Émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation au Canada, aux États-Unis et en Chine

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Craig Gaston, Division des comptes et de la statistique de l'environnement

Bien que l'emplacement des émissions de gaz à effet de serre (GES) soit d'une importance moindre du point de vue de leur contribution au réchauffement planétaire, il peut être utile de savoir comment les dépenses intérieures finales en produits et services au Canada génèrent des émissions dans d'autres pays et, parallèlement, comment les dépenses finales à l'étranger génèrent des émissions au Canada. Il s'agit d'une « perspective de consommation » des émissions de GES, par opposition à la perspective de production qu'utilisent habituellement les pays pour rendre compte de leurs émissions de GES.

Les statistiques sur les émissions de GES sont généralement compilées en fonction des différentes sources d'émissions à l'intérieur des frontières géographiques d'un pays donné. Les émissions dans d'autres pays liées aux dépenses canadiennes ne sont pas directement observables, mais elles peuvent être estimées au moyen de modèles d'entrées-sorties qui décrivent les flux de biens entre les industries et les pays 11 . Les modèles d'entrées-sorties ont une longue tradition à Statistique Canada et sont utilisés avec des prolongements environnementaux pour estimer les répercussions, sur le plan de l'énergie et des GES, des dépenses des ménages canadiens 12 .

Le présent article utilise un nouveau modèle multirégional des entrées-sorties (MRES) pour établir le lien entre les dépenses intérieures finales en biens et services dans un pays et les émissions de GES qui en découlent dans un autre. Le modèle représente les économies du Canada, des États-Unis et de la Chine. Le reste du monde n'est pas précisé explicitement; seuls les flux des échanges avec le reste du monde sont définis.

Le modèle a été établi pour l'année 2002, car il s'agit de la plus récente année pour laquelle on dispose de tableaux d'entrées-sorties détaillés pour les trois pays. Depuis, l'économie de la Chine a connu une croissance rapide, et d'autres analyses ont été effectuées ici pour donner une idée de l'incidence des dépenses canadiennes accrues en biens chinois depuis 2002. Un modèle MRES plus récent serait nécessaire pour rendre compte de façon plus précise de l'évolution de l'économie mondiale au cours de la dernière décennie.

Quand on utilise un modèle d'entrées-sorties relatif à un seul pays (par opposition au modèle MRES utilisé ici), il faut se fonder sur l'hypothèse simplificatrice que les importations donnent lieu aux mêmes émissions que les biens similaires produits au Canada. Le modèle MRES Canada–États-Unis–Chine vise à combler cette lacune. Il s'agit certes d'une amélioration importante par rapport aux modèles portant sur un seul pays, mais l'élaboration du modèle MRES exige la formulation de différentes hypothèses ainsi qu'une manipulation poussée des données contenues dans les tableaux d'entrées-sorties relatifs à chaque pays. Les résultats présentés ici ont donc un caractère expérimental et ont uniquement une valeur indicative, par opposition à des résultats définitifs (voir l'encadré ci-dessous pour plus de détails) 13 .

Quelques observations sur la terminologie et la qualité des données

Dans la présente étude, les émissions « directes » renvoient à la quantité de GES requise pour produire un bien ou un service acheté par un consommateur final ainsi qu'aux GES émis par suite de la consommation de carburant par les ménages. Les émissions « indirectes » sont celles découlant de la production de biens et de services intermédiaires requis pour fabriquer les produits finals.

Pour des raisons pratiques, nous entendons par « émissions incorporées aux importations » les GES générés dans un pays étranger, en vue de produire des biens et services importés au Canada. Le modèle MRES vise à faire le lien entre les dépenses finales dans un pays et la production dans les pays désignés dans le modèle. On peut dès lors calculer les émissions en appliquant à la production de chaque industrie dans chaque région un degré d'intensité déterminé pour chaque pays (émissions par unité de production).

Les modèles multirégionaux soulèvent des problèmes théoriques et pratiques ardus. Pour que le modèle soit gérable, notre étude porte sur les États-Unis et la Chine uniquement, car il s'agit des deux principaux fournisseurs du Canada. Le volume des échanges de la Chine avec le Canada a augmenté de façon constante au cours des 10 dernières années.

Les deux tiers environ des importations canadiennes en 2002 provenaient des États-Unis et de la Chine. La part chinoise des importations canadiennes a presque doublé de 2002 à 2006, passant de 4,6 % à 8,8 %, ce qui s'est fait en partie aux dépens des États-Unis. On ne peut pas supposer que le fait de modéliser les deux tiers des échanges commerciaux du Canada revient à modéliser les deux tiers des émissions importées, mais une estimation brute des émissions non prises en compte peut être établie en utilisant le modèle des États-Unis à titre de mesure indirecte pour le reste du monde.

Une importante somme de données est requise même en limitant à trois le nombre de pays combinés dans un même modèle. On ne dispose pas de tableaux d'entrées-sorties d'une taille et d'une qualité suffisantes pour chaque pays et chaque année. Dans le cas du Canada, des tableaux annuels existent jusqu'en 2008, mais les tableaux d'entrées-sorties de référence les plus récents pour les États-Unis et la Chine remontent à 2002. On dispose de tableaux plus récents, mais ils sont plus limités, et la qualité de leurs données n'est pas aussi élevée. Le modèle MRES repose donc sur les données relatives à 2002.

Une évaluation uniforme des biens et des services, de manière à maintenir un lien cohérent entre les devises et la production physique, constitue bien sûr l'idéal, mais cela devient difficile dans le cas de la Chine en raison de l'incertitude entourant les taux de change. Les taux de change du marché sont adéquats pour convertir les dollars en devises chinoises, mais cela ne garantit pas nécessairement la compatibilité par rapport au lien entre la production et les émissions en Chine. Certains rajustements au titre de la parité de pouvoir d'achat ont été effectués en raison de ce problème, selon l'hypothèse que le problème en question est inversement proportionnel à l'intensité des exportations de chaque industrie.

Le présent document présente les émissions de GES dans une perspective de consommation ou d'« empreinte » de consommation. Dans ce contexte, l'accent est mis sur les émissions liées aux dépenses intérieures finales.

Il est important de noter la manière dont les émissions liées aux échanges entre les pays sont traitées dans la présente étude. Les émissions étrangères attribuées aux importations canadiennes sont celles qui découlent de la production de biens et de services achetés par des consommateurs finals canadiens (par exemple, les aliments importés vendus dans les supermarchés). Les émissions étrangères associées aux importations intermédiaires 14  sont exclues de l'analyse, exception faite des cas où l'intrant est intégré à des biens ou des services vendus ultimement à des consommateurs finals canadiens. De même, les émissions étrangères associées aux importations intermédiaires qui sont intégrées dans des biens et services qui sont en fin de compte vendus à des consommateurs finals d'autres pays sont attribuables à ces autres pays. Par exemple, les émissions aux États-Unis découlant de la production de pièces automobiles importées au Canada en vue de produire des pièces d'automobile qui sont par la suite exportées aux États-Unis sont affectées aux États-Unis. Elles figurent dans la cellule États-Unis–États-Unis du tableau 3. C'est pourquoi on ne peut déterminer les émissions liées aux importations totales d'un pays à partir des résultats de la présente étude.

Il convient aussi de noter que le modèle MRES utilisé dans la présente étude n'est pas le seul modèle pouvant servir à estimer l'empreinte de la consommation des émissions de GES. Un certain nombre d'autres méthodes peuvent être utilisées à cette fin. Une autre méthode est la création d'un modèle d'entrées-sorties à partir de renseignements tirés de la base de données du Global Trade Analysis Project (GTAP) de l'University of Purdue 15 , 16 . Selon le modèle d'entrées-sorties utilisé et les données qui le sous-tendent, les résultats obtenus différeront. Cela est inévitable en raison des différences dans la manière de décrire les économies nationales dans les modèles.

Dimension géographique des émissions de gaz à effet de serre (GES)

Le tableau 3 fait état de la répartition géographique des émissions en 2002 en ce qui concerne le Canada et ses deux principaux fournisseurs de biens et de services. La première ligne montre les émissions découlant des dépenses intérieures finales dans chaque région au chapitre des biens et services canadiens. Au total, 689 mégatonnes (Mt) d'équivalents de dioxyde de carbone (équivalents CO2) ont été émises au Canada en 2002 afin de répondre à la demande intérieure canadienne et à la demande d'autres pays 17 , 18 . De ce total, 217 Mt ont découlé de la production de biens et services canadiens destinés à des consommateurs finals aux États-Unis. La demande chinoise à l'égard des produits canadiens n'a donné lieu qu'à 3 Mt d'émissions.

La première colonne du tableau 3 montre les émissions de chaque région attribuables aux dépenses intérieures finales. Au total, 530 Mt de GES ont été émises à l'échelle planétaire pour les dépenses intérieures finales au Canada. De cette quantité, 401 Mt ont été émises au Canada 19 , tandis que 58 Mt étaient reliées aux importations canadiennes des États-Unis, et 14 Mt, aux importations de la Chine. Seules les émissions incorporées aux importations liées aux dépenses intérieures finales figurent de façon explicite dans le tableau 3. On trouve aussi des émissions étrangères liées aux exportations canadiennes, mais celles-ci ne sont pas explicitement présentées, car elles ne découlent pas de dépenses finales canadiennes. Par exemple, la production au Canada de véhicules automobiles destinés aux consommateurs américains nécessite des pièces qui sont produites aux États-Unis, puis importées au Canada. Les émissions découlant de la production de ces pièces sont incluses dans les 6 232 Mt qui figurent dans la cellule États-Unis–États-Unis du tableau. Les données sont présentées ainsi parce que les États-Unis sont le consommateur ultime des pièces, qui retournent aux États-Unis sous forme de véhicules finis, tandis que le Canada n'est que le consommateur immédiat 20 .

Les chiffres de la première ligne du tableau 3 peuvent être ventilés entre les industries canadiennes ayant le plus contribué aux émissions de GES, et ils peuvent être imputés à l'origine de la demande (graphique 6). Il convient de mentionner que les achats américains ont donné lieu à un volume relativement élevé d'émissions de GES au chapitre de l'électricité produite à partir du charbon au Canada (23,8 Mt d'équivalents CO2). Il s'agit principalement d'émissions indirectes découlant de la production au Canada de biens et de services destinés à être exportés vers les États-Unis. Les achats directs, par les États-Unis, d'électricité canadienne produite à partir du charbon correspondent à moins de 10 % de ces émissions. À l'opposé, les émissions du secteur des biens immobiliers, qui sont engendrées pour l'essentiel par le chauffage et l'alimentation électrique des bâtiments, sont surtout associées aux achats canadiens (les exportations canadiennes vers la Chine étaient peu importantes par rapport aux importations chinoises, de sorte que la Chine est presque entièrement absente du graphique 6).

Émissions de gaz à effet de serre (GES) associées à la production de véhicules automobiles

Les achats de véhicules automobiles fournissent un bon exemple de la manière dont la consommation dans un pays donné entraîne la production d'émissions de GES dans d'autres pays. En 2002, les Canadiens ont dépensé 12,8 milliards de dollars pour l'achat de véhicules automobiles produits au pays 21  (tableau 4). Cela a engendré des émissions de 1,7 Mt d'équivalents CO2 au Canada et de 1,7 Mt aux États-Unis. Par contre, on constate que les achats américains de véhicules fabriqués aux États-Unis ont donné lieu à un volume d'émissions relativement faible au Canada (8,4 Mt) comparativement à celui observé aux États-Unis (102,7 Mt). Cet écart entre les deux pays tient au fait que l'industrie canadienne de l'automobile s'approvisionnait en intrants auprès des producteurs américains dans une mesure beaucoup plus grande que ne le faisait l'industrie américaine auprès des producteurs canadiens. Les intrants américains utilisés dans le cadre des activités de fabrication d'automobiles au Canada consistent notamment en pièces en métal embouti, dont la majeure partie ont été importées. Les émissions nécessairement engendrées par le secteur américain des métaux de première transformation pour produire ces pièces sont très importantes. Au Canada comme aux États-Unis, la part des émissions totales associées aux achats de véhicules automobiles qui est imputable à la production chinoise n'a pas dépassé 10 %.

Intensité des émissions de gaz à effet de serre (GES)

Le tableau 5 montre l'intensité des émissions directes et totales sur lesquelles repose le calcul des émissions de GES dans le modèle MRES (les émissions totales correspondent à la somme des émissions directes et des émissions indirectes). Certains des produits des industries en question ne présentent pas une grande importance au chapitre des importations canadiennes, mais tous contribuent directement ou indirectement aux émissions imputables aux dépenses canadiennes en biens et en services.

Les écarts d'intensité en ce qui touche la production d'énergie électrique découlent en grande partie de la combinaison de sources d'énergie employées dans chaque pays. Ainsi, l'hydroélectricité a représenté 60 % de l'électricité produite au Canada, comparativement à 25 % seulement pour ce qui est des combustibles fossiles 22 . En Chine, environ 80 % de l'électricité a été produite à partir du charbon (la principale source d'énergie) et d'autres combustibles fossiles 23 . Aux États-Unis, les combustibles fossiles ont servi à produire 70 % de l'électricité, mais on a utilisé le gaz naturel pour un quart de cette production; or le gaz naturel produit beaucoup moins d'émissions de GES par unité d'électricité produite que le charbon 24 .

L'intensité relativement plus élevée des émissions dans les industries des textiles, des véhicules automobiles et des produits informatiques en Chine reflète l'intensité plus élevée des émissions de l'industrie de production d'énergie électrique dans ce pays, principalement alimentée au charbon. En outre, l'intensité relativement plus élevée des émissions dans l'industrie de la production de fer et d'acier fait augmenter les émissions associées aux produits manufacturés.

L'intensité des émissions associées à l'extraction de pétrole et de gaz au Canada est attribuable au fait que les types de pétrole brut extraits au pays sont différents de ceux des États-Unis et de la Chine. Le pétrole brut représentait 20 % des importations canadiennes d'émissions de GES provenant du reste du monde en 2002.

L'intensité des émissions totales pour chaque pays telle qu'illustrée dans le tableau 5 concorde avec le degré relatif d'intensité des émissions directes. Une exception frappante est le ratio de l'intensité des émissions totales à l'intensité des émissions directes dans le cas des produits informatiques et électroniques, qui est beaucoup plus élevé pour le Canada que pour les États-Unis et la Chine. L'industrie canadienne concentre davantage ses activités sur l'assemblage des composants que dans les deux autres pays, ce qui donne lieu à une moins forte intensité des émissions directes.

Aperçu plus récent

On peut obtenir un aperçu plus récent des émissions de GES importées au Canada découlant des dépenses intérieures finales en faisant fonctionner le modèle MRES de 2002 avec les données de 2006 du Canada sur les importations et les dépenses intérieures finales. La validité des résultats obtenus dépendra de l'hypothèse simplificatrice selon laquelle l'intensité des émissions de GES et les technologies industrielles en place en 2002 pour toutes les régions sont demeurées inchangées en 2006. La mise à jour des données relativement à toutes les variables du modèle permettrait bien sûr d'obtenir des résultats plus exacts, mais c'est le déplacement relatif des importations canadiennes favorisant la Chine au détriment d'autres pays qui constitue le point saillant au cours de cette période. En l'absence de données plus récentes, les estimations produites à partir de cette approche simplifiée donnent une bonne indication des tendances touchant les émissions intrinsèques du Canada.

Les émissions de GES incorporées aux importations canadiennes provenant de chaque région ont connu la même augmentation, environ 17 Mt, de 2002 à 2006, soit au total 50 Mt. Cela représente une hausse de 39 % par rapport à 2002 (129 Mt). La part de ce total qui est attribuable à la Chine est passée de 11 % à 17 %, au détriment de celles des États-Unis et du reste du monde (graphique 7). La part de la Chine de la valeur financière des importations canadiennes de marchandises a presque doublé au cours de la même période, tandis que celle des États-Unis a fléchi de 8 %, en raison de l'augmentation de la part relative de la Chine et de celle d'autres pays (graphique 8). La part relativement plus faible de la valeur des importations de marchandises de la Chine par rapport à celle des émissions incorporées aux importations s'explique par la plus forte intensité d'émissions de GES par dollar pour les importations provenant de ce pays par rapport aux États-Unis et au reste du monde.