être pris en charge à l’hôpital. La TB évolutive englobe les patients atteints de TB pulmonaire et non pulmonaire (p. ex. TB méningée). Ainsi, le nombre d’hospitalisations liées à la TB ne correspond pas parfaitement aux déclarations de cas de TB évolutive destinées au SCDCT. Le nombre déclaré pourrait plutôt indiquer la sévérité de la TB au Canada et tenir compte de la prise en charge des cas de TB dans le continuum de soins liés à la TBNote 11. Par contre, les données hospitalières ne comportent pas systématiquement de variables liées à l’immigrationNote 12. Le couplage des données hospitalières aux enregistrements des fichiers d’établissement des immigrants au Canada permet de procéder à des analyses relatives aux immigrantsNote 13Note 14.
La présente étude procure de nouvelles données probantes sur les hospitalisations liées à la TB chez les nouveaux immigrants au Canada. Elle est fondée sur un fichier de données couplées unique qui rassemble les enregistrements des fichiers d’établissement des immigrants et les données hospitalières pendant un maximum de 13 ans pour trouver une hospitalisation liée au TB après la date d’établissement. Cet article établit plus particulièrement un profil du moment de l’hospitalisation en soins de courte durée liée à la TB, à partir de la date d’établissement des immigrants devenus officiellement des résidents permanents au Canada entre 2000 et 2013, ainsi qu’une estimation du fardeau de la TB sur les soins hospitaliers au Canada prodigués à ces immigrants récents par rapport à la population canadienne totale.
Méthodes et données
Couplage des données
Les enregistrements du Fichier d’établissement des immigrants (FEI) ont été couplés aux données de la Base de données sur les congés des patients (BDCP) de l’ICIS à l’aide de l’Environnement de couplage de données sociales (ECDS) de Statistique Canada. L’ECDS est un environnement de couplage hautement sécurisé qui permet de créer des fichiers de données couplées sur la population aux fins d’analyse sociale en créant un dépôt central appelé Dépôt d’enregistrements dérivés (DED)Note 15. Le DED est une base de données nationale, relationnelle et dynamique qui renferme uniquement des identificateurs personnels de base. Il a été créé par couplage de différents fichiers index sources de Statistique Canada, dont des données fiscales et des enregistrements sur les naissances et les décès, dans le but de générer une liste de particuliers. Le DED est l’élément central de l’ECDS, auquel sont couplées toutes les autres bases de données. La haute direction de Statistique Canada a approuvé ce couplageNote 16. L’utilisation des données couplées est régie par la Directive sur le couplage de microdonnéesNote 17.
Le FEI contient des données administratives sur tous les particuliers qui ont été admis au Canada depuis 1980, données qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) transmet à Statistique Canada tous les mois. Le FEI renferme des données sur l’année de naissance, le sexe, la date d’entrée (mois et année), la province de destination prévue, le pays d’origine et la catégorie d’établissement (p. ex. immigration économique, réfugiés)Note 18. Les fichiers d’établissement pour la période de 1980 à 2013 étaient admissibles pour le couplage (8 450 469 enregistrements pour un total de 6 896 592 immigrants). Des méthodes probabilistes reposant sur les variables suivantes ont servi au couplage du FEI au DED : date de naissance, noms (noms et prénoms), code postal, ville, sexe, état matrimonial, date d’entrée et dates de naissance de la personne immédiatement plus jeune et plus âgée de la famille. Dans l’ensemble, 85 % (n = 5 854 949) des enregistrements d’immigrants ont été couplés. Cette valeur est conforme aux couplages antérieurs réalisés à partir du FEINote 19. Puisque le DED repose principalement sur les données fiscales, une analyse des enregistrements couplés comparativement à ceux non couplés a révélé une sous-représentation des immigrants plus jeunes, parce que ces derniers ne soumettent pas de déclarations de revenus.
La BDCP renferme des données démographiques, administratives et cliniques pour tous les congés d’hôpitaux de soins de courte durée et pour certains congés d’hôpitaux de soins psychiatriques, de réadaptation chronique et de chirurgie ambulatoire, et ce, pour l’ensemble des provinces et territoires, sauf le Manitoba avant avril 2004 et le QuébecNote 20. L’ICIS transmet les données à Statistique Canada chaque année, pour chaque exercice financier des hôpitaux (d’avril à mars de l’année suivante). Les congés donnés entre le 1er avril 1994 et le 31 mars 2015 étaient admissibles au couplage (n = 77 925 269). Le couplage, réalisé à partir d’une démarche déterministe, comportait les variables suivantes : date de naissance, code postal, sexe et numéro d’assurance-maladie. Dans l’ensemble, 85 % (n = 66 246 909) des dossiers d’hospitalisation ont été couplés au DED. Une analyse des enregistrements couplés par rapport aux enregistrements non couplés a révélé des répartitions comparables des caractéristiques sur le plan individuel (p. ex. âge, sexe, année d’entrée), ce qui indique l’absence d’un biais quelconqueNote 21.
Cohorte à l’étude
La cohorte à l’étude comprenait de nouveaux immigrants admis au pays entre janvier 2000 et décembre 2013, qui ont été couplés au DED (n = 2 730 390) : des immigrants de la Base de données longitudinales sur les immigrants (BDIM), qui compte uniquement les immigrants ayant rempli une déclaration de revenus (n = 2 200 420) et les immigrants admis à la même période, mais n’ayant pas rempli de déclaration de revenus et, par conséquent, absents de la BDIM (n = 529 970). La BDIM, obtenue à partir du FEI, est une base de données de recherche qui correspond aux enregistrements simples d’immigrant qui ont aussi été couplés aux données fiscalesNote 18. Le choix de la cohorte d’immigrants postérieure à l’an 2000 visait à assurer un suivi continu après l’arrivée et à réduire au minimum la possibilité d’intégrer des immigrants entrés au pays étant déjà repartis dans leur pays d’origine ou ailleurs. Pour corriger la sous-représentation des immigrants plus jeunes mentionnée plus haut, la cohorte à l’étude comprend également des immigrants uniques admis au pays dans la même période allant de 2000 à 2013 qui n’avaient pas été inscrits au départ dans la BDIM, la plupart d’entre eux étant de jeunes immigrants non déclarants (près de 50 % d’immigrants de moins de 20 ans). Ces non-déclarants comprenaient aussi des personnes âgées (environ 15 % d’immigrants de plus de 60 ans). Le rajout de ces non-déclarants au couplage avec la BDIM fait en sorte que l’analyse ne se limite pas aux déclarants. Par souci de simplicité, le reste de cet article est fondé sur la cohorte de la BDIM pour décrire la cohorte à l’étude. Environ 840 000 congés donnés entre le 1er avril 1994 et le 31 mars 2014 ont été couplés à un enregistrement d’immigrant.
Variables d’intérêt
L’âge a été déterminé indirectement à partir de la BDIM, en effectuant le calcul depuis la date de naissance de la personne jusqu’en 2013. L’âge au moment de l’hospitalisation des personnes admises pour une TB correspond à la différence entre l’année de naissance tirée de la BDIM et l’année d’hospitalisation tirée de la BDCP. Des groupes d’âge ont été formés comme suit : 0 à 17 ans, 18 à 24 ans, 25 à 34 ans, 35 à 44 ans, 45 à 64 ans et 65 ans et plus. L’année d’établissement correspond à l’année où les immigrants sont devenus des résidents permanents légaux (qui n’est pas nécessairement l’année de leur arrivée au Canada), selon l’enregistrement dans la BDIM. Les catégories pour la période d’immigration, qui ont servi à calculer par approximation le temps écoulé depuis l’établissement, ont été classées comme suit : de 2000 à 2003, de 2004 à 2008 et de 2009 à 2013. Puisque les immigrants peuvent être des résidents temporaires au Canada avant leur immigration, les personnes de ce groupe pourraient avoir été hospitalisées avant leur établissement. Le moment de la première hospitalisation liée à la TB durant la période du suivi (au moins 13 ans) a été classé à partir du mois d’établissement, comme suit : moins de 0 mois après l’établissement (c.-à-d. occurrence avant l’établissement); de 0 à 12 mois après l’établissement; de 13 à 60 mois après l’établissement; 60 mois ou plus après l’établissement. Dans la présente étude, toute hospitalisation pendant le mois de l’établissement est classée dans la catégorie « après l’établissement ».
La liste des pays désignés pour la TB par IRCC a servi à repérer les immigrants dont le pays de naissance affichait un risque élevé de TB. La liste d’IRCC comprend tous les pays déjà inscrits sur la liste des pays très touchés par la TB établie par l’OMSNote 22, ainsi que tout autre pays désigné par IRCC (consulter l’annexe 1). Ce dernier groupe (désigné par IRCC) comprend tout pays non inscrit sur la liste de l’OMS, mais dont le taux d’incidence de TB est de 30 cas ou plus pour 100 000 habitants. Ce taux est conforme aux modèles mathématiques qui estiment que ce taux d’incidence de TB est efficient pour les interventions qui visent à limiter la réactivation d’une infection tuberculeuse latente après l’établissementNote 23Note 24. Les résultats relatifs aux immigrants provenant de pays à risque élevé de TB étaient présentés pour tous les pays désignés, dans l’ensemble, et par source : la liste de l’OMS et les pays ajoutés par IRCC (c.-à-d. désignés par IRCC). Tous les autres pays étaient classés dans la catégorie à faible risque. Les 12 pays d’où provenaient les immigrants récents affichant le plus grand nombre d’hospitalisations liées à la TB étaient également mis en évidence.
La province de résidence était mesurée de deux manières : 1) selon la province de résidence prévue, déclarée dans la BDIM; 2) selon la province de soumission des données à la BDCP. Puisque certains immigrants auront déménagé dans une autre province après leur établissement, la province de résidence prévue n’est pas nécessairement la même que celle de l’hospitalisation. Par conséquent, les renseignements que la province a soumis pour les données sur les congés des patients ont servi à calculer par approximation la province de résidence. Compte tenu des petits nombres, certaines provinces ont été groupées comme suit : la région de l’Atlantique (Terre-Neuve-et-Labrador, Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et Île-du-Prince-Édouard) et les Prairies (Manitoba, Saskatchewan et Alberta).
La catégorie d’immigrants, enregistrée dans la BDIM, est celle dans laquelle les immigrants ont été admis au Canada dans la catégorie « immigration économique », « regroupement familial » ou « réfugiés », définie dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiésNote 25. Les catégories d’immigrant examinées étaient les suivantes : 1) immigration économique, principal demandeur; 2) immigration économique, conjoint ou enfants (y compris candidats d’une province, disponible depuis 1996); 3) regroupement familial (aux fins de réunion familiale); 4) réfugiés (à des fins humanitaires); 5) autres, inconnue ou manquante.
Résultats
Les premiers résultats concernent les congés d’immigrants pour des hospitalisations en soins de courte durée liées à la TB entre le 1er avril 2001 et le 31 mars 2014, détectés à l’aide des codes relatifs au diagnostic principal (tableau 1) de la Classification internationale des maladies (CIM-9 et CIM-10)Note 26Note 27. Les hospitalisations d’immigrants sont extraites des données couplées BDIM-BDCP; les hospitalisations du reste de la population sont mentionnées dans les fichiers de la BDCP intégrale couplés dans l’ECDS, desquels sont soustraits les enregistrements couplés à un enregistrement de la BDIM dans la même période.
Méthodes statistiques
L’établissement de statistiques descriptives aura permis d’établir le profil de la cohorte à l’étude. La présentation des répartitions des immigrants ayant dans l’ensemble au moins une hospitalisation liée à la TB et des immigrants par temps écoulé depuis l’obtention du droit d’établissement jusqu’à la première hospitalisation repose sur des caractéristiques choisies. Le calcul de l’incidence de la TB ajustée par année-personne pour 100 000 habitants sert, pour sa part, à présenter les taux ajustés en fonction des années du suivi. Le calcul ne comprenait pas les hospitalisations avant l’établissement, parce que la date d’entrée avant l’établissement officiel est nécessaire pour extraire le taux d’incidence ajusté en fonction de l’exposition.
Pour mesurer le fardeau des hospitalisations liées à la TB chez les nouveaux immigrants, la moyenne, la médiane et le 90e centile de toutes les hospitalisations liées à la TB sont dérivés pour chaque caractéristique d’intérêt. Comme la répartition de la durée de l’hospitalisation liée à la TB est asymétrique avec étalement à droite, les résultats comprendront des moyennes et des médianes. Le pourcentage de congés donnés à des immigrants récents après une hospitalisation liée à la TB est obtenu à partir de deux sources : le nombre de congés donnés à des immigrants récents après une hospitalisation liée à la TB inscrit dans le dossier d’hospitalisation de 2001 à 2013 et le nombre total de congés pour l’ensemble des patients de l’ECDS, qu’il ait ou non un statut d’immigrant. Le calcul de ce pourcentage se fait par âge au moment de l’hospitalisation, par sexe, par région de la province déclarante et par l’exercice financier de l’hôpital, chacun de ces renseignements étant présent dans la BDCP.
Résultats
Caractéristiques de départ de la cohorte d’immigrants
La cohorte à l’étude comprend environ 2,7 millions d’immigrants arrivés au Canada de 2000 à 2013 (à l’exception du Québec et des territoires ainsi que du Manitoba avant avril 2004). La cohorte se compose d’approximativement 52 % de femmes, et plus de 45 % des personnes étaient âgées de 25 à 44 ans (tableau 2). La majorité (73 %) de la cohorte a été admise au Canada après 2003. Environ la moitié de la cohorte à l’étude provenait des six pays suivants : la Chine (15 %), l’Inde (15 %), les Philippines (11 %), le Pakistan (4 %), l’Iran (3 %) et les États-Unis (3 %) (données non illustrées). Approximativement 74 % de la cohorte à l’étude provenait de pays désignés pour la TB par IRCC, qui comprennnent les pays très touchés par la TB qui sont sur la liste de l’OMS (58 %) et de pays désignés par IRCC (16 %). La plupart des immigrants voulaient s’établir en Ontario (60 %). La majorité de la cohorte (59 %) est arrivée en tant qu’immigrants de la catégorie « immigration économique », alors que 28 % étaient de la catégorie « regroupement familial » et 11 %, de la catégorie « réfugiés ».
Répartition des immigrants ayant au moins une hospitalisation liée à la TB
Il a été constaté qu’approximativement 1 120 immigrants avaient reçu au moins un congé d’un hôpital de soins de courte durée lié à la TB entre les exercices financiers 2001-2002 et 2013-2014 (tableau 3), pour un total de 1 340 hospitalisations liées à la TB. Environ la moitié (45 %) des immigrants hospitalisés pour la tuberculose étaient âgés de 18 à 34 ans au moment de l’hospitalisation. Plus d’hommes que de femmes ont été hospitalisés pour la tuberculose (52 % d’hommes contre 48 % de femmes). Les immigrants admis au Canada avant 2009 constituaient la majorité des cas. Une vaste majorité des cas (97 %) sont des immigrants issus de pays désignés pour la TB par IRCC : 77 % proviennent de pays très touchés par la TB qui sont sur la liste de l’OMS, alors que 20 % de plus proviennent de pays désignés par IRCC. L’Inde, les Philippines, la Chine, l’Éthiopie, le Pakistan et la Somalie étaient les principaux pays de naissance des immigrants hospitalisés pour la TB; les immigrants de ces pays représentaient 61 % de tous les immigrants récents hospitalisés pour la tuberculose. Par catégorie d’immigrants, la majorité des cas font partie des catégories « regroupement familial » et « réfugiés » (37 % et 29 %, respectivement).
Temps écoulé entre l’année d’établissement et le premier événement d’hospitalisation lié à la TB
Événement d’hospitalisation lié à la TB avant l’établissement
Près de 10 % (n = 110) des immigrants hospitalisés pour la tuberculose ont connu leur premier événement d’hospitalisation lié à la TB avant leur « droit d’établissement » en tant que résident permanent (tableau 3). Cette proportion différait selon les caractéristiques, variant de 3 % chez les personnes âgées de 45 à 64 ans à 14 % chez celles de 25 à 34 ans (tableau 4). Par catégorie d’immigrants, la fourchette variait de 3 % dans la catégorie « regroupement familial » à 41 % chez les autres (y compris inconnue et manquante). Parmi les principaux pays d’origine, le Sri Lanka présentait la plus forte proportion d’immigrants ayant connu leur premier événement d’hospitalisation lié à la TB avant l’établissement, soit 14 %, tandis que le Soudan et l’Afghanistan avaient tous les deux une proportion nulle.
Du nombre des événements d’hospitalisation liés à la TB avant l’établissement (tableau 3), 42 % concernaient des immigrants de 25 à 34 ans. La majorité des cas (95 %) concernaient des immigrants issus de pays à risque élevé. Dans les principaux pays d’origine, 32 % de tous les événements d’hospitalisation liés à la TB avant l’établissement touchaient des immigrants en provenance des Philippines (16 %), de la Chine (9 %) et de l’Inde (7 %). Ces événements touchaient majoritairement des immigrants voulant s’établir en Ontario (66 %). Environ 39 % des cas faisaient partie des réfugiés, suivis de 30 % chez les immigrants entrant en tant que demandeurs principaux dans la catégorie « immigration économique ».
Événement d’hospitalisation lié à la TB après l’établissement
Parmi les 1 120 nouveaux immigrants, 18 % ont connu leur premier événement d’hospitalisation lié à la TB dans les 12 mois suivant leur établissement, 49 %, dans les 13 à 60 mois suivant l’établissement et 24 %, après plus de 60 mois suivant l’établisssement (tableau 3). Environ 41 % des congés liés à la TB après l’établissement concernaient des immigrants admis au Canada entre 2000 et 2003. La plus forte proportion des congés liés à la TB après l’établissement était formée d’immigrants du groupe des 25 à 34 ans, soit 27 %. Ces patients hospitalisés pour une TB étaient susceptibles d’être des hommes (53 %), de provenir de pays à risque élevé (97 %) comme l’Inde et les Philippines, de vouloir s’établir en Ontario (63 %) et de faire partie de la catégorie « regroupement familial » (39 %), avec quelques exceptions, selon la date de l’établissement. À titre d’exemple, plus de femmes que d’hommes ont été hospitalisées pour la TB dans les 12 mois suivant leur arrivée, mais pas à d’autres périodes.
Incidence de l’hospitalisation liée à la TB depuis l’établissement
En moyenne, l’incidence de l’hospitalisation liée à la TB en années-personnes ajustées pour 100 000 habitants était de 5,2 pour 100 000 années-personnes dans la cohorte d’immigrants admis au pays durant la période de 2000 à 2013 (tableau 5). Chez les immigrants de cette cohorte d’établissement, les taux les plus élevés étaient observés chez les personnes âgées de 65 ans et plus (11,3), les hommes (5,6) et les personnes arrivées de 2009 à 2013 (6,8). Chez les immigrants issus de pays à risque élevé, le taux était plus de 11 fois supérieur à celui des pays à faible risque (6,8 comparativement à 0,6, respectivement). L’incidence la plus forte se trouvait chez les immigrants d’Éthiopie (51), suivie de celles de la Somalie (43) et du Népal (42). Elle était, en outre, observée chez les réfugiés (14) et les immigrants voulant s’établir dans les Prairies (8).
Fardeau des hospitalisations liées à la TB chez les nouveaux immigrants
Dans l’ensemble, la durée moyenne de toutes les hospitalisations liées à la TB était de 22 jours, avec une médiane de 14 jours. En comparaison, la moyenne de la cohorte de nouveaux immigrants de 2001 à 2013 était plus faible, soit 17 jours, et la médiane était de 11 jours (tableau 6). Chez les nouveaux immigrants, les hommes plus âgés établis en Colombie-Britannique et issus de la catégorie « regroupement familial » avaient tendance à séjourner plus longtemps à l’hôpital. La durée moyenne de séjour ne différait que peu entre les pays à risque élevé et ceux à faible risque, à 17 jours et 16 jours, respectivement. Les durées médianes de séjour correspondantes étaient de 11 jours et de 8 jours, respectivement. Le séjour des nouveaux immigrants du Soudan était de la plus longue durée (26 jours), tandis que celui des immigrants du Sri Lanka et de l’Afghanistan affichait la plus forte médiane (14 jours).
Environ 17 % du nombre total d’hospitalisations liées à la TB (n = 7 675) concernaient des immigrants arrivés au Canada, de 2000 à 2013. Les immigrants arrivés au cours de cette période de 13 ans représentent 7 % de la population canadienne (tableau 7)Note 28. Les pourcentages d’hospitalisations liées à la TB variaient entre les groupes d’âge, allant de 8 % chez les nouveaux immigrants âgés de 65 ans et plus à 37 % chez ceux de 18 à 24 ans et de 25 à 34 ans. Chaque groupe représente seulement 2 % (âgés de 65 ans et plus), 12 % (de 18 à 24 ans) et 8 % (de 25 à 34 ans) de la population. Les immigrants récents de l’Ontario, qui forment 8 % de la population de cette province, ont cumulé 24 % des hospitalisations liées à la TB.
Discussion
Il s’agit de la première étude nationale (à l’exception du Québec) sur les hospitalisations liées à la TB chez les nouveaux immigrants, qui est fondée sur les enregistrements couplés de la BDIM et de la BDCP. Elle montre la valeur du couplage des données administratives pour comprendre la santé des immigrants, même pour des résultats aussi inusités que la TB au Canada, et compléter les résultats des rapports annuels sur la TB publiés par l’ASPC. L’étude porte principalement sur les hospitalisations liées à la TB, qui constituent habituellement l’élément le plus coûteux des programmes de lutte contre la TBNote 29. Les résultats révèlent que les nouveaux immigrants sont disproportionnellement représentés dans le nombre de personnes hospitalisées en raison de la TB au Canada. Cette conclusion est étayée par des données probantes antérieures qui indiquaient la surreprésentation des immigrants parmi les cas de TB dans des pays à faible incidence comme le CanadaNote 7. Les facteurs sociodémographiques mis en évidence dans la présente étude sont comparables à ceux d’études précédentes à la recherche de prédicteurs des hospitalisations liées à la TB au CanadaNote 30.
Alors que la présente étude portait principalement sur les hospitalisations liées à la TB, les caractéristiques des patients hospitalisés correspondaient en règle générale à celles des patients tuberculeux présents dans le système de surveillance par cas de l’ASPC.Note 8 À titre d’exemple, bien que les hommes représentent 54 % des cas déclarés dans le SCDCT, leur pourcentage est à environ 52 % dans la cohorte des hospitalisations liées à la TB de la BDIM. En ce qui a trait à l’âge, quelque 33 % des cas de TB déclarés concernaient des personnes de 25 à 44 ans, alors qu’environ 45 % des immigrants hospitalisés en raison de la TB faisaient partie du même groupe d’âge. Une comparaison directe du SCDCT avec les données couplées de la BDIM et de la BDCP s’avère toutefois difficile. Le SCDCT ne renferme pas de données sur les catégories d’immigrants, le type de soins prodigués (ambulatoires ou hospitaliers) ou les admissions à l’hôpital non liées à un diagnostic de TB évolutive (p. ex. hospitalisations liées aux effets indésirables du traitement de la TB). D’autres études seront nécessaires pour procéder à une comparaison convenable.
À partir de son couplage à la BDIM, la présente étude a révélé que la représentation des immigrants des catégories « réfugiés » et « regroupement familial » parmi les personnes tuberculeuses était disproportionnée. De plus, le SCDCT a enregistré plus de 1 600 cas de TB évolutive par année dans l’ensemble du Canada durant la période à l’étude, environ un millier de cas par année étant des personnes nées à l’étranger (de 60 % à 70 % des cas par année). Les résultats montrent que 17 % de toutes les hospitalisations liées à la TB sont observées chez les nouveaux immigrants, mais que ceux admis au pays entre 2000 et 2013 représentent à peine 7 % de la population. Les données ne comprennent pas les hospitalisations au Québec et dans les territoires, ni celles du Manitoba avant 2004. Pour cette raison, l’utilisation des services hospitaliers dont on fait état dans la présente étude sous-estime les chiffres nationaux réels.
Une vaste majorité des immigrants ayant été hospitalisés en raison de la TB provenaient de pays à risque élevé de TB, mentionnés dans la liste des pays désignés par IRCC. Les résultats de l’étude indiquent plus précisément les principaux pays d’origine de la TB, notamment l’Inde et les Philippines (quant au nombre de cas), ainsi que l’Éthiopie et la Somalie (quant aux taux)Note 31. Le SCDCT a indiqué qu’environ 60 % des cas de TB évolutive concernant des personnes nées à l’étranger étaient observés chez celles originaires des Philippines, de l’Inde, de la Chine, du Viet Nam et du Pakistan, mais l’Éthiopie et la Somalie n’étaient pas mentionnées. Les tendances connues de la migration et les taux de TB dans les pays d’origine des migrants pourraient éclairer les politiques d’immigration et les programmes de lutte contre la TB à l’intérieur du Canada.
Un des avantages imprévus de ce couplage est la capacité à tirer de l’information sur le moment de l’hospitalisation liée à la TB en lien avec la date d’établissement au lieu de la date d’arrivée, ce qui procure des renseignements sur les pratiques de dépistage. Environ 1 hospitalisation liée à la TB sur 10 aura précédé l’établissement au Canada. Ces cas correspondent à des nouveaux arrivants ayant acquis le droit légal d’« établissement » (de façon permanente) en tant qu’immigrants, conformément aux exigences d’IRCC, seulement après leur arrivée initiale au Canada. Ils comprennent les demandeurs d’asile au Canada et certains résidents temporaires (étudiants, visiteurs et travailleurs temporaires). Dans ce groupe, l’hospitalisation est susceptible de faire suite à un diagnostic posé lors d’activités de santé publique (p. ex. recherche des contacts des cas indexés de TB évolutive, et examen des clients aiguillés par IRCC) après un examen médical en raison de résultats anormaux ou de symptômes, ou dans le cadre de l’examen médical réglementaire d’un nouvel arrivant au Canada dont IRCC se sert pour dépister la TB pulmonaire évolutive et repérer les clients atteints d’une infection tuberculeuse latente. Certaines personnes n’auront pas subi d’examen médical réglementaire à leur arrivée initiale au Canada (p. ex. demandeurs d’asile au Canada). Ces résultats antérieurs à l’établissement pourraient éclairer la politique d’immigration et des procédures de dépistage de la TB fondées sur les facteurs de risque sociodémographiques de TBNote 32Note 33. Des articles parus récemment ont mentionné des prédicteurs sociodémographiques de TB évolutive chez les migrants (non limités à l’hospitalisation) et fournissent des données probantes supplémentaires pour éclairer la politique d’immigrationNote 34.
Les hospitalisations ayant eu lieu dans les 12 mois suivant l’établissement au pays concerneraient les immigrants qui ne présentaient pas de TB évolutive au moment de l’examen médical réglementaire ou qui ont contracté l’infection après cet examen, mais avant leur arrivée au Canada. À l’opposé, les cas dont l’occurrence mentionnée remonterait à un an après l’établissement correspondraient plus probablement à une réactivation d’une infection tuberculeuse latente plus distante. Le fait que la majorité des cas soient apparus après un an indiquerait que la réactivation d’une infection tuberculeuse latente représente une proportion importante des admissions à l’hôpital liées à la TB chez les nouveaux arrivants au CanadaNote 35Note 36Note 37. Les recommandations de l’OMS à l’intention des pays à faible incidence de TB comme le Canada stipulent que le dépistage d’une infection tuberculeuse latente chez les personnes en contact avec des tuberculeux et de groupes donnés à risque élevé devrait être une mesure prioritaireNote 5. Ainsi, la présente analyse ouvre sur une compréhension des choses qui permettrait d’élaborer des stratégies pour réduire le réservoir de personnes infectées et éradiquer la TBNote 38Note 39.
Dans la présente étude, la durée moyenne d’un séjour à l’hôpital était de 17 jours, tandis que la durée médiane était de 11 jours (tableau 6) dans la cohorte des immigrants ayant obtenu le droit d’établissement. Ces valeurs sont inférieures à la durée moyenne de 22 jours et à la durée médiane de 14 jours des patients tuberculeux à l’échelle nationale, de même qu’aux 20,6 jours déclarés précédemmentNote 29. Il est possible que les immigrants récents soient plus jeunes ou que la maladie soit à un stade moins avancé au moment de leur hospitalisation, ce qui expliquerait la durée moyenne ou médiane plus courte du séjour à l’hôpital. Les résultats précédents pourraient expliquer le fardeau des soins hospitaliers liés à la TB dans la cohorte d’immigrants admis au pays âgés de 65 ans et plus (moyenne de 22 jours, médiane de 16 jours), puisqu’ils montraient que dans ce groupe d’âge des facteurs significatifs sur le plan statistique prolongeant la durée du séjourNote 40Note 41. Ce groupe d’âge est, en outre, plus susceptible de renfermer des cas de TB plus complexes, une plus forte incidence de comorbidités graves et une plus grande sévérité de la maladie associée à des retards de diagnostic de la TB et à la mortalitéNote 42Note 43. Selon la catégorie d’immigration (immigration économique, regroupement familial et réfugiés), la durée du séjour à l’hôpital est la plus courte dans la catégorie « immigration économique » et la plus longue dans la catégorie « réfugiés ». Les séjours à l’hôpital de plus courte durée dans la cohorte d’immigrants pourraient aussi témoigner d’un indice de suspicion plus élevé après un examen médical réglementaire pour dépister la TB dans ce groupe, ce qui entraîne un diagnostic plus précoce et une hospitalisation plus courte.
L’étude a révélé que dans certaines provinces, comme la Colombie-Britannique, les séjours à l’hôpital liés à la TB sont plus longs. L’interprétation des écarts entre les provinces quand à la durée du séjour à l’hôpital sort du cadre du présent article, mais une interprétation judicieuse comporterait vraisemblablement des facteurs comme l’âge, les comorbidités, l’indice de suspicion, les différents schémas de pratique et d’autres options de soinsNote 30Note 32Note 34Note 40Note 41Note 42Note 43. Ces facteurs interreliés expliqueraient en partie les raisons pour lesquelles les séjours à l’hôpital sont plus longs dans certaines provinces.
Limites
La présente étude comporte certaines limites. L’utilisation des services hospitaliers dont on fait état est une sous-estimation des chiffres nationaux pour les immigrants récents, le Manitoba (avant avril 2004) et le Québec étant exclus. L’étude ne tient en outre pas compte des hospitalisations pour lesquelles un lien avec la TB n’a pas initialement été établi, mais qui a été confirmé après le congé. Les données préalables à l’établissement pourraient aussi être sous-estimées en présence de problèmes liés à la capacité d’une personne à payer l’hospitalisation. Ce genre de situation mènerait à une prise en charge en consultation externe d’affections habituellement prises en charge à l’hôpital. On suppose que les immigrants à qui l’on a accordé le droit d’établissement sont couverts par l’assurance provinciale, sauf dans la période d’attente pour des soins de santé imposée aux nouveaux immigrants. Les résidents temporaires (p. ex. étudiants, travailleurs, visiteurs) qui n’ont pas demandé de statut de résident permanent ou à qui ce statut a été refusé forment un groupe de résidents au Canada qui ne sont pas représentés dans l’étude.
Il est possible, lorsque approprié, de traiter la TB en milieu ambulatoire, notamment par des mesures comme l’isolement à domicile. Les cas de TB traités de façon strictement ambulatoire ou ceux dont les codes CIM pour la TB ne sont pas inscrits dans le dossier d’hospitalisation sont absents de la présente étude. Malgré cela, les couplages réalisés dans l’étude donnent des précisions sur les schémas épidémiologiques d’hospitalisation liée à la TB au Canada (p. ex. catégorie d’immigration et pays à risque élevé de TB) et les coûts connexes (rattachés à la durée des séjours à l’hôpital pour la TB).
Conclusion
L’étude jette un nouvel éclairage sur certains volets de l’hospitalisation liée à la TB chez les nouveaux immigrants au Canada, à l’aide de données administratives couplées sur l’immigration et l’hospitalisation. Compte tenu du nombre croissant d’immigrants au Canada, cet ensemble de données couplées concourt de façon opportune à l’élaboration de systèmes de surveillance de la santé des immigrants et de leur utilisation des services de santé, par catégorie d’immigration, en plus de contribuer à l’engagement du gouvernement du Canada à éradiquer la TBNote 44. Il fournit également aux décideurs les renseignements nécessaires afin d’élaborer des marches à suivre pour la prise en charge d’une maladie relativement inusitée au Canada dans la population non autochtone née au Canada, mais plus prédominante dans la population d’immigrants.
Remerciements
La présente étude a été financée par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Les auteurs tiennent à remercier Michael Mackinnon, qui a fourni des précisions, ainsi que tous les examinateurs qui ont procédé à des examens critiques ayant permis grandement d’améliorer le texte. Les auteurs tiennent aussi à remercier Maria Syoufi, d’IRCC, pour son soutien administratif général et sa participation à la révision technique du texte, ainsi que l’Institut canadien d’information sur la santé pour l’examen des codes CIM-9 et CIM-10 relatifs à la TB.
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