Rapports sur la santé
Transitions vers les soins de longue durée et les soins en établissement chez les Canadiens âgés
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par Rochelle Garner, Peter Tanuseputro, Douglas G. Manuel et Claudia Sanmartin
En 2016, 16,9 % des Canadiens étaient âgés de 65 ans et plus, et 2,2 % avaient 85 ans et plus, ce qui représente une augmentation de 20,0 % dans ces groupes d’âge depuis 2011Note 1. On prévoit que la proportion de la population canadienne de 65 ans et plus atteindra 20,0 % d’ici 2024Note 2. Ces mouvements démographiques soulèvent des préoccupations sur les besoins futurs de soins en établissements de soins infirmiers (ESI)Note 3Note 4Note 5, car l’âge représente un fort prédicteur d’admission dans un ESINote 6Note 7Note 8. Selon les données du Recensement de 2016, 6,8 % des Canadiens de 65 ans et plus vivaient dans un ESI ou une résidence pour personnes âgées (RPA); cette proportion s’élève à 30,0 % chez les Canadiens de 85 ans et plusNote 9Note 10.
Les estimations publiées des besoins futurs en matière de soins en ESI au Canada reposent habituellement sur des projections démographiques fondées sur le sexe et l’âgeNote 11Note 12. Toutefois, les approches fondées sur des rapports en matière de planification de la capacité des soins de longue durée sous-estiment ou surestiment souvent le nombre de lits (ou d’unités) nécessaires pour répondre à la demandeNote 13. En outre, les transitions vers les soins de longue durée sont associées à d’autres facteurs, comme des limites physiques et cognitives, de graves problèmes de santé, le soutien social, la composition du ménage et le revenu, alors que ces facteurs sont souvent ignorés dans les projectionsNote 14Note 15Note 16Note 17Note 18. Bien que certaines études canadiennes aient été menées sur des prédicteurs fondés sur une population pour les soins en ESINote 7Note 19Note 20, peu d’entre elles ont examiné un large éventail de prédicteurs potentiels, principalement en raison d’un manque de données sur l’éventail de facteurs reflétés dans la population canadienne. De plus, peu d’études ont examiné d’autres résultats concurrents, comme la transition vers des maisons de retraite, la transition vers un milieu de soutien ou la mortalité. Des données suggèrent que tenir compte de la mortalité est important pour estimer le potentiel d’entrée en ESINote 21.
Au Canada, les ESI offrent habituellement le niveau le plus élevé de soutien et certains sont subventionnés par des systèmes publics de soins de santé. Le nombre de lits en ESI est limité et les listes d’attente sont souvent longues. Les RPA offrent habituellement des services moins intensifs que les ESI et ces services sont généralement payés directement par les personnes. Les personnes ayant des besoins en soins de santé et leurs familles prennent leurs décisions en matière de soins de longue durée en fonction de leurs préférences, de leurs besoins, de la capacité de payer et de la disponibilité d’un lit ou d’une unité. Les personnes qui ne sont pas admissibles, qui ne peuvent pas se le permettre ou qui choisissent de ne pas habiter dans un ESI ou une RPA peuvent se fier à un soutien de la collectivité ou à des soins fournis par les membres de la famille et des amis pour rester dans leur foyer.
Les enquêtes sur la santé de la population, comme l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) menée par Statistique Canada, comprennent un éventail de questions sur la santé et les comportements liés à la santé des Canadiens. Toutefois, les enquêtes sur la santé de la population excluent les personnes vivant dans des installations comme les ESI et les RPA et sont habituellement de nature transversale. D’autres sources de données, comme le Recensement de la population, permettent de recueillir moins de renseignements détaillés sur la santé que les enquêtes, mais offrent une plus grande représentation de l’ensemble de la population. Le Recensement de 2011 a dénombré des personnes qui vivaient dans des ESI et des RPA parmi les résidents de logements collectifs. Selon le Recensement de 2011, un ESI était défini comme une installation qui offre 24 heures sur 24 et sept jours sur sept un suivi professionnel de la santé et des soins infirmiers spécialisés aux résidents, souvent des personnes qui sont âgées et dépendantes dans la plupart des activités de la vie quotidienneNote 22. Les résidences-services, les maisons de repos, les maisons de retraite et autres installations qui offraient des services de soutien personnel, mais sans offrir de services de soins de santé continus, ont été classées dans le Recensement de 2011 comme des RPANote 23.
Le couplage des enregistrements des répondants à l’ESCC aux enregistrements des répondants au Recensement de 2011 nous a permis de repérer les personnes qui avaient déménagé de la résidence privée qu’elles occupaient au moment de l’interview de l’ESCC à un ESI ou à une RPA le jour du recensement. Le but de la présente étude est d’évaluer comment un éventail de facteurs démographiques, socioéconomiques et relatifs à la santé chez les Canadiens âgés est associé à leur transition de la vie dans un logement privé à la vie dans un ESI ou une RPA.
Méthodes
Sources de données pour le couplage d’enregistrements
La présente étude fait partie d’un projet de couplage d’enregistrements plus vaste qui combine des renseignements provenant de trois sources de données différentes : 1) l’ESCC; 2) la Base canadienne de données sur la mortalité (BCDM); 3) le Recensement de 2011. Le Conseil exécutif de gestion de Statistique Canada a approuvé ce projet de couplageNote 23 et la Directive sur le couplage d’enregistrements régit l’utilisation des données coupléesNote 24.
L’ESCC est une enquête nationale transversale menée auprès de la population. Elle permet de mesurer la santé, le comportement, l’utilisation des services de soins de santé et les renseignements sociodémographiques de la population à domicile de 12 ans et plus ne vivant pas en établissement. L’enquête exclut les personnes qui vivent dans une réserve et d’autres peuplements autochtones dans les provinces, les membres à temps plein des Forces armées canadiennes, les personnes qui vivent en établissement et les personnes qui vivent dans certaines régions sociosanitaires du Québec. Ensemble, ces exclusions représentent moins de 3 % de la population cible. L’ESCC a été menée tous les deux ans entre 2000 et 2006, puis annuellement depuis 2007. Des détails supplémentaires sur la stratégie d’échantillonnage de l’ESCC et le contenu de l’enquête sont accessibles sur le site Web de Statistique CanadaNote 25. Les personnes qui ont répondu à l’ESCC entre 2000 et 2011 et qui ont accepté que leurs données soient partagées et couplées (n = 701 877) étaient admissibles au couplage avec les autres sources de données.
La BCDM est un recensement de tous les décès enregistrés au Canada. Elle comprend des renseignements comme la cause et la date du décès, ainsi que le nom, la date de naissance et le code postal de la personne décédée au moment du décès. Les décès enregistrés dans la BCDM entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2011 chez les personnes de 12 ans et plus (n = 2,77 millions) étaient admissibles au couplage d’enregistrements aux fins de la présente étude.
Le Recensement de la population de 2011 est un dénombrement de la population canadienne ayant eu lieu le jour du recensement (10 mai 2011; n = 33,5 millions). Le recensement fournit des renseignements sur les personnes, les familles et les ménages. Dans le cadre de la présente étude, les renseignements du recensement ont été utilisés principalement pour établir le lieu de résidence des personnes.
Méthodes de couplage d’enregistrements
Le couplage d’enregistrements a été réalisé en deux étapes. En premier lieu, les enregistrements des répondants aux cycles de l’ESCC de 2000 à 2011 (n = 701 877) ont été couplés à la BCDM à l’aide de G-Coup, un logiciel de couplage d’enregistrements programmé en SAS développé par Statistique Canada, et d’une méthode de couplage probabiliste fondée sur la théorie de Fellegi-Sunter sur le couplage d’enregistrementsNote 26Note 27. Les enregistrements des répondants à l’ESCC ont été couplés aux enregistrements de décès en fonction d’un prénom, d’un nom de famille, d’une date de naissance, d’un code postal et d’un sexe. Des renseignements supplémentaires obtenus à partir des fichiers de données fiscales ont été utilisés pour améliorer le couplage avec des codes postaux et des noms différents (p. ex. nom de jeune fille, nom du père)Note 28. Dans l’ensemble, 5,3 % des répondants à l’ESCC ont été couplés à un enregistrement de décès. Plus de renseignements sur ce couplage sont accessibles ailleursNote 29.
À la deuxième étape, les mêmes répondants à l’ESCC ont été couplés aux enregistrements des répondants au Recensement de 2011. Ce couplage a été effectué en utilisant un appariement exact déterministe hiérarchique qui comparait les clés de couplage suivantes parmi les fichiers : numéro d’assurance sociale (NAS), nom (prénom et nom de famille), date de naissance, code postal et numéro de téléphone. Cette approche maximise le pouvoir discriminatoire des variables de couplage et minimise l’influence des erreurs et des valeurs manquantesNote 30. Des couplages séparés des enregistrements de l’ESCC et du recensement aux données fiscales ont procuré le NAS comme variable de couplage. Dans l’ensemble, 80,9 % des répondants à l’ESCC étaient liés à une personne unique dans le recensement. La plupart (82,6 %) des couplages ont été créés à l’aide du NAS. Parmi les enregistrements des personnes qui n’ont pas été couplés, on sait que 26,5 % étaient décédées. Il est possible d’en apprendre davantage dans un rapport interneNote 31.
Protéger les renseignements personnels des répondants
Statistique Canada assure la protection de la vie privée des répondants pendant le processus de couplage et l’utilisation subséquente des fichiers couplés. Seuls les employés qui interviennent directement dans le processus de couplage ont accès aux données d’identification uniques nécessaires au couplage, comme les noms. Les renseignements liés à la santé ne sont pas accessibles à ces personnes. Une fois le processus de couplage des données terminé, tous les renseignements d’identification ont été supprimés du fichier analytique.
Échantillon de l’étude
L’échantillon de la présente étude comprend des répondants de trois cycles de l’ESCC (cycle 3.1, 2005-2006; cycle 4.1, 2007-2008; ESCC — Vieillissement en santé, 2008-2009) qui ont accepté que leurs données soient partagées et couplées, que l’on croyait vivants et âgés de 60 ans et plus le jour du Recensement de 2011, et dont les enregistrements ont été couplés avec succès à une seule personne du recensement vivant dans un logement privé, un ESI ou une RPA (voir « Mesure des résultats »). L’échantillon analytique définitif comprenait 81 411 personnes.
Mesure des résultats
La mesure des résultats est le lieu d’habitation d’une personne le jour du recensement. Le recensement classe les logements comme étant privés ou collectifs. La présente étude s’intéresse aux logements collectifs classés comme un ESI ou une RPA. Une différence importante entre un ESI et une RPA est le niveau de soins fourni, lequel se reflète dans la classification du logement collectif utilisée par le recensement.
Parmi les personnes vivant dans un logement privé le jour du recensement, la majorité (78,0 %) se trouvait dans la même situation qu’au moment de l’interview de l’ESCC. La situation des particuliers au moment de l’interview de l’ESCC était fondée sur la matrice des liens entre les membres du ménage, alors que la situation des particuliers le jour du recensement était fondée sur la situation dans la famille de recensement. Les répondants dont la situation avait changé étaient classés comme vivant dans un logement privé avec d’autres membres de la famille s’ils avaient vécu les changements suivants : 1) ils vivaient seuls au moment de l’interview de l’ESCC, mais vivaient avec d’autres personnes au moment du recensement; 2) ils ne vivaient pas avec un conjoint, un partenaire ou des enfants au moment de l’interview de l’ESCC, mais vivaient avec un conjoint, un partenaire ou des enfants au moment du recensement; 3) ils vivaient avec leur conjoint ou partenaire, mais sans enfant au moment de l’interview de l’ESCC, alors qu’ils vivaient avec leurs enfants (avec ou sans conjoint) au moment du recensement. Bien que les membres de la famille représentent souvent la principale source de soins informelsNote 32, la classification utilisée dans cette étude représente seulement une mesure de substitution, car la raison de la situation changeante des personnes ne peut être établie.
Mesure des covariables
État matrimonial et changement d’état
L’état matrimonial au moment de l’interview de l’ESCC et du recensement était dichotomisé comme marié (y compris vivant en union libre) et non marié (y compris séparé, divorcé, veuf et jamais marié). Des modifications à l’état matrimonial entre l’interview de l’ESCC et le jour du recensement étaient classées comme : 1) encore marié (c.-à-d. marié au moment de l’interview de l’ESCC et le jour du recensement); 2) perdu son conjoint (c.-à-d. marié au moment de l’interview de l’ESCC, mais plus marié le jour du recensement); 3) non marié au moment de l’interview de l’ESCC (indépendamment de l’état matrimonial le jour du recensement). La plupart des répondants qui ont perdu leur conjoint étaient veufs le jour du recensement (78,1 % des femmes comparativement à 60,5 % des hommes) plutôt que divorcés ou séparés. Parmi les personnes qui n’étaient pas mariées au moment de l’interview de l’ESCC, une petite proportion des personnes (3,2 % des femmes et 9,0 % des hommes) était mariée ou vivait en union libre le jour du recensement. Malheureusement, en raison du petit nombre d’unités, les personnes qui avaient perdu un conjoint ou qui n’étaient pas mariées au moment de l’interview de l’ESCC ne pouvaient pas être plus désagrégées dans les analyses.
Mesures sociodémographiques et économiques
En vue d’obtenir des mesures communes pour les trois cycles de l’ESCC, l’âge était calculé au jour du Recensement de 2011, selon la date de naissance fournie lors de l’interview de l’ESCC. Toutes les autres caractéristiques font référence aux statuts des répondants au moment de l’interview de l’ESCC. Le revenu du ménage était divisé par le seuil de faible revenu établi par Statistique Canada, qui correspondait à la taille du ménage et à la taille de la collectivité du répondantNote 33. Les ratios ajustés du revenu du ménage étaient ensuite divisés en quintiles au niveau provincial, avec une catégorie manquante comprise afin d’inclure les résidents des territoires (pour lesquels aucun seuil de faible revenu n’est attribué) ainsi que les répondants qui n’ont pas déclaré de revenu du ménage (14,9 %). La propriété d’un logement était une variable dichotomique qui distinguait les répondants qui habitaient dans un logement appartenant à un membre du ménage des répondants qui habitaient dans un logement loué. La situation des particuliers était divisée en deux catégories : les répondants qui vivaient seuls et les répondants qui ne vivaient pas seuls. Pour ce qui est de la province de résidence, les personnes vivant dans les provinces de l’Atlantique (c.-à-d. la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador) étaient regroupées en raison de la faible taille de l’échantillon dans ces régions. Le lieu de résidence était également classé comme urbain ou rural selon le code postal et la géographie du recensement. En dernier lieu, les personnes étaient classées comme des immigrants ou des personnes nées au Canada.
Mesures de la santé
Plusieurs mesures de l’état de santé ont été examinées. Chaque personne a évalué sa santé générale et mentale sur des échelles de cinq points allant d’« excellente » à « mauvaise ». Les répondants ont également évalué leur santé au moment de l’interview de l’ESCC comparativement à leur santé un an auparavant sur une échelle de cinq points allant de « bien meilleure maintenant que l’an dernier » à « bien moins bonne maintenant que l’an dernier ». En outre, on a demandé aux répondants s’ils avaient reçu un diagnostic d’un médecin pour l’un des problèmes de santé chroniques suivants ayant duré plus de six mois : asthme, arthrite, problèmes de dos (autres que l’arthrite), hypertension, emphysème, maladie obstructive respiratoire chronique, diabète, cardiopathie, cancer, ulcères, effets d’un accident vasculaire cérébral, incontinence urinaire, maladie intestinale, maladie d’Alzheimer ou autre démence (ci-après appelée démence), trouble de l’humeur ou trouble anxieux.
Pour ce qui est de l’usage du tabac, les répondants étaient classés comme n’ayant jamais fumé, ancien fumeur ou fumeur. La taille et le poids déclarés par les personnes étaient utilisés pour calculer leur indice de masse corporelle (IMC), lequel était ensuite classé comme insuffisance pondérale (IMC < 18), poids acceptable (18 < IMC < 25), excès de poids (25 < IMC < 30) et obésité (IMC > 30). Les répondants devaient également indiquer s’ils avaient passé une nuit comme patient dans un hôpital, un établissement de soins infirmiers ou une maison de convalescence dans l’année précédant l’interview.
Analyse
L’association entre les caractéristiques des répondants à l’ESCC et leur lieu de résidence le jour du recensement a été examinée sommairement et, après correction en fonction de l’âge, séparément pour les hommes et les femmes. Des modèles de régression logistique multinomiale généralisés spécifiques au sexe ont été produits pour examiner l’association entre les caractéristiques et le lieu de résidence (logement privé [groupe de référence], logement privé avec d’autres membres de la famille, établissement de soins infirmiers ou résidence pour personnes âgées) des répondants. En raison du grand nombre de covariables possibles, seuls les facteurs qui étaient significativement associés (p < 0,05) au lieu de résidence après correction selon l’âge (résultats non montrés) ont été considérés comme des covariables possibles dans les modèles définitifs. Seules les covariables qui étaient statistiquement significatives (p < 0,05) pour un des résultats autres que ceux de référence ont été retenues dans des modèles définitifs de régression spécifiques au sexe.
Toutes les analyses ont été pondérées en utilisant des poids d’enquête de l’ESCC corrigés en fonction du consentement des répondants à ce que leurs renseignements soient couplés et partagés. L’estimation de la variance a été calculée à l’aide de la méthode bootstrap. Les analyses ont été réalisées au moyen du logiciel SUDAAN (version 11.0) exécutable au moyen de SAS.
Résultats
Dans l’échantillon analytique des enregistrements des répondants à l’ESCC couplés aux enregistrements des répondants au recensement, 1,4 % des répondants habitaient dans un établissement de soins infirmiers (ESI) le jour du recensement, 1,2 % des répondants habitaient dans une résidence pour personnes âgées (RPA) et 6,6 % des répondants habitaient dans un logement privé avec d’autres membres de la famille (LPAF). Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’habiter dans un ESI (1,8 % des femmes comparativement à 0,9 % des hommes), une RPA (1,7 % des femmes comparativement à 0,7 % des hommes) ou un LPAF (6,8 % des femmes comparativement à 6,3 % des hommes, tableau 1 ). La proportion de répondants habitant dans un ESI ou une RPA était relativement négligeable jusqu’à ce que les répondants aient 75 ans et plus, après quoi le fait d’habiter dans un ESI ou une RPA devenait plus fréquent (figure 1).
Comparativement aux personnes qui habitaient encore dans un logement privé le jour du Recensement de 2011, les personnes habitant dans un ESI étaient plus âgées, étaient plus susceptibles de ne pas être mariées au moment de l’interview de l’ESCC ou d’avoir perdu leur partenaire entre l’interview de l’ESCC et le jour du recensement, étaient en plus mauvaise santé et étaient plus susceptibles d’être nées au Canada (tableau 1). Une tendance similaire a également été observée chez les personnes qui habitaient dans des RPA. Moins de différences ont été observées entre les personnes qui habitaient dans des LPAF et celles qui habitaient dans des logements privés. Les personnes habitant dans des LPAF étaient plus susceptibles de ne pas être mariées et de vivre seules au moment de l’interview de l’ESCC que celles qui habitaient dans d’autres logements privés; cette différence peut découler de la définition d’un LPAF.
Résultats de la régression
Des modèles de régression définitifs pour les femmes et les hommes sont présentés dans les tableaux 2 et 3, respectivement. Le jour du recensement, les personnes étaient beaucoup plus susceptibles d’habiter dans un établissement de soins infirmiers (ESI) que dans un logement privé si elles avaient perdu leur conjoint le jour du recensement (rapport de cotes [RC] = 4,3 pour les femmes, RC = 3,7 pour les hommes) ou si elles n’étaient pas mariées au moment de l’interview de l’ESCC (RC = 2,0 pour les femmes, RC = 2,4 pour les hommes) que celles qui étaient encore mariées; si elles n’étaient pas propriétaires de leur logement (RC = 2,1 pour les femmes, RC = 2,3 pour les hommes) que celles qui en étaient propriétaires; si elles avaient déclaré avoir passé du temps dans un hôpital ou une maison de convalescence dans l’année précédant l’interview de l’ESCC (RC = 1,8 pour les femmes, RC = 1,9 pour les hommes); si elles avaient reçu un diagnostic de démence (RC = 6,7 pour les femmes, RC = 6,2 pour les hommes).
Une autoévaluation d’un moins bon état de santé général et mental augmentait également considérablement la probabilité qu’une personne habite dans un ESI, affichant un gradient dans les effets parmi les niveaux de chaque mesure (tableaux 2 et 3). En outre, le fait de vivre seul augmentait significativement la probabilité qu’une femme habite dans un ESI (RC = 1,5), tout comme le fait d’avoir le diabète (RC = 1,5), une incontinence urinaire (RC = 1,3) ou un diagnostic de trouble de l’humeur (RC = 1,7, tableau 2). Chez les hommes, ces facteurs n’étaient pas significativement associés au fait d’habiter dans un ESI (tableau 3). En outre, les immigrantes (RC = 0,7) étaient beaucoup moins susceptibles d’habiter dans un ESI que les femmes nées au Canada (tableau 2).
Une personne était beaucoup plus susceptible d’habiter dans une résidence pour personnes âgées (RPA) le jour du recensement si elle avait perdu son conjoint entre le moment de l’interview de l’ESCC et le jour du recensement (RC = 4,2 pour les femmes, RC = 3,5 pour les hommes) qu’une personne qui était encore mariée; si elle n’était pas propriétaire de son logement (RC = 2,6 pour les femmes, RC = 2,9 pour les hommes) qu’une personne qui en était propriétaire; si elle avait le diabète (RC = 1,4 pour les femmes, RC = 1,8 pour les hommes); si elle vivait au Québec (RC = 2,3 pour les femmes, RC = 3,1 pour les hommes) ou en Alberta (RC = 3,0 pour les femmes, RC = 2,6 pour les hommes) qu’une personne vivant en Ontario (tableaux 2 et 3).
Les hommes qui n’étaient pas mariés au moment de l’interview de l’ESCC étaient également beaucoup plus susceptibles d’habiter dans une RPA le jour du recensement (RC = 2,7, tableau 3); toutefois, cette association n’était pas significative chez les femmes (tableau 2). Chez les femmes, un diagnostic de trouble de l’humeur (RC = 1,8) ou d’incontinence urinaire (RC = 1,3) était associé à une probabilité plus élevée d’habiter dans une RPA (tableau 2 ). Chez les hommes, le fait d’avoir été hospitalisé ou d’avoir fait un séjour dans une maison de convalescence au cours de l’année précédant l’interview de l’ESCC était associé à une probabilité plus élevée d’habiter dans une RPA (RC = 1,8, tableau 3); cette association n’était pas significative chez les femmes (tableau 2).
Comparativement au fait d’habiter dans un logement privé, peu de caractéristiques étaient significativement associées au fait d’habiter dans un logement privé avec d’autres membres de la famille (LPAF) le jour du recensement. Bien que les personnes qui vivaient seules au moment de l’interview de l’ESCC étaient beaucoup plus susceptibles d’habiter dans un LPAF le jour du recensement que celles qui vivaient avec d’autres personnes (RC = 8,3 pour les femmes, tableau 2; RC = 16,4 pour les hommes, tableau 3), il s’agit d’une association par définition, car les personnes qui vivaient seules au moment de l’interview de l’ESCC présentaient une plus grande probabilité d’être rejointes par des membres de la famille que celles qui vivaient avec d’autres personnes. Au-delà de la situation des particuliers, les personnes qui n’étaient pas mariées au moment de l’interview de l’ESCC étaient beaucoup moins susceptibles d’habiter dans un LPAF (RC = 0,5 pour les femmes, tableau 2; RC = 0,3 pour les hommes, tableau 3) que celles qui étaient encore mariées. Chez les hommes, le fait de perdre un conjoint réduisait également considérablement la probabilité d’habiter dans un LPAF (RC = 0,6, tableau 3). Les femmes ayant une très bonne santé autoévaluée étaient beaucoup moins susceptibles (RC = 0,8, tableau 2) que les femmes ayant une excellente santé autoévaluée d’habiter dans un LPAF, alors que les femmes ayant une bonne santé mentale autoévaluée présentaient une plus grande probabilité d’habiter dans un LPAF que les femmes ayant une excellente santé mentale autoévaluée (RC = 1,2, tableau 2 ). En outre, les hommes vivant en Colombie-Britannique (RC = 1,4, tableau 3) étaient plus susceptibles d’habiter dans un LPAF que les hommes vivant en Ontario.
Discussion
La disponibilité de données d’enquête sur la santé des populations et de données du recensement couplées de manière unique permettait d’effectuer une étude nationale exhaustive des facteurs associés à la transition des Canadiens plus âgés de la vie dans un logement privé à la vie dans un établissement de soins infirmiers (ESI) ou une résidence pour personnes âgées (RPA). La présente étude a permis d’examiner simultanément de multiples environnements qui procurent un soutien, y compris les RPA et les logements privés avec d’autres membres de la famille (LPAF), tout en tenant compte de la mortalité.
Comme prévu, un diagnostic de démence était fortement associé à une transition vers un ESI. Chez les femmes, ce diagnostic augmentait également considérablement la probabilité d’habiter dans une RPA. Ces résultats sont soutenus par des données existantes, tant canadiennes qu’internationalesNote 16Note 19Note 21. Les estimations actuelles suggèrent que plus de 66 % des résidents en ESI au Canada ont reçu un diagnostic de démenceNote 34. Les résultats de cette étude contribuent à notre compréhension du rôle de la démence dans les transitions des personnes vers les ESI et d’autres environnements de soutien. Conformément à la documentation, les résultats de la présente étude montrent que d’autres problèmes de santé chroniques, comme le diabète, l’incontinence urinaire et les troubles de l’humeur chez les femmes, sont également significativement associés à la transition vers un ESINote 20Note 35. Une santé mentale sous-optimale augmentait également considérablement la probabilité que les hommes et les femmes habitent dans un ESI.
La présente étude a également permis de découvrir que la perte d’un conjoint représentait un prédicteur significatif qu’une personne effectuerait une transition vers un ESI ou une RPA. Comparativement aux répondants qui étaient encore mariés, les répondants qui avaient perdu leur conjoint présentaient une probabilité quatre fois élevée d’habiter dans un ESI ou une RPA le jour du recensement. Des résultats semblables ont été observés dans le cadre d’études internationalesNote 36Note 37.
La force de cette étude repose également sur la capacité de cerner les personnes qui habitent dans des LPAF. Selon l’étude, environ 7 % des personnes habitaient dans un LPAF, soit davantage que les proportions de personnes habitant dans des ESI et des RPA combinées. Avec l’intérêt actuel sur le « vieillissement chez soi », d’autres situations des particuliers sont devenues plus communes. Selon les données du Recensement de 2016, 11,6 % des Canadiens de 65 ans et plus habitaient dans des logements privés avec des personnes autres qu’un conjoint ou un enfantNote 38. Le coût élevé associé au fait d’habiter dans un ESI ou une RPA, ainsi que le nombre limité de lits disponibles, un financement limité pour les soins en établissement et les sommes croissantes à payer personnellement pour le soin de ces personnes, peut signifier que d’autres situations deviendront nécessaires ou préférables à l’avenir, compte tenu surtout du vieillissement progressif de la population canadienne.
La présente étude montre également l’effet protecteur du statut d’immigrant : les répondants immigrants étaient beaucoup moins susceptibles, le jour du recensement, d’effectuer une transition vers un ESI ou une RPA que les répondants nés au Canada. Selon l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, les immigrants âgés qui restaient au Canada depuis relativement peu de temps étaient à la fois moins susceptibles de vivre seuls et plus susceptibles d’habiter dans des foyers multigénérationnels que les personnes âgées nées au Canada et les immigrants âgés qui vivaient au pays depuis plus longtempsNote 39. En outre, il s’agit d’une tradition chez certains groupes d’immigrants que les personnes âgées vivent avec leurs enfants ou d’autres membres de la familleNote 40, et cela pourrait expliquer pourquoi les répondants immigrants à l’ESCC étaient moins susceptibles de déménager dans un ESI ou une RPA au moment du suivi de l’étude. Étant donné que les futures cohortes de Canadiens âgés sont susceptibles d’être plus diversifiées sur le plan ethnoculturel que les personnes âgées actuellesNote 41, l’effet de l’ethnicité et du statut d’immigrant pourraient avoir une influence significative sur les futures préférences en matière de résidence.
Certaines différences interprovinciales liées à la probabilité que des personnes déménagent dans une RPA ont également été mises en évidence dans le cadre de la présente étude. Les répondants de l’Alberta et du Québec étaient plus susceptibles que ceux de l’Ontario d’avoir déménagé dans une RPA le jour du Recensement de 2011; toutefois, il y avait peu de différences interprovinciales au chapitre des entrées dans les ESI. Selon les données de l’Enquête sur les résidences pour personnes âgées menée par la Société canadienne d’hypothèques et de logement, le Québec présente le plus grand bassin de places en RPA au Canada, les plus faibles loyers moyens pour de telles places et un degré élevé de commercialisation ciblée dans le marché des RPANote 42. Le nombre de places en RPA en Alberta a augmenté au fil des ans, augmentant de 5,9 % de 2009 à 2010Note 43. Ce nombre a continué à augmenter : en Alberta, l’augmentation du nombre de places en RPA en 2015 a devancé l’augmentation du nombre de personnes de 75 ans et plusNote 44. La grande disponibilité des places en RPA en Alberta et au Québec pourrait contribuer aux différences interprovinciales observées dans le cadre de cette étude.
Limites
Bien que le taux de couplage soit élevé dans son ensemble (90,2 %), les taux de couplage sont significativement inférieurs chez les répondants plus âgés, lesquels sont les plus susceptibles d’habiter dans des établissements de soins infirmiers (ESI) ou des résidences pour personnes âgées (RPA). Selon les données du Recensement de 2011, 3,1 % des Canadiens de 60 ans et plus habitaient dans un ESI et 1,9 % habitaient dans une RPA. Dans la présente étude, la proportion de personnes habitant dans une RPA (1,2 %) se compare aux résultats observés dans le cadre du recensement. En revanche, la proportion de l’échantillon analytique résidant dans des ESI est nettement plus petite dans cette étude que dans les résultats du recensement. Une raison qui pourrait expliquer cette différence est que l’échantillon de l’étude faisait appel à des personnes connues pour habiter dans des logements privés, ce qui excluait ainsi les personnes qui habitaient déjà dans une RPA ou un ESI.
La présente étude a seulement permis d’examiner le lieu de résidence à un moment précis dans le temps, soit le jour du Recensement de 2011. Il est probable que certains répondants à l’ESCC qui sont décédés avant le jour du recensement puissent avoir habité dans un ESI ou une RPA au moment de leur décès. Toutefois, parce que ces transitions n’ont pu être relevées, ces données n’ont pas pu être analysées. D’autres études pourraient souhaiter examiner les données avec un degré de précision plus élevé relativement à la date d’entrée en soins de longue durée et en soins en établissement.
De même, les modifications des caractéristiques des répondants (sauf l’état matrimonial) ne sont pas comprises aux fins de la présente étude. Les effets des modifications de l’état de santé après l’interview de l’ESCC ou d’événements graves se produisant entre l’interview de l’ESCC et le recensement ne peuvent être distingués à partir de cette analyse. De plus, les caractéristiques étaient limitées à des mesures autodéclarées. L’utilisation de mesures directes et d’autres sources de renseignements peut avoir produit des estimations différentes.
En dernier lieu, même si l’inclusion des logements privés avec d’autres membres de la famille (LPAF) en tant que variable de logement représentait une force et un trait unique à cette étude, sa mesure était imparfaite. On ignore si des personnes habitant dans des LPAF ont reçu un soutien supplémentaire des membres de la famille ou si, dans le cas d’enfants adultes revenant habiter dans le foyer familial, le répondant était celui qui offrait une aide supplémentaire, financièrement ou autrement. Un examen plus poussé des différentes situations des particuliers dans les logements privés devra utiliser d’autres sources de données pour mieux comprendre cette transition résidentielle croissante et possiblement importante.
Conclusion
Bien que l’âge représente un fort prédicteur qu’une personne fasse la transition d’un logement privé à une résidence pour personnes âgées ou à un établissement de soins infirmiers, d’autres facteurs comme la perte d’un conjoint ou le diagnostic d’un problème de santé chronique sont également des prédicteurs de telles transitions résidentielles. D’autres projections de la demande et du besoin d’aide à la vie autonome et de soins en établissement devraient tenir compte de l’influence de ces autres facteurs dans leurs calculs.
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