4. La dimension géographique

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Nous cherchons à savoir dans la présente section si les caractéristiques de l'emploi des travailleurs culturels diffèrent sur l'échiquier urbain-rural. Nous posons comme hypothèse que les travailleurs de la culture sont plus susceptibles d'être employés par des industries non culturelles dans les grandes régions urbaines comparativement aux milieux ruraux. Cette supposition tient au fait que beaucoup de professions culturelles sont très spécialisées. Par exemple, les architectes et les autres professionnels du design doivent généralement avoir suivi une longue formation postsecondaire. En général, il est plus facile pour les travailleurs ayant un ensemble de compétences et de connaissances très spécialisées de se trouver de l'emploi dans les villes, où se trouvent une grande diversité d'employeurs. C'est pourquoi à la fois les travailleurs de la culture et leurs employeurs ont intérêt à s'établir dans les régions urbaines, surtout dans les grands centres urbains. La présente section élargit donc l'analyse nationale en cherchant à savoir comment les caractéristiques de l'emploi de nature culturelle dans les régions urbaines diffèrent de celles des régions rurales.

À cette fin, nous avons divisé le Canada en trois groupes régionaux : les grandes villes (régions métropolitaines de recensement), qui ont une population supérieure à 100 000 habitants; les petites villes (agglomérations de recensement), qui ont une population supérieure à 10 000 habitants mais généralement de moins de100 000; et les régions rurales. Nous avons examiné et comparé les caractéristiques de l'emploi dans le secteur culturel dans chacun de ces trois groupes régionaux. Le tableau 6 montre que les travailleurs de la culture sont employés dans une très large mesure dans les grandes villes, moins dans les petites villes et le moins dans les régions rurales, comme il était prévisible. La différence dans la proportion de travailleurs de la culture est particulièrement prononcée entre les grandes villes et les petites villes. De plus, la proportion de travailleurs de la culture comparativement à la totalité de la main-d'œuvre dans les grandes villes a augmenté dans les années 90 et particulièrement après 1996, et il s'agit d'une tendance que nous n'avons pas constatée pour les deux autres catégories géographiques. C'est donc que les connaissances et les compétences créatrices que possèdent les travailleurs de la culture sont plus utiles dans les grandes économies urbaines.

Tableau 6
Emploi de nature culturelle

Il y a deux grandes façon possibles d'expliquer pourquoi les grandes villes peuvent avoir une plus grande proportion de travailleurs de la culture comparativement aux AR et aux régions rurales. La première est que les RMR, les AR et les régions rurales en général sont très différentes pour ce qui est des industries qui y sont établies. Les grandes villes ont généralement une économie beaucoup plus diversifiée, tandis que l'économie des régions rurales et des petites villes est plus spécialisée9. C'est donc que la combinaison particulière d'industries présentes dans les grandes régions urbaines comparativement aux petits centres peut être un facteur déterminant du nombre d'emplois de nature culturelle, surtout à la lumière des constatations à la section précédente selon lesquelles les travailleurs de la culture sont plus nombreux seulement dans certaines divisions. On dit qu'il s'agit d'un « effet mixte industriel ».

Il y a une deuxième explication possible, soit que les entreprises et les organismes publics qui sont situés dans les grandes villes pourraient généralement employer plus de travailleurs de la culture que des employeurs semblables dans les petites villes et les régions rurales. C'est qu'il y aurait une possibilité que les méthodes de production des biens et services, où les « fonctions de production » des entreprises et des organismes publics, diffèrent sur l'échiquier urbain-rural, même au sein d'une même industrie. Autrement dit, les pratiques d'emploi en ce qui concerne les travailleurs de la culture peuvent différer entre la ville et la campagne. Cette deuxième explication est l'« effet région » puisqu'elle tient compte du rôle de la région comme tel sur le comportement des employeurs.

Pour déterminer l'importance relative de l'effet mixte industriel et de l'effet région, nous avons ventilé les proportion de l'emploi de nature culturelle pour les RMR, les AR et les régions rurales en 1991 et en 2001. La ventilation a la forme mathématique suivante :

Les termes « s » sont les proportions de l'emploi de nature culturelle. Le terme « Iij » est un poids qui mesure la proportion de l'emploi dans un grand groupe dans une région (RMR, AR ou région rurale) par rapport à l'emploi total dans cette région. Le terme « i » sert à indexer chacun des 74 grands groupes non culturels, et le terme « j » sert à indexer la région en question. Le point (•) indique que la variable a été agrégée pour cette dimension. Si le point remplace « j », c'est donc que la variable a été agrégée pour toutes les régions et s'il remplace « i », tous les grands groupes ont été agrégés. Par conséquent, sj indique la proportion agrégée de l'emploi de nature culturelle dans tous les grands groupes dans la région j.

Le côté gauche de l'équation établit dans quelle mesure la proportion des travailleurs de la culture dans le secteur non culturel dans la région j s'écarte de la moyenne nationale. Le premier terme du côté droit est l'effet mixte industriel et il est positif si une région donnée contient un ensemble varié de grands groupes dans lesquels les travailleurs de la culture se trouvent employés dans une plus grande mesure que la combinaison particulière de grands groupes dans l'ensemble de l'économie nationale. Le deuxième terme mesure l'effet région. Il est positif si les employeurs utilisent des travailleurs de la culture dans une plus grande mesure s'ils sont situés dans une région donnée comparativement à la tendance nationale. Le tableau 7 présente les résultats de la ventilation.

L'effet mixte industriel et l'effet région sont positifs pour les RMR, mais les deux sont négatifs pour les AR et les régions rurales en 1991 et en 200110. Par conséquent, les deux effets contribuent au nombre relativement faible de travailleurs de la culture constaté dans les secteurs non culturels des petites villes et des régions rurales. Pour les AR, l'effet région est beaucoup plus prononcé que l'effet mixte industriel, ce qui indique qu'il est plus important. Par conséquent, les fonctions de production pour les entreprises et les organismes publics diffèrent selon qu'elles se trouvent dans les grandes villes ou les petites villes pour ce qui est de l'utilisation des professions culturelles. En revanche, dans les régions rurales, l'effet région et l'effet mixte industriel sont à peu près d'égale importance : les deux effets ont une ampleur semblable en 1991 et en 2001.

Tableau 7
Effet mixte industriel et effet région sur les proportions de l'emploi dans le secteur non culturel

Les résultats obtenus pour l'effet région dans la ventilation montrent que les employeurs des secteurs non culturels dans les mêmes grands groupes sont plus susceptibles d'utiliser les ensembles de compétences intégrés dans les professions culturelles lorsqu'ils sont situés dans les grandes villes plutôt que dans les petites régions. Ainsi que nous l'avons supposé cidessus, ce résultat peut s'expliquer par la plus grande disponibilité de travailleurs culturels, dont beaucoup ont des compétences et des connaissances très spécialisées, dans les grandes villes. C'est pourquoi l'effet région est compatible avec la notion selon laquelle les travailleurs de la culture, de même que les entreprises qui les emploient, ont intérêt à s'établir dans les grandes villes. Les employeurs dans les milieux ruraux et les petites villes, en revanche, n'auraient probablement d'autre choix que de donner en sous-traitance le travail relatif à la culture (le travail de design par exemple) à des entreprises en ville étant donné la faible main-d'œuvre culturelle située à l'extérieur des RMR. On pourrait analyser davantage cette possibilité dans d'autres études.

L'effet mixte industriel montre que la structure industrielle dan les grands milieux urbains a une propension vers les grands groupes qui emploient un nombre relativement élevé de travailleurs de la culture comparativement aux régions rurales et aux petites villes. Ce résultat correspond partiellement au fait que le travail de design très spécialisé se fait souvent dans les villes et surtout dans les grandes villes. Par exemple, il est avantageux pour les cabinets d'architectes, les entreprises de design et les entreprises de marketing de s'établir dans les grandes villes, étant donné le plus grand nombre de clients possibles. En outre, les industries manufacturières emploient beaucoup de travailleurs de la culture, surtout dans les professions des arts visuels et du design. Comme les usines se regroupent généralement dans les grandes villes, elles contribueraient ainsi à augmenter la part des RMR relativement aux deux autres catégories géographiques. Enfin, les industries des ressources naturelles, qui emploient peu de travailleurs de la culture, sont généralement plus présentes dans les économies rurales et des petites villes. C'est pourquoi l'effet mixte industriel positif constaté pour les grandes villes et l'effet négatif pour les petites villes et les régions rurales vont de soi. En outre, comme l'effet mixte industriel négatif se renforce quand on passe des petites villes aux régions rurales, on peut penser que la taille importe, c'està-dire que, plus la population d'une région est petite, moins il est probable qu'elle puisse avoir une structure industrielle lui permettant d'accueillir de vastes concentrations de travailleurs de la culture.