Prévalence et corrélats de la consommation d'un supplément d'acide folique au Canada

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Par Cynthia K. Colapinto, Deborah L. O'Connor, Lise Dubois et Mark S. Tremblay

L'acide folique, qui fait partie du groupe des vitamines B, est un nutriment essentiel à la réduction du risque de malformations congénitales du tube neural1. Il joue un rôle important dans les voies métaboliques auxquelles participent la vitamine B12 et l'homocystéïne1. Alors que des folates, ou sels d'acide folique, sont présents naturellement dans de nombreux aliments, tels que les légumes vert foncé et les légumineuses, la forme synthétique la plus courante dans les aliments enrichis et dans les suppléments est l'acide folique. Ordinairement, les membres de la population générale n'ont pas besoin d'un supplément d'acide folique, à moins qu'un professionnel de la santé ne le recommande pour des raisons médicales. En fait, un taux élevé d'acide folique provenant de suppléments peut masquer et exacerber la carence en vitamine B12, particulièrement chez les personnes âgées, ce qui risque d'entraîner des lésions neurologiques2-4.

Selon les apports nutritionnels de référence établis par l'Institute of Medicine, l'apport nutritionnel recommandé pour la population de plus de 13 ans est de 0,4 mg d'acide folique par jour5. Pour les femmes en âge de procréer, un apport additionnel de 0,4 mg par jour provenant de suppléments ou d'aliments enrichis est conseillé5. Sachant que jusqu'à 50 % des grossesses ne sont pas planifiées et que de nombreuses femmes en âge de procréer ne consomment qu'irrégulièrement de l'acide folique avant la grossesse ou n'en consomment pas du tout, en 1998, le Canada a approuvé l'enrichissement en acide folique du blé blanc et de certaines autres céréales, en sus des recommandations adoptées antérieurement concernant la supplémentation6.

Fondée sur des données provenant de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) réalisée de 2007 à 2009, la présente analyse porte sur la consommation autodéclarée de suppléments contenant de l'acide folique (voir Les données). Elle comprend l'étude des associations avec les caractéristiques sociodémographiques, ainsi que certains facteurs comportementaux et cliniques, dont la concentration d'acide folique érythrocytaire, c.-à-d. dans les globules rouges, déterminée pour la première fois auprès d'un échantillon représentatif de la population nationale.

Un sur quatre

Selon les données de l'ECMS, un Canadien de 6 à 79 ans sur quatre (environ 25 %) a déclaré avoir pris un supplément contenant de l'acide folique au cours des 30 jours qui ont précédé l'entrevue (tableau 1). Ce chiffre concorde avec les données du cycle 2.2 (Nutrition) de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 200425. Les femmes étaient significativement plus susceptibles que les hommes de déclarer prendre un supplément contenant de l'acide folique (28 % par opposition à 21 %).

Tableau 1 Prévalence et rapports de cotes corrigés de la consommation d'un supplément contenant de l'acide folique, selon certaines caractéristiques, population à domicile de 6 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009Tableau 1 Prévalence et rapports de cotes corrigés de la consommation d'un supplément contenant de l'acide folique, selon certaines caractéristiques, population à domicile de 6 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009

La prévalence de la consommation de suppléments contenant de l'acide folique était la plus élevée chez le groupe d'âge le plus jeune et le groupe d'âge le plus âgé, et la plus faible, chez les adolescents et les jeunes adultes. Dans tous les groupes d'âge au delà de 30 ans, la probabilité de prendre un tel supplément était plus élevée chez les femmes que chez les hommes (données non présentées). La prévalence de la consommation atteignait un sommet chez les femmes de plus de 70 ans (36 %) et était la plus faible chez les garçons de 14 à 18 ans (11 %) (données non présentées).

Un gradient positif selon le revenu du ménage s'est dégagé, les membres des ménages des quartiles inférieurs de revenu étant significativement moins susceptibles que ceux du quartile supérieur d'avoir pris un supplément contenant de l'acide folique.

Même lorsqu'il était tenu compte de l'influence éventuelle de l'âge et du revenu du ménage, les femmes demeuraient significativement plus susceptibles que les hommes d'avoir consommé un supplément contenant de l'acide folique (RC : 1,53; IC : 1,22, 1,92). Le niveau de scolarité du ménage et le pays de naissance n'étaient pas des corrélats significatifs de la consommation d'un supplément d'acide folique.

Alimentation, exercice et usage du tabac

Ensemble, les céréales, les fruits et les légumes sont à l'origine de 62 % à 78 % de l'apport alimentaire d'acide folique des Canadiens10,26,27. Cependant, la cote exprimant les chances de prendre un supplément contenant de l'acide folique (RC : 0,43; IC : 0,33, 0,57) était significativement plus faible chez les personnes qui consommaient des fruits et légumes assez peu souvent (moins d'une fois par jour) que chez celles qui en consommaient au moins trois fois par jour. Par contre, l'apport de céréales n'était pas lié de manière significative à la consommation d'un supplément d'acide folique (tableau 1).

La cote exprimant les chances de prendre un supplément d'acide folique était significativement plus faible chez les personnes qui se disaient inactives durant leurs loisirs que chez celles qui étaient actives. Cette cote était aussi significativement plus faible chez les personnes qui fumaient tous les jours que chez celles qui n'avaient jamais fumé. Le fait d'avoir un médecin de famille et la fréquence de la consommation d'alcool n'étaient pas liés à la consommation de suppléments contenant de l'acide folique (données non présentées).

Enfin, les chances de prendre un supplément contenant de l'acide folique étaient significativement plus faibles chez les personnes qui, selon l'IMC, se trouvaient dans la catégorie d'embonpoint ou d'obésité que chez les autres.

Biomarqueurs

Le taux d'acide folique érythrocytaire est le meilleur indicateur des réserves d'acide folique dans les tissus28. Les personnes dont la concentration d'acide folique érythrocytaire était inférieure à la médiane (moins de 1 248 nmol/L) étaient significativement moins susceptibles de déclarer avoir pris un supplément contenant de l'acide folique (RC : 0,33; IC 0,25, 0,43) que celles dont la concentration était égale ou supérieure à la médiane.

L'apport maximal tolérable d'acide folique est de 1 000 µg de la forme synthétique par jour. Des quantités plus élevées pourraient masquer une carence en vitamine B125. Dans l'ensemble, 17,4 % des personnes prenant un supplément d'acide folique en consommaient 1 000 µg ou plus (figures 1 et 2). Les lignes directrices canadiennes sur la nutrition durant la grossesse et le règlement fédéral sur les produits de santé naturels29,30 recommandent la prise combinée de suppléments de vitamine B12 et d'acide folique afin de réduire le risque de masquer une carence en vitamine B12. Une grande majorité (91 %) des participants à l'ECMS qui avaient pris un supplément contenant de l'acide folique ont également déclaré prendre un supplément contenant de la vitamine B12. En outre, les personnes dont la concentration sérique de vitamine B12 était faible étaient moins susceptibles d'avoir consommé un supplément contenant de l'acide folique (RC : 0,33; IC : 0,24, 0,47) que celles dont la concentration de vitamine B12 était plus élevée.

Une concentration plasmatique élevée d'homocystéïne est un biomarqueur de faibles concentrations d'acide folique et de vitamine B1220. Les personnes dont la concentration plasmatique d'homocystéïne était élevée étaient moins susceptibles de consommer un supplément contenant de l'acide folique (RC : 0,33; IC : 0,22, 0,52) que celles dont la concentration se situait dans la fourchette normale.

La variable des facteurs de risque cliniques n'était pas corrélée de manière significative à la prise d'un supplément contenant de l'acide folique (données non présentées).

Dosage

La quantité d'acide folique dans les suppléments consommés par environ la moitié (51 %) des personnes prenant un supplément variait de 400 à 999 µg, et dans ceux consommés par un autre tiers (32 %), le dosage d'acide folique était de 1 à 399 µg (figure 1). Les 17 % restants, soit 22 % des femmes et 10 % des hommes, prenaient des suppléments contenant 1 000 µg ou plus d'acide folique.

Figure 1 Dosage déclaré des suppléments contenant de l'acide folique, selon le sexe, population à domicile de 6 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009Figure 1 Dosage déclaré des suppléments contenant de l'acide folique, selon le sexe, population à domicile de 6 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009

Chez les enfants et les adolescents de 6 à 18 ans, le dosage le plus fréquent de l'acide folique variait de 1 à 399 µg (figure 2). Dans les suppléments contenant de l'acide folique conçus pour les enfants au Canada, le dosage est de 100 à 400 µg7. Chez les personnes plus âgées, particulièrement celles de 51 à 79 ans, le dosage déclaré le plus fréquemment était de 400 à 999 µg. Environ 20 % des personnes de plus de 19 ans ont dit prendre un supplément contenant au moins 1 000 µg d'acide folique. Un apport aussi élevé était extrêmement rare chez les jeunes.

Figure 2 Dosage déclaré des suppléments contenant de l'acide folique, selon le groupe d'âge, population à domicile de 6 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009Figure 2 Dosage déclaré des suppléments contenant de l'acide folique, selon le groupe d'âge, population à domicile de 6 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009

Conclusion

La consommation de suppléments contenant de l'acide folique est associée à un certain nombre de facteurs sociodémographiques (sexe, âge, revenu du ménage), comportementaux (fréquence de la consommation de fruits et légumes, activité physique, usage du tabac, embonpoint ou obésité) et cliniques (concentration sanguine d'acide folique érythrocytaire, concentration sérique de vitamine B12 et concentration plasmatique d'homocystéïne). Les résultats exposés ici peuvent éclairer l'élaboration des politiques en matière d'enrichissement des aliments et de supplémentation au Canada.

Remerciements

Les auteurs remercient la Division de l'analyse de la santé de Statistique Canada, en particulier Tracey Bushnik et Michelle Rotermann, de leur aide à l'étape de l'analyse de la présente étude. Nous remercions aussi la Division des mesures physiques de la santé d'avoir préparé les données et de nous avoir accordé un accès spécial à celles ci. La présente étude a été financée par une bourse de recherche destinée aux professionnels de la santé dans le domaine de la santé publique des IRSC octroyée à Cynthia Colapinto (référence de financement no 180375) et une subvention de fonctionnement des IRSC (référence de financement no 218776).