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Les enquêtes sur la santé de la population appuient souvent leurs estimations de la prévalence de l'obésité sur le calcul de l'indice de masse corporelle (IMC), qui mesure le poids d'une personne en fonction de sa taille. Depuis le milieu des années 1990, l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) et l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP), les deux principales études sur la santé réalisées par Statistique Canada, s'en remettent généralement aux répondants pour obtenir des données sur leur taille et leur poids, et elles estiment l'IMC à l'aide de ces données.

Une récente revue systématique de la documentation a révélé l'existence d'un biais lié aux données autodéclarées sur le poids et la taille1. La plupart des études montrent que les autodéclarations sous-estiment le poids et surestiment la taille. La prévalence estimée de l'obésité est donc moins élevée lorsqu'elle est fondée sur des données autodéclarées que lorsqu'elle s'appuie sur des valeurs mesurées. Il semble aussi que les associations entre l'obésité et la morbidité varient selon que l'IMC est calculé en fonction des données autodéclarées ou mesurées2,3.

En 2005, l'ESCC a recueilli, auprès d'un sous-échantillon de répondants, des données autodéclarées et des données mesurées de la taille et du poids. À l'aide de ces données, la présente étude rend compte, pour la population canadienne, de l'ampleur du biais qui existe lorsque la taille, le poids et l'IMC sont calculés à partir de données autodéclarées plutôt que mesurées. Elle se penche sur les facteurs liés à l'erreur de déclaration.

Méthodes

Source des données

Les données sont celles de l'ESCC de 2005, menée auprès des personnes à domicile âgées de 12 ans et plus. Sont exclus du champ de l'enquête les habitants des réserves indiennes et de certaines régions éloignées et les personnes vivant en établissement, les membres à temps plein des Forces canadiennes et les civils résidant dans une base militaire. Les interviews ont été réalisées entre janvier et décembre 2005. Le taux de réponse a été de 79 %, ce qui a donné un échantillon de 132 947 répondants.

L'ESCC de 2005 a fait appel à trois bases de sondage pour choisir l'échantillon des ménages : 49 % des ménages provenaient d'une base aréolaire, 50 %, d'une base liste de numéros de téléphone et 1 %, d'une base de sondage à composition aléatoire (CA). Pour des raisons de coûts, les données mesurées de la taille et du poids ont été recueillies seulement auprès d'un sous-échantillon de répondants (le « sous-échantillon 2 »), tous tirés de la base aréolaire. Les résidents des territoires ont été exclus de ce sous-échantillon.

Au total, 7 376 répondants de l'ESCC ont été choisis pour le sous-échantillon 2. On a obtenu les mesures de la taille et du poids pour 4 735 d'entre eux. La non-réponse s'explique surtout par le refus. Comme les données mesurées de la taille et du poids ont été enregistrées pour 64 % seulement des répondants inclus dans le sous-échantillon 2, on a procédé à un ajustement afin de réduire au minimum le biais de non-réponse. Un poids de sondage particulier a été créé en redistribuant les poids d'échantillonnage des non-répondants entre les répondants au moyen de catégories de propension à répondre. Les variables suivantes ont servi à définir ces catégories : la région (Colombie-Britannique, Prairies, Ontario, Québec, provinces de l'Atlantique), l'âge, le sexe, la taille du ménage, l'état matrimonial, l'indicateur de région rurale ou urbaine et le trimestre de collecte.

Sur les 4 735 répondants dont on a recueilli les mesures de la taille et du poids, 125 ont été exclus de l'analyse parce que les données autodéclarées sur la taille ou le poids manquaient, et 43 femmes ont été exclues parce qu'elles étaient enceintes au moment de l'enquête. L'ESCC a ainsi porté sur 4 567 répondants.

Les méthodes de l'ESCC sont décrites plus amplement dans un rapport déjà publié4.

Techniques d'analyse

On a estimé le biais associé à l'utilisation des données autodéclarées pour le poids, la taille et l'IMC en portant les valeurs autodéclarées en diminution des valeurs mesurées. Un écart positif correspond à une sous-déclaration et un écart négatif, à une surdéclaration. Lorsque l'écart par rapport à la moyenne était égal ou supérieur à cinq écarts-types, la valeur a été considérée comme aberrante et éliminée de l'analyse (28 enregistrements pour le poids, 30 pour la taille et 32 pour l'IMC).

Comme la validité des données autodéclarées varie selon le sexe5-9, l'analyse a été réalisée séparément pour les hommes et pour les femmes. Pour cerner les facteurs associés au biais de déclaration, on a étudié la différence entre les valeurs mesurées et les valeurs autodéclarées en fonction de l'âge, du revenu du ménage, du statut d'immigrant, du niveau d'activité physique durant les loisirs, et du poids, de la taille et de l'IMC mesurés. À l'aide de modèles de régression linéaire multiple, on a déterminé quels facteurs sont associés au biais de façon indépendante.

Les répondants ont été répartis selon la catégorie de leur IMC (voir Définitions). Pour évaluer l'ampleur de la classification erronée due à l'utilisation de données autodéclarées pour estimer la prévalence des diverses catégories d'IMC, on a calculé la sensibilité et la spécificité. La sensibilité correspond au pourcentage de vrais positifs et la spécificité, au pourcentage de vrais négatifs. Par exemple, pour évaluer l'obésité (IMC de 30 kg/m2 ou plus), la sensibilité est le pourcentage des répondants considérés comme obèses selon les valeurs autodéclarées, par rapport à ceux considérés comme obèses selon les valeurs mesurées (autrement dit, le pourcentage des répondants obèses qui se sont déclarés obèses). Pour sa part, la spécificité est le pourcentage des répondants considérés comme non obèses (IMC inférieur à 30 kg/m2) selon les valeurs autodéclarées, par rapport aux non-obèses selon les valeurs mesurées (autrement dit, le pourcentage des répondants qui ont déclaré ne pas être obèses par rapport à ceux qui ne l'étaient effectivement pas).

Toutes les estimations ont été pondérées de façon à représenter la population à domicile âgée de 12 ans et plus en 2005 (en utilisant le poids créé pour tenir compte de la non-réponse concernant la taille et le poids mesurés des répondants du sous-échantillon 2). Afin de prendre en compte l'effet du plan d'enquête de l'ESCC, on a calculé les erreurs-types, les coefficients de variation et les intervalles de confiance de 95 % à l'aide de la méthode du bootstrap10-12. Enfin, on a testé les différences entre les estimations pour déterminer la signification statistique, fixée à 0,05.

Définitions

Pour obtenir la taille et le poids autodéclarés, on a posé les questions suivantes :

  • « Combien mesurez-vous sans vos souliers? » Les catégories pour la taille en pieds et en pouces figuraient sur le questionnaire et les valeurs métriques correspondantes étaient entre parenthèses. Les intervieweurs avaient pour consigne d'arrondir au pouce près les mesures au demi-pouce.

  • « Combien pesez-vous? » Si on lui posait la question, l'intervieweur demandait au répondant de lui donner son poids sans vêtements. Le répondant donnait ensuite cette valeur en livres ou en kilogrammes. La plupart des répondants (94 %) ont déclaré leur poids en livres.

Pour la majorité des répondants (73 % des hommes et 67 % des femmes), le poids déclaré se terminait par 0 ou 5; pourtant, en se fiant au hasard, on se serait attendu à ce qu'environ 20 % seulement des répondants aient un poids se terminant par un des ces chiffres (10 % pour chacun). Cette préférence relative au dernier chiffre constitue un autre facteur qui a été étudié par rapport au biais de déclaration.

Les intervieweurs de l'ESCC étaient formés pour mesurer la taille et le poids des répondants. La taille était mesurée au 0,5 cm près et le poids, au 0,1 kg près. Pour garantir l'exactitude et la cohérence des mesures, on a utilisé des balances étalonnées (Profit UC-321 fabriquée par Lifesource) et des rubans à mesurer. L'interview durait environ 50 minutes; on demandait aux répondants quels étaient leur taille et leur poids au début de l'interview, et on prenait leurs mesures vers la fin.

L'indice de masse corporelle (IMC) est un indice du poids rajusté en fonction de la taille. Dans la présente analyse, l'IMC est calculé selon les valeurs mesurées et autodéclarées, en divisant le poids en kilogrammes par le carré de la taille exprimé en mètres. Selon les lignes directrices canadiennes13, qui correspondent à celles de l'Organisation mondiale de la Santé, l'IMC des adultes est réparti en six catégories :

Catégorie                      Fourchette de l'IMC en kg/m2
Insuffisance pondérale     (IMC inférieur à 18,5)
Poids normal                   (IMC de 18,5 à 24,9)
Embonpoint                    (IMC de 25,0 à 29,9)
Obésité classe I              (IMC de 30,0 à 34,9)
Obésité classe II             (IMC de 35,0 à 39,9)
Obésité classe III            (IMC de 40,0 ou plus)

Les adultes de 18 ans et plus étaient classés par quartiles de taille et de poids selon les répartitions pondérées. Des seuils distincts ont été établis pour les hommes et pour les femmes, par quartile.

 Pour déterminer l'embonpoint et l'obésité chez les enfants et les adolescents, le groupe de travail international sur l'obésité (International Obesity Task Force [IOTF]) a recommandé d'extrapoler les seuils utilisés pour les adultes, soit 25 kg/m2 pour l'embonpoint et 30 kg/m2 pour l'obésité, en vue de créer des valeurs selon l'âge et le sexe15. Dans cette analyse, les enfants de 12 à 17 ans étaient répartis dans les catégories de poids normal, d'embonpoint ou d'obésité, selon les critères de l'IOTF; tous les adolescents obèses ont été regroupés dans la catégorie obésité de classe I.

Les immigrants s'entendaient des personnes nées hors du Canada qui n'étaient pas des citoyens canadiens par la naissance. Les répondants qui étaient des immigrants étaient répartis en deux groupes, selon  la période écoulée depuis leur immigration au Canada : de 0 à 10 ans et de 11 ans et plus.

On a déterminé le niveau d'activité physique durant les loisirs en se fondant sur la dépense énergétique (DE) totale durant les loisirs. La DE a été calculée d'après la fréquence et la durée déclarées de toutes les activités physiques effectuées durant les loisirs par un répondant au cours des trois mois ayant précédé l'interview de l'ESCC de 2005, et d'après la demande d'énergie métabolique (valeur de l'équivalent métabolique ou MET) de chaque activité, laquelle avait été calculée indépendamment16.

DE = ∑(Ni*Di*METi / 365 jours), où :
Ni = nombre d'occasions de l'activité i durant une année,
Di = durée moyenne en heures de l'activité i, et
METi = une valeur constante représentant la dépense d'énergie métabolique pour l'activité i.

Les personnes dont la DE était égale ou supérieure à 3 KKJ (kilocalories dépensées par kilogramme de poids corporel par jour) ont été considérées comme actives, celles dont la DE était de 1,5 à 2,9 KKJ, comme modérément actives et celles dont la DE était inférieure à 1,5 KKJ, comme inactives.

On a établi les groupes de revenu du ménage en calculant le ratio du revenu total du ménage provenant de toutes les sources au cours des 12 mois précédents au seuil de faible revenu (SFR) de Statistique Canada propre au nombre de personnes dans le ménage, à la taille de la collectivité et à l'année de l'enquête. Ces ratios du revenu corrigés ont été groupés en déciles (10 groupes comprenant chacun un dixième des Canadiens). Le revenu du ménage manquait pour 253 enregistrements (8 %) dans les dossiers de l'analyse. Dans le but de maximiser la taille de l'échantillon, on a créé une catégorie pour les valeurs manquantes sur le revenu et on l'a incorporée dans l'analyse de régression.

Résultats

Taille

En moyenne, la taille autodéclarée a surpassé la taille mesurée (tableau 1) de 0,7 cm. Les hommes ont surévalué leur taille de 1 cm en moyenne, contre 0,5 cm pour les femmes.

La tendance à surévaluer sa taille a augmenté avec l'âge, plus particulièrement chez les personnes âgées (tableau 2). Les hommes et les femmes de 65 à 79 ans se sont dit respectivement plus grands de 2,3 cm et de 1,6 cm qu'ils ne l'étaient en réalité et ceux âgés de 80 ans et plus, de 2,6 cm et de 3,3 cm.

Les réponses des personnes les plus petites (celles dont la taille les plaçait dans le quartile inférieur de la répartition) étaient les moins exactes : les hommes de ce groupe surévaluaient leur taille de 2,3 cm en moyenne et les femmes, de 1,9 cm. Il n'y avait aucune différence marquée entre la taille mesurée et la taille autodéclarée des hommes faisant partie du quartile supérieur (les plus grands) et des femmes des deux quartiles supérieurs.

La surdéclaration de la taille a varié selon l'IMC mesuré. Pour les répondants dans la catégorie de poids normal, aucun écart n'a été constaté entre la taille mesurée et la valeur autodéclarée, mais ceux qui faisaient de l'embonpoint ou souffraient d'obésité ont eu tendance à surévaluer leur taille. Cette divergence était prononcée pour la catégorie obésité de classe III, les hommes surévaluant leur taille de 2,1 cm en moyenne, contre 2,8 cm pour les femmes.

Des régressions linéaires multiples ont servi à établir les variables associées aux écarts entre la taille autodéclarée et la taille mesurée. La taille mesurée, le poids mesuré et l'âge avaient une corrélation indépendante avec les écarts pour les deux sexes (tableau A en annexe). En générale, la taille était surestimée. Les coefficients de régression positifs de régression (par exemple, la taille) correspondent donc à une réduction du biais de surdéclaration et les coefficients négatifs (par exemple, le poids), à une augmentation de ce biais. Ces associations entre les différences dans la taille, d'une part, et le revenu du ménage, le statut d'immigrant et l'activité physique, d'autre part, présentes dans l'analyse unidimensionnelle, n'ont pas persisté dans l'analyse multidimensionnelle.

Poids

En moyenne, le poids autodéclaré était inférieur de 2,1 kg au poids mesuré. Le biais était plus élevé chez les femmes, qui, en moyenne, sous-estimaient leur poids de 2,5 kg, contre 1,8 kg pour les hommes.

Dans les quatre quartiles de poids mesuré, les femmes ont sous-estimé leur poids, celles classées dans le quartile inférieur déclarant peser en moyenne 0,6 kg de moins que leur poids réel, contre 5,1 kg pour celles du quartile supérieur (tableau 3). Le poids autodéclaré des hommes du quartile inférieur ne différait pas de leur poids mesuré. Les hommes classés dans les autres quartiles ont sous-estimé leur poids, ceux du deuxième quartile déclarant peser 1,1 kg de moins que leur poids réel, contre 4,1 kg pour ceux du quartile supérieur.

La préférence relative au dernier chiffre (c'est-à-dire pour un chiffre se terminant par 0 ou 5) était corrélée avec la sous-déclaration chez les femmes, mais non chez les hommes. Les femmes ayant cette préférence ont en général arrondi leur poids à la baisse, alors que les hommes étaient enclins à l'arrondir autant à la hausse qu'à la baisse.

Les différences entre le poids autodéclaré et le poids mesuré étaient fortement corrélées avec l'IMC mesuré. Les hommes ayant une insuffisance pondérale ont surestimé leur poids de 6,9 kg en moyenne. Le poids autodéclaré des hommes ayant un poids normal a peu différé de leur poids mesuré, mais les hommes ayant de l'embonpoint ou souffrant d'obésité ont eu tendance à sous-estimer leur poids, l'écart entre les deux valeurs étant le plus grand chez les obèses. Le poids autodéclaré des femmes ayant une insuffisance pondérale a peu différé de leur poids mesuré. Les femmes classées dans les catégories poids normal, embonpoint et obésité se sont toutes déclarées plus minces qu'elles ne l'étaient en réalité, et plus leur IMC était élevé, plus elles avaient tendance à sous-estimer leur poids.

Lorsque l'écart entre les valeurs autodéclarée et mesurée pour le poids est illustré sous forme de graphique (figure 1), l'augmentation du biais associé à la catégorie de l'IMC est manifeste. À mesure que l'IMC passe de l'insuffisance pondérale à l'obésité, la distribution des différences moyennes se déplace à la droite du zéro, indiquant que l'ampleur de la sous-déclaration augmente parallèlement à l'IMC.

Dans l'analyse multidimensionnelle, la variable la plus déterminante de l'écart entre le poids autodéclaré et le poids mesuré était le poids mesuré (tableau B en annexe), comme en font foi les coefficients de régression normalisés. En l'occurrence, la valeur positive du coefficient de régression pour le poids faisait état d'une augmentation du biais. Le coefficient de régression négatif pour la taille mesurée des hommes montre une corrélation entre l'augmentation de la taille mesurée et la diminution de la sous-déclaration du poids. Chez les femmes, on a constaté un rapport avec le niveau d'activité physique durant les loisirs, les femmes actives étant légèrement plus enclines à sous-déclarer leur poids. L'âge et le statut d'immigrant étaient significatifs dans l'analyse unidimensionnelle, mais ces corrélations n'ont pas persisté dans l'analyse multidimensionnelle.

Indice de masse corporelle

L'IMC fondé sur la taille et le poids autodéclarés a été, en moyenne, de 1,1 kg/m2 inférieur à celui reposant sur les valeurs mesurées. Autant les hommes que les femmes ont sous-estimé leur taille, mais l'écart a été un peu plus grand chez les femmes (1,2 kg/m2) que chez les hommes (0,9 kg/m2).

L'importance de l'écart entre l'IMC fondé sur la taille et le poids autodéclarés et celui reposant sur les mesures réelles est fortement corrélée avec l'IMC mesuré (tableau 4). L'IMC fondé sur les valeurs autodéclarées des hommes ayant une insuffisance pondérale a été surestimé. Quant aux femmes ayant une insuffisance pondérale, l'IMC reposant sur les valeurs autodéclarées a peu varié par rapport à celui basé sur les valeurs mesurées. Pour toutes les autres catégories d'IMC, l'IMC autodéclaré était inférieur à l'IMC mesuré, cette sous-estimation s'étant accentuée en fonction de l'IMC. Les hommes de la classe obésité III ont sous-estimé leur IMC de 4,0 kg/m2 en moyenne, contre 5,0 kg/m2 pour les femmes de la même catégorie.

Dans l'analyse multidimensionnelle, les variables les plus déterminantes des écarts dans l'IMC étaient le poids et la taille mesurés (tableau C en annexe). On a aussi observé une faible corrélation avec l'âge. Chez les femmes, il s'est dégagé une corrélation avec le niveau d'activité physique durant les loisirs : la sous-estimation de l'IMC a été un peu plus importante chez les femmes actives et modérément actives que chez les inactives.

Classification erronée des catégories d'IMC

L'ampleur de la classification erronée qui ressort lorsque l'IMC s'appuie sur la taille et le poids autodéclarés a été évaluée en calculant la sensibilité et la spécificité (tableau 5).

La sensibilité a été élevée pour les répondants de la catégorie de poids normal, selon la taille et le poids mesurés. Ainsi, 95 % des hommes et 93 % des femmes se situant dans la fourchette de poids normal selon leur taille et leur poids mesurés ont été classés correctement dans cette catégorie, selon la taille et le poids qu'ils ont déclarés. Pour les répondants ayant de l'embonpoint, le degré de sensibilité est tombé à 70 % chez les hommes et à 63 % chez les femmes. La sensibilité a été faible chez les hommes et les femmes obèses : 51 % et 54 % respectivement pour la catégorie obésité de classe I, et 45 % et 57 % pour les catégories obésité des classes II et III. Pour les répondants ayant une insuffisance pondérale, la sensibilité a été particulièrement faible chez les hommes (40 %), mais plus élevée chez les femmes, soit 78 %.

Pour l'ensemble de la catégorie obésité (IMC de 30 kg/m2 ou plus), la sensibilité est ressortie à 63 % et a été légèrement supérieure chez les femmes (tableau 6). Elle s'est avérée particulièrement faible chez les personnes âgées.

La spécificité a été très élevée (plus de 95 %) pour les catégories d'obésité, ce qui donne à penser que très peu de répondants ont déclaré une taille et un poids permettant de les classer dans la catégorie obésité s'ils n'appartenaient pas vraiment à cette catégorie.

Prévalence de l'obésité

La prévalence estimée des catégories d'IMC diffère considérablement lorsqu'elle est calculée selon la taille et le poids mesurés plutôt que selon les valeurs autodéclarées (tableau 7). La prévalence de l'obésité fondée sur les données mesurées est supérieure de 7 points de pourcentage à l'estimation reposant sur les données autodéclarées (22,6 % contre 15,2 %). Chez les hommes, la prévalence de l'obésité fondée sur les données mesurées est plus élevée de 9 points de pourcentage, contre 6 points de pourcentage pour les femmes.

Les écarts sont particulièrement marqués chez les personnes de 65 ans ou plus (figure 2). Chez les hommes âgés, l'estimation de l'obésité fondée sur les valeurs mesurées est supérieure de 15 points de pourcentage à celle reposant sur les valeurs autodéclarées, contre 13 points de pourcentage pour les femmes âgées.

Discussion

La présente étude est la première analyse représentative à l'échelle nationale ayant pour but de comparer la taille, le poids et l'IMC autodéclarés de la population canadienne, avec des valeurs mesurées. Des erreurs systématiques en sont ressorties, comme lors d'études antérieures1, les répondants ayant surestimé leur taille et sous-estimé leur poids.

Comme l'ont montré d'autres études5,7,8,17,18, le taux de surdéclaration de la taille augmente avec l'âge des hommes et des femmes, étant particulièrement élevé chez les 65 ans et plus. Une diminution de la stature des personnes âgées résulte fréquemment de l'ostéoporose et de la perte de tonus musculaire19 liées au vieillissement, et il se peut que les répondants aient indiqué la taille qu'ils avaient à une autre époque.

L'ampleur de la sous-déclaration du poids a été plus élevée selon l'ESCC de 2005 que selon les études réalisées à partir d'enquêtes sur la santé menées à l'étranger (aux États-Unis5,20,21, en Angleterre22,23, en Écosse24, au pays de Galles7, en Espagne17, en Nouvelle-Zélande18, au Mexique25, en Finlande26 et au Brésil27). La plupart des données pour ces études ont été recueillies il y a au moins dix ans.

En outre, une étude effectuée au Canada il y a une vingtaine d'années (en 1985) a comparé les données sur le poids autodéclaré de l'Enquête sur la promotion de la santé et celles sur le poids mesuré de l'Enquête condition physique Canada de 198128. En ce qui concerne le poids moyen des 20 à 69 ans, les deux sondages ont dégagé une variation négligeable chez les hommes, alors que chez les femmes, les valeurs mesurées étaient en fait inférieures de 0,6 kg aux valeurs autodéclarées. Ces conclusions se rapprochent de celles d'une étude américaine de cette période-là29, ce qui indique que la tendance à sous-déclarer son poids s'est accentuée dans l'intervalle.

Depuis quelques années, le pourcentage de Canadiens ayant un surpoids est en nette progression30,31 et confirme une tendance mondiale32. Vu que l'ampleur de la sous-déclaration du poids croît en fonction de l'IMC, l'augmentation du biais global reflète peut-être les pourcentages plus élevés de Canadiens ayant de l'embonpoint ou étant obèses en 2005. Il se peut aussi que la condamnation sociale de l'obésité entre en ligne de compte. La prévalence croissante de l'obésité ne semble pas avoir rendu plus acceptable le fait d'avoir un poids corporel excessif, et il y a tout lieu de croire que l'attitude réprobatrice de la société s'intensifie33. Ce phénomène explique peut-être la tendance plus répandue chez les femmes à sous-déclarer leur poids, celles-ci se sentant peut-être davantage poussées à se conformer à des normes « acceptées »34.

Limites

Pour diverses raisons, la taille et le poids mesurés ont été obtenus pour seulement 64 % des répondants qui avaient été choisis pour la composante des mesures physiques (sous-échantillon 2) de l'ESCC. Un poids de sondage spécial a été créé pour réduire au minimum le biais de non-réponse associé aux facteurs tels que l'âge, le sexe et la région du pays (voir Source des données). Néanmoins, les estimations de l'obésité fondées sur les valeurs mesurées pourraient quand même être biaisées si la taille et le poids des non-répondants différaient systématiquement de la taille et du poids de ceux pour qui on a obtenu ces valeurs mesurées. Cependant, comme on a recueilli les données sur la taille et le poids autodéclarées auprès des répondants et des non-répondants à la composante des mesures physiques, on a pu partiellement évaluer l'importance du biais en comparant les estimations de l'obésité calculées à partir de ces données autodéclarées. Parmi tous les répondants choisis pour la prise des mesures physiques, la prévalence de l'obésité fondée sur les valeurs autodéclarées s'est chiffrée à 15,9 % (tableau D en annexe). Cette prévalence, nettement plus élevée chez les non-répondants que chez les personnes dont la taille et le poids ont été mesurés (19,1 % contre 14,0 %), indique que les personnes corpulentes étaient moins susceptibles d'accepter d'être mesurées. Mais lorsque le poids de sondage spécial a été appliqué aux répondants qui ont accepté d'être mesurés, la prévalence de l'obésité fondée sur les données autodéclarées a atteint 15,2 %, ce qui est semblable à la valeur estimée pour tous les répondants choisis en vue d'être mesurés.

On peut attribuer une partie du biais associé à la sous-déclaration du poids aux vêtements. Les répondants ont été pesés habillés, mais quand les gens se pèsent à la maison, ils portent peu ou pas de vêtements. Et lorsque les répondants leur ont posé la question, les intervieweurs leur ont demandé de donner leur poids sans vêtements.

On peut attribuer une partie du biais associé à la surdéclaration à l'arrondissement. Les intervieweurs avaient pour consigne d'arrondir au pouce près les mesures au demi-pouce, alors que pour la composante des mesures, la taille était arrondie au 0,5 cm près.

D'autres études ont été conçues de manière que les participants ignorent qu'on allait les mesurer2,18 : en effet, s'ils savent qu'ils seront mesurés, ils déclareront peut-être des valeurs plus exactes. Bien qu'on n'ait pas ordonné aux intervieweurs de l'ESCC de s'assurer que les répondants du sous-échantillon 2 ignorent qu'ils seraient mesurés, cela ne semble avoir eu aucune incidence sur les valeurs autodéclarées : il n'y avait aucune différence entre la taille et le poids moyens autodéclarés des répondants choisis à partir de la base aréolaire en vue d'être mesurés et ceux des répondants qui ne l'ont pas été.

Alors que la taille et le poids mesurés étaient considérés comme des valeurs « vraies », certains facteurs ont pu limiter leur exactitude. Les intervieweurs de Statistique Canada formés à cette fin ont mesuré la taille et le poids des répondants; toutefois, les mesures prises par des techniciens de la santé – courantes dans d'autres études – peuvent s'avérer plus exactes5,29. Les intervieweurs de Statistique Canada ont utilisé des balances étalonnées de façon identique et des rubans à mesurer gradués en unités identiques, mais on n'a pas effectué de tests de validité et de fiabilité pour évaluer l'exactitude et la reproductibilité des données entre intervieweurs et pour chacun de ceux-ci. Des stadiomètres auraient peut-être fourni des mesures plus exactes de la taille que les rubans à mesurer.

Enfin, la présente étude compare la taille et le poids mesurés avec les valeurs autodéclarées obtenues au cours d'interviews menées sur place. Il se peut que ces autodéclarations donnent lieu à une prévalence estimée de l'obésité plus élevée que si les données avaient été obtenues par interview téléphonique35. Cependant, l'estimation de l'obésité fondée sur des données autodéclarées pour la partie de l'échantillon jointe par téléphone était inférieure de seulement 1 % à celle pour le sous-échantillon 2, laquelle reposait sur les autodéclarations recueillies en personne.

Conclusion

Pour des raisons budgétaires et logistiques, la collecte des données autodéclarées sur la taille et le poids se poursuivra dans le cadre d'enquêtes sur la santé menées à grande échelle par Statistique Canada. Comme le révèle la présente enquête, cette pratique introduit des valeurs biaisées pour la taille et le poids des répondants, et il en résulte une forte mesure de classification erronée de la population par catégorie d'IMC. La prévalence de l'obésité fondée sur les données mesurées était supérieure de 7 points de pourcentage à l'estimation basée sur les données autodéclarées (22,6 % contre 15,2 %).

Cette étude présente un intérêt particulier pour les décideurs, les chercheurs et les utilisateurs de données. Jusqu'à maintenant, les tendances de la prévalence de l'obésité au Canada se sont généralement appuyées sur l'autodéclaration, mais l'utilisation de telles données signifie qu'on ignore l'exactitude des estimations et l'évolution véritable de cette prévalence avec le temps.

En outre, les résultats soulèvent la question de savoir si la corrélation entre l'IMC et les problèmes de santé liés à l'obésité est faussée lorsque l'IMC est calculé d'après les données autodéclarées. On affirme souvent que la sous-estimation de la prévalence de l'obésité peut affaiblir la corrélation entre l'obésité et ses conséquences sur la santé. Toutefois, une deuxième enquête fondée sur les données de l'ESCC de 200536 a révélé que le lien entre les problèmes de santé et l'embonpoint ainsi que l'obésité était exagéré lorsque l'IMC était calculé à partir de données autodéclarées plutôt que mesurées. Pour rectifier ce biais, les chercheurs pourraient songer à corriger les valeurs autodéclarées ou à réduire les seuils de l'IMC pour les catégories d'embonpoint et d'obésité.

Enfin, il importera de mesurer périodiquement l'ampleur du biais pour voir si elle varie avec le temps. En 2007, Statistique Canada a lancé l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS), l'enquête comportant des mesures physiques la plus complète jamais réalisée à l'échelle nationale. Les données de l'ECMS permettront de pousser plus loin les recherches portant sur le biais attribuable à l'utilisation des données autodéclarées dans l'estimation de la prévalence de l'obésité. En outre, l'ensemble de données servira à étudier l'IMC calculé d'après des mesures directes pour le comparer à d'autres mesures anthropométriques, comme la circonférence de la taille et des hanches et les mesures du pli cutané.