Rapports économiques et sociaux
L’évolution de la nature du travail au Canada dans le contexte des progrès récents en technologie de l’automatisation

DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202100100004-fra

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Résumé

Ces dernières années, l’évolution rapide de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique a soulevé des questions sur l’avenir du travail. Les débats ont surtout été axés sur les éventuelles pertes d’emplois attribuables à la technologie de l’automatisation, sans prêter autant attention à la façon dont l’automatisation peut modifier la nature des emplois. La présente étude porte sur l’évolution de la nature du travail au Canada à l’aide d’une approche fondée sur les tâches. Tout d’abord, les variations de l’importance de 16 tâches de travail entre 2011 et 2018 ont été examinées, ce qui fournit une indication sur les tâches potentiellement plus susceptibles de changer du fait de l’intégration accrue de la technologie de l’automatisation au travail. Les données de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada et celles du réseau de renseignements sur les professions O*NET du département du Travail des États-Unis ont étés utilisées pour cette partie de l’analyse. Les résultats indiquent que les tâches complémentaires à l’automatisation, comme les tâches analytiques et interpersonnelles, qui sont de nature cognitive non routinière, sont devenues de plus en plus importantes au sein des emplois occupés par les Canadiens entre 2011 et 2018. Cependant, les faits sont moins évidents en ce qui a trait aux tâches manuelles routinières et non routinières que la technologie de l’automatisation peut être en mesure de remplacer dans certains cas, selon la faisabilité technologique et d’autres facteurs. L’importance accrue des tâches cognitives routinières (comme la répétition, la précision et l’exactitude des tâches) a également été observée. Cependant, ces augmentations ont été moins marquées que celle des tâches cognitives non routinières. On a également observé de faibles hausses de l’importance de certaines tâches manuelles et physiques non routinières, comme celles liées à la dextérité manuelle et au temps passé à manipuler, à contrôler ou à introduire des objets avec les mains. L’évolution de la part des travailleurs employés dans quatre groupes différents de tâches de travail a également été examinée pour la période allant de 1987 à 2018 avec les données de l’EPA, en mettant l’accent sur le degré de tâches routinières ou non routinières et cognitives ou manuelles qu’exigent les professions occupées par les travailleurs. Ces résultats révèlent des transformations plus claires (mais toutefois plus progressives) sur une période plus longue, notamment bien avant les progrès récents réalisés en intelligence artificielle et ses applications pratiques. Plus particulièrement, on a observé, au cours des trois dernières décennies, un passage progressif de professions comprenant des tâches routinières à des professions comprenant des tâches non routinières. La part des Canadiens exerçant des professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) et des professions dans le secteur des services (tâches manuelles non routinières) a augmenté, alors que la part des travailleurs exerçant des professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières) et des professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) a diminué au cours de cette période. Bien que le remplacement de certains emplois du secteur des services au moyen de la technologie de l’automatisation soit possible, la hausse relative des emplois dans ce secteur s’expliquait en grande partie par des changements de la structure industrielle entre 1987 et 2018.

Auteurs

Kristyn Frank, Zhe Yang et Marc Frenette travaillent à la Division de l’analyse sociale et de la modélisation, Direction des études analytiques, de Statistique Canada.

Introduction

Ces dernières années, de rapides progrès technologiques ont soulevé des questions sur l’avenir du travail. Les débats ont surtout été axés sur le risque de pertes d’emplois attribuables à l’automatisation; ils ont été alimentés en partie par des travaux récents visant à estimer le pourcentage d’emplois qui présentent un risque élevé d’automatisation (p. ex. Frey et Osborne, 2013; Arntz, Gregory et Zierahn, 2016; Frenette et Frank, 2020). Pourtant, un risque de pertes d’emplois n’existe pas nécessairement simplement parce qu’il est possible, sur le plan technologique, d’automatiser les tâches associées à ces emplois. Tout d’abord (et peut-être surtout), les entreprises doivent disposer de fonds pour investir dans la technologie. De plus, des lois du travail et des règles syndicales peuvent empêcher ou repousser les pertes d’emplois dans de nombreux cas. Enfin, la société peut ne pas être prête à consommer les biens et services qui sont offerts par des robots (p. ex. les patients peuvent toujours préférer un médecin humain). Toutefois, des événements comme la pandémie de COVID-19 peuvent inciter les employeurs à adopter la technologie de l’automatisation plus rapidement, dans le cadre de leurs efforts pour limiter les risques associés à la vulnérabilité des travailleurs au virus (Leduc et Liu, 2020). Alors qu’il est trop tôt pour déterminer l’incidence de la pandémie sur les activités de travail des Canadiens, cette pandémie peut jouer un rôle en milieu de travail à l’avenir.

Des chercheurs ont également soutenu que de nouvelles technologies n’entraîneront pas nécessairement de pertes importantes d’emplois pour des raisons économiques (p. ex. Autor, 2015; Lee, Shao et Vinze, 2018). Puisque l’automatisation a dans le passé remplacé des tâches effectuées par des personnes dans le but d’accroître la productivité des travailleurs et d’améliorer la qualité et la quantité des produits (Muro, Maxim et Whiton, 2019), les progrès technologiques peuvent être plus susceptibles de modifier les types de tâches qu’effectuent les travailleurs que de remplacer complètement leur profession (Autor et Handel, 2013).

C’est pour ces raisons que Frenette et Frank (2020) ont préféré interpréter les mesures des risques d’automatisation élaborées par Frey et Osborne (2013) ainsi qu’Arntz, Gregory et Zierahn (2016) comme un risque de transformation d’emploi associée à l’automatisation. L’objectif de la présente étude est de fournir des renseignements sur l’évolution de la nature du travail dans le contexte des progrès récents réalisés en intelligence artificielle et en apprentissage automatique.

Pouvoir considérer les répercussions de l’automatisation comme portant sur l’évolution de la nature du travail plutôt que sur le remplacement des emplois nécessite de traiter les professions comme un ensemble de tâches. Cette approche permet aux chercheurs d’étudier la façon dont l’automatisation influe sur la nature des emplois des travailleurs, en examinant l’évolution de leurs activités de travail (Acemoglu et Autor, 2010; Autor, 2013; Muro, Maxim et Whiton, 2019) ainsi qu’en reconnaissant la complémentarité des nouvelles technologies et des tâches de travail (Autor, 2015; Autor, Levy et Murnane, 2003; Acemoglu et Restrepo, 2018).

En général, les tâches routinières sont considérées comme les plus susceptibles d’être automatisées, car la répétition d’une tâche précise est plus facile à automatiser que des tâches non routinières nécessitant des capacités de souplesse ou de résolution de problèmes complexes (Autor, 2015; Brandes et Wattenhofer, 2016; Muro, Maxim et Whiton, 2019; OECD, 2016; Spitz-Oener, 2006). Puisque de nombreuses professions comprennent des tâches routinières, l’automatisation peut modifier la nature du travail pour un vaste éventail de travailleurs. Les progrès technologiques peuvent également accroître la demande de travailleurs compétents en tâches non routinières, ce qui entraîne le transfert de travailleurs exerçant des professions qui comportent principalement des tâches routinières vers des professions qui font principalement intervenir des tâches non routinières (Acemoglu et Autor, 2010).

Des études menées en Europe et aux États-Unis dans lesquelles on a eu recours à l’approche fondée sur les tâches ont confirmé des hausses de la part des travailleurs exerçant des professions à forte intensité de tâches cognitives non routinières et de tâches physiques et manuelles non routinières, ainsi que des diminutions de la part des travailleurs exerçant des professions qui comportent principalement des tâches cognitives routinières ou des tâches physiques et manuelles routinières (Autor, Levy et Murnane, 2003; Hardy, Keister et Lewandowski, 2015; Levy et Murnane, 2013; Spitz-Oener, 2006)Note .

Les chercheurs qui examinent l’évolution des groupes de tâches de travail ont remarqué le rôle important de la structure de l’enseignement de la main-d’œuvre. Hardy, Keister et Lewandowski (2018) ont conclu que les hausses de niveaux de scolarité en Europe ont joué un rôle central dans le passage de professions comprenant des tâches manuelles routinières à des professions comprenant plus de tâches cognitives non routinières. De plus, Spitz-Oener (2006) a fait valoir que le besoin accru de travailleurs compétents en tâches analytiques et interactives non routinières a entraîné une plus forte demande de travailleurs ayant un niveau de scolarité élevé, ce qui a fait augmenter la proportion de travailleurs ayant fait des études postsecondaires.

Alors que les discussions sur les effets de la technologie de l’automatisation ont principalement porté sur le travail routinier, les progrès récents réalisés en intelligence artificielle ont facilité l’automatisation de tâches plus complexes. Plus particulièrement, les progrès réalisés dans l’apprentissage automatique en profondeurNote indiquent que la technologie peut maîtriser des tâches cognitives plus complexes. Les effets de cette technologie sont devenus évidents au cours de la dernière décennie alors que des produits reposant sur des méthodes d’apprentissage en profondeurNote ont été introduits. Certains ont suggéré que ces progrès pouvaient influer sur les emplois axés sur les connaissances et à niveau élevé de compétences (Brandes et Wattenhofer, 2016; OECD 2016; Susskind et Susskind, 2015). Néanmoins, l’automatisation de bon nombre de tâches cognitives que l’apprentissage automatique pourrait théoriquement accomplir n’est pas encore possible, car les méthodes d’apprentissage sont fondées en grande partie sur des données incomplètes et non cohérentes (Shestakofsky, 2017). De plus, les tâches manuelles et physiques non routinières ne sont généralement pas considérées comme pouvant être automatisées pour l’instant, car elles nécessitent un degré élevé d’adaptabilité à diverses situations (Autor, 2013; Autor, Levy et Murnane, 2003).

La présente étude permet d’examiner deux aspects de l’évolution de la nature du travail au Canada.

Tout d’abord, on y étudie l’évolution de tâches de travail particulières accomplies par des Canadiens. Dans l’ensemble, 16 tâches de travail sont examinées, lesquelles représentent des tâches analytiques cognitives non routinières, des tâches interpersonnelles cognitives non routinières, des tâches cognitives routinières, des tâches manuelles routinières et des tâches physiques et manuelles non routinières. Les données nécessaires à cette partie de l’analyse sont uniquement disponibles pour la période allant de 2011 à 2018, mais cette période coïncide avec des progrès majeurs réalisés dans le domaine de l’intelligence artificielle. Bien que les progrès technologiques en la matière soient encore largement à l’étape du développement, les résultats de la présente étude fournissent une indication des tâches de travail qui changeront le plus probablement du fait de l’intégration progressive de ces technologies au travail.

La deuxième partie de l’analyse porte sur l’évolution de la part des travailleurs employés dans différents groupes de tâches de travail au cours d’une période de 31 ans, en mettant l’accent sur le degré de tâches routinières ou non routinières et cognitives ou manuelles nécessaires dans le cadre des professions des travailleurs. L’introduction de la technologie de l’automatisation et de logiciels générant des économies de main-d’œuvre au cours de la dernière décennie a contribué à plusieurs changements observés en milieu de travail. Par exemple, la création des guichets automatiques bancaires dans les années 1970 et la croissance rapide de leur utilisation au cours des décennies suivantes ont entraîné une diminution du nombre de caissiers au sein des succursales bancairesNote (Autor, 2015). L’introduction des guichets automatiques a également modifié les tâches de travail des caissiers de banque, car leurs emplois sont devenus plus axés sur les tâches liées à la vente et aux conseils financiers, comme la proposition de nouveaux services bancaires aux clients (p. ex. les cartes de crédit et les produits de placement).

Les progrès en informatisation et en robotique ont également modifié les tâches des travailleurs dans d’autres secteurs. L’utilisation de logiciels de tableur électronique est devenue de plus en plus courante au début des années 1980 (Power, 2000), ce qui a facilité les activités de saisie de données pour les employés de bureau. De nombreuses tâches des travailleurs de l’industrie de la fabrication, comme le soudage, la peinture et le montage, ont également été automatisées depuis les années 1980 (Acemoglu et Restrepo, 2019).

La présente étude aborde les questions de recherche suivantes :

  1. Dans le contexte des progrès récents réalisés en technologie de l’automatisation, quelle a été l’évolution entre 2011 et 2018 de l’importance de tâches de travail particulières effectuées par les Canadiens?
  2. Comment la part des travailleurs canadiens employés dans quatre groupes de tâches de travail (cognitives non routinières, manuelles non routinières, cognitives routinières, manuelles routinières) a-t-elle évolué au cours des 31 dernières années?
  3. Les tendances en ce qui a trait à la part des travailleurs canadiens employés dans ces quatre groupes de tâches de travail diffèrent-elles selon le sexe, l’âge et le niveau de scolarité?

Le reste de cet article traite des données et des méthodes dans la section suivante, présente les résultats, puis se termine dans la section finale.

Données et méthodes

Données

Deux sources de données ont été utilisées dans le cadre de la présente étude : les données de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada et celles du réseau de renseignements sur les professions O*NET du département du Travail des États-Unis.

L’EPA est une enquête mensuelle auprès des ménages qui porte sur les personnes âgées de 15 ans et plus. Sont exclus de l’EPA les personnes vivant dans les réserves et dans d’autres peuplements autochtones des provinces, les membres à temps plein des Forces armées canadiennes, la population vivant dans un établissement institutionnel et les ménages vivant dans des régions éloignées à faible densité de population. Ces exclusions représentent moins de 2 % de la population cible (Statistique Canada, 2017a).

L’EPA repose sur un plan de sondage comportant un renouvellement de panel, suivant lequel les ménages sélectionnés demeurent dans l’échantillon pendant six mois consécutifs. Aux fins de la présente étude, les personnes ont été uniquement incluses dans l’échantillon au cours de leur premier mois de participation à l’enquête. De plus, seules les personnes ayant déclaré avoir un emploi et être employées dans le secteur privé ou public ont été incluses dans l’échantillon. Les travailleurs autonomes ont été exclus de l’analyseNote .

Le premier ensemble de résultats permet d’examiner l’évolution de tâches de travail effectuées par les Canadiens entre 2011 et 2018. Les données sur les tâches de travail proviennent du réseau O*NETNote et ont été combinées aux données de l’EPA. Le réseau O*NET est une base de données fournissant des renseignements sur les exigences des professions, comme les capacités et les activités de travail ainsi que des renseignements sur le contexte des professions (p. ex. le fait que le travail soit structuré ou non, l’importance de la répétition des tâches). Aux fins de la présente étude, on appelle généralement « tâches de travail » les mesures du travail examinées dans l’ensemble du document. Les tailles d’échantillon variaient de 126 696 travailleurs en 2018 à 135 384 travailleurs en 2011.

L’analyse des tâches de travail permet d’examiner les changements survenus entre 2011 et 2018. Cette période a principalement été choisie du fait de la nécessité d’une concordance des professions, afin de coupler les données du travail du réseau O*NET et de l’EPA. Puisque dans l’EPA, on utilise les codes de la Classification nationale des professions (CNP) de 2011 et que dans le réseau O*NET, on utilise (depuis 2011) des codes de la Classification type des professions (CTP) de 2010, une concordance CTP 2010 – CNP 2011 fondée sur la similarité des titres des professionsNote a été établie. Sur les 500 codes CNP de 2011, cinq professions (représentant 0,2 % de la main-d’œuvre canadienne) ont dû être écartées, car elles ne comptaient pas d’équivalents états-uniens. Sur les 495 codes restants, 235 correspondaient à un seul code de la CTP 2010 (c.-à-d. qu’un seul code à six chiffres de la CTP 2010 correspondait à au moins un code à quatre chiffres de la CNP 2011). Dans ces cas, les tâches de travail associées au code de la CTP 2010 ont été associées au code correspondant de la CNP 2011. Les 260 codes restants de la CNP 2011 correspondaient à plus d’un code de la CTP 2010. Dans ce cas, une moyenne non pondérée des valeurs de la tâche de travail a été utilisée pour les codes de la CTP 2010 connexesNote .

Le deuxième ensemble de résultats porte essentiellement sur l’évolution de la part des travailleurs de différents groupes de tâches de travail. Cette partie de l’analyse repose sur les données de l’EPA de 1987 à 2018 uniquement. La taille de l’échantillon analytique général varie d’une année à l’autre, allant d’un minimum de 125 231 travailleurs en 1999 à un maximum de 164 315 travailleurs en 1991Note . Des analyses plus détaillées ont également été menées pour examiner l’évolution de la part des travailleurs selon trois facteurs sociodémographiques : le sexe, l’âge et le niveau de scolarité. Les résultats relatifs aux différences en matière de niveau de scolarité sont uniquement indiqués pour la période allant de 1990 à 2018, car les catégories associées aux études dans l’EPA avant et après 1990 ne sont pas comparables. Les données à partir de 1990, en particulier, font référence au niveau de scolarité atteint, alors que les données antérieures à 1990 sont fondées sur le nombre d’années d’études.

Méthodes

La présente étude permet d’examiner deux aspects de l’évolution de la nature du travail chez les travailleurs canadiens.

La première partie de l’analyse est axée sur des tâches de travail particulières. Alors que dans les travaux de recherche antérieurs, on a regroupé plusieurs tâches de travail du réseau O*NET afin de créer des mesures composées de groupes fondés sur les tâches (Acemoglu et Autor, 2010; Górka et coll., 2017; Hardy, Keister et Lewandowski, 2018), des préoccupations ont été soulevées quant au risque d’erreur de classification de tâches dans les catégories routinières ou non routinières (Green, 2012)Note . Pour aborder cette question, le même ensemble de tâches de travail de l’O*NET a été utilisé dans la présente étude ainsi que dans les études précédentes qui reposaient sur des mesures composées, mais chaque élément a été examiné indépendamment. Cette approche permet de décrire de façon plus détaillée l’évolution de tâches de travail particulières au Canada.

Bien que le réseau O*NET fournisse des données sur de nombreuses activités de travail, la présente étude repose sur un sous-ensemble de 16 tâches de travail considérées comme représentatives de 5 groupes de tâches distincts, comme l’ont établi des études antérieures (p. ex. Autor et Handel, 2013; Hardy, Keister et Lewandowski, 2018) : les tâches analytiques cognitives non routinières, les tâches interpersonnelles cognitives non routinières, les tâches cognitives routinières, les tâches manuelles routinières et les tâches physiques et manuelles non routinières. Les tâches de travail sélectionnées sont décrites ci-dessous :

  1. les tâches analytiques cognitives non routinières : analyser des données ou des renseignements, réfléchir de façon créative et expliquer la signification de renseignements pour d’autres;
  2. les tâches interpersonnelles cognitives non routinières : établir et maintenir des relations interpersonnelles; guider, diriger et motiver des subordonnés; encadrer et perfectionner d’autres personnes;
  3. les tâches cognitives routinières : répéter les mêmes tâches, être exact ou précis, travail structuré par rapport à non structuréNote ;
  4. les tâches manuelles routinières : rythme déterminé par la vitesse de l’équipement, contrôle de machines et de processus, temps passé à effectuer des mouvements répétitifs;
  5. les tâches physiques et manuelles non routinières : conduire des véhicules, actionner des dispositifs ou de l’équipement mécanisés; passer du temps à manipuler, à contrôler ou à introduire des objets, des outils ou des commandes avec les mains; orientation spatiale; dextérité manuelle.

La plupart des tâches de travail sont mesurées sur une échelle d’importance allant de 1 (faible importance) à 5 (grande importance)Note . Cependant, trois éléments, à savoir le travail structuré par rapport au travail non structuré, le temps passé à effectuer des mouvements répétitifs et le temps passé à manipuler, à contrôler ou à introduire des objets, des outils ou des commandes avec les mains répondent à des échelles différentes. Le travail structuré par rapport au travail non structuré représente la mesure dans laquelle le travail est structuré pour le travailleur plutôt que de lui permettre de déterminer lui-même ses tâches, ses priorités et ses objectifs. Cette mesure est fondée sur une échelle de 1 (aucune liberté) à 5 (beaucoup de liberté) qui représente le degré d’autonomie du travailleur dans son emploi. Les deux dernières tâches se rapportent à une échelle de fréquence allant de 1 (jamais) à 5 (continuellement ou presque continuellement)Note .

L’évolution de la part relative des travailleurs employés dans quatre grands groupes de tâches de travail a été examinée sur une période de 31 ans. Ces groupes sont fondés sur un cadre conceptuel présenté par Autor, Levy et Murnane (2003) et utilisé dans des études postérieures (p. ex. Acemoglu et Autor, 2010; Autor et Handel, 2013; Hardy, Keister et Lewandowski, 2018; Spitz-Oener, 2006). Ce cadre axé sur les tâches permet de distinguer les professions selon deux dimensions : la mesure dans laquelle les tâches sont routinières ou non et la mesure dans laquelle les tâches sont cognitives ou manuelles. Ces quatre groupes sont les suivants :

  1. les professions techniques, libérales et de gestion, spécialisées dans des tâches cognitives non routinières;
  2. les professions dans le secteur des services, spécialisées dans des tâches manuelles non routinières;
  3. les professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif, spécialisées dans des tâches cognitives routinières;
  4. les professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution, spécialisées dans des tâches manuelles routinières.

L’un de ces quatre groupes est attribué aux professions de la population active canadienne pour chaque année de l’EPA au moyen d’un processus en plusieurs étapes. Tout d’abord, les 10 grandes catégories professionnelles utilisées par Acemoglu et Autor (2010) ont été harmonisées avec des catégories professionnelles similaires de la CNP 2011Note . Ensuite, on a évalué la pertinence de chacun des grands groupes de la CNP par rapport au groupe de tâches de travail attribué. Cette étape a entraîné le déplacement de deux grands groupesNote . Les graphiques 1-1 et 1-2 de l’annexe illustrent la façon dont les grands groupes de la CNP 2011 ont été attribués aux quatre catégories axées sur les tâchesNote .

Le premier ensemble de résultats montrent la variation en pourcentage du score moyen concernant l’importanceNote de chaque activité de travail entre 2011 et 2018Note . Les prochain résultats montre les parts relatives des travailleurs employés dans chaque groupe de tâches de travail de 1987 à 2018 ainsi que la variation en pourcentage de la part des travailleurs dans chaque groupe de tâches par rapport à 1987. Ceci est suivi par la variation en points de pourcentage, de 1987 à 2018, de la part des travailleurs employés dans les quatre groupes de tâches de travail par sexe, groupe d’âge et niveau de scolarité.

Enfin, les analyses de régression permettant d’examiner la mesure dans laquelle les variations observées dans les parts d’emplois des Canadiens de chaque groupe de tâches de travail peuvent s’expliquer par des transformations industrielles au fil du temps. Les modèles de régression pour les groupes de tâches de travail sont fondés sur des données regroupées provenant de l’EPA de 1987 et 2018. Quatre régressions ont été exécutées pour chaque groupe de tâches de travail. Les variables dépendantes étaient des variables binaires indiquant si des personnes exerçaient : a) des professions techniques, libérales ou de gestion; b) des professions dans le secteur des services; c) des professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif; ou d) des professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exploitation. Deux variables indépendantes ont été incluses dans chaque modèle de régression : l’année (groupe de référence = 1987) et les effets fixes de classe (les industries comportant des codes à cinq chiffres fondées sur le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord [SCIAN] de 2012)Note .

Résultats

Évolution des tâches de travail des Canadiens, de 2011 à 2018

La section actuelle présente la variation en pourcentage du score moyen concernant l’importance des tâches de travail de 2011 à 2018. Même s’il s’agit d’une période relativement courte utilisée pour mesurer l’évolution des tâches de travail, elle coïncide avec celle de progrès réalisés dans le domaine de l’intelligence artificielle, en particulier en apprentissage automatique. Alors que ces nouvelles technologies en sont encore largement au stade du développement, certaines ont été intégrées à des milieux de travail canadiens. La densité des robots industriels au Canada, par exemple, a augmenté de près de 50 % entre 2010 et 2015; cela peut influer sur les tâches des travailleurs employés dans le secteur de la fabricationNote .

Les résultats présentés dans la présente section indiquent, par conséquent, la mesure dans laquelle l’introduction de nouvelles technologies de l’automatisation a pu influer sur les tâches des travailleurs ces dernières années. Cela fournit des renseignements sur les tâches de travail dont l’importance pourrait augmenter parallèlement à une intégration accrue de ces technologies en milieu de travail. L’évolution de l’importance de tâches de travail pourrait être le résultat de la variation, au fil du temps, de l’importance de diverses tâches de travail au sein des professionsNote ou des changements de la composition des professions, c’est-à-dire des variations de la proportion de travailleurs occupant diverses professionsNote .

Dans l’ensemble, les scores moyens concernant l’importance de toutes les tâches analytiques cognitives non routinières et interpersonnelles cognitives non routinières ont augmenté entre 2011 et 2018 (graphique 1)Note . Les hausses les plus importantes ont été enregistrées pour les tâches cognitives non routinières : analyser des données ou des renseignements (3,7 %), encadrer et favoriser le perfectionnement d’autres personnes (3,6 %) et guider, diriger et motiver des subordonnés (3,5 %). Des augmentations ont également été observées pour d’autres tâches analytiques cognitives non routinières et interpersonnelles cognitives non routinières. L’importance d’expliquer la signification de renseignements pour d’autres a augmenté de 3,2 % et l’importance de réfléchir de façon créative, de 2,8 %. L’importance d’établir et de maintenir des relations interpersonnelles a augmenté dans une moindre mesure (1,5 %).

Les progrès en technologies associées à l’automatisation ne semblent pas avoir influé globalement sur l’importance des tâches cognitives routinières des emplois occupés par les Canadiens. De faibles hausses de l’importance d’être exact ou précis (1,5 %) ainsi que de répéter les mêmes tâches (0,6 %) ont été enregistrées, ce qui mesure les tâches cognitives, comme la saisie de données et la vérification d’entrées dans un grand livre. Le degré d’autonomie des travailleurs en matière de détermination de leurs tâches a également augmenté de 1,6 % (travail structuré par rapport à non structuré).

Graphique 1

Tableau de données du graphique 1 
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Variation en pourcentage(figurant comme en-tête de colonne).
Variation en pourcentage
Tâches analytiques
cognitives non routinières
Analyser des données ou des renseignements 3,7Note ***
Réfléchir de façon créative 2,8Note ***
Expliquer la signification des renseignements pour d’autres 3,2Note ***
Tâches interpersonnelles
cognitives non routinières
Établir et maintenir des relations interpersonnelles 1,5Note ***
Guider, diriger et motiver des subordonnés 3,5Note ***
Encadrer et perfectionner d’autres personnes 3,6Note ***
Tâches cognitives routinières Répéter les mêmes tâches 0,6Note ***
Être exact ou précis 1,5Note ***
Travail structuré par rapport à non structuré (degré d’autonomie en matière de détermination des tâches) 1,6Note ***
Tâches manuelles routinières Rythme déterminé par la vitesse de l’équipement -2,9Note ***
Contrôler des machines et des processus 1,2Note ***
Temps passé à effectuer des mouvements répétitifs (fréquence) 0,6Note ***
Tâches manuelles et physiques non routinières Conduire des véhicules, actionner des dispositifs ou de l’équipement motorisés -0,3nd
Temps passé à manipuler, contrôler ou introduire des objets, des outils ou des commandes avec les mains (fréquence) -0,7Note ***
Orientation spatiale 0,4Note *
Dextérité manuelle -0,8Note ***

Des résultats variables ont été observés en ce qui a trait à l’importance des tâches manuelles routinières entre 2011 et 2018. Le rythme des tâches des travailleurs déterminé par la vitesse de l’équipement, par exemple, a diminué de 2,9 % entre 2011 et 2018, alors que l’importance du contrôle de machines et de processus (les ordinateurs et les véhicules non compris) a diminué de 1,2 %. L’importance du temps passé par les travailleurs canadiens à effectuer des mouvements répétitifs dans le cadre de leur profession a augmenté, quoique de façon très modérée (0,6 %) entre 2011 et 2018.

De petites diminutions ont, en outre, été observées pour les tâches manuelles et physiques non routinières. Parmi ces tâches, le recul le plus important a été celui de l’importance de la dextérité manuelle (0,8 %), suivi d’une réduction du temps passé par les travailleurs à manipuler, à contrôler ou à introduire des objets, des outils ou des commandes avec les mains (0,7 %). Toutefois, l’importance de l’orientation spatialeNote a légèrement augmenté entre 2011 et 2018 (0,4 %). Aucune variation statistiquement significative n’a été relevée quant à l’importance de conduire des véhicules et d’actionner des dispositifs ou de l’équipement motorisés de 2011 à 2018.

En résumé, des données indiquent que l’importance de tâches analytiques cognitives non routinières et interpersonnelles cognitives non routinières a augmenté modérément de 2011 à 2018, période marquée par des progrès importants en matière de perfectionnement de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique. Par conséquent, compte tenu de l’intégration accrue de ces technologies en milieu de travail, l’importance de ces types de tâches devrait s’accroître. À l’inverse, l’importance de certaines tâches manuelles routinières et non routinières a décliné au cours de la même période. De petites hausses ont néanmoins également été observées pour des tâches manuelles routinières.

Parts des emplois des travailleurs canadiens selon le groupe de tâches de travail, 1987 à 2018

La part des travailleurs canadiens employés dans les quatre groupes de tâches de travail a considérablement évolué au cours de la période de 31 ans étudiéeNote . La proportion des travailleurs canadiens exerçant des professions comprenant principalement des tâches non routinières a augmenté entre 1987 et 2018, alors que celle des travailleurs exerçant des professions comprenant principalement des tâches routinières a diminué (graphiques 2 et 3). Il est intéressant de mentionner que, dans tous les cas, l’évolution a été progressive au cours de ces trois décennies. Les variations enregistrées au cours de la plus récente décennie (période de progrès rapides dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique) n’ont pas été plus importantes que celles observées au cours de l’une ou l’autre des deux décennies antérieuresNote .

Ce passage d’emplois comprenant des tâches routinières à ceux comprenant des tâches non routinières est particulièrement évident lorsque l’on compare la part des travailleurs exerçant des professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) et celle des professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières). Entre 1987 et 2018, on a observé une hausse de 7,5 points de pourcentage de la part des travailleurs exerçant des professions techniques, libérales et de gestion et une diminution de 7,5 points de pourcentage de la part des Canadiens exerçant des professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécutionNote . Les résultats indiquent une divergence constante entre ces deux catégories professionnelles à partir du milieu des années 1990 (graphique 2).

Graphique 2

Tableau de données du graphique 2 
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2 Professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières), Professions dans le secteur des services (tâches manuelles non routinières), Professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) et Professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières), calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) Professions dans le secteur des services (tâches manuelles non routinières) Professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) Professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières)
pourcentage
1987 23,76 19,21 27,33 29,69
1988 24,32 18,95 27,53 29,19
1989 24,22 19,12 27,34 29,32
1990 25,19 19,06 27,26 28,48
1991 25,64 19,43 27,17 27,76
1992 26,02 19,71 27,35 26,92
1993 26,66 19,74 26,9 26,71
1994 27,38 19,55 26,57 26,5
1995 27,68 19,4 26,09 26,82
1996 27,19 19,98 25,86 26,97
1997 28,27 19,41 25,58 26,74
1998 27,77 19,47 26,01 26,75
1999 28,22 19,64 25,87 26,27
2000 28,04 19,68 26,27 26,01
2001 27,43 20,05 26,88 25,64
2002 27,77 20,11 26,23 25,89
2003 27,33 20,53 26,53 25,62
2004 27,51 20,68 26,28 25,53
2005 28,42 20,41 26,01 25,17
2006 28,49 20,86 25,61 25,04
2007 28,9 21,25 25,95 23,89
2008 29,18 21,08 25,9 23,84
2009 29,44 21,75 25,8 23,01
2010 29,81 21,91 25,7 22,58
2011 29,42 21,93 25,52 23,13
2012 29,88 22,03 25,28 22,81
2013 29,72 22,16 25,17 22,95
2014 29,81 22,15 25,38 22,65
2015 30,92 21,94 24,7 22,44
2016 31,13 21,85 24,89 22,12
2017 31,29 21,76 25,01 21,94
2018 31,22 21,75 24,85 22,18

Graphique 3

Tableau de données du graphique 3 
Tableau de données du graphique 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 3 Professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières), Professions dans le secteur des services (tâches manuelles non routinières), Professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) et Professions lieés à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières), calculées selon variation en pourcentage par rapport à 1987 (1987 = 0) unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) Professions dans le secteur des services (tâches manuelles non routinières) Professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) Professions lieés à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières)
variation en pourcentage par rapport à 1987 (1987 = 0)
1987 0 0 0 0
1988 2,36 -1,35 0,73 -1,68
1989 1,94 -0,47 0,04 -1,25
1990 6,02 -0,78 -0,26 -4,08
1991 7,91 1,15 -0,59 -6,50
1992 9,51 2,60 0,07 -9,33
1993 12,21 2,76 -1,57 -10,04
1994 15,24 1,77 -2,78 -10,74
1995 16,50 0,99 -4,54 -9,67
1996 14,44 4,01 -5,38 -9,16
1997 18,98 1,04 -6,40 -9,94
1998 16,88 1,35 -4,83 -9,90
1999 18,77 2,24 -5,34 -11,52
2000 18,01 2,45 -3,88 -12,39
2001 15,45 4,37 -1,65 -13,64
2002 16,88 4,69 -4,02 -12,80
2003 15,03 6,87 -2,93 -13,71
2004 15,78 7,65 -3,84 -14,01
2005 19,61 6,25 -4,83 -15,22
2006 19,91 8,59 -6,29 -15,66
2007 21,63 10,62 -5,05 -19,54
2008 22,81 9,73 -5,23 -19,70
2009 23,91 13,22 -5,60 -22,50
2010 25,46 14,06 -5,96 -23,95
2011 23,82 14,16 -6,62 -22,09
2012 25,76 14,68 -7,50 -23,17
2013 25,08 15,36 -7,90 -22,70
2014 25,46 15,30 -7,14 -23,71
2015 30,13 14,21 -9,62 -24,42
2016 31,02 13,74 -8,93 -25,50
2017 31,69 13,27 -8,49 -26,10
2018 31,40 13,22 -9,07 -25,29

Même si les professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution représentaient la plus grande part des travailleurs canadiens en 1987 (29,7 %, graphique 2), la proportion de travailleurs canadiens exerçant des professions techniques, libérales et de gestion a dépassé ce groupe de tâches de travail vers 1994. En 2018, plus de 3 travailleurs canadiens sur 10 (31,2 %, graphique 2) exerçaient des professions techniques, libérales et de gestion (plus grande proportion de travailleurs de tous les groupes de tâches de travail). Au contraire, 22,2 % des travailleurs canadiens exerçaient des professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution en 2018 (graphique 2).

La part des travailleurs exerçant des professions dans le secteur des services (tâches manuelles non routinières) a également augmenté, mais dans une moindre mesure que celle des professions techniques, libérales et de gestion. La proportion de Canadiens exerçant des professions dans le secteur des services a augmenté de 2,5 points de pourcentage entre ces années, soit une hausse de 13,2 % (graphique 3). Même si les professions du secteur des services représentaient la part la plus faible des travailleurs canadiens tout au long de la période de 31 ans, les résultats indiquent une convergence entre les parts des travailleurs canadiens exerçant des professions dans le secteur des services et ceux exerçant des professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution ces dernières années. En 2018, 21,8 % des Canadiens occupaient un emploi dans les professions du secteur des services (graphique 2).

Toutefois, la part des travailleurs exerçant des professions dans le secteur des services a plus ou moins cessé d’augmenter à partir de 2010. Le graphique 1 montre la baisse modérée de l’importance des tâches manuelles et physiques non routinières entre 2011 et 2018. Pris ensemble, ces résultats peuvent donner à penser que la technologie est désormais utilisée pour effectuer des tâches physiques plus complexes et que cela réduit l’importance de la fréquence de ces tâches pour les travailleurs du secteur des services. Il reste à savoir si les travailleurs du secteur des services s’adaptent en se concentrant sur des tâches plus productives qui sont encore hors de portée des robots; néanmoins, pour l’instant, les parts des emplois demeurent stables dans cette grande catégorie professionnelle.

Un recul de la proportion des travailleurs canadiens occupant des emplois dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) a également été observé. La part des emplois dans ces professions a diminué de 2,5 points de pourcentage, entre 1987 et 2018 (baisse de 9,1 %; graphique 3). Toutefois, les professions de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif représentent toujours la deuxième part la plus importante des travailleurs en 2018 (24,9 %, graphique 2).

Une analyse supplémentaire a été menée au niveau du grand groupe de la CNPNote pour confirmer les tendances observées (graphiques 1-1 et 1-2 de l’annexe). En général, la part de travailleurs de la majorité des professions associées à des tâches non routinières a augmenté entre 1987 et 2018. En particulier, la part des travailleurs exerçant des professions de soutien en services de santé (professions des services) a augmenté de 140,9 % entre 1987 et 2018. Cependant, la part des travailleurs dans certaines professions de la gestion et des services a diminué au cours de la même périodeNote . Des reculs ont été observés pour la plupart des professions associées à des tâches routinières, à quelques exceptions près dans les professions de la vente, du travail de bureau et du soutien administratifNote .

En résumé, on a observé un passage progressif de professions comprenant des tâches routinières à des professions comprenant des tâches non routinières au cours des trois dernières décennies. Cette tendance a été plus évidente au cours de la dernière décennie, laquelle a été marquée par des progrès importants en technologie de l’automatisation.

Parts relatives des emplois des groupes de tâches de travail, selon le sexe, le groupe d’âge et le niveau de scolarité

La section précédente a fourni un tableau général de l’évolution de la nature du travail au Canada au cours des trois dernières décennies. Des différences peuvent cependant exister entre différents groupes sociodémographiques. La présente section permet d’examiner les variations de la part relative des emplois des travailleurs employés dans le groupe de tâches de travail, selon le sexe, le groupe d’âge et le niveau de scolarité au cours de la même périodeNote .

Les variations de la part des travailleurs employés dans les quatre groupes de tâches de travail sont présentées dans le graphique 4. En général, les augmentations de la proportion de travailleurs exerçant des professions non routinières ont été observées pour les hommes et les femmes. Toutefois, la croissance du nombre de femmes exerçant des professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) était plus prononcée que celles des hommes (hausses respectives de 9,8 points de pourcentage et de 5,2 points de pourcentage). Des augmentations plus faibles des parts des professions du secteur des services (tâches manuelles non routinières) ont été observées pour les hommes et les femmes.

Graphique 4

Tableau de données du graphique 4 
Tableau de données du graphique 4
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 4 Hommes et Femmes, calculées selon variation en points de pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Hommes Femmes
variation en points de pourcentage
Professions techniques, libérales et de gestion 5,2Note *** 9,8Note ***
Professions dans le secteur des services 1,9Note *** 2,2Note ***
Professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif 1,3Note *** -8,4Note ***
Professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution -8,3Note *** -3,6Note ***

Parmi les professions comprenant des tâches routinières, des différences statistiquement significatives ont été observées entre les hommes et les femmes. La part des hommes exerçant des professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) a augmenté de 1,3 point de pourcentage, alors que celle des femmes a diminué de 8,4 points de pourcentage. Les parts des emplois dans des professions liées à la production, au corps de métiers, à la réparation et à l’exécution (tâches cognitives non routinières) ont en général diminué, mais plus pour les hommes que pour les femmes (respectivement de 8,3 points de pourcentage et 3,6 points de pourcentage).

Les résultats par groupe d’âge indiquent des tendances similaires pour les groupes de tâches de travail non routinières (graphique 5). La proportion de travailleurs canadiens exerçant des professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) a augmenté pour tous les groupes d’âge, alors que les parts des emplois des professions du secteur des services (tâches manuelles non routinières) ont augmenté pour tous les groupes d’âge, sauf les personnes les plus âgées (55 ans et plus)Note . La hausse la plus importante des parts des emplois du secteur des services a été observée chez les travailleurs âgés de 25 à 34 ans et de 15 ans à 24 ans (respectivement de 5,3 points de pourcentage et 5,1 points de pourcentage).

Les parts des travailleurs canadiens employés dans les groupes de tâches routinières ont diminué pour la plupart des groupes d’âge. Ces reculs sont particulièrement évidents pour les professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières). La proportion d’hommes exerçant des professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) a également diminué pour les groupes d’âge moyen (25 à 54 ans).

Graphique 5

Tableau de données du graphique 5 
Tableau de données du graphique 5
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 5 15 à 24 ans, 25 à 34 ans, 35 à 44 ans, 45 à 54 ans et 55 ans ou plus, calculées selon variation en points de pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
15 à 24 ans 25 à 34 ans 35 à 44 ans 45 à 54 ans 55 ans ou plus
variation en points de pourcentage
Professions techniques, libérales et de gestion 3,9Note *** 8,8Note *** 7,4Note *** 8,0Note *** 4,8Note ***
Professions dans le secteur des services 5,1Note *** 5,3Note *** 2,8Note *** 1,1Note * -0,2nd
Professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif -0,1nd -4,7Note *** -4,2Note *** -1,3Note * 1,3Tableau de Note 
Professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution -9,0Note *** -9,4Note *** -6,0Note *** -7,7Note *** -5,9Note ***

Pour tous les groupes de niveau de scolarité, les parts d’emplois des professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) ont diminué, entre 1990 et 2018, à l’exception des travailleurs possédant un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité inférieur, qui n’ont enregistré aucune variation significative (graphique 6). Les replis les plus importants pour les professions techniques, libérales et de gestion concernaient les travailleurs ayant fait des études postsecondaires : diminution de 8,8 points de pourcentage pour les travailleurs possédant un certificat ou un diplôme d’études collégiales ou d’une école de métiers et de 7,9 points de pourcentage pour ceux titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade de niveau supérieur.

Graphique 6

Tableau de données du graphique 6 
Tableau de données du graphique 6
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 6 Études secondaires ou niveau
de scolarité inférieur, Études postsecondaires partielles, Diplôme d'études collégiales
ou certificat d’une école de métiers et Baccalauréat ou grade de niveau supérieur, calculées selon variation en points de pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Études secondaires ou niveau
de scolarité inférieur
Études postsecondaires partielles Diplôme d'études collégiales
ou certificat d’une école de métiers
Baccalauréat ou grade de niveau supérieur
variation en points de pourcentage
Professions techniques, libérales et de gestion -0,2nd -5,4Note *** -8,8Note *** -7,9Note ***
Professions dans le secteur des services 3,5Note *** 8,9Note *** 8,6Note *** 4,5Note ***
Professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif 0,2nd -2,0Note * -1,1Note ** 2,0Note ***
Professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution -3,6Note *** -1,5Note * 1,3Note ** 1,4Note ***

Les parts des travailleurs exerçant des professions dans le secteur des services (tâches manuelles non routinières) ont augmenté au sein de tous les groupes de niveau de scolarité. Les augmentations les plus importantes en points de pourcentage des parts des emplois dans les professions du secteur des services concernaient les travailleurs ayant fait des études postsecondaires partielles (8,9 points de pourcentage) et ceux possédant un certificat ou diplôme d’études collégiales ou d’une école de métiers (8,6 points de pourcentage)Note .

Les tendances pour ce qui est des professions comprenant des tâches routinières variaient selon les groupes de niveau de scolarité. Alors que la proportion de professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) chez les travailleurs titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade de niveau supérieur a augmenté de 2,0 points de pourcentage, la part de ces professions a légèrement diminué (de 1,1 point de pourcentage) pour les travailleurs ayant fait des études postsecondaires partielles ou possédant un certificat ou un diplôme d’études collégiales ou d’une école de métiers. De même, la proportion d’hommes exerçant des professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières) a augmenté de 1,4 point de pourcentage, entre 1990 et 2018, pour le groupe ayant  un baccalauréat ou un grade de niveau supérieur, alors que la part des travailleurs de ce groupe de tâches de travail a diminué pour ceux n’ayant pas terminé leurs études postsecondairesNote .

Les travailleurs possédant un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité inférieur ont généralement enregistré les variations des parts relatives les plus faibles dans la plupart des catégories professionnelles. Une exception digne de mention est la part de ces travailleurs exerçant des professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières), qui a diminué de 3,6 points de pourcentage (plus que tout autre groupe de niveau de scolarité).

Tout examen des variations de la part des travailleurs au Canada en fonction du niveau de scolarité nécessite de tenir compte de la hausse considérable de la proportion de Canadiens ayant terminé des études postsecondaires au cours des dernières décennies. Selon l’EPA, alors qu’un peu plus de 1 travailleur rémunéré sur 8 possédait un grade universitaire en 1990 (13,1 %), près de 3 sur 10 avaient atteint ce niveau de scolarité en 2018 (29,1 %)Note . Par conséquent, alors que cette hausse du niveau de scolarité peut se traduire par une augmentation du nombre absolu de travailleurs employés dans un groupe de tâches de travail et ayant un baccalauréat ou un grade de niveau supérieur, elle peut également contribuer à une diminution générale de la part des travailleurs dans ce groupe. Acemoglu et Autor (2010) ont reconnu qu’une hausse importante du nombre de travailleurs ayant un niveau de scolarité plus élevé entraîne inévitablement l’emploi d’une portion de ce groupe dans des professions peu spécialisées.

Ainsi, alors que la part des travailleurs possédant un grade universitaire a augmenté rapidement au cours des trois dernières décennies et que les diplômés universitaires étaient le groupe le plus susceptible d’occuper des emplois dans la catégorie des professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières), la part des emplois dans ces professions pour les diplômés universitaires ainsi que pour les personnes ayant fait des études postsecondaires partielles ou possédant un certificat ou un diplôme d’études collégiales ou d’une école de métiers a diminué au cours de la période étudiée.

En résumé, une transition progressive des groupes de tâches de travail routinières à non routinières au cours des trois dernières décennies a généralement été observée pour la plupart des groupes sociodémographiques, à quelques exceptions près. Par exemple, alors que les femmes étaient moins susceptibles que les hommes d’exercer des professions associées à des tâches cognitives routinières, les hommes sont devenus plus susceptibles que les femmes d’occuper ces emplois au cours des 31 années étudiées. En outre, alors que l’on a observé une augmentation des professions non routinières pour la plupart des groupes d’âge, les travailleurs âgés de 55 ans et plus sont demeurés aussi susceptibles d’exercer des professions associées à des tâches manuelles non routinières et plus portés à occuper des emplois associés à des tâches cognitives routinièresNote .

Enfin, malgré une augmentation générale de la part de travailleurs exerçant des professions associées à des tâches cognitives non routinières, une diminution des parts des emplois pour ce groupe de tâches de travail a été observée pour tous les groupes de travailleurs ayant au moins fait des études postsecondaires partielles. Ces tendances ont été observées alors que la part des travailleurs canadiens possédant un diplôme d’études postsecondaires a augmenté considérablement au cours des trois dernières décennies. Alors que des données montrent que avoir fait des études universitaires diminue généralement le risque de transformation de l’emploi associée à l’automatisation pour un travailleur (Frenette et Frank, 2020), la hausse élevée de travailleurs ayant fait des études postsecondaires au cours de la période étudiée a eu pour effet qu’une partie de ces travailleurs a été déplacée vers des emplois pour lesquels ils peuvent être surqualifiés. Par conséquent, ces travailleurs peuvent être plus touchés par la technologie de l’automatisation que leurs homologues exerçant des professions qui nécessitent un grade universitaire. Des travaux de recherche supplémentaires sur la répartition des travailleurs ayant fait des études postsecondaires parmi les différentes catégories professionnelles pourraient fournir plus de renseignements sur la mesure dans laquelle l’évolution de la nature du travail touchera ces travailleurs.

Tenir compte des transformations de la structure industrielle au Canada

La section précédente a fourni un aperçu de la variation de la part des Canadiens employés dans différents groupes de tâches de travail au cours d’une période de 31 ans. Ces transformations peuvent toutefois être le résultat de changements de la structure industrielle plutôt que de la demande de tâches attribuable à la technologie. Une augmentation de la part de la population âgée de 65 ans et plus peut, par exemple, entraîner des transformations industrielles, comme une demande accrue en services de soins de santé (Maestas, Mullen et Powell, 2016). Cela est évident en ce qui a trait à la hausse observée dans la part des travailleurs canadiens exerçant des professions de soutien en services de santé entre 1987 et 2018 (graphiques 1-1 et 1-2 de l’annexe), période au cours de laquelle la proportion de personnes âgées a augmenté, pour passer de 10,7 % à 17,2 % de la populationNote .

La présente section permet d’examiner la variation de la part des travailleurs par groupe de tâches de travail, tout en tenant également compte des transformations de la structure industrielle. Plus précisément, des modèles de régression distincts ont été exécutés pour chaque groupe de tâches de travail, afin de produire des estimations des variations de la part des travailleurs d’un groupe de tâches de travail entre 1987 et 2018 tout en tenant compte des transformations industriellesNote .

Des transformations de la structure industrielle du Canada ont expliqué en partie les variations des parts des emplois observées dans la totalité des quatre groupes de tâches de travail (graphique 7). Tenir compte des transformations industrielles a eu une influence particulière sur les résultats pour les professions du secteur des services (tâches manuelles non routinières). Alors que les résultats sans variable de contrôle ont indiqué une hausse de la part des travailleurs canadiens exerçant des professions dans le secteur des services, tenir compte du groupe d’industrie n’a entraîné aucune variation statistiquement significative au cours de la période étudiée de 31 ans pour ce groupe de tâches de travail. Comme nous l’avons déjà mentionné, ce résultat peut en partie découler de transformations industrielles attribuables au vieillissement de la population, lequel contribue à une augmentation de la part des Canadiens travaillant dans les services de santéNote .

Des transformations de la structure industrielle ont également expliqué, en partie et dans diverses mesures, les changements observés pour les trois autres groupes de tâches de travail. Environ les deux tiers de la diminution de la part des travailleurs exerçant des professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières), entre 1987 et 2018 étaient attribuables à un recul des secteurs industriels composés de professions comprenant des tâches manuelles routinières. Cela s’explique probablement par le recul des emplois du secteur de la fabrication à forte intensité de tâches routinièresNote Note . Toutefois, la diminution de la part des travailleurs employés dans ce groupe de tâches de travail est demeurée statistiquement significative, même après la prise en compte des transformations de la structure industrielle.

Les transformations industrielles ont également expliqué une partie des variations de la part des travailleurs exerçant des professions à forte intensité de tâches cognitives. Les deux cinquièmes de l’augmentation des professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) et un peu plus du quart de la diminution des professions de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) s’expliquaient par des changements de la structure industrielle canadienne entre 1987 et 2018.

Les changements de la composition industrielle entre 2011 et 2018 n’expliquent pas les variations des tâches de travail au cours de cette périodeNote (résultats fournis sur demande). Toutefois, du fait de la courte période examinée, la structure industrielle n’aurait pas évolué dans la même mesure que pendant la période de 31 ans étudiée lors de l’analyse des groupes de tâches de travailNote .

Graphique 7

Tableau de données du graphique 7 
Tableau de données du graphique 7
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 7 Sans variable de contrôle et Variable de contrôle du groupe (industries), calculées selon variation en points de pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Sans variable de contrôle Variable de contrôle du groupe (industries)
variation en points de pourcentage
Professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) 7,5Note *** 4,4Note ***
Professions dans le secteur des services (tâches manuelles non routinières) 2,5Note *** -0,2nd
Professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) -2,5Note *** -1,8Note ***
Professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières) -7,5Note *** -2,4Note ***

Conclusion

Les discussions sur l’avenir du travail sont de plus en plus axées sur la mesure dans laquelle l’automatisation influera sur les emplois. De récents progrès réalisés en intelligence artificielle et en apprentissage automatique, c’est-à-dire l’idée d’automatiser des tâches cognitives plus complexes, ont accentué ces préoccupations. La présente étude repose sur une approche fondée sur les tâches en vue d’examiner des variations de tâches de travail particulières entre 2011 et 2018; elle fournit ainsi de plus amples renseignements sur la façon dont les récents progrès technologiques peuvent avoir eu une incidence sur la nature du travail des Canadiens. La présente étude a, en outre, permis de dégager des tendances en ce qui a trait à la part des travailleurs employés dans divers groupes de tâches de travail entre 1987 et 2018. Même si elle est moins précise que l’examen des variations des tâches de travail, cette approche axée sur les professions fournit un contexte historique à des tendances plus récentes.

Les résultats indiquent que les tâches complémentaires à l’automatisation, comme les tâches analytiques et interpersonnelles cognitives non routinières, sont devenues de plus en plus importantes au sein des emplois occupés par les Canadiens entre 2011 et 2018. En revanche, les faits sont moins évidents en ce qui a trait aux tâches manuelles routinières et non routinières que la technologie de l’automatisation peut être en mesure de remplacer dans certains cas, selon la faisabilité technologique et d’autres facteurs. De plus, l’ampleur de ces changements était généralement relativement minime.

Des tendances sur la période de 31 ans étudiée révèlent des transformations plus claires (mais toutefois plus progressives) sur une période plus longue, notamment bien avant les importants progrès réalisés récemment en intelligence artificielle et ses applications pratiques. Plus particulièrement, on a observé, au cours des trois dernières décennies, un passage progressif de professions comprenant des tâches routinières à des professions comprenant des tâches non routinières. La part des Canadiens occupant des emplois dans la catégorie des professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) et dans le secteur des services (tâches manuelles non routinières) a augmenté, alors que celle des travailleurs exerçant des professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l’exécution (tâches manuelles routinières) ainsi que des professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) a diminué au cours de cette période. Bien que le remplacement de certains emplois du secteur des services par la technologie de l’automatisation soit possible, la hausse relative des emplois dans ce secteur s’expliquait en grande partie par des changements de la structure industrielle observés entre 1987 et 2018.

Il reste à voir si l’automatisation entraînera des pertes d’emplois ou transformera des tâches de travail dans un avenir proche. Alors qu’une évolution progressive de la nature du travail a été observée au cours de la période de 31 ans étudiée, des événements comme la pandémie de COVID-19 peuvent inciter les employeurs à adopter plus rapidement des technologies d’automatisation. Il reste également à établir dans quelle mesure les activités de travail des Canadiens peuvent être modifiées en réponse à la pandémie. Quoi qu’il en soit, il est évident qu’à mesure que les progrès technologiques permettront l’automatisation d’un plus grand nombre de tâches en milieu de travail, il deviendra de plus en plus important de surveiller l’évolution des emplois au Canada.

Annexe – Graphique

Graphique 1-1

Tableau de données du graphique 1-1 
Tableau de données du graphique 1-1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1-1 Variation en pourcentage(figurant comme en-tête de colonne).
Variation en pourcentage
Professions techniques, libérales et de gestion (tâches cognitives non routinières) Cadres supérieurs/cadres supérieures -50,85Note ***
Cadres intermédiaires spécialisés/cadres intermédiaires spécialisées 22,67Note ***
Cadres intermédiaires dans le commerce de détail, de gros et des services à la clientèle -43,16Note ***
Cadres intermédiaires des métiers, des transports, de la production et des services d’utilité publique 17,65Note ***
Personnel professionnel en gestion des affaires et en finance 77,40Note ***
Personnel professionnel des sciences naturelles et appliquées 80,79Note ***
Personnel technique assimilé aux sciences naturelles et appliquées 26,22Note ***
Personnel professionnel en soins infirmiers 8,79Note *
Personnel professionnel des soins de santé (sauf soins infirmiers) 65,38Note ***
Personnel technique des soins de santé 37,06Note ***
Personnel professionnel en services d’enseignement 38,34Note ***
Personnel professionnel du droit et des services gouvernementaux, sociaux et communautaires 88,37Note ***
Personnel professionnel des arts et de la culture -22,67Note ***
Personnel technique des arts, de la culture, des sports et des loisirs 50,41Note ***
Professions dans le secteur des services (tâches manuelles non routinières) Personnel de soutien des services de santé 140,86Note ***
Personnel paraprofessionnel des services juridiques, sociaux, communautaires et de l’enseignement 103,45Note ***
Personnel des services de protection publique de première ligne -11,27Tableau de Note 
Dispensateurs/dispensatrices de soins et personnel de soutien en enseignement, en droit et en protection publique -19,47Note ***
Personnel de supervision en services et personnel de services spécialisés 2,58nd
Représentants de services et autre personnel de services à la clientèle et personnalisés 14,85Note ***
Personnel de soutien en service et autre personnel de service, n.c.a. -4,50Note *

Graphique 1-2

Tableau de données du graphique 1-2 
Tableau de données du graphique 1-2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1-2 Variation en pourcentage(figurant comme en-tête de colonne).
Variation en pourcentage
Professions dans le domaine de la vente, du travail de bureau et du soutien administratif (tâches cognitives routinières) Personnel de supervision du travail administratif et financier et personnel administratif -13,80Note ***
Personnel en finance, assurance et personnel assimilé en administration des affaires 12,26Note *
Personnel de soutien de bureau -39,00Note ***
Personnel de coordination de la distribution, du suivi et des horaires -32,45Note ***
Personnel de supervision des ventes au détail et personnel des ventes spécialisées 72,32Note ***
Représentants de commerce et vendeurs – commerce de gros et de détail -3,95Tableau de Note 
Personnel de soutien des ventes 21,39Note ***
Professions liées à la production, aux corps de métier, à la réparation et à l'exécution (tâches manuelles routinières) Personnel des métiers de l’électricité, de la construction et des industries -16,99Note ***
Personnel des métiers d’entretien et d’opération d’équipement -24,88Note ***
Personnel d’installation, de réparation et d’entretien et manutentionnaires 2,75nd
Personnel de conduite d’équipement de transport et de machinerie lourde et autre personnel assimilé à l’entretien -13,30Note ***
Personnel de soutien des métiers, manœuvres et aides d’entreprise en construction et autre personnel assimilé -18,71Note ***
Superviseurs/superviseures et métiers techniques dans les ressources naturelles, l’agriculture et la production connexe 11,11Note *
Personnel en ressources naturelles, en agriculture et en production connexe -45,78Note ***
Manœuvres à la récolte, en aménagement paysager et en ressources naturelles -18,00Note ***
Personnel de supervision dans la transformation, la fabrication et les services d’utilité publique et opérateurs/opératrices de poste central de contrôle -17,60Note ***
Opérateurs/opératrices de machinerie reliée à la transformation et à la fabrication et autre personnel assimilé -50,38Note ***
Monteurs/monteuses dans la fabrication -38,66Note ***
Manœuvres dans la transformation, la fabrication et les services d’utilité publique -45,00Note ***

Annexe – Tableau



Annexe Tableau 1
Scores d’importance moyens des activités de travail de la population canadienne, 2011 et 2018
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Scores d’importance moyens des activités de travail de la population canadienne 2011 et 2018, calculées selon Score moyen unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
2011 2018
Score moyen
Tâches analytiques cognitives non routinières
Analyser des données ou des renseignements 3,018 3,119
Réfléchir de façon créative 3,090 3,163
Interpréter la signification des renseignements pour d’autres 3,014 3,098
Tâches interpersonnelles cognitives non routinières
Établir et maintenir des relations interpersonnelles 3,651 3,701
Guider, diriger et motiver des subordonnés 2,700 2,792
Encadrer et perfectionner d’autres personnes 2,856 2,956
Tâches cognitives routinières
Travail structuré par rapport à non structuré (degré d’autonomie en matière de détermination des tâches) 3,924 3,944
Répéter les mêmes tâches 3,290 3,331
Être exact ou précis 4,072 4,130
Tâches manuelles routinières
Rythme déterminé par la vitesse de l’équipement 1,920 1,881
Contrôler des machines et des processus 2,520 2,552
Temps passé à effectuer des mouvements répétitifs (fréquence) 3,149 3,162
Tâches manuelles et physiques non routinières
Conduire des véhicules, actionner des dispositifs ou de l’équipement motorisés 2,267 2,254
Temps passé à manipuler, contrôler ou introduire des objets, des outils ou des commandes avec les mains (fréquence) 3,309 3,287
Orientation spatiale 1,495 1,499
Dextérité manuelle 2,441 2,408

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