3. Tendances nationales pour les emplois reliés à la culture

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Nous examinons dans la présente section comment les travailleurs de la culture sont répartis dans l'ensemble de l'économie canadienne. Au départ, nous avons divisé l'économie en trois secteurs : le secteur culturel, le secteur non culturel et le secteur des industries non attribuées. Ce qui nous intéresse particulièrement, c'est l'utilisation d'intrants travail de la culture pour produire des biens et des services dans le secteur non culturel.

Il ne serait pas déraisonnable de penser que la majorité des travailleurs de la culture sont employés dans les industries culturelles. Or, comme le révèle le tableau 3, un peu moins de la moitié de tous les travailleurs de la culture sont employés dans le secteur non culturel de l'économie. Par conséquent la demande de travailleurs de la culture à l'extérieur du secteur de la culture comme tel est très importante pour comprendre les tendances dans l'emploi des travailleurs de la culture. Le tableau 4 illustre la proportion des travailleurs de la culture comparativement à l'emploi total dans le secteur culturel, le secteur non culturel et le secteur non attribué de l'économie. Les travailleurs de la culture a représenté plus de 0,7 % de toute la main-d'œuvre dans le secteur non culturel tout au long des années 90.

Tableau 3
Répartition des travailleurs de la culture

Tableau 4
Proportion des travailleurs de la culture comparativement au nombre total de travailleurs dans le secteur

Nous avons fait une deuxième constatation, soit la croissance importante de l'emploi en général dans le secteur culturel au cours des années 90. Comme le montre le tableau 3, à l'échelle nationale, le nombre total d'emplois dans les professions culturelles est passé de 188 735 à 259 675, une augmentation de 70 940 emplois. Il s'agit d'un taux de croissance de 37,6 %, trois fois plus rapide que celui de 13,0 % de la main-d'œuvre totale au cours de la décennie8. Par conséquent, les professions culturelles, et la créativité qui y est associée, sont devenus plus importantes dans l'ensemble de l'économie au cours de cette décennie.

Les deux tableaux indiquent également que la plus grande partie de la croissance de l'emploi dans les professions culturelles au cours des années 90 s'est produite dans le secteur culturel comme tel. Le nombre d'emplois de nature culturelle dans le secteur culturel a augmenté de 41 690, beaucoup plus que l'augmentation de 16 150 dans le secteur non culturel; les travailleurs de la culture représentaient 15,29 % de tous les travailleurs dans le secteur culturel en 1991, mais 19,53 % en 2001. La proportion des travailleurs de la culture dans le secteur non culturel a augmenté légèrement de 0,73 % à 0,77 % pendant les années 90, ce qui indique que la croissance des emplois de nature culturelle dans ce volet de l'économie a suivi la croissance de l'emploi total. Par conséquent, tout au long de la décennie, le secteur non culturel n'a à peu près pas augmenté son utilisation d'intrants travail de la culture. Il reste quand même à déterminer si certaines divisions au sein du secteur non culturel ont augmenté le nombre de travailleurs de la culture à leur emploi.

Tendances dans les divisions

Le secteur non culturel de l'économie comprend un vaste éventail d'industries. C'est pourquoi la façon dont les travailleurs de la culture sont utilisés par les employeurs dans le secteur non culturel peut beaucoup varier dans l'ensemble des industries. Pour déterminer si tel est le cas, nous avons réparti le secteur non culturel en ses divisions composantes pour examiner l'emploi de nature culturelle au prochain niveau inférieur d'agrégation. Le tableau 5 présente le secteur non culturel de l'économie à ce niveau plus détaillé pour mieux faire comprendre où se situe l'emploi de nature culturelle et comment les caractéristiques de cet emploi se sont élaborées au cours des années 90. Les industries agricoles, les industries de la pêche et du piégeage et les industries de l'exploitation forestière et des services forestiers ont été regroupées parce que chacune n'emploie qu'un très petit nombre de travailleurs de la culture.

Les données indiquent que les travailleurs de la culture dans le secteur non culturel ne sont pas répartis également entre les divisions. C'est plutôt dans les services aux entreprises, les services d'enseignement, les industries manufacturières et le commerce de détail que se trouvent la majorité des travailleurs de la culture dans le secteur non culturel. En 1991, ces quatre divisions comptaient pour 65,2 % de l'emploi total des travailleurs de la culture dans le secteur non culturel, une proportion qui est passée à 70,1 % en 1996 et à 73,7 % en 2001. C'est pourquoi l'analyse ciaprès porte sur ces quatre divisions.

Tableau 5
Emploi des travailleurs de la culture et proportions de l'emploi selon les divisions non culturelles

Industrie manufacturière et services aux entreprises

L'augmentation de l'emploi de travailleurs de la culture pendant les années 90 est particulièrement remarquable dans les industries manufacturières et les services aux entreprises. Les premières ont ajouté environ 6 790 emplois de nature culturelle à un effectif déjà existant de 12 240 travailleurs de la culture pendant cette décennie, de sorte qu'il y a eu une augmentation manifeste et constante de la proportion des travailleurs de la culture dans cette division, soit de 0,72 % à 1,00 % au cours de la décennie. Cette augmentation peut paraître peu importante, mais le nombre effectif de travailleurs de la culture dans les industries manufacturières a augmenté de plus de 55 %, un taux beaucoup plus élevé que l'augmentation de l'ensemble de l'emploi dans cette division (13 %).

On trouvera à l'annexe 2 une ventilation des quatre groupes principaux de professions culturelles (arts littéraires, arts visuels et design, arts de la scène et professions du patrimoine) pour chaque division. Pour les industries manufacturières, l'annexe 2 indique que les professions des arts visuels et du design représentaient la vaste majorité de l'emploi de nature culturelle dans cette division. Il n'est donc pas étonnant que la forte croissance dans ce groupe professionnel, soit de 10 455 travailleurs en 1991 à 17 405 travailleurs en 2001, explique la progression globale de l'emploi de nature culturelle observée au cours de la décennie. Étant donné la forte augmentation des emplois dans les arts visuels et le design, on peut fortement supposer que la production de biens de fabrication au Canada exigeait beaucoup plus de travail de design et de travail artistique vers la fin des années 90 qu'au cours des années précédentes. Cette tendance correspond à l'hypothèse selon laquelle les travailleurs de la culture sont devenus plus importants pour la production de biens et services dans l'économie au cours des années 90.

Les services aux entreprises sont une autre division qui emploie beaucoup de travailleurs de la culture. Comme dans le cas des industries manufacturières, le nombre de travailleurs de la culture employés dans la division a presque doublé au cours des années 90, pour passer de 13 255 à 25 340 travailleurs. Toutefois, l'emploi total dans les services aux entreprises a aussi fortement augmenté, soit de 542 595 à 906 845. La proportion des travailleurs de la culture dans la division est donc passée de 2,44 % en 1991 à tout juste 2,70 % en 2001, malgré la forte augmentation du nombre de travailleurs de la culture employés dans la division.

Les données figurant à l'annexe 2 révèlent que la vaste majorité des travailleurs de la culture dans les services aux entreprises sont dans les professions des arts visuels et du design. Au cours des années 90, le nombre de travailleurs dans ce groupe professionnel est passé de 10 840 à 19 900. Par conséquent, comme dans le cas des industries manufacturières, la forte croissance de l'emploi dans les professions des arts visuels et du design explique en grande partie l'augmentation globale de la proportion des travailleurs de la culture dans cette division. Il faut signaler également la croissance au triple de l'emploi dans les professions littéraires, c'està-dire les auteurs, les réviseurs, les éditeurs et les journalistes, soit de 1 220 travailleurs en 1991 à 3 960 en 2001. Il est intéressant de constater que l'augmentation de la proportion des travailleurs de la culture dans les services aux entreprises après 1996 a coïncidé avec l'avènement des technologies de l'information et des communications dans l'économie. Cette situation pourrait expliquer la plus forte demande de travailleurs des arts visuels et du design dans les services aux entreprises, par exemple, dans la conception de sites web, concurremment avec la plus forte demande pour des rédacteurs et des réviseurs.

Services d'enseignement et commerce de détail

Les services d'enseignement, une autre division comptant un grand nombre de travailleurs de la culture, ont enregistré une augmentation du nombre d'emplois de nature culturelle de 17 565 à 21 840 au cours de la période de 1991 à 1996, de sorte que la proportion des travailleurs de la culture est passée de 1,96 % à 2,35 %. Toutefois, au cours de la deuxième moitié des années 90, l'emploi de nature culturelle a augmenté moins fortement, c'està-dire de seulement 650 travailleurs, pour atteindre 22 490. La proportion a donc baissé par la suite à 2,26 % puisque la croissance totale de l'emploi dans les services d'enseignement a été beaucoup plus forte. Néanmoins, la proportion à la fin de la décennie était quand même plus élevée qu'au début des années 90. L'augmentation pendant la première moitié de la décennie peut être largement attribuée à la forte croissance de l'emploi des travailleurs des arts de la scène (de 10 265 à 15 860). Cette croissance ne va pas de soi et elle est difficile à interpréter, de sorte qu'elle pourrait être attribuable aux changements dans la façon dont les travailleurs étaient codés dans le recensement de 1991 et dans celui de 1996. C'est pourquoi nous attachons moins d'importance à cette augmentation qu'aux caractéristiques des emplois de nature culturelle observées dans les industries manufacturières et les services aux entreprises.

La division du commerce de détail emploie aussi beaucoup de travailleurs de la culture, la majorité dans les professions des arts visuels et du design. Cela va de soi puisqu'un certain nombre de travailleurs des arts visuels et du design, comme les dessinateurs/dessinatrices de mode, les illustrateurs/illustratrices, les artisans/artisanes de divers types peuvent être employés dans divers types de points de vente et de magasins de détail. Toutefois, contrairement aux services aux entreprises et aux industries manufacturières, le nombre effectif de travailleurs de la culture dans le commerce de détail a diminué au cours des années 90, passant de 14 490 à 10 105. Comme on peut le voir au tableau 5, la proportion a fortement baissé de ce fait. Une explication possible de cette diminution pourrait tenir au fait que le travail de design dans le commerce de détail a été de plus en plus donné en sous-traitance à partir des années 90. De toute façon, le commerce de détail diffère des industries manufacturières, des services d'enseignement et des services aux entreprises puisqu'il a perdu une bonne part de sa main-d'œuvre de nature culturelle.

Analyse

Les tendances de l'emploi des travailleurs de la culture donnent à entendre que la créativité, les compétences et les connaissances fondées sur la culture sont particulièrement utiles dans les industries manufacturières, les services aux entreprises et les services d'enseignement. En revanche, la proportion de l'emploi de nature culturelle pour le commerce de détail, et aussi dans la plupart des autres divisions, a diminué pendant les années 90, comme l'indique le tableau 5. Il est donc nécessaire d'être prudent dans l'évaluation de l'importance de la créativité axée sur la culture pour la production de biens et de services, du moins pour des volets importants de l'économie non culturelle. Il semble en outre que les profondes mutations qui se sont produites dans l'économie canadienne dans les années 90 n'ont pas entraîné une augmentation générale de l'utilisation de la créativité axée sur la culture en tant qu'intrants dans les procédés de production. Au contraire, la croissance de l'emploi de nature culturelle à l'extérieur des industries culturelles a été plutôt limitée.

Il est important de signaler que ces conclusions ne s'appliquent qu'à l'emploi direct des travailleurs de la culture en tant qu'intrants travail, c'està-dire le cas où une entreprise ou un organisme du secteur public emploie des travailleurs de la culture. Il y a une autre possibilité. Comme le montrent les tableaux 3 et 4, l'emploi de nature culturelle dans le secteur culturel a effectivement beaucoup augmenté dans les années 90. Cette croissance de l'emploi de nature culturelle dans le secteur culturel a effectivement dépassé de loin la croissance de l'emploi total, ce qui a amené une augmentation de plus de quatre points de pourcentage en seulement dix ans de la proportion des travailleurs de la culture. On pourrait donc penser qu'une plus grande importance est accordée à la production directe axée sur la création et à une saine vitalité dans le secteur culturel comme tel. Toutefois, il est également plausible que le secteur non culturel de l'économie ait commencé à utiliser de plus en plus des biens produits dans le secteur culturel pendant les années 90. Autrement dit, les liens de l'offre et de la demande entre les entreprises dans les deux secteurs pourraient s'être renforcés pendant la décennie. Par exemple, plutôt que d'embaucher directement des designers graphiques, une entreprise d'ingénierie ou de construction pourrait sous-traiter du travail à une entreprise de conception graphique (une industrie culturelle dans SCIAN 5414) pour le marketing. Si l'entreprise d'ingénierie ou de construction employait directement des designers graphiques, elle utiliserait un intrant travail culturel pour produire des produits non culturels, et ces travailleurs seraient codés en tant que travailleurs de la culture dans une industrie non culturelle dans le recensement. Mais si l'entreprise devait confier du travail à une entreprise de design graphique, les employés de cette dernière seraient quand même des travailleurs de la culture dans une industrie culturelle, même si leur entreprise fabrique des produits pour l'entreprise d'ingénierie ou de construction (parmi tout un éventail possible de clients).

Par conséquent, même si la plupart des divisions dans l'économie non culturelle n'ont pas eu recours intensément à des intrants travail culturels ou n'ont pas augmenté le nombre de travailleurs de la culture employés directement, il est quand même possible que les employeurs aient de plus en plus utilisé des intrants travail culturels pendant les années 90, même si c'est indirectement par la sous- traitance au secteur culturel. Cette méthode indirecte d'utilisation d'intrants travail culturels par l'économie non culturelle pourrait faire l'objet d'une analyse entrées- sorties plus approfondie dans un cadre général d'équilibre économique. Nous avons examiné cette possibilité. Toutefois, le système de classification des produits n'est pas assez précis pour cerner effectivement un ensemble concret d'intrants culturels qui correspondraient au Cadre canadien pour les statistiques culturelles . C'est pourquoi, pour savoir si le secteur non culturel de l'économie a donné du travail en sous-traitance à des entreprises dans le secteur culturel, il faudrait entreprendre d'autres études.