Rapports économiques et sociaux
Caractéristiques des étudiants étrangers de niveau postsecondaire qui ne se sont pas inscrits à un programme d’études postsecondaires financé par l’État

La croissance rapide du nombre d’étudiants étrangers a éveillé un grand intérêt du public et suscité des inquiétudes importantes quant à son incidence sur les établissements d’enseignement, le marché de l’emploi et le logement abordable au Canada. Pour bien comprendre cette incidence, il faut en savoir davantage relativement à la fréquentation scolaire des étudiants étrangers et à leur activité sur le marché du travail. Selon des études antérieures de Statistique Canada, le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans des établissements d’enseignement postsecondaire financés par l’État était moins élevé d’environ 20 % à 30 % que le nombre de titulaires de permis d’études postsecondaires (Choi et Hou, 2023; Frenette, Lu et Chan, 2019). Cependant, peu de renseignements existent concernant les titulaires de permis d’études qui ne se sont pas inscrits à un programme d’études postsecondaires financé par l’État. Nous ne savons pas s’ils sont demeurés au Canada et, si c’est le cas, quelles étaient leurs principales activités. Le présent article vise à étudier ce secteur moins connu.

L’article permet d’abord d’améliorer l’estimation du nombre de titulaires de permis d’études postsecondaires qui n’étaient pas inscrits dans un établissement d’enseignement postsecondaire financé par l’État. Il existe certaines limites dans les estimations antérieures qui étaient basées sur la comparaison au niveau agrégé du nombre d’étudiants étrangers dans le Système d’information sur les étudiants postsecondaires (SIEP) au nombre de titulaires de permis d’études dans la Base de données longitudinales sur l’immigration (BDIM). Le SIEP porte sur la population qui a reçu une formation postsecondaire après s’être inscrite dans un établissement d’enseignement postsecondaire financé par l’État. La BDIM contient des renseignements sur le nombre total de titulaires de permis d’études au cours d’une année civile donnée. Quant au nombre d’étudiants étrangers dans le SIEP, il comprend les titulaires de permis d’études, les personnes ayant un autre type de visa et celles n’ayant aucun type de visa, et peut donc mener à la surestimation du nombre de titulaires de permis d’études. De plus, certains titulaires de permis d’études peuvent ne pas s’être inscrits au cours d’une année civile, mais s’être inscrits plutôt au cours d’une année précédente ou subséquente. Par conséquent, le nombre d’étudiants étrangers figurant dans le SIEP pour une année donnée peut être une sous-estimation du nombre de titulaires de permis d’études qui se sont déjà inscrits dans un établissement d’enseignement postsecondaire financé par l’État. Le présent article comble ces limites étant donné que l’on compte directement les titulaires de permis d’études dans le SIEP en fonction du couplage entre la BDIM et le SIEP.

En outre, le présent article repose sur des données sur les permis de résidence temporaire tirées de la BDIM et des données fiscales tirées du Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre pour déterminer si les titulaires de permis d’études ne figurant pas dans le SIEP (ci-après appelés « titulaires de permis d’études non inscrits ») figurent dans d’autres données administratives, ce qui pourrait indiquer leur présence au Canada. Il compare également leurs renseignements sociodémographiques et leurs renseignements concernant l’activité sur le marché du travail avec ceux des titulaires de permis d’études dans le SIEP (ci-après appelés « titulaires de permis d’études inscrits »). L’accent est mis sur les titulaires de permis d’études qui détenaient des permis d’études postsecondaires au cours de l’année civile 2019, soit la dernière année avant la pandémie de COVID-19^Note . L’année civile 2019 concerne les années scolaires 2018-2019 (janvier à août) et 2019-2020 (septembre à décembre) dans le SIEP. Les titulaires de permis d’études postsecondaires étaient analysés séparément en quatre groupes selon le niveau d’études prévu : études postsecondaires non universitaires (certificat, diplôme et grade d’études appliquées d’un cégep ou d’un collège); baccalauréat; maîtrise ou doctorat; autre^Note .

Environ le quart des titulaires de permis d’études postsecondaires en 2019 ne s’étaient pas inscrits à un programme d’études postsecondaires financé par l’État, et plus de la moitié participaient probablement à d’autres activités d’études ou de travail

Dans le cadre de la présente étude, si une personne ne figure pas dans le SIEP, cela indique qu’elle ne s’est pas inscrite dans un établissement d’enseignement postsecondaire financé par l’État depuis au moins 2009^{Note Note Note} . Une raison possible de l’absence dans le SIEP est l’inscription dans des établissements d’enseignement postsecondaire privés, qui sont hors de la portée du SIEP. Certains titulaires de permis d’études peuvent ne pas rester au Canada, alors que certains peuvent rester au Canada sans s’inscrire dans un établissement d’enseignement et exercer d’autres activités.

Tableau de données du graphique 1



Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Titulaires inscrits et Titulaires non inscrits, calculées selon nombre et pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).

	Titulaires inscrits		Titulaires non inscrits
	nombre	pourcentage	nombre	pourcentage
Total	543 910	75,8	173 390	24,2
Études postsecondaires non universitaires	222 600	70,3	94 000	29,7
Études universitaires, baccalauréat	176 880	88,0	24 040	12,0
Études universitaires, maîtrise ou doctorat	88 740	87,7	12 460	12,3
Autre	55 690	56,5	42 900	43,5
Notes : Les pourcentages contenus dans ce graphique sont les pourcentages de titulaires de permis d’études en fonction de leur inscription dans un établissement d’enseignement postsecondaire financé par l’État pour chaque niveau d’études. Le fait de ne pas être inscrit dans un établissement d’enseignement postsecondaire financé par l’État indique que les titulaires de permis d’études ne s’étaient pas inscrits dans un établissement d’enseignement postsecondaire financé par l’État depuis au moins 2009. Sources : Statistique Canada, Base de données longitudinales sur l’immigration et Système d’information sur les étudiants postsecondaires.

En 2019, environ 717 300 personnes étaient titulaires de permis d’études postsecondaires (graphique 1). Parmi les titulaires de permis d’études postsecondaires, 24 % ne figuraient pas dans le SIEP, et 76 % y figuraient. Parmi les titulaires de permis d’études postsecondaires non universitaires, 30 % ne figuraient pas dans le SIEP. Le pourcentage de titulaires ne figurant pas dans le SIEP était inférieur aux niveaux du baccalauréat, de la maîtrise et du doctorat (12 % dans tous les cas).

Parmi les titulaires de permis d’études postsecondaires ne figurant pas dans le SIEP, 54 % figuraient dans d’autres données administratives en 2019, ce qui indique qu’ils participaient probablement à d’autres activités d’études ou de travail au cours de l’année (tableau 1). Par exemple, parmi les titulaires de permis d’études postsecondaires non universitaires, 48 % détenaient un permis de travail en plus d’un permis d’études, 35 % avaient un revenu provenant d’un emploi rémunéré et recevaient des feuillets T4 de leurs employeurs, et 33 % avaient produit une déclaration de revenus des particuliers (formulaire T1). Certaines de ces activités se chevauchaient. Le pourcentage de titulaires de permis d’études non inscrits pour qui certains autres renseignements figuraient dans les données administratives était plus élevé au niveau postsecondaire non universitaire (62 %) et au niveau des cycles supérieurs (63 %) qu’aux niveaux du baccalauréat ou des autres études (42 %).



Parmi les titulaires de permis d’études ne figurant pas dans le SIEP, 22 % ont déclaré être inscrit dans un établissement d’enseignement dans leur déclaration de revenus de 2019. Puisque les taux de production de déclarations de revenus chez les étudiants étrangers sont faibles (61 % chez ceux figurant dans le SIEP, tableau 1), il est probable que ce chiffre soit la limite inférieure du pourcentage de titulaires de permis d’études inscrits dans un établissement d’enseignement postsecondaire privé. L’addition de ce pourcentage au pourcentage de titulaires de permis d’études inscrits figurant dans le SIEP donne à penser qu’au moins 81 % (= 76 % + 24 % * 22 %) des titulaires de permis d’études en 2019 s’étaient inscrits dans un établissement d’enseignement postsecondaire canadien.

Une proportion relativement plus élevée de titulaires de permis d’études qui ne s’étaient pas inscrits à un programme d’études postsecondaires financé par l’État avaient l’intention d’étudier en Colombie-Britannique et venaient de l’Inde

On a trouvé certaines différences dans les renseignements sociodémographiques entre les titulaires de permis d’études inscrits et non inscrits (tableau 1). Une proportion démesurément élevée (31 %) de titulaires de permis d’études non inscrits avaient l’intention d’étudier en Colombie-Britannique, par rapport aux titulaires de permis d’études inscrits (18 %). À titre de comparaison, 39 % des titulaires de permis d’études non inscrits avaient l’intention d’étudier en Ontario, par rapport à 52 % des titulaires de permis d’études inscrits. L’écart le plus important a été observé chez les titulaires de permis d’études postsecondaires non universitaires (47 % par rapport à 68 %).

Une proportion relativement élevée de titulaires de permis d’études non inscrits qui avaient l’intention de s’inscrire à un programme d’études postsecondaires non universitaires ou à un programme menant à un diplôme universitaire venaient de l’Inde. Les ressortissants indiens représentaient 66 % des titulaires de permis d’études non inscrits pour les programmes postsecondaires non universitaires et 28 % des titulaires de permis d’études non inscrits pour le niveau du baccalauréat. Les pourcentages correspondants de ressortissants indiens parmi les titulaires de permis d’études inscrits étaient de 59 % au niveau postsecondaire non universitaire et de 10 % au niveau du baccalauréat.

La plupart des titulaires de permis d’études non inscrits étaient de nouveaux arrivants. Plus de 70 % étaient arrivés au Canada au cours des deux années précédentes, et 42 % étaient titulaires d’un permis pour la première fois en 2019.

Parmi les titulaires de permis d’études qui avaient l’intention de s’inscrire à un programme d’études postsecondaires non universitaires ou à un autre programme et qui avaient un emploi rémunéré en 2019, le fait de figurer ou non dans le SIEP ne faisait aucune différence dans leur répartition selon le secteur. Environ 72 % travaillaient dans trois secteurs : services d’hébergement et de restauration; commerce de gros et de détail; services aux entreprises, services relatifs aux bâtiments et autres services de soutien (principalement les services d’emploi temporaire).

Cependant, aux niveaux d’études menant à un diplôme universitaire, la répartition selon le secteur était considérablement différente entre les titulaires de permis d’études inscrits et non inscrits. Le secteur des services d’enseignement était l’un des trois principaux secteurs chez les titulaires de permis d’études qui étudiaient aux niveaux du baccalauréat (14 %) ou des cycles supérieurs (43 %) dans un établissement d’enseignement postsecondaire financé par l’État. En revanche, les proportions correspondantes étaient de 7 % et de 13 %, respectivement, chez les titulaires de permis d’études non inscrits. Une plus grande proportion de titulaires de permis d’études non inscrits au niveau du baccalauréat (20 %) travaillaient dans les services aux entreprises, les services relatifs aux bâtiments et les autres services de soutien par rapport aux titulaires de permis d’études inscrits (9 %). Au niveau des cycles supérieurs, le commerce de gros et de détail (31 %) était le principal secteur dans lequel travaillaient les titulaires de permis d’études non inscrits, mais la proportion correspondante était de 14 % chez les titulaires de permis d’études inscrits.

Les titulaires de permis d’études inscrits et non inscrits avaient un revenu annuel médian similaire aux niveaux du baccalauréat et des cycles supérieurs. Cependant, parmi les titulaires de permis d’études postsecondaires non universitaires, les titulaires de permis d’études non inscrits avaient un revenu annuel médian inférieur à celui des titulaires de permis d’études inscrits.

Conclusion

Le présent article fournit des renseignements sur les activités des titulaires de permis d’études postsecondaires qui n’étaient pas inscrits dans un établissement d’enseignement postsecondaire financé par l’État. L’analyse laisse entendre qu’en 2019, au moins 54 % de ces titulaires de permis d’études étaient restés au Canada; certains (au moins 22 %) étudiaient dans un établissement d’enseignement, peut-être dans des collèges privés, et d’autres travaillaient en ayant ou non un permis de travail. Une proportion relativement plus grande des titulaires de permis d’études postsecondaires non inscrits avait l’intention d’étudier en Colombie-Britannique, venaient de l’Inde et étaient titulaires d’un permis pour la première fois. Lorsqu’ils travaillaient, une proportion relativement plus grande avait trouvé un travail dans des secteurs peu rémunérés, y compris le commerce de gros et de détail, et les services d’hébergement et de restauration.

Néanmoins, il est important de noter que l’ensemble de données actuel ne fournit pas d’estimation précise en ce qui concerne les inscriptions d’étudiants étrangers dans les établissements d’enseignement postsecondaire privés. Des renseignements plus exhaustifs sur les inscriptions dans les établissements d’enseignement postsecondaire privés pourraient être obtenus à partir de données administratives sur les certificats pour frais de scolarité et d’inscription une fois qu’ils seront accessibles aux fins d’analyse.

Auteurs

Youjin Choi et Feng Hou travaillent au sein de la Division de l’analyse sociale et de la modélisation de la Direction des études analytiques et de la modélisation à Statistique Canada.

Remerciements

Les auteurs remercient Marc Frenette, Yuqian Lu et Aimé Ntwari pour leurs commentaires et leurs avis utiles.

Bibliographie

Choi, Y. et Hou, F. (2023). Comparaison des tendances en matière d’inscription aux études postsecondaires entre les étudiants canadiens et étrangers selon le domaine d’études. Rapports économiques et sociaux, 3(9), 1-30. Produit n^o 36-28-0001 au catalogue de Statistique Canada. https://doi.org/10.25318/36280001202300900003-fra

Frenette, M., Lu, Y. et Chan, W. (2019). L’expérience d’études postsecondaires et les premiers résultats sur le marché du travail des titulaires de permis d’études internationaux (Direction des études analytiques : documents de recherche, n^o 431). Produit n^o 11F0019M au catalogue de Statistique Canada. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11f0019m/11f0019m2019019-fra.htm