Mortalité attribuable au diabète sucré, 2004 à 2008 : une analyse selon les causes multiples de décès

Warning Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

par Jungwee Park et Paul A. Peters

Le diabète sucré est l’une des maladies chroniques les plus répandues au Canada. Il résulte de l’incapacité du corps à produire suffisamment d’insuline ou à s’en servir correctement.  L’insuline, une hormone sécrétée par les cellules bêta du pancréas, facilite l’absorption du sucre dans le sang par les cellules du corps, qui s’en servent comme source d’énergieNote1. Chez les personnes atteintes du diabète de type 1, l’organisme ne produit que peu ou pas d’insuline; chez celles souffrant du diabète de type  2, le pancréas produit toujours de l’insuline, mais le corps développe une résistance à son action ou une déficience de cette hormone.

En 2008-2009, on estimait à environ 2,4 millions (7 % de la population) le nombre de Canadiens vivant avec le diabète (cas diagnostiqués seulement)1. Bien que bon nombre des  complications du diabète soient associées à la mortalité, en général, le diabète sucré ne constitue pas en soi une cause principale ou initiale déclarée de décèsNote1. Par exemple, il représente un facteur de risque de complications vasculaires, telles les coronaropathies, les maladies vasculaires périphériques, les maladies rénales et les lésions nerveusesNote2, qui elles, sont souvent  enregistrées de préférence au diabète sucré sur le certificat de décès comme la cause initiale de décès.

Conformément aux conventions internationales, « cause initiale unique » se dit de la maladie ou du traumatisme qui a déclenché l’évolution morbide conduisant directement au décèsNote3. Cependant, dans le cas d’affections qui sont souvent accompagnées de plusieurs états comorbides, il pourrait n’exister aucune séquence étiologique directe pour faciliter la détermination d’une cause initiale uniqueNote4,Note5; en pareil cas, la mortalité résulte plutôt d’une combinaison de facteurs multiples. Ainsi, le fait d’attribuer le décès à une cause initiale peut occulter la part imputable aux affections chroniques comme le diabète sucré. Pour pallier cette limite, on se sert de statistiques sur les causes multiples de décès qui, outre la cause initiale, englobent également les causes secondaires de décès, aussi appelées causes associées. Ces données permettent de mieux comprendre l’association entre les affections chroniques et la mortalité.

Récemment, Statistique Canada a créé un ensemble de données qui permet de saisir électroniquement la cause initiale et les causes secondaires apparaissant sur les certificats de décès (voir Les données). Ces dernières peuvent inclure des affections enregistrées en tant que cause immédiate de décès, des maladies intervenant entre la cause initiale et la cause immédiate, ainsi que des états associés ne faisant pas partie de la séquence étiologique ayant conduit au décès. Fondée sur ces nouvelles données, la présente analyse brosse un tableau plus complet du diabète sucré en tant que cause de décès pour la période de 2004 à 2008, inclusivement.

Plus susceptible d’être une cause secondaire

Au total, au cours de la période de référence de cinq ans, 120 050 décès liés au diabète sucré ont été enregistrés au Canada (tableau 1), ce qui représente 10,6 % de tous les décès survenus au cours de cette période. Parmi ce nombre, 37 041 décès étaient attribuables au diabète sucré comme cause initiale; dans le cas des 83 009 autres décès, le diabète sucré était une cause secondaire. Ainsi, le diabète sucré était plus de deux fois plus susceptible d’être codé comme une cause secondaire de décès que comme une cause initiale.

Les taux bruts de mortalité liée au diabète sucré comme cause initiale sont demeurés stables durant la période de cinq ans, soit environ 24 décès pour 100 000 hommes et 21 décès pour 100 000 femmes (graphique 1). En revanche, les taux bruts de mortalité se rapportant au diabète sucré comme cause secondaire sont passés de 50 à 57 décès pour 100 000 hommes et de 44 à 50 décès pour 100 000 femmes, ce qui représente une hausse d’environ 15 %, comparativement à 7 % dans le cas des causes non liées au diabète sucré (données non présentées).

La progression du diabète sucré comme cause secondaire de décès pourrait dépendre de la hausse de la prévalence de la maladie. Selon les résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, de 2003 à 2007-2008, la prévalence du diabète sucré est passée de 4,6 % à 5,8 % chez les personnes de 12 ans et plus (soit de 1,22 à 1,67 million de personnes) (données non présentées). Le nombre croissant de diabétiques pourrait avoir donné lieu à un plus grand nombre de décès par suite des complications du diabète que par suite du diabète sucré comme cause initialeNote1.

Cause plus fréquente chez les hommes

Le diabète sucré était plus susceptible d’être une cause de décès chez les hommes que chez les femmes. Au cours de la période de 2004 à 2008, le taux brut de mortalité attribuable au diabète sucré comme cause initiale était de 23,8 décès pour 100 000 hommes, comparativement à 21,7 décès pour 100 000 femmes. Les taux bruts de mortalité liée au diabète sucré comme cause secondaire étaient de 54,7 décès pour 100 000 hommes et de 47,2 décès pour 100 000 femmes.

Hausse des taux avec l’âge

Peu importe que le diabète sucré soit codé comme une cause secondaire ou comme la cause initiale de décès, l’âge moyen au moment du décès était d’environ 76 ans (74 ou 75 ans chez les hommes; 79 ans chez les femmes) (tableau 2).

Le taux brut de mortalité par suite du diabète sucré comme cause initiale passait de 0,8 décès pour 100 000 personnes de moins de 45 ans à 394,1 décès pour 100 000 personnes de 85 ans et plus. Pour le diabète sucré comme cause secondaire de décès, il passait de 0,9 décès pour 100 000 personnes de moins de 45 ans à 835,8 décès pour 100 000 personnes de 85 ans et plus. Le pourcentage de décès liés au diabète a augmenté, pour passer de moins de 3 % chez les personnes de moins de 45 ans à 13 % chez celles de 65 à 84 ans, puis a diminué, pour s’établir à 9 % chez les personnes de 85 ans et plus (données non présentées).

Revenu plus élevé et taux plus faibles

Les taux bruts de mortalité liée au diabète sucré v ariaient selon le revenu du quartierNote7. Les taux les plus élevés ont été enregistrés dans les quartiers classés dans le quintile de revenu inférieur (31,4 décès pour 100 000 personnes s’il s’agissait de la cause initiale de décès et 67,1 décès pour 100 000 personnes s’il s’agissait d’une cause secondaire), tandis que les taux les plus faibles ont été observés dans les quartiers appartenant au quintile de revenu supérieur (17,2 et 39,2 décès pour 100 000 personnes, respectivement).

Différences géographiques

Les taux provinciaux/territoriaux bruts de mortalité attribuable au diabète sucré présentaient des différences marquées. Par exemple, ce taux était de 45 décès pour 100 000 personnes à Terre-Neuve-et-Labrador, comparativement à 13 décès pour 100 000 personnes en Alberta. Les taux avaient tendance à être relativement faibles à l’Île-du-Prince-Édouard, au Québec, en Alberta, en Colombie-Britannique, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Cette répartition géographique de la mortalité reflète la prévalence provinciale/territoriale des cas diagnostiqués de diabète sucréNote1.

Rarement l’unique cause

Le diabète sucré était rarement l’unique cause de décès. Il l’était pour tout juste 1,4 % des décès déclarés pour la période de 2004 à 2008. À titre de comparaison, 16 % des décès survenus au cours de cette période étaient attribuables à une cause unique.

Lorsque le diabète sucré était enregistré comme la cause initiale d’un décès, 3,2 autres causes figuraient en moyenne sur le certificat de décès. Calculé pour tous les décès dans leur ensemble, le nombre moyen de causes secondaires était de 2,2.

Lorsque le diabète sucré était une cause secondaire de décès, 5 affections étaient énumérées en moyenne sur le certificat de décès (1 cause initiale en plus de 3 causes secondaires). Calculé pour la totalité des décès, le nombre moyen de causes par certificat de décès était de 3.

Causes coexistantes

Peu importe que le diabète sucré soit une cause initiale de décès ou une cause secondaire, les affections coexistantes qui apparaissaient le plus souvent sur les certificats de décès étaient les maladies cardiovasculaires. Au total, 9 décès sur 10 dont la cause initiale déclarée était le diabète sucré avaient aussi une maladie cardiovasculaire comme cause secondaire (tableau 3). Parmi les maladies cardiovasculaires, était mentionnée le plus souvent la cardiopathie ischémique (55 %), suivie des autres maladies cardiovasculaires (52 %), de la cardiopathie hypertensive (31 %) et de la maladie cérébrovasculaire (22 %) (données non présentées). Les autres causes secondaires déclarées fréquemment dans le cas des décès liés au diabète sucré étaient les maladies de l’appareil génito-urinaire, les troubles neuropsychiatriques, les maladies respiratoires, les maladies endocriniennes, les infections respiratoires et les maladies de l’appareil digestif.

Lorsque le diabète sucré était une cause secondaire, la plupart du temps, les maladies cardiovasculaires étaient la cause initiale du décès (45 %). En outre, le diabète sucré était souvent une cause secondaire dans le cas de décès dus à une tumeur maligne.

Le lien étroit entre le diabète sucré et certaines maladies reflète peut-être des facteurs de risque communs. Par exemple, le diabète sucré et les maladies cardiovasculaires ont certains facteurs de risque en commun, notamment l’obésité, l’inactivité physique et une mauvaise nutrition. En outre, on sait du diabète sucré qu’il amplifie les effets d’autres facteurs de risque de maladies de l’appareil circulatoire, comme l’hypertension et l’usage du tabacNote2.

Mot de la fin

Les données sur les causes de décès sont habituellement fondées sur la cause initiale, et non sur les autres causes ayant contribué au décès. Cependant, les statistiques sur la mortalité par cause unique peuvent masquer l’incidence des maladies chroniques, telles que le diabète sucré, qui est rarement une cause initiale de décès.

Fondée sur les données du Fichier sur les causes multiples de décès, la présente étude montre que, de 2004 à 2008, le diabète sucré était plus de deux fois plus susceptible d’être codé comme une cause secondaire de décès qu’une cause initiale. Les taux de mortalité liée au diabète sucré étaient plus élevés chez les hommes, chez les personnes âgées et chez les personnes vivant dans les quartiers à faible revenu que chez les autres. Lorsque le diabète sucré apparaissait sur le certificat de décès, le plus souvent, les maladies cardiovasculaires y étaient mentionnées également, soit en tant que cause initiale de décès, soit en tant que cause secondaire.

À l’avenir, à mesure que les données sur les causes multiples de décès couvriront de plus longues périodes, les études sur la mortalité liée au diabète sucré s’en trouveront rehaussées. En outre, on augmentera les possibilités analytiques en couplant ces données avec celles d’autres sources de renseignements sur la personne décédée.

Date de modification :