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  1. Introduction
  2. Importance des termes de l'échange
  3. Différence entre le revenu intérieur brut réel et le produit intérieur brut réel
  4. Croissance de l'économie canadienne
  5. Balance des paiements
  6. Historique des prix
  7. Gains d'échange : termes de l'échange, balance commerciale brute, taux de change réel et balance commerciale nette
  8. Effets à long terme des variations des gains d'échange
  9. Conclusion
  10. Annexe

1   Introduction

L'histoire du développement économique canadien s'est concentrée sur les vagues successives d'exportations de matières premières ou de produits de base, dont le poisson, les pelleteries, le bois d'oeuvre, le blé, la pâte de bois et le papier, les minéraux et les produits du pétrole. Les historiens de l'économie canadienne, tels que MacIntosh (1925, 1939) et Innis (1933), tissent leurs comptes rendus en suivant les limites imposées au développement économique du Canada par la géographie et les contraintes de la frontière entre le Canada et les États-Unis, puisque la nature particulière des effets d'entraînement en aval et en amont associés à chaque produit de base, qui détermine la nature de la croissance économique, et les progrès de la technologie (en particulier celle du transport) ont contribué à l'exploitation de chaque vague successive de développement des ressources.

Les économies exportatrices axées sur les produits de base ont parfois été perçues comme étant vulnérables aux forces économiques qui leur sont particulières. MacIntosh (1939) a mentionné les problèmes suscités par les cycles économiques, surtout quand les revenus étaient instables, mais que les coûts (tels que ceux subis par les gouvernements canadiens au 19e siècle sous forme d'investissements infrastructurels en canaux et en voies ferrées) étaient fixes. Watkins (1963) souligne que la nature du développement des produits de base pourrait avoir influé sur l'esprit d'entreprise du pays et créé une mentalité d'exportateur de produits de base qui a mené le pays dans un « piège de produits de base ».

Alors que Buckley (1958) décrit le centre d'intérêt des premières études comme étant « une interprétation économique des changements économiques fondés sur la théorie des produits de base » et que Watkins (1963) qualifie la thèse des produits de base « d'histoire présentée de manière très générale », des efforts considérables ont été consacrés à l'évaluation de l'importance des produits de base dans le développement économique du Canada. La question centrale, unifiante, est celle de savoir si le rythme du développement est déterminé fondamentalement par les exportations axées sur les ressources (Aitken, 1961) ou, comme s'interroge Watkins (1963), si les exportations de produits de base constituent le secteur principal qui définit la vitesse de la croissance économique. Les historiens de l'économie (Buckley, 1958; Bertram, 1963; Chambers et Gordon, 1966; Keay, 2009) ont abordé ces questions en examinant la croissance relative du secteur des ressources naturelles et d'autres secteurs, ainsi que les liens qui existent entre eux.

Ces questions ne sont pas limitées à l'économie canadienne. Deaton (1999) soulève la question connexe des difficultés associées à la croissance des économies africaines, à savoir si les périodes de prospérité dans le secteur des ressources ont tendance à inciter les gouvernements à surinvestir parce qu'ils n'arrivent pas à faire la distinction entre les tendances à court et à long terme des prix relatifs 1  .

D'autres ont cherché à savoir si les tendances à long terme associées à la dépendance à l'égard des ressources profitent ou nuisent à la santé économique d'un pays. D'importants efforts ont été déployés en vue de déterminer dans quelle mesure le fait de miser sur les ressources de base a abouti à un démarrage général (voir Rostow, 1951 et Altman, 1987) ou à une croissance peu robuste dans d'autres secteurs, comme la fabrication (Bertram, 1963 et Keay, 2009). Dans la même veine, Hadass et Williamson (2003) ont tenté de déterminer si les périodes de prospérité du secteur des ressources sont associées à une plus grande ou à une plus faible croissance économique globale.

Trouver des moyens de mesurer le lien entre l'importance qu'accorde une économie aux ressources naturelles et le bien-être économique général a posé un défi pendant une grande partie du débat concernant les avantages d'une économie axée sur les ressources naturelles (Caves, 1971). La préoccupation quant aux inconvénients des économies axées sur les ressources est manifeste sous sa forme la plus concrète dans les études ayant pour objectif de déterminer si ces économies sont confrontées par la diminution des termes de l'échange. Toute une génération d'économistes s'est inspirée de la thèse de Singer (1950) et de Prebisch (1950) postulant que les prix des matières premières ont tendance à diminuer comparativement à ceux des biens manufacturés et que les économies exportatrices de ressources et importatrices de biens manufacturés endurent une baisse à long terme de leurs termes de l'échange, et ces économistes se sont donnés pour mission de déterminer s'il existe une « malédiction des ressources naturelles » (Ross, 1999).

Contrairement, la présente étude révèle les effets positifs, pour le Canada, de ses exportations axées sur les ressources. En examinant les influences du compte courant, en particulier l'évolution à long terme des termes de l'échange issus de la dépendance du Canada à l'égard des exportations de ressources naturelles, le présent document décrit en détail comment les mesures du revenu réel ont augmenté cumulativement de 18 % de plus que la mesure du produit intérieur brut (PIB) réel généralement utilisée dans la période de 1870 à 2010.

L'organisation de l'article est la suivante. Les deuxième et troisième sections sont consacrées aux termes de l'échange et à la façon dont leur incidence sur le bien-être global peut être mesurée en se servant de méthodes bien élaborées, tirées du Système de comptabilité nationale. La quatrième section contient un résumé de l'évolution des ressources canadiennes qui met l'accent sur les phases de développement successives quant aux types de produits de base qui ont été exploités. Cette section est nécessairement concentrée uniquement sur le développement du secteur des ressources naturelles, non pas parce que l'intention est de soutenir que l'économie était exagérément axée sur les produits de base seulement, mais parce qu'il est essentiel d'avoir à l'esprit les détails historiques pour interpréter les données agrégées présentées dans les sections suivantes. La quatrième section comprend une discussion sur les développements individuels et un aperçu de l'évolution de la combinaison des produits de base. La cinquième section examine l'évolution de la balance des paiements du Canada en insistant sur le rôle des ressources naturelles dans les exportations. La sixième section examine les fluctuations à long terme des prix relatifs des exportations et des importations, ainsi que des estimations des termes de l'échange au cours de diverses sous-périodes de 1870 à 2010.

Les septième et huitième sections contiennent des estimations de l'effet de l'évolution des termes de l'échange sur le revenu réel des Canadiens. Elles mettent l'accent sur l'évolution à long terme de l'effet global des gains d'échange découlant de la hausse des prix relatifs des exportations (section 6) et de l'effet des gains d'échange sur les écarts entre les mesures de la production (produit intérieur brut) et celles des possibilités d'absorption (revenu intérieur brut et revenu national brut) afin de cerner l'effet global des termes de l'échange (section 7). Alors que d'autres se sont concentrés sur l'évolution des prix des produits individuels dans l'étude des termes de l'échange, personne n'a cumulé les séries individuelles au niveau agrégé pour évaluer l'effet global des variations des termes de l'échange sur le bien-être en utilisant des mesures officiellement reconnues découlant du Système de comptabilité nationale de 1993. L'historique présenté à la cinquième section révèle l'importance de cet exercice. Il est rare que les prix de tous les produits exportés varient simultanément. De même, le prix des importations peut parfois baisser en même temps que celui des exportations, mais c'est le mouvement relatif des deux prix qui importe en ce qui a trait aux variations des termes de l'échange. Enfin, l'effet net des variations des termes de l'échange dépend non seulement des fluctuations des prix relatifs, mais aussi de celles des quantités 2 . Les statistiques sommaires qui reflètent les agrégats globaux, tels que le revenu national brut ou le revenu intérieur brut, permettent d'encapsuler dans une seule statistique sommaire l'effet net de l'évolution des prix relatifs des importations et des exportations sur le bien-être.

2   Importance des termes de l'échange

Jusqu'à tout récemment, les termes de l'échange, c'est-à-dire le prix des exportations par rapport au prix des importations, n'ont pas été utilisés couramment pour évaluer les améliorations à long terme du niveau de vie au Canada 3  .

Les termes de l'échange déterminent la quantité d'importations que chaque exportation permet d'acheter. Lorsque les termes de l'échange augmentent, les exportations peuvent être échangées pour une plus grande quantité d'importations, ce qui a pour effet d'augmenter le revenu réel et de stimuler la dépense intérieure.

L'importance des améliorations des termes de l'échange est plus facile à comprendre si l'on reconnaît qu'on peut emprunter deux voies pour transformer les ressources d'un pays en biens et services disponibles pour la consommation.

La première est celle de la production intérieure, qui survient quand un pays transforme ses propres ressources en biens et services. Dans ce cas, le succès est mesuré par le produit intérieur brut (PIB) réel.

La deuxième voie est celle du commerce, sous forme d'échanges d'exportations pour des importations. Tout compte fait, le Canada exporte des ressources et importe des produits manufacturés. Quand le prix des ressources augmente ou que celui des produits manufacturés baisse, la quantité d'importations que permettent d'acheter les exportations augmente.

Les études historiques antérieures portant sur les termes de l'échange étaient axées sur la mesure directe des prix des importations et des exportations (Imlah, 1950; Reuber, 1959; Kindleberger, 1955 et 1958; Bambrick, 1970). Ces travaux comportaient souvent la transcription laborieuse de centaines de séries de données sur les prix.

S'appuyer simplement sur les prix relatifs des exportations et des importations est une approche qui présente, elle aussi, un certain nombre d'autres difficultés bien connues. Comparer uniquement les variations des termes de l'échange nets ne tient pas compte du fait que les exportations de biens sont également échangées pour des services ou des « invisibles » (Taussig, 1925). Les termes de l'échange net ne tiennent pas compte non plus des flux internationaux de revenus associés au compte de capital (Molodowsky, 1927). Prendre en considération le compte de capital est important, parce que le prix relatif des exportations influe sur la quantité de ressources qui doivent être échangées pour financer les importations de biens ainsi que les flux sortants de revenu nécessaires pour payer les importations de capital. Enfin, les bénéfices que tire une économie de l'échange des exportations pour des importations dépendent en fin de compte non seulement des prix relatifs, mais aussi des quantités, puisque les variations des prix des exportations peuvent être associées à une baisse de la demande (Harrod, 1933; Haberler, 1936; Viner 1937). Examiner isolément les termes de l'échange ne tient pas compte de la quantité de biens échangés; il s'agit d'un indice de prix et non de quantités.

Les études des termes de l'échange se sont concentrées sur le sort à long terme des économies qui exportent des matières premières ou qui importent des biens manufacturés. Une explication fondée sur le postulat que les termes de l'échange de ces divers types d'économies suivent une tendance à long terme s'appuyait non seulement sur la possibilité que le rendement de la production agricole diminue, mais aussi sur la possibilité croissante de profiter d'économies d'échelle et d'autres innovations augmentant la productivité, lesquelles entraîneraient une diminution relative du prix des biens manufacturés (Clark, 1940).

Les travaux de recherche n'ont pas réussi à confirmer que les économies manufacturières ont généralement souffert de la chute des termes de l'échange ou que les économies axées sur les ressources ont connu la situation inverse. Ni la théorie ni les données empiriques ne laissent entendre qu'il existe une trajectoire particulière des termes de l'échange des pays qui tablent sur les exportations de ressources naturelles ou les produits manufacturés. La tendance des prix des ressources dépend de l'interaction des mouvements à l'intérieur de la grande enceinte déterminant les lieux de production et au sein des progrès de la technologie. Les variations des prix des exportations dépendent de manière complexe de plusieurs facteurs, à savoir l'élasticité de l'offre dans les divers secteurs, les mouvements de la demande causés par la croissance économique, les augmentations du revenu réel, ainsi que les changements de politique gouvernementale 4  .

Quand ces caractéristiques sont prises en considération, il existe peu de raison de présupposer que les inélasticités de l'offre sont plus susceptibles de dominer les économies de ressources que les économies manufacturières, et il ne manque pas de preuves que les industries axées sur les ressources connaissent des accroissements de productivité. Les études de Moore (1941) et de Main (1955) ont fait valoir que les améliorations de la productivité dans le secteur canadien de l'extraction minière ont influé sur la production minière : les progrès techniques réduisaient le prix des métaux non ferreux tandis qu'étaient produits des minerais plus complexes. De 1935 à 1952, la productivité du travail au Canada a augmenté de 140 % dans le secteur de l'agriculture, de 33 % dans le secteur de l'extraction minière, des progrès tous deux supérieurs à celui de 26 % observé dans le secteur manufacturier (Pentland, 1954). Après la Deuxième Guerre mondiale, les gains de productivité dans le secteur canadien de l'extraction minière ont continué d'être importants (Stollery, 1985). Les progrès techniques réalisés dans le domaine de la prospection pétrolière ont également été considérables (National Petroleum Council, 2007). Pendant la plus grande partie de la période suivant la Deuxième Guerre mondiale, les hausses de productivité ont été plus importantes en agriculture qu'en fabrication (Baldwin et coll., 2001).

Les biens manufacturés ne subissaient pas une baisse continue de leurs prix, plutôt, on s'est rendu compte que l'importante marge sur les ressources pouvait également influencer les fluctuations des prix des produits manufacturés. Par exemple, l'inélasticité de l'offre de charbon au Royaume-Uni durant des périodes d'augmentation rapide de la demande d'acier à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle ont entraîné de fortes hausses des prix de l'acier (Rostow, 1951).

Les études empiriques n'ont pas indiqué que les prix des ressources et les prix des biens manufacturés varient nécessairement en sens opposé. Tant le prix du coton livré au Royaume-Uni que le prix des textiles exportés par le Royaume-Uni ont baissé après 1815 (Imlah, 1950), ce qui confirme qu'il est difficile de généraliser la nature des tendances à long terme des économies reposant sur les matières premières ou sur les biens manufacturés. Kindleberger (1958) résume les données empiriques dans ce domaine et conclut que la variabilité de la réponse de l'offre aux stimulations de la demande est si forte qu'il est inapproprié de formuler des généralisations quant aux différences entre des économies plus ou moins industrialisées. En outre, en comparant l'expérience des termes de l'échange du Royaume-Uni à celle d'autres pays européens pendant la période de 1870 à 1950, Kindleberger (1955) soutient qu'il ne se dégage aucune tendance unique dans les divers pays européens. Morgan (1959) constate aussi une grande diversité d'expériences dans les divers pays.

L'évaluation de l'expérience canadienne répond donc à des questions qui ont attiré l'attention non seulement des historiens canadiens, mais aussi les économistes du développement en général. L'expérience canadienne nous donne la possibilité d'examiner l'effet des exportations de ressources naturelles sur une économie qui a exploité une grande gamme de ressources — agricoles, minières, forestières et pétrolières. Il s'agit d'un pays caractérisé par de solides liens culturels et géographiques qui lui ont permis d'avoir accès à des technologies provenant de pays plus développés — d'abord de l'Angleterre, puis des États-Unis — et de les adopter. Dans les deux cas, ces liens ont facilité l'accès au financement et à la technologie. Les traditions démocratiques du Canada et un principe de primauté du droit ont protégé la propriété privée et facilité le développement d'une économie de marché. Le régime politique s'est également avéré capable de financer la mise en oeuvre d'une infrastructure publique au besoin.

Deux difficultés ont entravé les études antérieures menées dans d'autres pays. La première est survenue en raison du grand nombre de séries de données qui peuvent être utilisées pour comparer les prix des exportations à ceux des importations sur de longues périodes. Le Canada dispose à cette fin de données provenant de sources officielles ainsi que d'études universitaires. La deuxième concerne le manque d'accord sur le choix d'un indice pouvant être utilisé pour mesurer l'effet global des variations des prix relatifs des exportations.

La section suivante décrit la méthodologie employée dans le Système de comptabilité nationale (SNC) pour surmonter certaines lacunes des approches consistant à examiner uniquement les prix pour les termes de l'échange nets entre produits ou les simples ratios des importations aux exportations. Cette approche du SCN répond à la question fondamentale qui est au coeur des débats sur les avantages ou les inconvénients d'une économie axée sur les exportations de ressources, c'est-à-dire celle à savoir de quelle façon les variations des termes de l'échange pour les exportations de ressources ont augmenté le revenu réel des Canadiens.

3   Différence entre le revenu intérieur brut réel et le produit intérieur brut réel

3.1  Concepts

Même si la compréhension de la trajectoire suivie par les prix des produits individuels fournit des éclaircissements quant aux causes fondamentales des variations des termes de l'échange, elle n'est pas nécessaire pour estimer la mesure dans laquelle les variations des prix relatifs ont des répercussions sur le bien-être économique d'un pays. La présente section explique les raisons qui justifient l'approche de rechange adoptée ici, c'est-à-dire mesurer l'effet des exportations de ressources sous forme de la différence entre le revenu réel et le produit intérieur brut réel.

Des mesures sommaires de l'activité agrégée sont souvent utilisées pour décrire la performance d'une économie. Ces mesures doivent être fondées sur des concepts de production intérieure ou d'absorption intérieure, c'est-à-dire la mesure dans laquelle des biens et services sont produits ou sont disponibles pour la consommation et l'investissement. La mesure de l'activité économique agrégée utilisée le plus fréquemment est le produit intérieur brut (PIB) réel. Ce dernier est une mesure sommaire du volume de l'activité économique agrégée associée à la production. Il représente la valeur ajoutée générée pour les travailleurs et les investisseurs par la voie du processus de production.

Le revenu intérieur brut (RIB) réel est une autre mesure du revenu réel utilisée dans le SCN qui est reliée à la capacité qu'a une économie d'acheter des biens et des services. Il s'agit d'une mesure de l'activité économique associée à l'absorption intérieure par opposition à la production intérieure. Au lieu d'être axé sur la production seulement, le RIB réel tient compte des variations du pouvoir d'achat de la production (PIB réel). Par conséquent, le RIB réel fait passer l'analyse à un concept de revenu qui concorde avec les biens et services qu'une économie peut utiliser pour la consommation et l'investissement au lieu des biens et services qu'une économie produit.

Le RIB réel est une mesure du revenu réel qui rajuste la production pour tenir compte des améliorations du pouvoir d'achat découlant de la hausse des prix des exportations comparativement aux prix des importations. L'utilisation de l'écart entre les mesures du RIB réel et du PIB réel pour évaluer l'augmentation du bien-être répond à l'une des principales critiques des statistiques sur les termes de l'échange, à savoir qu'elles mesurent uniquement les prix relatifs et non des quantités, de simples ratios de quantité ou le revenu réel. Une hausse du taux de change d'un pays en raison d'une augmentation des taux d'intérêt peut entraîner un accroissement des termes de l'échange, mais donner lieu à une diminution du volume des exportations, selon l'élasticité de la demande dans les pays étrangers. Le RIB réel fournit une mesure de la variation du volume de revenu réel disponible pour l'absorption qui tient compte des variations du volume des exportations et du prix de cette production.

Le Système de comptabilité nationale de 1993 décrit en détail comment calculer cette mesure du pouvoir d'achat. La différence entre le PIB réel et le RIB réel est une mesure de la façon dont l'évolution des prix relatifs des importations et des exportations intervient dans une économie. Le PIB réel et le RIB réel ne sont seulement égaux que si un pays ne s'adonne pas au commerce. Si un pays entretient des relations commerciales avec d'autres pays, les courbes des échanges et les variations des prix relatifs peuvent donner lieu à des divergences entre ce que peut acheter une économie (RIB réel) et ce qu'elle gagne grâce à sa production (PIB réel).

Il existe deux raisons pour lesquelles les variations des rapports des prix relatifs du marché peuvent donner lieu à une divergence entre le PIB réel et le RIB réel. La première, et la plus importante, émane des variations des termes de l'échange, c'est-à-dire le prix relatif des importations et des exportations. La deuxième correspond aux variations du prix relatif des biens échangés par rapport à celui des biens non échangés, rapport qui a été appelé « taux de change réel » (voir Salter, 1959). Qui plus est, ce n'est pas le taux de change réel normalement utilisé en macroéconomie. Le taux de change réel compare dans ce cas les prix intérieurs avec les prix d'échange au lieu d'ajuster le taux d'échange nominal pour les différences dans les niveaux de prix national. La combinaison des deux effets produit un gain d'échange qui reflète les variations du pouvoir d'achat des agents économiques intérieurs résultant de l'activité commerciale dans un monde où les prix relatifs changent.

L'effet des variations des termes de l'échange sur une économie est illustré à la figure 1, où un pays maximise son bien-être en produisant et en consommant du pétrole et des ordinateurs et en échangeant une partie du pétrole pour des ordinateurs (valeur exprimée par CPU) dans le cadre du commerce international. Des unités additionnelles de chaque bien sont consommées jusqu'à ce que le taux marginal de conversion entre le pétrole et les CPU soit égal aux termes de l'échange. En fonction de l'ensemble de préférences contenues dans la courbe d'utilité représentative U et des termes de l'échange, les agents économiques répartissent les ressources productives au sein de l'économie de manière à atteindre la courbe d'utilité la plus élevée possible — où le rapport du coût de renonciation de la production de pétrole comparé à celui des ordinateurs est égal aux termes de l'échange. À ce point-là, la pente de la frontière des possibilités de production (FPP) est égale à la valeur négative des termes de l'échange et au taux marginal négatif de substitution le long de la courbe d'utilité de l'agent. À la figure 1, ces conditions sont satisfaites quand l'économie produit au point B et consomme au point A.

Figure 1 : Effet d'une amélioration des termes de l'échange

Quand les termes de l'échange varient, disons parce que les prix des ordinateurs baissent en raison de la croissance rapide de la productivité des partenaires commerciaux du pays, les agents de l'économie hypothétique peuvent passer à un niveau plus élevé d'utilité en réorganisant leurs activités commerciales de manière à tirer parti de l'amélioration des termes de l'échange. L'agent représentatif passe du niveau de consommation correspondant au point A à celui correspondant au point C. Puisque la théorie économique et la pratique statistique dictent que le PIB nominal et le RIB nominal soient égaux, à la figure 1, le PIB nominal est égal en tout point de sorte que le revenu nominal soit le même aux points A, B et C. Cependant, l'économie est capable de consommer davantage parce que la valeur de ses exportations a augmenté relativement à celle de ses importations.

Souvent, les effets des termes de l'échange ne sont pas bien reconnus parce que leur incidence peut seulement être interprétée en se servant des données corrigées de l'inflation. Les estimations nominales du PIB et du RIB ne révèlent aucun effet identifiable des variations des termes de l'échange parce que, en dollars courants, l'incidence de ces derniers est intégrée dans les variations de la balance des exportations nettes. Si l'on tient compte de l'inflation, le PIB réel reflète le volume de produits fabriqués mesuré en fonction des prix de production : quand le volume de biens et services produits augmente, le PIB réel augmente.

En termes nominaux, le PIB et le RIB sont égaux. Le PIB réel et le RIB réel ne diffèrent qu'en ce qui concerne les déflateurs utilisés pour créer un indice de volume d'après les valeurs nominales de ces deux mesures agrégées de l'activité économique. L'indice de volume du PIB est mesuré en déflatant chaque composante du PIB par l'indice des prix pertinent. La mesure du RIB réel diffère en ce sens qu'elle permet que les variations des prix relatifs influent sur le volume des biens et services échangés qui peuvent être achetés. Les déflateurs utilisés pour créer l'indice de volume du RIB réalisent ces conditions en utilisant les mêmes indices des prix pour les exportations et les importations. Cette approche équivaut à déflater les exportations nettes plutôt que les exportations et les importations séparément. En déflatant les exportations nettes, le déflateur du RIB saisit les variations du pouvoir d'achat découlant de l'activité commerciale. Au lieu de refléter seulement le volume des exportations qui sortent de l'économie et des importations qui y entrent, le déflateur du RIB produit une mesure du revenu réel qui reflète le volume des importations qui peut être acheté au moyen d'un volume donné d'exportations.

Dans le présent document, le déflateur utilisé est un indice des prix de la dépense intérieure finale (DIF). Il représente les fluctuations moyennes de la consommation, de l'investissement et des prix des stocks 5  . Afin de justifier le choix de ce déflateur, il convient de mentionner que le PIB mesuré au niveau de l'industrie, auquel on donne le nom de « valeur ajoutée », est égal à la valeur finale de tous les biens et services vendus sur les marchés, dont la mesure est nette des intrants intermédiaires utilisés en production, ou au revenu attribuable au capital et au travail durant chaque période. Donc, les approches de la valeur ajoutée et du revenu pour mesurer le PIB sont équivalentes. Le PIB est également mesuré comme étant l'ensemble des dépenses finales des agents dans une économie, c'est-à-dire la valeur des ventes définitives (consommation plus investissement plus achats des administrations publiques moins importations) qui est égale au revenu engendré par la production intérieure.

Il peut être démontré 6  (annexe, section 10.5) que la croissance du RIB réel est égale à la croissance du PIB réel plus la somme pondérée des ajustements pour tenir compte des variations du taux de change réel et des termes de l'échange : 

Formule, (1)

où X et M représentent les dépenses intérieures finales, les exportations et les importations, et que : 

Formule et

Formule

Les poids appliqués aux variations du taux de change réel et des termes de l'échange ont une signification économique. Le poids du taux de change réel, Description de la figureFormule est positif (négatif) en cas d'excédent (de déficit) de la balance commerciale, tandis que sa grandeur reflète la taille de l'excédent (du déficit) relativement au PIB nominal — la balance commerciale nette. La pondération appliquée à la croissance des termes de l'échange, Description de la figureFormule est la valeur moyenne des échanges exprimée en proportion du PIB nominal — la balance commerciale brute. Par conséquent, le RIB réel des pays qui sont davantage ouverts aux échanges est plus sensible aux variations des termes de l'échange, et un déséquilibre commercial plus important rend le RIB réel plus sensible aux fluctuations du taux de change réel.

Des deux rapports des prix relatifs, celui des termes de l'échange est le plus important pour comprendre les variations du pouvoir d'achat. Au Canada, il est sujet à de plus fortes fluctuations que celui du taux de change réel et son effet est plus important parce qu'il est relié à l'ouverture commerciale. Dans le PIB, l'effet du taux de change réel est proportionnel à la balance commerciale nette et a donc une influence nettement plus faible sur les fluctuations du revenu réel puisque : 

Formule (2)

Les variations des termes de l'échange et du taux de change réel ne sont pas indépendantes les unes des autres — par exemple, une dépréciation du taux de change nominal peut empirer les termes de l'échange d'un pays et simultanément améliorer son taux de change réel. Les unes peuvent renforcer ou affaiblir les effets des autres selon le type de fluctuation des prix et leurs sources.

Les mesures du PIB réel ainsi que du RIB réel sont fondées sur le revenu agrégé produit au sein de l'économie canadienne. Une extension qui tient compte des transferts internationaux de revenus produit la mesure du revenu agrégé appelée RNB réel, anciennement appelé le PNB réel. Le PIB traduit la valeur totale du revenu produit dans les limites du territoire d'un pays, tandis que le PNB traduit la valeur totale gagnée par les Canadiens, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du pays. Un écart entre le RIB réel et le RNB réel se produit quand des Canadiens investissent ou travaillent à l'étranger et que des étrangers investissent ou travaillent au Canada. Les salaires et traitements versés aux travailleurs étrangers, ou les dividendes et les intérêts versés aux investisseurs transfrontaliers, créent un flux de revenus entre pays qui augmente ou qui réduit la croissance du revenu réel qui revient aux Canadiens. La soustraction (ou l'ajout) de ces flux nets du (au) RIB produit le RNB. Le transfert résultant des revenus des facteurs entre les Canadiens et les ressortissants étrangers, essentiellement des créances sur leur PIB respectif, augmente ou réduit le RNB réel selon que le Canada est en situation d'excédent ou de déficit par rapport à ces flux. La croissance réelle du RNB (parfois appelé PNB) est calculée en déflatant le RNB nominal par le déflateur de la dépense finale, pour la même raison qu'il est utilisé pour calculer le RIB réel.

L'utilisation du RNB plutôt que du RIB permet de prendre en considération les flux d'échanges associés aux biens et aux services ainsi que les flux de revenus associés aux flux internationaux de capital. Le RNB fournit aussi une mesure plus complète de l'effet de la variation des prix relatifs des exportations et des importations. La mesure est à la fois plus complète et plus appropriée pour mesurer le bien-être global dans une économie axée sur les exportations qui recueillent des capitaux à l'étranger pour cette activité. La croissance de l'économie canadienne des ressources a souvent nécessité l'emprunt de grandes quantités de capital qui ont été remboursées sur de longues périodes, à échéances fixes, du moins dans le court terme. Les retombées dépendaient de l'évolution des termes de l'échange, contre laquelle existaient peu de protection. Comme l'ont souligné MacIntosh (1939) et Plumptre (1937), l'investissement en infrastructure et l'emprunt de fonds étrangers pour financer cette activité revenaient à parier sur les prix futurs des ressources, le résultat étant fortuit quand les prix des ressources augmentaient et ruineux quand l'inverse se produisait.

4   Croissance de l'économie canadienne

4.1  Évolution de la production de ressources naturelles

La présente section donne un aperçu de l'évolution de la production des ressources naturelles au Canada. Les graphiques des volumes de production par produit de base sont présentés à l'annexe, section 10.4. L'aperçu porte principalement sur les produits agricoles, forestiers, miniers et pétroliers et la façon dont les vagues successives d'exploitation des ressources naturelles ont joué un rôle dans le développement du Canada. Ces ressources ont constitué une base de produits essentiels pour l'exportation qui a facilité le développement de l'économie canadienne en permettant de payer les importations de biens d'équipement et de matières premières intermédiaires nécessaires pour l'investissement, mais aussi de payer pour l'influx de capital requis pour financer l'expansion. Les exportations comprenaient des matières premières et des biens transformés en produits manufacturés (p. ex. bacon, fromage, bois d'oeuvre, papier et métaux). Une part importante du secteur de la fabrication s'adonnait à des activités de transformation qui dépendaient de la base de ressources, telle que l'industrie de la fusion de métaux non ferreux comme le cuivre, l'or et le zinc, l'industrie de la transformation qui transformait les copeaux de bois en pulpe de bois et en papier, et l'industrie de l'aluminium, qui profitait du faible prix de l'énergie électrique dérivée des ressources en eau pour transformer la bauxite ou l'alumine en aluminium.

Tout au long de cette période, le Canada comptait une petite population dotée d'une grande masse terrestre contenant toute une gamme de ressources. La mise en valeur de ces ressources a dépendu des demandes des partenaires commerciaux du pays, des technologies disponibles (à la fois pour réduire le coût du transport qui avait une incidence sur le revenu net découlant des exportations et des technologies d'extraction disponibles qui déplaçaient la courbe des possibilités d'offre) et de l'intervention du gouvernement qui négociait l'accès aux marchés étrangers quand des considérations d'ordre politique restreignaient les exportations de ressources canadiennes. Par conséquent, la combinaison de ressources produites par le Canada a évolué au fil du temps. Passant des fourrures et du poisson au blé, aux bovins, à la foresterie, à l'extraction minière, au pétrole et au gaz naturel, le Canada a progressé le long d'une trajectoire de développement d'industries extractives successives nécessitant à chaque étape des progrès techniques.

Au cours de la période allant de la Confédération au début des années 1890, la croissance a été lente. Selon les normes nord-américaines, la croissance démographique a été relativement lente, soit respectivement de 15 %, de 17 % et de 12 % au cours des décennies allant de 1861 à 1871aII, de 1871 à 1881 et de 1881 à 1891bII, comparativement au taux de croissance supérieur à 25 % par décenniecII aux États-Unis durant la même période.

Le gouvernement fédéral a établi les bases de l'expansion dans l'Ouest du Canada en achetant la Terre de Rupert en 1870 et en construisant le Chemin de fer Canadien Pacifique qui traversait les Prairies jusqu'à la Colombie-Britannique durant les années 1880.

La première voie ferrée étant ainsi établie dans l'Ouest, les années 1895 à 1920 ont été caractérisées par une expansion rapide (voir Bertram, 1963 et Rostow, 1951). De 1901 à 1921, la population a augmenté de 64 % et la superficie agricole, de 125 %dII. La production de blé a progressé de 714 % de 1880 à 1920eII. L'essor de la production de blé a été facilité par de nombreux progrès techniques, allant des méthodes d'aridoculture à l'application de nouvelles formes de mécanisation et à l'introduction de variétés de blé rustiques. La production de farine de blé a bénéficié de l'adoption de la technologie hongroise de mouture à cylindres.

Il s'agit aussi d'une époque durant laquelle la production d'autres produits de base a augmenté spectaculairement. Alors que la valeur des grandes cultures a augmenté de 400 %, celle des produits du bois et du papier a fait un bond de 900 %fII. En 1913, la production canadienne de papier journal était inférieure de 20 % à celle des États-Unis, mais en 1925 elle dépassait cette dernière. En 1939, elle était plus de trois fois et demie plus importantegII. La production de papier journal, qui était inférieure à 300 000 tonnes en 1913, dépassait 3 600 000 tonnes en 1937hII.

La fin des années 1890 et les premières décennies qui ont suivi 1900 annoncent une période d'expansion rapide de la production de minéraux. Les gisements d'argent, de plomb et de zinc de la Colombie-Britannique et les gisements de nickel et de cuivre de Sudbury ont commencé à être exploités à la fin des années 1890. L'exploitation des gisements d'argent à Cobalt en Ontario ainsi que la production d'or dans cette province, à Porcupine et à Kirkland Lake, ont suivi au cours des deux décennies suivantes. La production d'or et de cuivre, qui représentait moins de 3 % de la production mondiale en 1910, avait atteint plus de 13 % en 1939iII. La production canadienne de plomb et de zinc a connu des accroissements similaires en points de pourcentage. La production canadienne de nickel est passée de 37 000 livres, ce qui représentait alors environ 75 % de la production mondiale en 1910, à plus de 227 000 livres en 1939, ce qui représentait près de 90 % de la production mondialejII.

Cette expansion a donné lieu à une modification de la composition des exportations. En 1890, les principales exportations comprenaient les produits de scierie, le fromage, le poisson, les bovins, le nickel et le cuivre. En 1920, les exportations de blé et de farine de blé venaient en tête. Les exportations de bovins, de poissons et de fromages demeuraient importantes, mais principalement en raison de la demande en temps de guerre. La période de croissance rapide observée de 1900 à 1920 a eu pour point culminant la croissance spectaculaire des exportations en raison de la Première Guerre mondiale (de 1914 à 1918).

L'investissement rapide dans l'infrastructure ferroviaire après 1900 a nécessité de grandes quantités de fer et d'acier importés (Buckley, 1958). Les capitaux étrangers investis au Canada ont augmenté de plus de 400 %kII de 1901 à 1921 et le coût du service de la dette extérieure a augmenté parallèlement.

La Première Guerre mondiale a donné lieu à une augmentation spectaculaire de la production des ressources. De 1917 à 1919, la valeur des exportations de blé était quelque 100 % plus élevée qu'en 1913lII. Les exportations des nouveaux produits de base ont également augmenté considérablement — celles de nickel, de cuivre, de plomb et de zinc sont passées de 14 millions de dollars en 1911 à 26 millions de dollars en 1921mII, tandis que celles de pâte de bois et de papier journal sont passées de 19 millions de dollars en 1913 à 150 millions de dollars en 1921nII. La production canadienne de minéraux est passée de 129 millions de dollars à 211 millions de dollars de 1914 à 1918, tandis que celle de l'acier est passée de 1 million à 2,25 millions de lingots au cours de la même périodeoII.

Les années 1920 ont débuté par une importante dépression d'après-guerre, mais par la suite on a assisté à un accroissement progressif de la production de ressources au cours de la décennie. Les exportations de blé vers l'Europe ont continué de croître, partiellement parce que l'approvisionnement habituel de l'Europe s'est réduit après la révolution russe. La production a également été soutenue par les rendements record des prairies canadiennes. À la fin des années 1920, le Canada était à l'origine de plus de 50 % des exportations mondiales de blépII.

Les produits de la foresterie ont connu un essor impressionnant à cause de l'urbanisation rapide des États-Unis qui a créé une demande de matériaux de construction et en raison de l'accroissement du tirage des quotidiens et de la demande de papier journal. La production de pâte de bois a augmenté régulièrement au cours des années 1920 et 1930. En 1939, plus de 90 % des exportations étaient destinées aux marchés américainsqII. Le volume de papier journal a augmenté encore plus rapidement que celui de la pâte de bois au cours de la période. Les exportations de bois d'oeuvre de la Colombie-Britannique vers les marchés américains de la côte Est ont augmenté après 1925 à la suite de l'ouverture du canal de Panama, qui a accru de manière marquante les revenus nets sur le bois d'oeuvre produit en Colombie-BritanniquerII.

La production de métaux de base et de métaux précieux a continué de croître à mesure que les techniques d'affinage ont permis d'exploiter des gisements métallifères de plus en plus complexes (Skeleton, 1947). La production d'aluminium s'est étendue à la région du Saguenay, au Québec, parallèlement au développement de l'énergie hydroélectrique (Dales, 1957). L'importance des métaux de base et de l'or par rapport au blé a augmenté, mais le blé, la farine de blé, la pâte de bois et le papier, les métaux de base et l'or ont continué de représenter plus de la moitié de l'ensemble des exportationssII.

Le début des années 1930 a été marqué par un fort déclin de la production agricole qui n'est remontée que lentement jusqu'au niveau observé à la fin des années 1920 au cours de la décennie.

Des méthodes de production inappropriées comprenant un labourage trop profond du sol conjuguées à de mauvaises conditions atmosphériques ont causé une forte réduction des revenus agricoles. Dans le cas de nombreux types de cultures, le nombre d'acres ensemencés restait relativement stable, mais les rendements baissaient et la production diminuait fortement. En 1929, 24 millions d'acres ont été ensemencés et ont produit 557 millions de boisseaux de blétII. En 1932, 26 millions d'acres ont été ensemencés et ont produit 321 millions de boisseaux de blé, tandis qu'en 1938, 26 millions d'acres n'ont produit que 180 millions de boisseaux de blé. De 1929 à 1938, le rendement en blé est passé de 23,5 boisseaux par acre à 7 boisseaux, c'est-à-dire une baisse de 70 %. La situation observée pour le blé est indicatrice de celle de nombreuses autres cultures. Le rendement de l'avoine a baissé de 40 %, celui de l'orge, de 31 %, celui du seigle, de 63 % et celui des graines de lin, de 66 %uII.

Au pire moment de la grande dépression, les revenus monétaires provenant des produits agricoles sont tombés à 409 millions de dollars, ce qui, comparativement aux 932 millions de dollars enregistrés en 1929 avant la dépression, représente une baisse de 56 % du revenu provenant des produits agricolesvII.

Les exportations de céréales ont diminué fortement au cours des années 1930, l'offre se trouvant limitée par la baisse des rendements qui a réduit la demande aux États-Unis (où le taux de chômage a atteint 25 % en 1933). Les exportations de blé ont diminué d'environ 50 % de 1929 à 1932wII et sont demeurées faibles pendant la plupart des années 1930. Ce n'est qu'à la fin des années 1950 que leur niveau est revenu à celui observé à la fin des années 1920. Une tendance semblable est observée pour l'avoine, dont la situation s'est toutefois redressée plus rapidement que celle du blé, de même que pour l'orge et le seigle.

Le sort des éleveurs d'animaux de ferme n'a pas été aussi mauvais que celui des cultivateurs durant les années 1930. Cependant, la déflation survenue durant cette décennie a fait baisser la valeur des stocks. De 1929 à 1934, le nombre de bovins et de veaux a augmenté de 21 %, mais la valeur du stock d'animaux a diminué de 55 %. En 1938, le stock de bovins adultes et de veaux était supérieur de 13 % à celui de 1929, mais sa valeur demeurait inférieure de 37 %xII. Quand s'est installée la dépression, les exportations de produits du bétail ont diminué plus fortement que les chiffres de production, la demande ayant diminué plus rapidement aux États-Unis que la production au Canada. Cependant, durant la deuxième moitié des années 1930, les États-Unis ont recommencé à importer du bétail du Canada.

La production de pâte de bois et de papier a également diminué au début de la décennie, mais a ensuite recommencé à croître régulièrement, ce qui a entraîné une offre excédentaire qui a incité les gouvernements de l'Ontario et du Québec à répartir la production au prorata afin de soutenir les prix. Dans le secteur de la pâte de bois et du papier journal, la croissance a été très rapide à la fin des années 1930.

Après un recul au début de la décennie, la production de métaux non ferreux (cuivre, plomb, zinc et nickel) a augmenté rapidement. La production d'or, dont la phase de croissance rapide s'était amorcée au début des années 1920, a continué d'augmenter vivement tout au long des années 1930. La production d'or a été stimulée par l'adoption en janvier 1934, aux États-Unis, de la Gold Reserve Act qui a fait passer la valeur de l'once d'or de 20,67 $US à 35 $US. La réévaluation qui a suscité une petite ruée vers l'or au Canada s'est traduite par un accroissement de la production de 2,1 millions d'onces (72 %) de 1933 à 1939yII et une augmentation rapide de la prospection d'or qui a abouti à la découverte de ce qui est devenu la mine Giant à Yellowknife en 1935.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, on a assisté à l'expansion des produits alimentaires habituels, mais aussi à celle des métaux non ferreux et des oléagineux en vue de répondre à la demande de temps de guerre.

Après 1945, l'économie canadienne a connu une croissance rapide parallèlement à l'expansion rapide de la capacité industrielle aux États-Unis. Le secteur des produits forestiers a répondu à l'essor d'après-guerre dans le secteur du logement au Canada ainsi qu'aux États-Unis. La production de pâte de bois et de papier s'est accrue rapidement en raison de la croissance du tirage des quotidiens. En 1950, le Canada fournissait plus de la moitié de l'approvisionnement mondial en papier journalzII. En 1954, ce dernier représentait 24 % des exportations canadiennes dont 33 % étant destinée aux États-UnisaaII.

Les métaux non ferreux ont également connu une expansion au cours des premières années d'après-guerre en réponse aux demandes croissantes de l'industrie nord-américaine. En Ontario, immédiatement après la guerre, on a assisté à une augmentation importante de la production de minerai de fer, de nickel, de cobalt, de cuivre, d'uranium et d'or. En Saskatchewan, la production d'uranium a augmenté rapidement. Le Québec a vu croître sa production d'amiante, d'or, de cuivre, de plomb et de zinc. Au Manitoba, les gisements de nickel de Flin Flon ont été mis en valeur en 1954. Le développement des mines de fer du Labrador en 1954 a été dirigé par un consortium d'entreprises canadiennes et américaines quand il s'est avéré que les gisements de fer de Mesabi aux États-Unis devenaient progressivement incapables de faire face à la demande de l'industrie de l'acier nord-américaine. La construction d'une nouvelle infrastructure — notamment la Voie maritime du Saint-Laurent — a facilité l'expansion de cette nouvelle source d'offre canadienne du produit de base nécessaire à l'industrie de l'acier. Après une interruption durant la Deuxième Guerre mondiale, la croissance de la production d'or a repris en réponse à la demande monétaire. La production d'aluminium a également connu un essor à Kitimat, en Colombie-Britannique en 1954, ainsi que dans la région du Saguenay au Québec pour soutenir l'expansion rapide de l'industrie aéronautique mondiale après la Deuxième Guerre mondiale.

Comme le développement des secteurs de la pâte de bois et du papier, des métaux non ferreux et de l'aluminium durant l'entre-deux-guerres, l'expansion de chacun de ces secteurs a été soutenue par une croissance rapide de la capacité électrique qui dépendait des ressources en eau. Durant les années 1920, la puissance installée des centrales hydroélectriques avait augmenté de 3,3 millions de kilowatts/heure (kWh); de 1945 à 1955, elle a augmenté de près du double (6,3 millions de kWh)bbII. Dales (1957) a souligné que l'exploitation de l'énergie hydroélectrique était un intrant complémentaire important utilisé dans la production des exportations de trois des principaux produits de base (pâte de bois, papier et minéraux) durant la période de l'entre-deux-guerres et a continué de l'être après 1945.

Bien que de petits changements aient eu lieu en ce qui concerne la nature des principales exportations, le Canada a continué de se concentrer sur les exportations de ressources naturelles au cours de cette période. En 1926, en valeurs, les principales exportations étaient le blé, le papier journal, la farine de blé, les madriers et les planches, la pâte de bois, l'orge, les pelleteries, le whisky, le matériel agricole, le cuivre, le bois de trituration et le plomb. En 1951, les principales exportations étaient le blé, le papier journal, les madriers et les planches, la pâte de bois, l'aluminium, le nickel, l'orge, la farine de blé, le cuivre, le zinc, le matériel agricole et l'amianteccII.

Après 1945, l'énergie est devenue un nouveau produit de base dans la gamme des ressources naturelles. Jusque-là, le Canada s'était appuyé sur des importations de charbon, quoique certaines sources locales existaient dans les Prairies et en Nouvelle-Écosse et que de petites quantités de pétrole et de gaz desservaient les marchés locaux des Prairies. Mais c'est l'importante découverte de pétrole en Alberta, à Leduc, en 1947 qui a mené à l'expansion spectaculaire des réserves de pétrole brut et de gaz naturel. Et, comme cela avait été le cas pour le secteur du blé environ un demi-siècle plus tôt, un programme de construction d'infrastructure a été lancé en vue d'assurer la livraison du nouveau produit de base, d'abord aux marchés intérieurs, puis aux marchés extérieurs. En 1951, un oléoduc interprovincial a été construit vers l'Est à partir de l'Alberta pour acheminer le pétrole brut jusqu'en Ontario; en 1953, l'oléoduc Transmountain a été construit vers l'Ouest en direction de la Colombie-Britannique. Le gazoduc de la Westcoast a commencé à assurer la livraison de gaz naturel à Vancouver en 1957 et le gazoduc transcanadien a acheminé le gaz naturel dans l'Est du Canada en 1958.

À partir de 1961, la Politique nationale du pétrole a assuré un marché pour le pétrole de l'Ouest en exigeant que toutes les raffineries situées à l'Ouest de la vallée d'Ottawa utilisent comme intrant le pétrole de l'Ouest. La construction d'une infrastructure d'oléoducs et une politique nationale concertée se sont traduites par un accroissement de la production pétrolière au Canada, laquelle est passée de 195 millions de barils en 1960 à 622 millions de barils en 1972, ce qui représente un taux de croissance annuel composé de 9,5 %. L'augmentation de la production durant les années 1960 correspond à la période où le Canada est devenu un exportateur d'énergie, passant de l'importation nette de 66 millions de barils en 1961 à l'exportation nette de 60 millions de barils en 1972ddII.

L'embargo pétrolier imposé par les pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) en 1973 a fait grimper rapidement le prix de l'énergie partout dans le monde. Le prix du pétrole brut de référence Brent est passé de 2,48 $US le baril en 1972 à 11,58 $US le baril en 1974, c'est-à-dire une hausse de 367 % en deux ans, tandis que le prix du baril du West Texas Intermediate (WTI) a augmenté de 87 %, étant passé de 4,91 $US en 1972 à 9,18 $US en 1974. La réaction immédiate des producteurs de pétrole canadien a été d'accroître la production, qui est passée de 622 millions de barils en 1972 à 716 millions de barils en 1973eeII. Cependant, les augmentations de production ne se sont pas maintenues et le niveau est retombé à une moyenne de 565 millions de barils par année de 1974 à 1978ffII. La production de gaz naturel, qui avait augmenté rapidement de 1951 à 1972, passant de 75 milliards de pieds cubes à 323 milliards de pieds cubes, s'est stabilisée à un niveau moyen de 350 milliards de pieds cubes de 1973 à 1984ggII.

Le deuxième choc pétrolier, qui a eu lieu en 1979, a fait augmenter les prix du brut. Au Canada, la production n'a pas réagi aussi vivement au deuxième choc pétrolier qu'elle ne l'avait fait au premier, en raison du Programme énergétique national (PEN) qui a été institué le 28 octobre 1980. Le PEN visait à livrer le pétrole et le gaz canadien aux consommateurs canadiens à des tarifs inférieurs aux prix mondiaux. Le programme est resté en vigueur jusqu'en 1984-1985, exercice durant lequel il a été éliminé par la signature de l'Accord énergétique de l'Ouest. En 1985, les prix de l'énergie ont été déréglementés et les frontières ont été rouvertes au commerce des produits énergétiques.

L'interruption du PEN a eu lieu juste avant l'effondrement des prix de l'énergie de 1986. Malgré cette baisse des prix de l'énergie, les valeurs de la production et des exportations de pétrole et de gaz ont augmenté tout au long des années 1980 et des années 1990. La faiblesse des prix de l'énergie, particulièrement à la fin des années 1980 et au début des années 1990, quand les prix du brut de référence Brent et du WTI sont tombés sous la barre des 15 $US le baril ont réduit la motivation à extraire du pétrole et du gaz. Néanmoins, les sociétés d'énergie de l'Ouest du Canada, particulièrement celles de l'Alberta, ont continué d'accroître leur capacité de production et d'exportation. Les opérations d'extraction de pétrole non conventionnel lancées par Syncrude à Fort McMurray en 1978 ont pris de l'ampleur et commencé à supplanter l'extraction de pétrole conventionnel. Durant la première décennie de 2000, elles allaient devenir la source principale de nouveau pétrole pour le Canada. Les années 1990 ont également vu s'accroître la production d'énergie en dehors de l'Alberta, à mesure que les gisements marins de la côte Est sont entrés en exploitation et que la production d'énergie de la Colombie-Britannique, particulièrement celle de gaz naturel, a augmenté.

Après 2000, le boom des ressources naturelles a entraîné une reprise de l'investissement dans la production d'énergie au Canada et l'expansion de cette production dans toutes les provinces possédant des réserves énergétiques.

La production et les exportations du secteur de la foresterie ont continué de croître tout au long des années 1970, malgré les perturbations économiques causées par le premier et le deuxième chocs pétroliers. La production du bois de sciage a augmenté rapidement en Colombie-Britannique, si bien qu'à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la province produisait près de 70 % du bois de sciage. Cette part a diminué au début des années 1980; quand s'est déclenché le conflit du bois d'oeuvre résineux en 1982, la Colombie-Britannique produisait 63 % du bois de sciagehhII. Le conflit de 1982 ainsi que les rondes de négociations successives et les accords qui ont suivi ont entraîné une réaffectation de la production entre les diverses régions du Canada. En particulier, la Colombie-Britannique a vu sa part de la production de bois de sciage baisser, pour passer de 63 % à un creux de 44 % en 1999, 2001 et 2002, tandis que le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont vu croître leurs parts respectivesiiII.

L'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a éliminé, pour les producteurs canadiens, plusieurs des barrières commerciales qui existaient sur les marchés américains. Le volume des exportations de produits forestiers a augmenté au taux annuel composé de 4,4 % de 1990 à 2000, ce qui a plus que doublé la croissance de 1,7 % de ces exportations observée au cours des années 1980jjII. Simultanément, les prix à l'exportation des produits forestiers ont augmenté au taux annuel composé de 3,2 % par année, ce qui dépasse le taux annuel composé de croissance de 2,3 % des prix des exportations de bienskkII.

La montée d'Internet, la diminution des tirages des quotidiens, l'accroissement des distances entre les lieux d'extraction et les usines de papier, ainsi que la déréglementation des marchés de l'électricité en Ontario ont abouti à une conjoncture défavorable pour les producteurs de l'industrie forestière à la fin des années 1990 et au cours de la première décennie du 21e siècle. Les entreprises de pâte et papier ont commencé à fermer des usines en raison de la baisse de la demande et des faibles prix. La production de pâte de bois est passée de 27 millions de tonnes en 2000 à 17 millions de tonnes en 2009. La production de papier journal a suivi une même tendance, passant de 9 millions à 4 millions de tonnesllII.

En raison de l'essor du secteur du logement aux États-Unis au milieu des années 2000, la production de bois d'oeuvre a comblé temporairement le creux de la production forestière. Toutefois, à la suite de l'effondrement du marché américain du logement en 2007, la production de bois d'oeuvre et les exportations de produits forestiers ont diminué rapidement à mesure que la demande a fléchi et que les prix ont baissé fortement. Les prix des exportations de produits forestiers ont diminué à un taux annuel composé de 2,9 % de 2000 à 2009, les reculs les plus importants au cours de la décennie ayant été enregistrés étaient de 6 % en 2007 et en 2009mmII. Le volume des exportations de produits forestiers a diminué au taux annuel composé de 5,6 %. En 2009, la production canadienne de bois de sciage était de 45 millions de mètres cubes, un niveau qui n'avait pas été enregistré depuis le début des années 1980nnII.

Durant les années 1970, le Canada a vu culminer la production de plusieurs métaux importants. C'est au cours de cette décennie que l'extraction de nickel, de cuivre, de zinc et de minerai de fer a atteint son point le plus élevéooII. Des gisements importants découverts durant les années 1950 et les années 1960 ont été mis en exploitation. Au cours des années 1980, de nouveaux minéraux comme l'uranium et la potasse ont accru la production. Les activités de production et de prospection d'or se sont intensifiées après l'écroulement du système de Bretton-Woods au début des années 1970 et l'adoption de monnaies fiduciaires par les grandes économies. La vigueur du prix de l'or, qui a culminé à une moyenne annuelle d'environ 600 $US l'once en 1980, a stimulé les placements en or et suscité une croissance rapide de la production. Du mois d'août 1980 au mois d'août 1990, la production canadienne d'or a augmenté de 327 %ppII.

Les faibles prix des minéraux qui ont sévi pendant la plupart des années 1990 ont freiné la prospection de minéraux, ce qui a réduit les rapports des réserves à la production pour la plupart des métaux et minéraux (Cranstone, 2002).

Au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, les rendements des cultures canadiennes, qui avaient atteint un creux au cours des années 1930, ont augmenté rapidement grâce aux améliorations des variétés de semence, des engrais, des pesticides et des herbicides, ainsi que du matériel agricole. À cet égard, la recherche et développement dans le secteur des marchés agricoles a joué un rôle déterminant dans l'accroissement du volume et de la diversité des produits agricoles produits et exportés. Le blé et l'orge sont demeurés les principales céréales au Canada.

Au cours des années 1960 et 1970, le Canada a vu prospérer ses marchés d'exportation de produits agricoles, l'Union soviétique et la Chine étant devenues des destinations importantes pour les céréales canadiennes. Dans le cas de la Chine, la relation a débuté en 1961, quand ce pays a signé son premier contrat à long terme avec la Commission canadienne du blé. Le précédent créé par l'accord de 1961 a facilité l'établissement de liens commerciaux importants entre le Canada et la Chine, au point qu'en 1971, le Canada est devenu le seul fournisseur de blé de la Chine. Depuis les années 1970, la Chine a augmenté sa capacité de production de blé suffisamment pour satisfaire sa demande intérieure, mais elle demeure un marché important pour certains types de mouture de blé et pour l'orge canadien.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, les plantations d'oléagineux se sont accrues en réponse à la demande de lubrifiants suscitée par la guerre, ainsi que les plantations de légumineuses. Après la guerre, le Canada a continué d'accroître sa superficie de culture d'oléagineux et de légumineuses et a investi dans la recherche sur les oléagineux. Le développement du canola (Canadian oil, low acid) au début des années 1970 (McInnis, 2004) a été un jalon important de la production d'oléagineux au Canada. De 1946 à 2009, la production végétale qui a augmenté le plus rapidement est celle des oléagineux et des légumineuses.

La production animale a également continué à prendre de l'expansion au cours des années 1970 et 1980, en raison de l'augmentation des exportations canadiennes de bovins et de porcins vers les États-Unis. L'interdiction temporaire visant les produits bovins imposée par les États-Unis après la découverte de l'encéphalopathie spongiforme bovine (aussi nommée « maladie de la vache folle ») en Alberta en 2003 a causé une forte baisse des exportations. La réouverture partielle de la frontière aux animaux en août 2003 a atténué certaines pressions exercées sur les grands éleveurs, mais la réouverture complète n'a eu lieu qu'en 2007.

La période d'après 2000 est caractérisée par un boom des ressources naturelles (Cross, 2007). Les exportations d'énergie ont connu un tel essor qu'elles ont dépassé celles des produits forestiers, en partie en raison d'une croissance considérable des premières et en partie à cause du recul progressif des exportations de papier à cause de la diminution des tirages des quotidiens. Dans le secteur de l'énergie, on a assisté à un bond des exportations de gaz naturel qui a débuté à la fin des années 1990 (Cross, 2007) et qui a été suivi par la croissance rapide de nouvelles sources de production de pétrole brut à mesure que du pétrole lourd était extrait des sables bitumineux de l'Alberta et que les sources conventionnelles de pétrole diminuaient. De nouveaux gisements marins de pétrole découverts durant les années 1980 à Terre-Neuve et de gaz naturel découverts en Nouvelle-Écosse ont également été mis en production.

4.2  Évolution des politiques commerciale

La croissance de l'économie canadienne a été liée de diverses façons à des événements survenus chez ses partenaires commerciaux internationaux. D'une part, l'économie canadienne a dépendu d'afflux de main-d'oeuvre, de biens d'équipement et de financement. D'autre part, des événements exogènes ont déterminé les conditions dans lesquelles ses ressources pouvaient être échangées contre les importations dont l'économie canadienne avait besoin. Ces événements incluent la modification des politiques protectionnistes, la croissance de l'industrialisation et de l'urbanisation sur les marchés étrangers, qui a fait croître la demande de matières premières que possédait le Canada, et d'autres changements de la demande (causés par les guerres mondiales) qui ont accru la demande d'exportations de produits de base canadiens.

Bien que les mouvements de la demande internationale de produits liés aux ressources naturelles et les progrès techniques soient au coeur de l'évolution du développement des ressources naturelles depuis 1867, les politiques gouvernementales d'échanges ont façonné de diverses façons la croissance de l'économie des ressources naturelles.

Les changements dans les politiques protectionnistes survenus au milieu du 18e siècle ont permis la croissance du commerce transatlantique de céréales avec le Royaume-Uni, alors que l'Europe importait des aliments et du coton et exportait des vêtements et des produits du fer. Les tarifs préférentiels impériaux accordés pour le bois d'oeuvre au début du 18e siècle ont soutenu les exportations de bois d'oeuvre vers le Royaume-Uni.

En plus des politiques tarifaires générales (c.-à-d. l'imposition de droits protectionnistes qui a suivi la guerre civile américaine, le tarif McKinley de 1890, les hausses des tarifs américains de 1921-1922, les tarifs américains de Smoot-Hawley de 1930), les exportations du Canada vers les États-Unis ont été touchées par une série de conflits avec les États-Unis au sujet de produits particuliers provenant de ressources naturelles. Au début du 20e siècle, l'industrie de la pâte de bois et du papier a été confrontée à des taxes d'exportation contradictoires sur les billes de bois imposées par les provinces canadiennes et à des taxes d'importation sur le papier en provenance des États-Unis, alors que le Canada cherchait à effectuer une transformation plus poussée de ses exportations de produits provenant de ressources naturelles et que les États-Unis cherchaient à protéger leurs industries de transformation. Ce conflit a été résolu par l'élimination des tarifs américains sur le papier en 1931 (Aitken, 1959). Par la suite, la production de papier a connu un essor rapide au Canada. En 1913, la production canadienne de papier journal était inférieure de 20 % à celle des États-Unis, mais en 1925, elle surpassait cette dernière (Horning, 1940, c19).

Des conflits similaires sont survenus au sujet de la mise en valeur des gisements riches en nickel et en cuivre dans le bassin de Sudbury (Main, 1955). Le tarif McKinley de 1890 n'imposait pas de droits de douane au minerai de nickel, mais en imposait sur le nickel affiné. L'Ontario n'a cessé de faire des pressions pour pouvoir transformer davantage le minerai de nickel qui était exporté des mines de Sudbury, mais ce n'est qu'après de multiples interventions du gouvernement du Canada qu'International Nickel a établi une affinerie au Canada en 1915 (Aitken, 1959).

En outre, d'importantes exportations de pétrole canadien ont eu lieu après que le Canada et les États-Unis aient signé des accords bilatéraux qui ont intégré la politique canadienne dans un cadre énergétique nord-américain acceptable pour les États-Unis. Au cours des années 1950, l'industrie pétrolière américaine était retranchée derrière des politiques protectionnistes qui limitaient le degré d'importation de pétrole étranger moins cher provenant du Moyen-Orient. Les États-Unis n'étaient pas disposés à accepter que le Canada exporte du pétrole vers les États-Unis et bénéficie des prix élevés de celui-ci tandis qu'il importait du pétrole étranger moins cher pour desservir ses propres marchés. Ce n'est qu'après l'adoption en 1961 de la Politique nationale du pétrole mettant les marchés ontariens hors de portée du pétrole étranger que le pétrole canadien a commencé à s'écouler vers les marchés du Midwest américain (Aitken, 1982; Baldwin 1982). Fait tout aussi important, les flux transfrontaliers de gaz naturel ont nécessité la résolution de conflits de nature réglementaire (Aitken, 1959 et Waverman, 1973). Ces conflits n'ont été résolus entièrement qu'à la signature de l'accord de libre-échange de 1989 qui promettait que les consommateurs américains seraient protégés contre les limitations des exportations canadiennes pouvant être discriminatoires.

Durant la période qui a suivi 1980, des mésententes entre les deux pays au sujet des exportations de bois d'oeuvre vers les États-Unis ont perturbé le commerce de ce produit de base à de nombreuses occasions. La signature de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a résolu certains de ces problèmes, mais pas tous. Après 2000, à mesure que les exportations de bois d'oeuvre canadien vers les États-Unis ont augmenté à la suite de la mise en oeuvre de l'ALENA, la résurgence des frictions commerciales sur le bois d'oeuvre a fini par aboutir à la signature, en 2006, d'un accord sur le bois d'oeuvre résineux qui limitait les exportations canadiennes à des niveaux jugés acceptables par les États-Unis.

4.3  Changements de secteurs de la production de ressources naturelles

L'histoire canadienne du développement des ressources naturelles ne s'est pas fait selon un scénario de dominance ininterrompue d'une seule ressource. Elle est plutôt caractérisée par la mise en valeur d'une série de ressources à mesure que la demande internationale évoluait, que les prix relatifs variaient et que de nouvelles technologies voyaient le jour pour faciliter la production de ressources qu'il n'était pas possible d'exploiter de manière rentable auparavant.

Par conséquent, de 1870 à 2009, d'importants changements de composition ont eu lieu en ce qui concerne l'importance relative des divers secteurs de ressources (graphique 1). Au départ, le secteur des ressources naturelles était axé principalement sur l'agriculture et les produits forestiers. À la fin de la période, les métaux et l'énergie étaient devenus d'importants nouveaux produits liés aux ressources naturelles.

La profonde récession du début des années 1870 a été accompagnée d'une baisse brève mais prononcée de l'importance relative de la production agricole qui a rapidement été suivie d'un redressement. À la fin des années 1890, l'importance relative de la production agricole était à peu près la même que durant les années 1870. Par la suite, ce secteur a connu un déclin relatif long, mais lent, en raison de l'essor du secteur des minéraux et de l'énergie qui n'a été interrompu que brièvement par les première et deuxième guerres mondiales.

La part du secteur de la foresterie est demeurée relativement constante jusqu'à la Première Guerre mondiale, a diminué fortement durant la récession de l'après-guerre, puis a augmenté au cours des années 1920, en raison de l'expansion rapide du secteur de la pâte de bois et du papier journal. La tendance a été la même au cours des années 1930, c'est-à-dire un recul durant les pires années de récession, puis un retour à la trajectoire de croissance antérieure. Ensuite, après la Deuxième Guerre mondiale, la part du secteur de la foresterie s'est accrue pour atteindre un sommet au début des années 1950, puis a diminué lentement jusqu'à la fin des années 1980, époque où elle a connu une brève poussée de croissance après l'entrée en vigueur de l'ALENA, seulement pour retomber par la suite quand s'est amorcé le déclin de l'industrie des journaux.

À la fin des années 1800, le secteur des minéraux est devenu important et a maintenu cette position jusqu'aux années 1930, durant lesquelles il a connu une expansion rapide. La part du secteur des minéraux a diminué durant la Deuxième Guerre mondiale quand la production d'or a baissé, puis s'est redressée lentement et régulièrement pour atteindre de nouveau en 1970 le sommet des années 1930. Par la suite, la part de ce secteur a diminué régulièrement jusqu'après 2000, quand le boom mondial des ressources naturelles causé par la croissance rapide de l'économie chinoise a renversé cette tendance.

Les produits du pétrole ont fait leur apparition au début du 20e siècle, mais n'ont commencé à croître rapidement qu'après la Deuxième Guerre mondiale et la découverte de pétrole à Leduc, en Alberta. La part de ce secteur a augmenté rapidement durant les crises énergétiques des années 1970 et a atteint un sommet en 1985, puis a diminué lorsque les prix de l'énergie ont chuté. Elle n'est revenue à son niveau de 1985 qu'en 2000. Par la suite, en raison des investissements considérables dans les sables bitumineux, ce secteur a connu une prospérité rapide qui a, à son tour, réduit les parts des autres secteurs.

5   Balance des paiements

5.1  Exportations

L'évolution de la production des ressources naturelles est reflétée par les soldes des exportations (graphique 2) puisque la plupart de cette production était destinée aux marchés d'exportation. 7 

De 1870 à la Première Guerre mondiale, les produits agricoles et d'origine animale représentaient plus de 60 % de la valeur totale des exportations. Par la suite, leur part a diminué pour atteindre 36 % en 1939, 22 % en 1960 et 9 % en 2010.

La foresterie possédait la deuxième part par ordre d'importance décroissante des exportations au cours de la période préalable à 1900, soit plus de 30 % au cours des années 1880. La plupart de ces exportations étaient attribuables au bois d'oeuvre, dont l'importance relative a diminué progressivement. Au moment de la Première Guerre mondiale, la part de la foresterie était tombée aux alentours de 15 %. La croissance rapide du secteur de la pâte de bois et du papier a rendu leur importance aux exportations forestières durant l'entre-deux-guerres, atteignant plus de 26 % à la fin des années 1930. Ce secteur a continué de s'accroître après la Deuxième Guerre mondiale, atteignant en 1950 une part des exportations de 35 % et surpassant ainsi le secteur de l'agriculture en importance. Par la suite, sa part des exportations a diminué pour s'établir à 17 % en 1980 et à 6 % en 2010.

La part des exportations de métaux non ferreux a connu une croissance rapide après 1895, atteignant 13 % en 1913, juste avant la Première Guerre mondiale. Durant l'entre-deux-guerres, la part des métaux non ferreux a continué de croître et a atteint 20 % juste avant la Deuxième Guerre mondiale. En raison des augmentations de volume réel de la production après la Deuxième Guerre mondiale, la part des métaux non ferreux a augmenté légèrement jusqu'au début des années 1960, puis a diminué constamment jusqu'en 2010, où elle était inférieure à 11 % du total des exportations.

La part des exportations de produits non métalliques, principalement le pétrole et le gaz naturel, est demeurée inférieure à 10 % du total des exportations avant 1970, mais s'est accrue par la suite (dépassant en importance celle des métaux non ferreux) pour atteindre 16 % en 1980, après la hausse spectaculaire des prix mondiaux du pétrole qui a eu lieu durant les années 1970. Le long repli des prix de l'énergie qui a duré jusqu'à la fin des années 1990 a été accompagné d'une diminution progressive de la part des exportations de produits non métalliques, qui était d'environ 10 % en 1999. Par la suite, cette part a commencé à augmenter fortement pour atteindre 26 % en 2010, surpassant les parts des produits agricoles, des produits forestiers et des métaux non ferreux. Fondées en partie sur le pétrole, les exportations de produits chimiques représentaient 8 % des exportations en 2010.

Au cours de la plus grande partie de la période étudiée, l'acier a été une composante de base du secteur de la fabrication aux États-Unis, mais nettement moins au Canada. Avant la Première Guerre mondiale, les exportations canadiennes de produits du fer et de l'acier représentaient en général moins de 5 % du total des exportations, quoiqu'elles aient augmenté brièvement pour atteindre environ 8 % durant la Première Guerre mondiale, puis elles sont tombées aux environs de 6 % avant la Deuxième Guerre mondiale. Elles ont ensuite connu une expansion spectaculaire pour atteindre un niveau légèrement supérieur à 23 % au plus fort de la Deuxième Guerre mondiale. Par la suite, les exportations de fer et d'acier se sont poursuivies, mais à un niveau légèrement supérieur seulement à celui de l'avant-guerre. Elles représentaient 9 % du total des exportations en 1950, 11 % en 1960 et étaient restées proches de ces niveaux en 1970, en 1980 et en 1990. Au cours de la seconde partie de 1990 et après 2000, la part du fer et de l'acier dans les exportations ont augmenté à près de 13 %.

La diminution rapide de la part des ressources naturelles observée après 1960 a été causée par les modifications des profils des échanges découlant de l'Accord canado-américain sur les produits de l'industrie automobile (Pacte de l'automobile) de 1965, qui a donné lieu à un changement spectaculaire de la structure des échanges du Canada en facilitant la rationalisation de la production automobile nord-américaine. À la suite du pacte, les exportations et les importations transfrontalières d'automobiles et de pièces d'automobiles ont augmenté considérablement. Au début des années 1970, les exportations d'automobiles et de pièces ont atteint plus de 24 % du total des exportations, et ont continué de croître pour s'établir à 30 % durant les années 1986. Par la suite, la compétition des importations et le changement des tendances de production de l'Amérique du Nord a réduit les parts de l'exportation des produits automobiles à 15 % en 2010.

En résumé, les ressources naturelles ont joué un rôle important dans la balance des exportations du Canada depuis la Confédération. Les produits agricoles, les produits d'origine animale et les produits forestiers représentaient plus de 90 % des exportations au milieu des années 1880. Bien que les ressources naturelles aient vu diminuer leur importance au fil du temps, elles sont demeurées dominantes jusqu'en 1960, année où les produits agricoles, les produits forestiers, les métaux non ferreux et les minéraux non métalliques représentaient encore plus de 80 % de l'ensemble des exportations. Ce n'est qu'après l'entrée en vigueur du Pacte de l'automobile et de l'Accord de libre-échange nord-américain, avec la croissance des exportations de fer et d'acier, d'automobiles et de pièces automobiles ainsi que d'aéronefs, que la part des ressources naturelles a baissé à son point record le plus bas, 36 % en 1999. L'essor des ressources durant les années 2000 a renversé ce long déclin, haussant la part des ressources en exportations à 53 % en 2010.

5.2  Importations

La composition des importations diffère de celle des exportations tant en ce qui concerne l'importance relative des diverses catégories que les produits qui constituent la majeure partie de chaque catégorie. Même si les importations du Canada étaient surtout axées sur les matières premières immédiatement après la Confédération (graphique 3), les importations de produits agricoles comprenaient d'importantes quantités de sucre, de thé, de café, de cacao et d'épices en plus des céréales et des cuirs, c'est-à-dire d'autres produits que ceux qui étaient exportés.

De même, des textiles bruts (coton, laine, soie) étaient importés pour les fabricants canadiens de textiles. Durant les années 1870, plus de 60 % des importations consistaient en des produits agricoles et des fibres. Le bois et les produits du papier ne représentaient qu'une petite part du total des importations durant les années 1870 et cette situation s'est poursuivie jusqu'en 2010.

De 1870 à 1900, les produits agricoles et les textiles sont demeurés les importations les plus importantes. Toutefois, en 1900, la part de ces produits dans les importations est tombée sous la barre des 50 %, principalement à cause d'une réduction des importations de textiles et de tissus. Les produits agricoles sont passés d'une part des importations ayant atteint jusqu'à 41 % en 1870 à une part d'environ 30 % durant les années 1890. La Première Guerre mondiale a eu peu d'effet sur les parts des produits agricoles ou des produits textiles, ce qui tranche nettement avec les changements observés dans les parts des exportations.

Après la Première Guerre mondiale, les parts du total des importations attribuables aux produits agricoles et aux textiles ont continué de diminuer. Les perturbations causées par la Deuxième Guerre mondiale, la guerre de Corée, les chocs pétroliers et les accords commerciaux n'ont guère modifié la tendance d'un déclin progressif. En 2010, les importations de produits textiles représentaient une part du total des importations similaire à celle des produits du bois et du papier. La part des importations revenant aux produits agricoles s'est comporté de façon similaire, diminuant d'un sommet de 41 % après la Confédération pour atteindre 8 % en 2010.

Alors que la part des produits agricoles et des fibres s'amenuisait progressivement, celles d'autres matières premières augmentaient. De 1870 aux années 1960, la part des métaux non ferreux a augmenté à un rythme relativement constant. Des hausses temporaires ont eu lieu durant les années de guerre afin de répondre à la demande de guerre. Avant la Première Guerre mondiale, les importations de métaux non ferreux étaient axées sur le cuivre, le plomb et le zinc. L'expansion survenue après la Deuxième Guerre mondiale a été associée à l'augmentation des importations de minerais de fer, de minerais de fusion de nickel et de cuivre, de platine, ainsi que de bauxite et d'alumine pour approvisionner l'industrie canadienne de production d'aluminium pour l'exportation. Après les années 1960, la part du total des importations revenant aux métaux non ferreux valait, en moyenne, 5 %, mais était très instable.

Les importations d'énergie ont été importantes depuis la fin des années 1800. Le Canada ne possédait pas les mêmes grands gisements économiques de charbon que ceux qui avaient été découverts aux États-Unis et dépendait des importations. À mesure que le secteur de la fabrication s'est mécanisé et que l'industrie du fer et de l'acier a prospéré, les importations d'énergie ont augmenté. Les métaux non métalliques (principalement le charbon et le pétrole) représentaient 11 % des importations en 1890, 12 % en 1913, 18 % en 1939 et 19 % en 1950, juste au moment où l'on a commencé à exploiter à grande échelle le pétrole dans l'Ouest du Canada. L'existence d'une nouvelle offre intérieure de pétrole, conjuguée à la politique destinée à s'assurer que les produits canadiens possèdent des marchés canadiens pour soutenir les premières étapes de développement a entraîné le remplacement des sources internationales par des sources intérieures. L'évolution des technologies de chauffage des maisons, tel que le passage au gaz naturel dans de nombreuses régions, a réduit encore davantage la demande de charbon importé. Par conséquent, la part des minéraux non métalliques dans les importations a diminué pour atteindre seulement 11 % en 2010.

Les importations de fer, d'acier et de leurs produits ont également contribué au développement de l'économie intérieure, même si elles étaient relativement faibles au début — généralement 16 % ou moins de 1870 à 1900. Ces importations correspondaient initialement à des produits difficiles à fabriquer au Canada à cette époque-là ou à des produits finis pour l'investissement ou la consommation. Par exemple, au cours des années 1870, environ la moitié du fer, de l'acier et de leurs produits étaient importés sous forme de billettes et de blooms, produits de laminerie pour lesquels le Canada ne disposait que d'une capacité de production limitée, et l'autre moitié était constituée de produits hautement manufacturés, comme le matériel de transport. Ces importations étaient des intrants importants pour la construction de chemins de fer, ainsi que pour l'adaptation et l'utilisation de technologies mondiales par l'industrie canadienne. En particulier, le matériel agricole et le matériel minier étaient importés, de même que les machines et le matériel utilisés par l'industrie forestière.

Les importations de machines et de matériel, et d'acier pour l'infrastructure, ont facilité le transfert de technologies au Canada. Ce transfert s'est poursuivi même si le gouvernement fédéral cherchait à créer un marché national et à soutenir la croissance du secteur de la fabrication au moyen de barrières tarifaires. Alors que la part des matières premières importées diminuait lentement au fil du temps, la part de l'importation du fer, de l'acier et de leurs produits s'est accrue. Durant les années 1960, la part des automobiles dans les importations a augmenté fortement, pour passer de 10 % en 1963 à 26 % en 1971. L'augmentation de la part des importations de véhicules à moteur au cours des années 1960 a porté la part du fer, de l'acier et de leurs produits à son niveau le plus élevé, 52 %, à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Après le début des années 1970, la part des véhicules à moteur et des pièces a diminué graduellement pour atteindre 17 % en 2010. La part globale du fer, de l'acier et de leurs produits a baissé de manière comparable au fil du temps, se retrouvant à 39 % en 2010.

5.3  Balances commerciales nettes

Les variations de la balance nette de chaque catégorie de produits illustrent la nature de la spécialisation commerciale du Canada. Les groupes de produits dont la balance est positive gagnent des devises étrangères qui payent pour les groupes dont la balance nette est négative ou pour l'endettement passé auprès de sources extérieures.

Afin de tenir compte des variations du volume des échanges au fil du temps découlant de l'inflation, les balances commerciales sont présentées par rapport au produit intérieur brut (PIB) nominal. Les balances pour chaque groupe de produits et la balance commerciale des marchandises par rapport au PIB sont représentées au graphique 4.

Dans l'ensemble, de la Confédération jusqu'à aujourd'hui, le Canada s'est généralement appuyé sur les ressources naturelles ou les produits provenant de ressources naturelles pour financer les biens d'équipement et les biens de consommation. Les balances pour l'agriculture, les produits du bois et du papier, les métaux non ferreux et, plus récemment, les minéraux non métalliques ont été positives tandis que les balances nettes pour les fibres et les textiles, le fer, l'acier et les produits divers (qui comprennent la télévision, les communications et les produits connexes, l'électricité et les produits de consommation) ont été négatives.

Directement après la Confédération, les produits du bois et du papier et les produits agricoles étaient les sources principales de balances commerciales positives pour le Canada, lesquelles étaient annulées par les balances commerciales négatives d'autres catégories : des fibres et des produits textiles importés pour approvisionner la jeune industrie textile canadienne, du fer, de l'acier et de leurs produits destinés à des activités telles que la construction de chemins de fer ou à l'investissement en machines et matériel, les minerais non métalliques, principalement le charbon, ainsi que des produits divers, comprenant surtout des produits de consommation.

L'infrastructure ferroviaire et le progrès technique dans le domaine de l'extraction minière et de la fonderie se sont traduits par un accroissement de la balance positive nette des produits dérivés de métaux non ferreux. Après le début des années 1900, ces métaux ont contribué positivement de manière continue à la balance commerciale nette. Les expansions et le développement du secteur des métaux non ferreux qui ont eu lieu de 1900 à 1913 ont été à l'origine du premier d'une longue série de changements de composition de la balance commerciale nette alors que le Canada a étendu la gamme des produits fabriqués à partir de sa base de ressources naturelles.

La part nette des produits agricoles et des produits forestiers a continué d'être la plus importante même après l'expansion du secteur des métaux non ferreux. Bien que des changements importants dans les profils des échanges aient eu lieu durant chacune des deux guerres mondiales, en temps de paix, la composition des balances commerciales est retournée rapidement à celle d'avant-guerre après l'arrêt des combats. La part nette des produits agricoles dans le produit intérieur brut a culminé à 14 % en 1918 et, bien qu'elle ait diminué quelque peu après la Première Guerre mondiale, elle était encore de 9 % en 1926. À partir de là, l'importance des produits agricoles dans la balance des exportations nettes a diminué.

La taille de la balance positive nette des produits du bois et du papier a diminué de 1870 à la Première Guerre mondiale. Le recul qui a eu lieu de la fin des années 1890 à 1912 reflète vraisemblablement un détournement des produits forestiers canadiens des marchés de l'exportation vers des usages intérieurs, tels que les traverses de chemin de fer et le matériel de construction. Par la suite, le début de la production de pâte de bois et de papier et la réduction de la demande intérieure ont fait augmenter la part positive nette des produits du bois et du papier du PIB, qui a varié de 2,5 % à 4,5 % en temps de paix. Pendant une période d'environ 80 ans, la contribution de ces produits à la balance des exportations nettes n'a cessé d'être importante. Après la fin des années 1990, par contre, la balance commerciale nette des produits du bois et du papier a chuté pour devenir inférieure à 1 % du PIB en 2010.

Deux nouveaux faits survenus durant les années 1960 ont compensé les réductions des balances commerciales des produits agricoles et des produits du bois et du papier. Le premier a été l'exploitation continue du pétrole et du gaz en Alberta et le deuxième, la signature du Pacte de l'automobile. Des deux, l'exploitation du pétrole et du gaz est le plus important en ce qui concerne les balances des exportations nettes.

Le secteur du pétrole et du gaz est à l'origine de la balance positive nette pour les minéraux non métalliques, qui sont passés d'une balance nette négative avant 1967 à une balance positive par la suite. Exprimée en parts du PIB, la balance commerciale nette des minéraux non métalliques a diminué, pour passer de moins de 1 % en 1870 à un creux de 4 % en 1921. Après cela, la balance s'est améliorée régulièrement et est devenue positive en 1967. Après 1967, la balance nette a continué d'augmenter, atteignant un sommet de 3,2 % du PIB en 2010.

Le Pacte de l'automobile a donné lieu à une réorientation des flux d'exportation vers les produits manufacturés et à un renforcement de la base manufacturière du Canada. Cependant, ce dernier a continué d'importer de grandes quantités de véhicules et ce n'est que durant les années 1980 que la balance commerciale des véhicules automobiles et des pièces est devenue positive. Au cours des années 1960 et 1970, la balance nette des véhicules automobiles et des pièces a eu tendance à être négative et a souvent atteint un niveau de 1 % du PIB. Au cours des années 1980 et 1990, la balance nette des véhicules automobiles et des pièces s'est améliorée, pour finir par atteindre 1,8 % en 1999, c'est-à-dire à peu près la même part du PIB que celle des minéraux non métalliques. Néanmoins, après 1999, alors que la balance nette des minéraux non métalliques a continué d'augmenter, celle des véhicules à moteur et des pièces a commencé à diminuer et a fini par atteindre 1 % du PIB en 2010.

Pour les catégories de produits constituées principalement d'importations qui ont une balance commerciale négative, l'évolution de la composition au fil du temps a consisté systématiquement à s'écarter des produits intermédiaires et à se rapprocher des biens finaux. Les premières années après la Confédération, les fibres et les textiles formaient le principal groupe d'importations. De 1870 à 1890, leur balance nette était généralement de l'ordre de 5 % du PIB. Les textiles importés durant cette période étaient en grande partie des produits intermédiaires destinés à approvisionner les usines textiles en développement au Canada qui avaient besoin de coton et de laine. À mesure que l'industrie a évolué et qu'une grande part de la production de textiles a été transférée à l'extérieur du Canada, la part de la balance commerciale des textiles et des fibres a diminué à mesure que la demande relative d'importations dans cette catégorie déclinait.

La part de la balance des importations nettes de fer, d'acier et de leurs produits dans le PIB a fluctué. Au cours de la période menant à la Deuxième Guerre mondiale, il se dégage peu de tendance; cependant, après la guerre, on note une période d'importation accrue durant laquelle la balance nette atteint 5,3 % du PIB. Après 1956, une longue tendance à la hausse a débuté durant laquelle la part négative du fer, de l'acier et de leurs produits a diminué. Cette tendance résultait en partie de la hausse des valeurs des exportations de véhicules automobiles et de pièces, puisque leur exclusion produit une part de la balance nette des produits du fer et de l'acier assez proche de la moyenne à long terme de 2,4 % après 1963.

Le fer, l'acier et leurs produits représentent la classification traditionnelle des produits où la technologie de fabrication de pointe était importée au Canada parce qu'elle était habituellement intégrée dans les machines et le matériel achetés sur les marchés internationaux. Toutefois, au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, la révolution informatique a modifié le coût d'acquisition de l'information et elle s'est produite dans une catégorie comprenant principalement des produits non dérivés du fer et de l'acier, dont des câbles à fibres optiques, des ordinateurs et des commutateurs électroniques. Dans les agrégats historiques, ces types de produits auraient été inclus dans les importations et exportations de produits divers. Avant les années 1960, leur valeur n'aurait pas été importante. Après les années 1960, particulièrement au cours des années 1990, ces types de produits ont occupé une place plus importante dans les décisions d'investissement des ménages et des entreprises au Canada.

La valeur des importations de produits électroniques et d'ordinateurs peut être isolée de la catégorie des produits divers après 1963 quand les sources de données modernes sont devenues disponibles en format électronique. Ainsi, la balance des produits « de haute technologie » est mesurée en agrégeant tout le matériel de télévision, de communication et le matériel connexe, y compris les machines de bureau, comme les ordinateurs et les photocopieuses. La balance nette, exprimée en parts du PIB, diminue pour passer de moins de 1 % en 1963 à un sommet de 2,7 % du PIB en 1999. Cette part est supérieure à la part nette du revenu consacrée à l'achat de fer, d'acier et de leurs produits (c.-à-d. les machines et le matériel traditionnels) même si l'on exclut l'effet du Pacte de l'automobile. Le niveau observé en 1999 n'a été que temporaire et après 2001, la balance nette est revenue aux alentours de 1,5 % du PIB.

6   Historique des prix

Les prix des exportations de ressources naturelles ont suivi une tendance à la hausse plus rapide que celle des prix des importations canadiennes au cours de la plus grande partie de la période qui a suivi la Confédération, mais le secteur des ressources qui a mené ce mouvement à la hausse a changé au fil du temps.

Les comparaisons de l'évolution des prix des exportations individuelles à la moyenne globale de l'ensemble des exportations révèlent quel produit de base provenant des ressources a servi de moteur aux termes de l'échange au cours des diverses périodes.

6.1  De 1869 à 1914

La période qui a suivi la profonde récession mondiale de 1873 a été caractérisée par la diminution des prix de nombreux produits. Les baisses de prix ont été accompagnées de la mise en valeur des terres agricoles fertiles de l'Ouest des États-Unis qui a entraîné une augmentation très importante de la production agricole mondiale en même temps qu'avait lieu la révolution industrielle et que les améliorations connexes de la productivité ont permis de fabriquer des produits du fer et des produits manufacturés à des prix de plus en plus bas.

Durant la période de baisse des prix qui a suivi 1873, les prix des exportations de céréales (une des principales catégories d'exportations agricoles du Canada) ont diminué, mais de façon moins importante que ceux du fer et de l'acier (l'un des principaux intrants du Canada). L'inverse a eu lieu au cours de la période de montée des prix. De la période de 1896-1897 jusqu'à celle de 1911 à 1913, les prix des céréales ont augmenté plus rapidement que ceux du fer et de l'acierqqII. Par conséquent, en 1913, les prix des céréales et de la farine avaient augmenté de près de 50 % comparativement à ceux du fer et de l'acier.

À la fin du 19e siècle, des changements spectaculaires survenus dans la technologie du transport ont eu une incidence sur les termes de l'échange du Canada. Le passage du bois à l'acier et du vent au charbon pour la propulsion des navires de transport maritime a fait baisser de 63 % les taux de fret maritime de 1872 à 1911rrII. La croissance rapide de la productivité dans l'industrie du fer et de l'acier a entraîné des baisses relativement importantes des prix relatifs des produits du fer importés par le CanadassII.

En plus des céréales, le Canada exportait aussi des produits d'origine animale, comme de la viande et du fromage. L'autre exportation importante de ressources était celle des produits de sciage fabriqués à partir de billes brutes. Les prix de ces produits d'origine animale et de ceux du bois ont augmenté comparativement à ceux des exportations de céréales. De 1872 à 1911, les prix des exportations de produits d'origine animale et de viande ont augmenté de 26 % et ceux des produits laitiers, de 17 %, les exportations canadiennes bénéficiant à cette époque de la hausse du niveau de vie au Royaume-Uni et de la forte élasticité-revenu de ces produits alimentairesttII.

Alors que le Canada importait la plupart du fer et de l'acier nécessaires pour répondre à ses besoins, une forte proportion d'importations canadiennes correspondait à des produits agricoles, particulièrement de la laine et du coton. Au début de la période, les produits agricoles représentaient 27 % des importations, les textiles, 26,5 %, et le fer et l'acier, 12,8 % seulementuuII. Au cours de la période de 1906 à 1915, la part des produits agricoles a baissé pour atteindre 16,6 % et celle des textiles, 17,4 %, tandis que la part du fer et de l'acier a augmenté pour atteindre 17,4 %vvII. Malgré la nature hétérogène de l'ensemble des importations pour les échanges, la baisse globale des prix des importations canadiennes au cours de la période (graphique 5) a suivi la diminution générale des prix du fer et de l'acier.

En revanche, les prix des exportations ont augmenté dans l'ensemble de 1869 à 1877, puis ont fluctué autour du même niveau jusqu'en 1900. Conjuguées, la baisse des prix des importations et la hausse des prix des exportations se sont soldées par un accroissement des termes de l'échange (graphique 4).

Les augmentations des termes de l'échange au cours de cette période sont survenues parce que les exportations agricoles canadiennes étaient concentrées dans des domaines qui ne suivaient pas la tendance globale à la baisse des prix des produits agricoles. Durant la période, les prix des exportations ainsi que des importations des produits agricoles ont généralement suivi la même tendance à la baisse. En revanche, le prix des exportations canadiennes de produits d'origine animale a augmenté, de même que celui des produits du bois, qui comprenaient surtout du bois de sciage (graphique 5). Du côté des importations, les fibres et les textiles, principalement du coton et de la laine bruts, ont suivi la tendance générale à la baisse des produits agricoles exportés. Il en a été de même des prix des produits du fer et de l'acier qui étaient importés. Conjuguées, la baisse des prix des importations et la hausse des prix des exportations se sont soldées par une augmentation des termes de l'échange (graphique 6).

Au cours de la période de croissance rapide du secteur du blé durant les deux premières décennies du 20e siècle, les prix des exportations ainsi que ceux des importations ont augmenté, mais les premiers l'ont fait plus rapidement que les seconds. Par conséquent, les termes de l'échange ont continué d'augmenter (graphique 6). De 1896 à 1920, les prix du blé ont grimpé fortement et, bien que les prix du fer en aient fait de même, la hausse des seconds a dépassé celle des premiers. De nouveau, les produits d'origine animale et les produits du bois (bois d'oeuvre) ont contribué à une hausse d'ensemble des prix des exportations relativement plus élevée. La hausse du prix du bois d'oeuvre résulte de l'essor de la construction considérant l'urbanisation aux États-Unis. De 1880 à 1920, le pourcentage de la population américaine vivant dans des régions urbaines est passé de 28 % à 51 % (Kim et Margo, 2003).

6.2  De 1914 à 1939

La croissance de la demande associée à la Première Guerre mondiale a entraîné une très forte augmentation des prix des importations et des exportations, mais les secondes l'ont emporté sur les premières (graphique 7). La situation était liée en partie à la demande de matières premières, tels que les métaux non ferreux et les denrées alimentaires comme le blé, en période de guerre. En 1917, les prix du blé, du plomb et du cuivre étaient supérieurs à ceux de 1913, de 248 %, de 239 % et de 178 % respectivementwwII.

Même l'industrie de la pâte de bois et du papier (les exportations de produits de base provenant des ressources naturelles ayant connu l'un des taux de croissance les plus rapides durant cette période) a affiché une hausse rapide des prix qui a surpassé celle des exportations en général. Le prix des exportations de pâte de bois était de 17 $ la tonne en 1908, 21 $ la tonne en 1914, 31 $ la tonne en 1916, 67 $ la tonne en 1918 et 93 $ la tonne en 1920, ce qui représente une hausse de plus de 500 % en un peu plus de 12 annéesxxII.

Au début de la guerre, les prix des exportations ont augmenté beaucoup plus rapidement que ceux des importations, ce qui a fait croître les termes de l'échange. Par contre, à la fin de la guerre, les prix des importations ont comblé le retard (graphique 7). Cela donne à penser que l'inélasticité de l'offre a profité aux exportations de ressources naturelles au début des périodes d'expansion rapide, une tendance qui allait être observée plus tard au cours de la période suivant la Deuxième Guerre mondiale.

Au début des années 1920, après la Première Guerre mondiale, les prix ont baissé fortement durant une récession qui a été courte, mais prononcée. Le prix du blé est celui qui a diminué le plus (71 %) de 1919 à 1923 (graphique 8)yyII. Le prix du cuivre a été le premier à revenir à son niveau de 1913, suivi par celui du blé. Les prix de la pâte de bois et du papier journal sont restés élevés pendant toute la décennie. Au cours de cette période, les prix des exportations ont baissé plus rapidement que ceux des importations. Alors que la croissance rapide des exportations de matières premières a été associée à une augmentation des termes de l'échange, la situation opposée a été observée au cours de la récession qui a suivi.

Les prix du blé ont rebondi du creux qu'ils avaient atteint en 1923 en raison d'une croissance subséquente de la demande, principalement parce que la demande européenne a fini par se redresser et que l'approvisionnement en provenance de l'Europe de l'Est est demeuré réduit durant cette période. Bien que les prix des métaux non ferreux, de la pâte de bois et du papier journal aient baissé, ils sont demeurés supérieurs à leurs niveaux de 1913 pendant la majorité de la décennie. Les termes de l'échange ont diminué de 23 % de 1921 à 1923, mais ont rebondi en 1927zzII.

Au cours des années 1930, tant le volume des échanges que les prix ont chuté fortement. L'ampleur de la baisse des prix du début des années 1930 n'avait pas été observée depuis la récession de 1873. Le fléchissement a débuté par les prix des céréales et s'est éventuellement propagé aux prix des matières premières non agricoles, tels que les métaux non ferreux, la pâte de bois et le papier (graphique 8). Par conséquent, les termes de l'échange ont diminué de 7 % de 1929 à 1935aaaII. Comme au début des années 1920, la récession a été associée à une diminution des termes de l'échange du Canada.

Les prix des exportations ont baissé de 50 % de juillet 1929 à janvier 1931bbbII. Les prix du blé ont diminué de 67 % de 1929 à 1932. Ils ont augmenté à la fin des années 1930 et, en 1937, ils avaient retrouvé leurs niveaux de 1929cccII. Les prix de nombreuses importations se sont également effondrés au cours de la même période, mais pas autant que ceux des exportations. Par conséquent, les termes de l'échange ont diminué de 7 % de 1929 à 1935dddII.

L'or représente un élément positif quant au prix des ressources au cours des années 1930. Grâce à la réévaluation monétaire aux États-Unis, le prix de l'or est passé de 20 $US l'once à 35 $US l'once en 1935.

En résumé, une partie des progrès importants des termes de l'échange enregistrés durant la Première Guerre mondiale a disparu durant l'entre-deux-guerres. Des baisses brèves et prononcées ont eu lieu au début de chacune des deux récessions pendant cette période. Alors que la période d'expansion correspondant à la Première Guerre mondiale a donné lieu à une augmentation spectaculaire des prix des exportations, les deux récessions ont annulé en partie cette hausse pendant une brève période. Les périodes d'expansion tardive survenues dans chacune des deux décennies ont de nouveau été associées à une augmentation des termes de l'échange. Donc, l'expansion de l'économie mondiale durant cette période a été associée à des gains pour le Canada, et à des pertes durant les récessions mondiales.

6.3  De 1940 à 1970

Les termes de l'échange n'ont pas fluctué aussi fortement au cours de la Deuxième Guerre mondiale qu'ils ne l'avaient fait au cours de la Première Guerre mondiale (graphique 9). Une baisse a eu lieu durant les premières années de la guerre, quand les États-Unis n'y participaient pas encore pleinement. Par contre, les termes de l'échange ont augmenté au cours des dernières années de la Deuxième Guerre mondiale.

Les mouvements à la hausse se sont poursuivis au cours de la période d'après-guerre en raison des prix robustes des exportations de ressources naturelles (graphique 10).

La hausse des prix du blé survenue après la Deuxième Guerre mondiale a été assortie d'une expansion rapide des récoltes. Toutefois, les prix des métaux non ferreux (plomb et cuivre) ont généralement surpassé ceux des exportations, la capacité industrielle des États-Unis ayant augmenté rapidement et l'économie nord-atlantique s'étant redressée après la dévastation causée par la guerre.

Contrairement à la période de l'entre-deux-guerres, le prix de la pâte de bois a légèrement pris du retard relativement aux autres prix. Néanmoins, à la fin de cette période d'expansion, les termes de l'échange globaux avaient augmenté d'environ 20 %.

6.4  De 1971 à 2010

Après 1970, la structure commerciale du Canada s'est développée sous l'influence de deux éléments importants au sein de son économie. Le premier a été la montée des prix de l'énergie, accompagnée par une augmentation rapide des exportations. En 1971, les produits énergétiques représentaient 7,1 % des exportations. Cette part a augmenté pour atteindre un sommet de 25,7 % en 2008, avant de retomber à 21,6 % en 2009. L'importance accrue des produits énergétiques combinée aux importantes fluctuations de leurs prix ont fait d'eux et des prix de l'énergie une caractéristique dominante des variations des termes de l'échange du Canada au cours des 40 dernières années.

Le deuxième élément important a été l'essor de la fabrication d'automobiles. Le Pacte de l'automobile de 1965 exigeait que les usines de fabrication d'automobiles établies au Canada produisent un véhicule américain pour chaque véhicule avec plaque de désignation américaine acheté au Canada. Par conséquent, on a assisté à une expansion rapide de la fabrication d'automobiles en Ontario et, dans une moindre mesure au Québec, qui pour la première fois produisait une part appréciable des exportations provenant de la fabrication de biens durables. De 1963 à 1969, la part des véhicules, des pièces, des châssis et des moteurs dans les exportations est passée de 1 % à 24 %. La nature intégrée des procédés de montage d'automobiles a également donné lieu à une augmentation de la part des importations de véhicules et de pièces au Canada. De 1963 à 1969, la part de véhicules et de pièces dans les importations est passée de 10 % à 25 %. Alors que les parts des échanges ont augmenté sensiblement, les prix des exportations et des importations du secteur automobile ont eu tendance à évoluer de la même façon et les termes de l'échange n'ont donc subi qu'un effet direct faible malgré l'incidence sur les valeurs des échanges du Pacte de l'automobile.

La découverte de nouveaux approvisionnements au Canada et la hausse des prix déclenchée par les chocs pétroliers de 1973 et de 1979 ont été à l'origine de l'importance croissante des produits énergétiques. Tant les prix que les quantités ont augmenté, mais des deux facteurs, la hausse des prix a été la plus importante. De 1971 à 1977, le prix des exportations de pétrole brut a augmenté de 100 %. En 1981, il avait de nouveau augmenté de 100 %.

Si la hausse des prix des produits énergétiques, particulièrement du pétrole, était synonyme des années 1970, le pétrole n'a pas été le seul produit dont le prix a augmenté rapidement. Au début des années 1970, les prix du blé ont augmenté plus rapidement que ceux du pétrole brut. Les prix, bien qu'ils aient reculé plus tard, étaient supérieurs à 100 % au milieu des années 1980 comparativement au taux détenu en 1971 (graphique 11). Les prix des produits forestiers et des métaux ont augmenté également, mais moins rapidement que ceux du blé et de l'énergie. Les prix de ces produits de base destinés à l'exportation ont augmenté plus rapidement que ceux de l'ensemble des exportations et plus rapidement que les prix des autres exportations importantes durant cette période, c'est-à-dire les automobiles et pièces d'automobiles.

Les années 1980 ont été caractérisées par un renversement de la tendance à la hausse des prix des produits de base déclenché par un effondrement mondial des prix de l'énergie qui, à son tour, a été reflété par les prix des exportations canadiennes de pétrole (graphique 11). Les prix à l'exportation de l'énergie ont baissé d'environ 50 % en 1986, retournant ainsi aux niveaux observés en 1977-1978 à mesure que les prix mondiaux du pétrole ont chuté. Pendant le reste des années 1980 et pendant la plupart des années 1990, les prix du pétrole brut ont fluctué autour des niveaux du milieu des années 1970.

Comme lors des périodes antérieures, le pétrole n'a pas été seul à l'origine de la discontinuité dans la croissance globale des prix des ressources. Au cours des années 1980 et des années 1990, les prix de nombreuses ressources, dont l'or, le gaz naturel et le blé, ont stagné ou varié faiblement. Les métaux de base, le bois d'oeuvre et, dans une moindre mesure, la pâte de bois sont les ressources qui se détachent du lot à la fin des années 1980 et au cours des années 1990, mais la hausse de leurs prix a été modeste comparativement à certaines périodes antérieures. Sur les marchés américains, le prix du plomb a augmenté au taux annuel composé de 5,4 %, celui du nickel, de 3,4 %, celui du bois d'oeuvre, de 5,8 % et celui de la pâte de bois, de 1,2 %.

Les prix à l'exportation des produits de base agricoles n'ont pour ainsi dire pas changé de 1981 à 1992, ni du milieu des années 1990 au milieu des années 2000.

Les années 1990 ont été caractérisées par la hausse des prix des produits du bois à mesure qu'ont augmenté les exportations de bois résineux vers les États-Unis après l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain. Dans l'ensemble, les prix à l'exportation des produits de base ont commencé à croître (graphique 11). Après 2000, les ressources naturelles ont connu un boom sous-tendu par la demande. Une expansion mondiale coordonnée, conjuguée à l'émergence de la demande de ressources naturelles de la Chine, a stimulé la demande pour la plupart des produits provenant de ressources naturelles. Les prix du pétrole, des céréales, des métaux et du bois d'oeuvre ont ainsi augmenté rapidement.

La demande croissante de ressources, particulièrement d'énergie, a fait croître le prix obtenu par les producteurs canadiens dans les transactions internationales (Francis, 2007) et a réduit les prix des importations en raison de la baisse mondiale des prix des produits manufacturés et d'une appréciation de la devise menée par la hausse des prix des produits de base (Amano et van Norden, 1992; Ballieu, 2005). L'effet combiné de la montée des prix à l'exportation des ressources et de l'appréciation du dollar s'est concrétisé par une augmentation rapide des termes de l'échange du Canada après 2001 (graphique 12). Les prix de l'énergie venaient en tête, mais les prix des matières (métaux non ferreux) ont également connu une hausse comparativement aux prix des importations.

7   Gains d'échange : termes de l'échange, balance commerciale brute, taux de change réel et balance commerciale nette

Aux sections qui précèdent, on a décrit l'expansion des industries axées sur l'extraction des ressources et les périodes durant lesquelles le Canada a bénéficié d'une amélioration des termes de l'échange.

La hausse des prix des exportations par rapport aux prix des importations a réduit la charge des achats de biens de consommation ainsi que de machines et de matériel sur les marchés mondiaux, de même que celle du remboursement de la dette extérieure accumulée à mesure qu'a été mise en place l'infrastructure (p. ex. canaux, chemins de fer, pipelines et centrales hydroélectriques). En l'absence d'une épargne intérieure adéquate pour financer les immobilisations requises, l'afflux de capitaux principalement britanniques et américains ont financé la construction des premiers canaux, puis des chemins de fer et plus tard des pipelines, laissant le Canada devant une dette extérieure importante dont les intérêts étaient servis par l'excédent net dans les comptes des échanges.

La mine de renseignements présentés antérieurement fait ressortir la profondeur et la portée du développement des ressources naturelles, ainsi que l'importance des exportations de ces ressources pour l'achat de biens d'équipement et de biens de consommation sur les marchés mondiaux. La présente section intègre des données détaillées sur chaque période afin de donner un aperçu à long terme, axée sur les tendances à long terme de l'environnement macroéconomique. L'aperçu met l'accent sur le fait que les sous-périodes individuelles, quand elles sont examinées dans leur ensemble, expriment l'effet cumulé de l'accroissement progressif des gains d'échange qui a fait en sorte que la croissance du revenu réel canadien a dépassé celle de la production réelle depuis la Confédération.

Ce n'est qu'en donnant un aperçu du rendement de l'économie canadienne sur une série de décennies que l'on peut distinguer les fluctuations à court terme des tendances à long terme. Cet exercice est important, car les fluctuations qui s'annulent d'elles-mêmes peuvent trop facilement être considérées comme n'ayant que des effets à court terme associés à un phénomène d'accroissement et d'éclatement, c'est-à-dire des gains qui disparaissent complètement à long terme.

Les sections qui précèdent ont montré que la régression vers la moyenne des termes de l'échange a eu lieu durant les cycles que l'économie canadienne a traversé. Les croissances économiques sont suivies de contractions, les premières étant associées à des améliorations des termes de l'échange, et les secondes, à des détériorations.

Cependant, la question essentielle est de savoir si l'économie canadienne était en meilleure posture à la fin qu'au début de la période étudiée, après avoir tenu compte des fluctuations relatives des prix des exportations et des importations, c'est-à-dire de savoir si les hausses ont servi à propulser l'économie à des niveaux de plus en plus élevés de revenu réel au cours de la période qui a suivi la Confédération.

Comme il est démontré à la section 3, l'effet de l'évolution des prix des exportations et des importations découle des variations des termes de l'échange, multipliées par la part brute des échanges, et du taux de change réel, multiplié par la balance commerciale (équation 1). Ces deux éléments seront examinés à tour de rôle.

En dernière analyse, l'aspect intéressant est l'incidence des variations des gains d'échange sur la croissance du revenu intérieur brut réel du Canada. Cette incidence dépend non seulement des variations des prix relatifs des importations et des exportations, ainsi que des prix des biens échangés par opposition aux biens non échangés, mais aussi de l'importance des échanges (balances commerciales nette et brute). L'écart entre le revenu intérieur brut et le produit intérieur brut est utilisé ici pour encapsuler ces quatre composantes en une statistique sommaire. À son tour, le revenu national brut diffère du revenu intérieur brut parce qu'il inclut les flux de revenus utilisés pour servir le compte de capital, c'est-à-dire les intérêts et les dividendes versés aux étrangers pour les rémunérer pour l'investissement qu'ils ont fait au Canada.

En examinant la trajectoire du mouvement du revenu réel, les variations des gains d'échange peuvent être traduites en mesure de l'effet sur le bien-être des Canadiens. Cette mesure permet non seulement de compenser l'inconvénient de devoir se concentrer uniquement sur les prix des échanges, mais aussi d'examiner l'effet total de l'ensemble des exportations et des importations. Bien que les matières premières représentent une grande part de l'ensemble des exportations, les matières premières transformées, comme le papier journal, ont gagné en importance depuis 1900. En estimant la trajectoire du revenu réel, la méthode appliquée ici tient compte de toutes les exportations et importations — quoique, comme l'ont fait ressortir les sections précédentes, les exportations de ressources représentent un pourcentage important des exportations nettes tout au long de la période.

Deux mesures de l'absorption peuvent être utilisées pour examiner le cours de l'accroissement du revenu réel, à savoir le revenu intérieur brut (RIB) et le revenu national brut (RNB). Les écarts entre le produit intérieur brut (PIB) et le RIB sont causés par les gains d'échange. Les écarts entre le RIB et le RNB découlent des flux de revenu internationaux. Les écarts entre le PIB et le RNB englobent à la fois les gains d'échange associés aux échanges de biens et de services et les flux de revenus internationaux qui sont si étroitement liés au début du développement économique du Canada.

7.1  Termes de l'échange et balance commerciale brute

Les termes de l'échange du Canada ont augmenté de 1870 à 1890 (graphique 13). Bien que la croissance du PIB ait été plus lente au cours de la période qui a suivi la Confédération que pendant la période de 1890 à 1920, durant laquelle le secteur du blé de l'Ouest a connu un essor rapide, les améliorations des termes de l'échange au cours de la première période ont surpassé celles observées durant la deuxième 8  .

Peu de progrès ont eu lieu de 1890 jusqu'à la Première Guerre mondiale, quand les termes de l'échange ont de nouveau augmenté. Par la suite, ils ont subi de fortes fluctuations. Des baisses prononcées durant les récessions du début des années 1920 et du début des années 1930 ont été suivies dans les deux cas d'augmentations au cours de la dernière partie de ces décennies. L'effet net a été qu'en 1939, au début de la Deuxième Guerre mondiale, les termes de l'échange avaient augmenté comparativement à la période juste avant la Première Guerre mondiale. Les fluctuations des termes de l'échange au cours des années 1920 et 1930 ont amplifié l'effet des récessions associées aux variations du PIB réel.

Après la Deuxième Guerre mondiale, les termes de l'échange ont connu un redressement en raison de la guerre de Corée, puis un arrêt de croissance jusqu'au début des années 1970, quand le premier choc pétrolier lié à la création de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) les a de nouveau fait augmenter spectaculairement. La longue baisse relative des prix du pétrole et d'autres ressources après 1980 a été assortie d'un renversement de la tendance des termes de l'échange jusqu'au boom des ressources survenu après 2000, lequel a déclenché un accroissement général des prix relatifs de ces dernières. Une fois de plus, les termes de l'échange ont atteint de nouveaux sommets.

Les hausses cumulées des termes de l'échange depuis 1870 sont considérables. À partir de 1870, les progrès cumulés se chiffraient à 45 % en 1919, à 65 % en 1939 et à 80 % au début des années 1970, avant de régresser graduellement. Après 2000, les termes de l'échange ont recommencé à augmenter pour atteindre un niveau semblable à celui des années 1970 après la récession des années 2008-2009.

L'effet de la hausse des termes de l'échange sur l'envergure des gains d'échange dépend de la mesure de la balance commerciale, c'est-à-dire le rapport des importations plus les exportations au PIB. La balance commerciale du Canada a subi d'importantes fluctuations (graphique 13). Par conséquent, l'effet de la hausse des termes de l'échange sur l'écart entre le revenu réel et le PIB réels a varié au fil du temps (graphique 14).

Après une hausse initiale durant les années 1870, la part moyenne du PIB attribuable aux échanges a diminué de 1872 à 1888. Durant cette période, l'influence des améliorations des termes de l'échange s'est atténuée. Par la suite, la croissance des marchés de la frontière ouest a été associée à un accroissement de la part des échanges qui a accentué l'effet des augmentations des termes de l'échange. Après le tournant du 20e siècle, la part moyenne du PIB attribuable aux échanges a de nouveau diminué, pour n'augmenter de nouveau qu'aux alentours de la Première Guerre mondiale.

La croissance rapide de la part moyenne des échanges dans le PIB, combinée à la hausse rapide des prix des ressources liée à l'effort de production de guerre, ont produit l'augmentation la plus importante du revenu réel depuis la Confédération découlant des termes de l'échange du Canada enregistrée aux alentours de la Première Guerre mondiale. Les gains enregistrés en 1914, 1915 et 1917 sont remarquables en ce qui concerne l'importance de leur contribution positive (graphique 14).

Après la Première Guerre mondiale, le Canada a atteint ce qui était alors un sommet historique du rapport de la valeur des échanges au PIB. Bien que cette exposition importante aux échanges internationaux ait eu un effet positif sur les gains d'échange durant les années de guerre à mesure que les termes de l'échange augmentaient, elle est devenue un problème durant les années d'après-guerre, alors que les termes de l'échange ont diminué fortement quand les prix internationaux ont chuté. En 1918, 1919 et 1920, les termes de l'échange ont baissé fortement et, si l'on ajoute la sensibilité des mesures des gains d'échange aux termes de l'échange en raison de la part très élevée des échanges par rapport au PIB à cette époque, les gains d'échange ont enregistré des baisses dont l'ordre de grandeur était historique (graphique 14).

Durant les années 1920, quand le monde est revenu à la production en temps de paix, la part moyenne du PIB relative aux échanges a diminué, mais est demeurée supérieure aux niveaux observés avant la guerre. Après la débâcle économique de 1929-1930 et la hausse des tarifs douaniers mondiaux qui a fortement réduit les échanges, la part moyenne du PIB attribuable aux échanges est retournée à des niveaux équivalant à ceux enregistrés avant la Première Guerre mondiale. Cette diminution de la part des échanges a atténué l'effet des réductions des termes de l'échange durant le déclenchement de la grande dépression.

La part du PIB attribuable aux échanges a augmenté après les reculs initiaux observés de 1929 à 1931 et a augmenté de 1934 à 1937, après la promulgation aux États-Unis du Gold Reserve Act de 1934 qui a stimulé la production d'or au Canada. Cependant, le ralentissement qui a eu lieu en 1937 a réduit le niveau des échanges par rapport au PIB et, en 1938, la part des échanges était retournée aux niveaux observés en 1934.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, la part du PIB attribuable aux échanges a augmenté, pour passer de 20 % en 1938 à 28 % en 1944. Cependant, la part des échanges ne s'est pas accrue aussi rapidement qu'elle ne l'avait fait durant la Première Guerre mondiale. À cause du contrôle des prix en temps de guerre, les valeurs des exportations n'ont pas augmenté aussi rapidement qu'elles ne l'avaient fait durant le premier conflit. Pour des raisons comparables, les termes de l'échange n'ont pas augmenté aussi abruptement que lors de la Première Guerre mondiale.

De la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu'aux années 1960, la part des activités d'échanges dans le PIB a diminué. En 1960, la part moyenne du PIB attribuable aux échanges était la même qu'en 1933. Par conséquent, les fluctuations des termes de l'échange aux alentours de la guerre de Corée, bien qu'importantes, n'ont pas produit une hausse aussi forte du revenu réel que celles qui ont eu lieu durant la Première Guerre mondiale.

Après 1960, la part des échanges du PIB a commencé à croître et a continué de le faire jusqu'en 2000. Cette période a été caractérisée par des cycles successifs de libéralisation du commerce et d'accroissement des échanges. Au Canada, la part moyenne du PIB attribuable aux échanges est passée de 18 % en 1960 à 43 % en 2000. Durant la période qui a suivi directement l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), cette part a augmenté de façon particulièrement impressionnante.

Le résultat de cette croissance de la part moyenne du PIB attribuable aux échanges après 1960, particulièrement au cours des années 1990, a été de porter celle-ci à des niveaux historiquement élevés pour le Canada. Quand le boom des ressources naturelles a débuté après 2000 et que les prix de presque tous les produits de base ont commencé à grimper rapidement d'un point de vue relatif, les termes de l'échange ont augmenté et ont été à l'origine de plus d'un point de pourcentage de la croissance du revenu réel en 2000, de 2003 à 2005, en 2007, en 2008 et en 2010 (graphique 14). À son tour, l'effondrement des prix des produits de base durant la récession de 2008-2009 a réduit le gain d'échange de -3,1 %, ce qui représente la baisse la plus importante jamais enregistrée.

7.2  Taux de change réel et balance commerciale nette

La deuxième composante des gains d'échange découle des variations du taux de change réel, c'est-à-dire les variations des prix d'échange relativement aux prix intérieurs. Cette composante reflète les variations du pouvoir d'achat de l'économie intérieure qui sont produites par les variations du revenu net d'exportation. La hausse des prix des échanges relativement aux prix intérieurs mène à un revenu intérieur plus élevé, à condition que la balance commerciale soit positive, et à l'inverse si elle est négative. Si la balance commerciale est positive, les prix plus élevés des biens échangés fournissent un plus grand pouvoir d'achat dans le secteur intérieur. Si la balance commerciale est négative, les prix plus élevés des biens échangés signifient qu'une plus grande part du revenu intérieur doit être consacrée aux biens échangés et qu'une part plus faible est disponible pour les achats intérieurs.

Il convient de souligner que les contributions d'une variation de l'indice du taux de change réel aux variations de l'écart entre la croissance du revenu réel et celle du produit réel sont plus faibles que les contributions de l'indice des termes de l'échange, parce que les pondérations correspondent à la balance commerciale nette et non aux flux d'échanges bruts.

De 1870 à 1930, le taux de change réel a diminué (graphique 15); toutefois, les importations ont dépassé les exportations durant cette période (graphique 15). Les contributions à l'écart entre le revenu réel et le PIB réel étaient généralement faibles ou s'annulaient les unes les autres (graphique 16). Au cours des périodes suivantes, il en était également ainsi, sauf durant les deux guerres mondiales, quand les importantes balances nettes positives ont contribué à des gains positifs plus importants découlant des variations du taux de change réel. La nature de l'interaction entre la balance des exportations et le taux de change réel est illustrée par un ensemble d'années choisies aux alentours de la Première Guerre mondiale (tableau 1). Au cours de la période qui a précédé cette guerre, une balance commerciale négative conjuguée à des baisses du taux de change réel a contribué positivement aux gains d'échange en 1911 et en 1912. En revanche, une balance commerciale nette positive en 1916 et en 1917, ainsi qu'une hausse du taux de change réel, ont donné lieu à une augmentation importante des gains d'échange.

Durant l'entre-deux-guerres, l'effet du taux de change réel a fluctué d'année en année alors que la balance commerciale nette variait. Aussi, la tendance à la baisse prolongée du taux de change réel s'est terminée pour ensuite recommencer à grimper après 1929. Au moment de la Deuxième Guerre mondiale, la contribution du taux de change réel a de nouveau augmenté fortement. La période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale est caractérisée par une contribution relativement faible des gains d'échange, à la fois parce que la balance commerciale, quoique généralement positive, était faible et parce que des variations du taux de change réel ne se sont généralement pas produites au moment où la balance commerciale nette était grande.

7.3  Différence entre le produit intérieur brut et le revenu intérieur brut et entre le revenu intérieur brut et le revenu national brut

L'évaluation de l'effet global des échanges doit tenir compte à la fois des variations du segment des biens et services de la balance des paiements et des variations des flux de revenus internationaux principalement associés aux dépenses en immobilisations. Cela est fait ici en examinant en premier lieu l'écart entre les taux de croissance du RIB et du PIB et, en deuxième lieu, l'écart entre les taux de croissance du RIB réel et du RNB réel (graphique 17). Le premier écart donne une mesure du gain d'échange à long terme; le second représente la contribution à long terme du revenu net de l'extérieur (RNE).

De 1870 au début des années 1890, les termes de l'échange ont fait que les gains d'échange ont poussé le RIB réel quelque 8 % au-dessus du PIB réel. Cependant, le RNE a fait reculer le RNB réel de 3 % en deçà du RIB réel au cours de la même période. Les augmentations du revenu réel en raison des gains d'échange ont été partiellement annulées par la diminution du revenu national causée par les importantes sorties de capitaux requises pour servir la dette découlant des emprunts pour immobilisations nécessaires au développement. Durant les années 1890, les gains d'échange ont continué, mais le RNE a augmenté, ce qui a renforcé la croissance globale du revenu réel, en partie en raison d'une baisse des taux d'intérêt britanniques (Macintosh, 1939). Les augmentations des gains d'échange associées à la Première Guerre mondiale ont également été assorties d'une augmentation des coûts du service de la dette sur immobilisations associées au financement en temps de guerre.

Par la suite, le revenu réel découlant des gains d'échange a subi un revers de croissance au cours des années 1920, puis a repris sa tendance régulière à la hausse jusqu'en 1945; il en a été de même de la contribution du RNE. Après la Deuxième Guerre mondiale, le revenu réel découlant des gains d'échange a atteint de nouveaux sommets, tandis que l'effet du flux de revenus de placements est demeuré essentiellement constant. Après 2000, les hausses du revenu réel attribuable aux gains d'échange ont été accompagnées d'accroissements du flux de revenus de placements à mesure que les Canadiens ont investi davantage à l'étranger. Toutefois, tout au long de la période, la majorité de l'augmentation du revenu réel est venue des gains d'échange et non des variations du flux de revenu net de l'extérieur.

8   Effets à long terme des variations des gains d'échange

8.1  Gains cumulés dans l'écart entre la croissance du revenu national brut réel et celle du produit intérieur brut réel

L'effet net des variations des termes de l'échange, du taux de change réel et de la balance commerciale brute est résumé par les gains d'échange globaux, c'est-à-dire l'écart entre les mesures du revenu réel et du produit réel.

L'effet cumulé des gains d'échange peut être observé en mesurant l'accroissement cumulé du revenu national brut (RNB) relativement au produit intérieur brut (PIB) entre chaque décennie (graphique 18). La courbe des gains lissés est présentée au graphique 19. L'effet des gains cumulés au cours d'un siècle et demi a été positif.

De 1870 à 1914, l'écart a augmenté régulièrement. Les gains d'échange cumulés ont augmenté fortement durant la Première Guerre mondiale, poursuivant la tendance à la hausse de la période antérieure. Bien que certains de ces gains aient été renversés au début de la période d'après-guerre, une bonne part d'entre eux a été recouvrée grâce à la poussée de croissance observée à la fin des années 1920. La récession du début des années 1930 a déclenché un revers à court terme qui n'a effacé que partiellement ces gains, et la tendance de croissance à la hausse s'est rétablie à la fin des années 1930. Des gains ont de nouveau été réalisés durant la Deuxième Guerre mondiale et se sont poursuivis pendant la période initiale d'après-guerre, puis ont affiché une nouvelle croissance durant la guerre de Corée.

Ensuite, quelques gains ont été enregistrés dans les années subséquentes jusqu'à ce qu'ait lieu la hausse des prix de l'énergie au cours des années 1970. Ces hausses ont été annulées au cours de la longue période de diminution des prix de l'énergie et des ressources qui s'est amorcée au début des années 1980. Le mouvement à la hausse suivant s'est produit après 2000, quand le boom mondial des ressources naturelles a fait croître les prix de l'énergie et des produits métalliques.

Les gains effectués en 1900 ont produit une croissance cumulée du RNB réel de 2.2 % par rapport à celle du PIB. L'écart s'est maintenu à un peu plus de 6 % en moyenne au cours des années 1920 et 1930. À la fin des années 1950, il avait augmenté pour atteindre 12 % et en 2010 il se chiffrait à 18 %. Les gains d'échange ont eu un effet cumulé important au cours de l'ensemble de la période.

8.2  Taux de croissance décennaux du produit intérieur brut, du revenu intérieur brut et du revenu national brut par habitant

Depuis 1870, les gains d'échange ont augmenté en plus de la croissance importante du PIB. De façon similaire, le bien-être s'est accru au-delà de ce que permettrait à elle seule la croissance de la production. La croissance annuelle du revenu intérieur brut (RIB) par habitant a généralement été plus forte que celle du PIB par habitant, quoique l'écart a varié au fil du temps. La croissance annuelle moyenne du PIB réel par habitant sur l'ensemble de la période a été de 1,87 %; la croissance annuelle du RNB réel par habitant a été de 1,99 %. Les gains de 0,12 point de pourcentage par année se sont accumulés au cours de la période étudiée ici en un gain cumulé d'environ 18 %.

Les taux annuels cumulés de croissance du PIB par habitant, des gains d'échange par habitant, et du RIB et du RNB par habitant pour chacune des décennies depuis 1870 sont présentés au tableau 2 et au graphique 20.

La première période, de 1870 à 1890, a souvent été considérée comme décevante en ce sens que les taux de croissance moyens du PIB étaient inférieurs à ceux de 1890 à 1910, période durant laquelle le secteur du blé de l'Ouest a connu un essor rapide. Le PIB par habitant a augmenté cumulativement de 33 % au cours de la première période, mais de 68 % au cours de la seconde. Malgré les différences de croissance du PIB durant les deux périodes, les gains d'échange ont été positifs et ont eu l'effet d'accroître le gain cumulé de RIB par habitant de 7 points de pourcentage et de 4 points de pourcentage supplémentaires durant chaque période, c'est-à-dire un gain important comparativement à l'augmentation de la capacité de production donnée par la mesure du PIB par habitant.

Les mesures du RNB par habitant sont légèrement inférieures à celles du RIB au cours de la période qui a précédé 1890 et à peu près les mêmes de 1890 à 1920.

La deuxième décennie du 20e siècle a connu un ralentissement de la croissance globale du PIB par habitant qui a été de seulement -0,38 % par année, mais la contribution des gains d'échange était de 0,52 % par année, ce qui a causé la croissance positive du RIB par habitant plutôt que celle négative. La plupart des gains d'absorption durant cette décennie découlent des gains d'échange plutôt que des capacités de production. La même tendance réapparaît dans les années 1930, durant lesquelles la croissance du PIB a été négative, mais les gains d'échange ont produit une croissance positive du RNB par habitant. Au cours de ces deux périodes, la croissance du RNB réel par habitant a été légèrement plus élevée que celle du RIB réel par habitant.

Au cours des années 1920, la croissance du PIB a été positive et les gains d'échange ont été plus faibles, mais ces résultats doivent être examinés dans le contexte des gains rapides enregistrés au cours de la période précédente. En ce sens, malgré la baisse importante des gains d'échange au début de la période et des augmentations survenues plus tard, les années 1920 ont représenté essentiellement une consolidation des augmentations antérieures. Les gains d'échange canadiens présentent des effets d'hystérésis. On note des signes de hausse inexorable accompagnant chaque ensemble de gains et menant ainsi à des niveaux permanents plus élevés de revenu réel.

Durant la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale, une nouvelle tendance s'est dégagée : les gains décennaux ont été suivis de pertes décennales. Immédiatement après la guerre, au cours des années 1950, les gains d'échange ont produit un taux de croissance positif du RIB par habitant légèrement supérieur à celui de la croissance du PIB par habitant; est venue ensuite, dans les années 1960, une faible perte de gains d'échange qui, cumulativement, a produit un gain net sur les deux décennies. La hausse inexorable vers le niveau plus élevé suivant a été le résultat d'une forte augmentation au cours des années 1970, alors que les prix relatifs du pétrole et des ressources naturelles ont augmenté. Durant cette période, la croissance du RNB réel par habitant a été légèrement supérieure à celle du RIB réel.

Un long hiatus dans les années 1980 et 1990 est ensuite survenu, pendant lequel les gains d'échange ont diminué principalement à la suite d'une chute des prix relatifs des ressources naturelles. Les baisses successives des gains d'échange durant les années 1980 et les années 1990 étaient inhabituelles dans le contexte historique (graphique 20). Il s'agit également de décennies durant lesquelles l'augmentation d'après-guerre de la croissance globale de la production et de la productivité s'est fortement ralentie (Baldwin et Gu, 2007). Trois des quatre décennies au cours desquelles les gains d'échange ont eu une contribution négative se situent après la Deuxième Guerre mondiale; l'autre est celle des années 1940.

Après 2000, d'importants gains d'échange positifs ont fait évoluer l'indice global une fois de plus vers un nouveau sommet. Et les renversements des mouvements de capitaux internationaux découlant des accroissements récents des investissements canadiens directs à l'étranger ont donné lieu à une croissance du RNB réel légèrement supérieure à celle du RIB réel. Durant cette période, les gains d'échange ont été à l'origine d'environ la moitié de la croissance globale des mesures du revenu réel.

En résumé, la croissance du revenu réel a généralement été plus importante que celle du produit réel au cours de la période après la Confédération. Et cette différence est en grande partie attribuable aux gains d'échange du côté des biens et services de la balance des paiements. Les flux de revenus issus des comptes d'intérêts et de dividendes ont eu une incidence nettement moindre sur la croissance du revenu réel.

9   Conclusion

Le présent document traite de la question de savoir comment les tendances à long terme associées à la dépendance à l'égard des ressources naturelles ont été affecté l'économie canadienne. Trouver des moyens de mesurer directement le lien entre l'importance qu'une économie accorde aux ressources naturelles et le bien-être économique global s'est avéré un défi dans la plupart des discussions concernant les avantages des économies axées sur les ressources. Le présent document met l'accent sur l'un des aspects de ce débat, c'est-à-dire la façon dont les termes de l'échange entre les exportations du Canada, qui au cours de la période étudiée ont consisté principalement en ressources naturelles ou en produits de transformation des ressources et ses importations ont eu une incidence sur le revenu canadien réel.

L'étude porte sur l'évolution à long terme des termes de l'échange qui a découlé de la dépendance du Canada à l'égard des exportations de ressources et de son effet sur la production globale. Elle comprend l'examen des données sur les fluctuations des termes de l'échange et la façon dont celles-ci ont été reliées aux variations du revenu réel. Pour commencer, le document examine l'évolution de la gamme de ressources au cours de vagues successives de développement et celle des prix des produits individuels qui constituent les termes de l'échange. Depuis 1870, une série de ressources a alimenté le développement économique — des produits agricoles et d'origine animale, des produits forestiers (billes, gros bois d'oeuvre, petit bois d'oeuvre, pâte de bois et papier), des métaux non ferreux (zinc, cuivre, plomb, nickel, or) ainsi que des minerais de fer, de l'uranium et des diamants, de l'électricité, puis du pétrole et du gaz naturel. Bien que ces développements considérés dans leur ensemble témoignent de l'importance de l'économie des ressources naturelles au Canada, la foule de détails contenus dans les données historiques rend difficile l'évaluation de leur importance globale en ce qui a trait à la question étudiée, c'est-à-dire la mesure dans laquelle la concentration sur les ressources naturelles a contribué au bien-être des Canadiens.

Le présent document va au-delà de la richesse des renseignements historiques pour produire une statistique sommaire obtenue par agrégation des séries individuelles en vue d'évaluer l'effet global des variations des gains d'échange et, en particulier, des termes de l'échange sur le bien-être. L'étude s'appuie pour ce faire sur des mesures standard tirées des SCN et cherche à déterminer comment les améliorations des termes de l'échange ont touché les gains d'échange et fait croître le revenu national réel. Alors que la mesure adoptée ici avait été utilisée pour examiner les avantages des variations des termes de l'échange au cours de la période d'après 2000 (Macdonald, 2010), elle n'avait pas été appliquée pour offrir une perspective historique plus longue.

Par conséquent, le document s'appuie sur une statistique sommaire qui mesure directement l'amélioration du bien-être économique résultant des hausses des prix relatifs des exportations, à savoir le revenu national brut réel. Il s'agit d'une mesure du produit réel qui peut être absorbé (consommé et investi) par opposition au produit intérieur brut (PIB) réel, qui est une mesure de la production du produit réel. Cette mesure dépend des variations du produit intérieur brut et de celles de l'échange et, par conséquent, nous permet de saisir comment le bien-être des Canadiens a été touché par les exportations du Canada, principalement celles des ressources naturelles. Toutes choses étant égales par ailleurs, le revenu national brut (RNB) s'accroît plus rapidement que le produit intérieur brut quand les prix des exportations augmentent relativement à ceux des importations — puisque cela permet que les exportations, qui font partie de la production intérieure, soient échangées pour une plus grande quantité d'importations, qui font partie de l'absorption intérieure.

L'approche consistant à se concentrer sur les augmentations du revenu réel adoptée ici a plusieurs avantages. Premièrement, elle fournit une mesure directe d'un concept de volume qui est pertinent en regard de la question étudiée, et ce, de façon plus complète que ne le fait un simple examen des termes de l'échange. Ces derniers ne sont qu'un rapport de prix et ne reflètent pas les quantités. Les différences entre le revenu réel et le produit intérieur brut réel émanent d'un terme qui tient compte non seulement des termes de l'échange mais aussi de la taille des échanges.

Néanmoins, la mesure sommaire utilisée ici présente certains inconvénients. En tant que mesure sommaire, elle ne fournit pas le genre de détails qui doivent accompagner l'historique des événements. Si l'on veut comprendre les composantes sous-jacentes, on a besoin de détails sur l'évolution de la croissance des produits individuels et de leur prix relatif. L'esquisse des divers développements qui accompagnent l'approche macroéconomique adoptée dans le présent document fournit un contexte historique et corroboratif.

Cependant, fait peut-être encore plus important, il faut reconnaître que la mesure sommaire des variations de la quantité de revenu réel souffre de problèmes qui touchent tous les indices destinés à mesurer la croissance à long terme. Ceux-ci sont calculés en appliquant la théorie des indices pour produire des indices agrégés pour divers produits. Les pondérations utilisées pour agréger ces produits sont choisies de manière à permettre les comparaisons au fil du temps. Dans certains cas, les comparaisons entre des points terminaux qui sont très éloignés dans le temps ne sont pas très significatives. Le cas échéant, les comparaisons utilisant ces séries sur de nombreuses décennies causent plus de difficultés — quoique le problème s'applique aussi bien à la mesure du PIB qu'à celle du RNB.

Un élément tout aussi important dans l'évaluation des comparaisons à long terme, telles que celles présentées ici, est que les systèmes statistiques ont évolué au fil du temps. La qualité des données pour la période antérieure à 1925, la période de 1926 à 1961 et la période postérieure à 1961 est différente.

Néanmoins, le tableau de la croissance supplémentaire que les mouvements des prix internationaux ont généré en ce qui concerne les mesures du revenu réel du Canada est impressionnant. De 1870 à 2010, la croissance cumulée du volume du revenu national a été supérieure de quelque 18 % au produit intérieur brut, qui est la mesure de production couramment utilisée. La courbe de l'écart entre le RNB réel et le PIB réel présente une longue période initiale de 50 années de croissance positive. Celle-ci est suivie de poussées de croissance associées aux deux guerres mondiales qui ont été partiellement, mais pas entièrement, annulées par des revers subséquents. Plus récemment, les booms du pétrole et des ressources naturelles des années 1970 et de la période après 2000 ont porté l'écart entre le revenu réel et le produit intérieur brut réel à des niveaux encore plus élevés. Selon certains, l'économie axée sur les ressources naturelles est un phénomène d'accroissement et d'éclatement et de fortes hausses sont suivies par des renversements de situation. Cependant, les gains n'ont pas été annulés entièrement et, en fin de compte, on constate une croissance à long terme du revenu réel et une contribution à long terme positive et significative des gains d'échange.

Cette constatation est importante pour plusieurs raisons. Tout d'abord, elle montre que la concentration sur les ressources naturelles ne condamne pas nécessairement une économie à un déclin de ses termes de l'échange à long terme. Ensuite, elle révèle le taux de croissance auquel on peut s'attendre d'une économie axée sur les ressources prospères. Emery et Boyce (2011) ont élaboré un modèle d'équilibre général dynamique pour la production de ressources qui montrent que, pour que celles-ci produisent une croissance continue du revenu, l'économie doit bénéficier d'une croissance continue des termes de l'échange. À long terme, le revenu par habitant de l'économie converge vers le niveau de revenu associé à une économie non axée sur les ressources — à moins que les termes de l'échange augmentent.

10   Annexe

10.1  Agrégats des comptes nationaux à long terme

Les données historiques provenant des Comptes nationaux des revenus et dépenses produits par Statistique Canada couvrant la période de 1926 à 1986 fournissent une période chevauchante qui peut être utilisée pour évaluer la comparabilité des données historiques et des données modernes. Aucune période de chevauchement n'existe pour le lien entre les travaux d'Urquhart et les publications modernes de Statistique Canada. Toutes les données sont mesurées en conformité au produit intérieur brut (PIB), ce qui signifie que les mesures des exportations et des importations englobent les estimations des services en plus des opérations d'échange de marchandises discutées dans l'annexe traitant des données sur les échanges, ainsi que les ajustements de la balance des paiements pour tenir compte du fret intérieur et de l'assurance.

L'utilisation de ces trois publications nous oblige à supposer que les données sont comparables d'une source à l'autre quand des différences méthodologiques existent. Les différences sont plus prononcées pour les indices de prix et de volume que pour les estimations nominales, mais des différences surviennent entre les concepts qui sous-tendent la mesure du PIB dans les diverses publications. Ces différences surviennent à mesure que des révisions sont apportées au Système de comptabilité nationale qui est le manuel employé à l'échelon international pour calculer le PIB.

Une autre difficulté se pose lorsqu'on calcule le revenu intérieur brut (RIB) réel et le revenu national brut (RNB) réel, parce qu'ils sont déflatés en utilisant un déflateur de la dépense intérieure finale (DIF) qui ne peut être calculé en se basant sur les sources de données pour les estimations historiques, et qui n'a pas été publié systématiquement dans les comptes historiques. Le déflateur de la DIF est par conséquent inféré en se basant sur la connaissance de la méthode de construction d'un indice des prix du PIB basé sur les dépenses. En particulier, une version de Törnqvist de l'indice des prix du PIB basé sur les dépenses peut s'écrire sous la forme : 

Formule (3)

Partant de cette agrégation, il est possible d'inférer la trajectoire du déflateur de la DIF en tenant compte des effets des importations et des exportations : 

Formule (4)

Cette manipulation pour produire une estimation de la DIF repose sur l'hypothèse que l'on a employé les indices des prix du PIB, des exportations et des importations qui conviennent.

10.1.1  Estimations nominales

Les estimations nominales du PIB, des exportations, des importations et du revenu net de l'extérieur ne sont pas directement reliées en séries chronologiques pour les besoins du présent document. Elles sont plutôt employées comme pondérations et comme rajustements dans les calculs de l'indice et du revenu réel. Les moyennes de la part des exportations et de celle des importations dans le PIB et de la part des exportations nettes dans le PIB sont présentées aux graphiques 21 et 22.

Pour les trois sources de données, les ratios ne laissent pas entendre que les différences de mesure au fil du temps donnent lieu à des incohérences en ce qui concerne la part du PIB reliée aux variables d'échange. Pour la période de 1961 à 1986, pour laquelle cette série de données de Statistique Canada en chevauche une autre, les estimations sont presque identiques. Les estimations des ratios en 1926 introduites par Urquhart et celles fondées sur les données de Statistique Canada sont ne présentent pas de différence.

Les estimations du revenu net de l'extérieur sont utilisées pour accroître ou réduire le PIB de manière à passer au RNB. Les trois sources de données produisent des estimations du revenu net de l'extérieur qui semblent cohérentes exprimées en part du PIB et qui, en fait, sont cohérentes en ce qui concerne les niveaux aux points de jonction.

10.1.2  Indices des prix et des volumes

Le raccordement des indices des prix et des volumes pose plus de difficultés que celui des séries nominales. Les sources de données historiques s'appuyaient sur des indices à année de base fixe, tandis que les séries modernes sont des indices en chaîne de Fisher. Les indices à année de base fixe produits pour les estimations historiques ont la réputation d'être des indices moins qu'idéaux, parce que la structure des prix dans l'économie évolue au fil du temps et que ces indices ne reflètent pas ce fait. Néanmoins, pour produire un indice à long terme du PIB réel, on doit lier des termes de l'échange, du taux de change réel ou du revenu réel ainsi que des sources de données historiques et modernes, parce qu'il n'a pas été possible de réagréger les données de sources historiques afin qu'elles concordent avec les méthodes modernes. Dans de nombreux cas, les données d'origine utilisées pour créer les agrégats historiques ont été perdues parce que les chercheurs sont décédés ou que les fichiers de données ont été supprimés ou détruits. Il en résulte que les données historiques détaillées pour produire des indices-chaîne modernes n'existent plus.

Même s'il est possible d'utiliser les sources de données modernes pour reproduire les techniques d'agrégation historique au lieu d'employer les données modernes, cela n'a pas été fait dans le présent document pour plusieurs raisons. Premièrement, les données modernes sont utilisées à grande échelle à de nombreuses fins. En utilisant les données modernes, les résultats du présent document pour la période allant de 1961 à 2009 sont directement comparables à ceux d'études sur la croissance économique du Canada diffusées antérieurement. Deuxièmement, en utilisant les données modernes, les résultats du présent document peuvent être recréés par les parties intéressées à un coût minime. Il n'est pas nécessaire d'avoir accès aux tableaux d'entrées-sorties confidentiels de Statistique Canada. Troisièmement, les estimations en chaîne de Fisher sont les indices les plus exacts que produisse Statistique Canada. Si l'on passait à une méthode employée dans le passé, on créerait des erreurs de mesure dans la période après 1960. Cette période englobe la révolution informatique et les importantes variations connexes des prix relatifs. La pénalité causé par le fait de ne pas ajuster les structures de prix durant cette période serait trop importante si l'on employait un indice à année de base fixe. Les résultats sont des indices des prix et des volumes fondés sur divers types d'indices raccordés au fil du temps.

Pour chaque série sur les prix et les volumes employée dans le présent document, les calculs sont effectués séparément en se basant sur les données contenues dans Urquhart (1993), Comptes nationaux des revenus et des dépenses de Statistique Canada : estimations annuelles, 1926-1986 et la série chronologique moderne. Chaque source de données et les manipulations dont elle fait l'objet sont examinées séparément.

10.1.2.1 Estimations de 1993 produites par Urquhart

Les estimations d'Urquhart sont basées sur les sources de données les plus pauvres et, à bien des égards, ont présenté le plus grand défi de construction. Après avoir compilé les estimations du PIB nominal et du RNB nominal, Urquhart a choisi d'utiliser des déflateurs basés uniquement sur le coût de la vie et la formation brute de capital fixe pour produire des estimations de volume réel. À la page 6 de son document, il déclare : 

  1. [Traduction] Les valeurs en dollars courants ont été déflatées à un niveau assez agrégé pour obtenir des estimations en dollars constants. L'indice du coût de la vie, utilisé pour déflater toutes les dépenses nationales, sauf la formation brute de capital fixe, était en partie un produit de ce projet [les estimations du PNB pour 1870 à 1926]. Les éléments de la formation de capital ont été déflatés à un niveau plus désagrégé par des indices élaborés par Statistique Canada.

Urquhart a fondé son déflateur agrégé sur les prix de consommation et d'investissement et a exclu l'information sur les prix des exportations et des importations. Par conséquent, ses séries déflatées ne sont pas des séries sur la production, mais des séries sur l'absorption intérieure qui concordent avec ce que l'on appelle maintenant le RIB réel et le RNB réel. La série pour le PIB réel donnée dans Urquhart ne concorde pas avec les estimations du PIB réel qui figurent dans les publications ultérieures, parce que les termes de l'échange y sont traités comme une variation de volume plutôt qu'une variation de prix.

Urquhart fournit une estimation du déflateur de la DIF pour la période allant de 1870 à 1926. Nous combinons l'estimation de l'indice des prix de la DIF d'Urquhart avec les indices des prix des exportations et des importations produits par Michel et Taylor (1931) en se servant des valeurs nominales publiées par Urquhart pour produire un déflateur du PIB. Un indice de Törnqvist est utilisé pour agréger les indices de la DIF, des exportations et des importations en un déflateur agrégé du PIB en utilisant l'équation 3.

10.1.2.2 Comptes nationaux des revenus et dépenses de Statistique Canada : estimations annuelles, 1926 à 1986

La publication Comptes nationaux des revenus et dépenses : estimations annuelles, 1926-1986 fournit un ensemble d'estimations des comptes nationaux équilibrés pour le PIB et le revenu net de l'extérieur. Les estimations nominales sont déflatées en se servant d'indices des prix mis à jour périodiquement afin de réduire le biais causé par les variations relatives des prix. Le déflateur est constitué de six indices raccordés et est fixé à l'année de base 1981. Les six indices utilisent comme bases 1935 à 1939, 1949, 1957, 1961, 1971 et 1981 pour déflater les dépenses nominales pour les périodes de 1926 à 1947, 1947 à 1956, 1956 à 1961, 1961 à 1971, 1971 à 1981 et 1981 à 1986, respectivement.

La mise à jour produit des indices de plus haute qualité que ceux produits pour les travaux d'Urquhart qui a dû faire face à des contraintes importantes en matière de données qui dépassent de loin celles auxquelles est confronté Statistique Canada. Bien qu'il ait essayé de produire des indices des prix s'approchant autant que possible des structures de prix des agrégats déflatés, les écarts entre les périodes de changement de base introduiront un certain biais dans les indices, particulièrement si des changements de prix relatifs ont lieu.

Des estimations des indices des valeurs et des prix tirées des estimations annuelles ont été utilisées pour produire une estimation du déflateur de la DIF pour la présente étude en se servant de l'équation 4.

10.1.2.3 Estimations modernes des comptes nationaux de Statistique Canada

Les méthodes appliquées à l'heure actuelle par Statistique Canada produisent un ensemble équilibré de données sur le PIB et le revenu net ainsi que des indices des prix fondés sur une méthode enchaînée de Fisher qui représente un écart manifeste par rapport aux méthodes historiques. Les données modernes sont employées puisqu'il s'agit de données à grande diffusion, et le déflateur de la DIF est inféré d'après les indices agrégés basés sur l'équation 4.

10.1.2.4 Procédures de raccordement et analyse

Les séries de prix et de volumes requises sont ensuite raccordées en prenant 1926 comme année de base (1926=100). L'année 1926 a été choisie parce que les estimations d'Urquhart et les Comptes nationaux des revenus et dépenses : estimations annuelles, 1926-1986 de Statistique Canada se chevauchent cette année-là. Les indices-chaîne modernes de Fisher sont fixés de manière à ce qu'ils soient égaux à la valeur provenant des estimations annuelles pour 1961. Les résultats pour le PIB réel, le RIB réel, le RNB réel, les termes de l'échange, le taux de change réel et la contribution du revenu net de l'extérieur au RNB réel sont présentés aux graphiques 23 à 28.

Le lien entre les données d'Urquhart pour la période de 1870 à 1926 et les estimations annuelles de Statistique Canada n'offre aucun chevauchement, de sorte qu'il faut supposer que les données sont en accord. Le lien entre les estimations annuelles de Statistique Canada et la série de données modernes comportent une période de chevauchement de 26 années. Durant cette période, il existe une divergence entre l'indice historique fondé sur une année de base fixe et l'indice-chaîne moderne de Fisher. Une divergence est attendue parce que l'on sait a priori que, même si l'indice historique à année de base fixe est mis à jour périodiquement, il sera biaisé par rapport à l'indice idéal de Fisher. Les périodes de chevauchement révèlent un schéma de divergence qui, dans ce cas-ci, se manifestent sous forme d'une augmentation plus rapide de la mesure du revenu réel quand on se sert des données historiques que si l'on emploie l'indice de Fisher.

Le résultat inattendu est que la divergence est alimentée par des événements survenus au cours des années 1970 et que les taux de croissance entre les sources de données historiques et modernes se ressemblent davantage au cours des années 1960 qu'après 1980 (tableau 3).

Ce schéma pourrait ne pas s'appliquer pour deux raisons. Tout d'abord, l'indice fondé sur des années de base fixes mises à jour périodiquement ne s'ajuste pas aux variations des prix relatifs, de sorte que l'effet des chocs pétroliers de 1973 et de 1979 et de l'effondrement des prix du pétrole de 1986 pourrait donner lieu à des divergences inhabituelles entre les indices basés sur la dynamique à court terme introduite par les fluctuations rapides des prix de l'énergie. Par la suite, la révision de 1997 du Système de comptabilité nationale a touché les données de plusieurs façons, en éliminant les ruptures dans les séries chronologiques, en changeant les méthodes d'agrégation des indices et en ajustant les concepts. Les révisions ont été importantes et ont entraîné un changement qui a éliminé la récession de 1975 dans les estimations du PIB réel fondées sur les dépenses. Les données employées par Bodman et Crosby (2000) et par Cross (1996) dans leurs études du cycle économique du Canada comportent une récession supplémentaire en 1975 qui n'est pas reflétée dans la base de données ultérieure employée par Demers et Macdonald (2006) dans leur étude subséquente. Cette révision signifie que les séries de données historiques et modernes seraient fondées sur des données d'origine incompatibles et sembleraient avoir touché fortement les années 1970. La révision pourrait expliquer pourquoi les données pour les années 1970 présentent des écarts plus importants par rapport aux données historiques.

Indépendamment de la raison pour laquelle les différences ont lieu, les séries historiques et modernes sont fondées sur des méthodologies différentes et ne sont pas exactement comparables. Les comparaisons entre les mesures du revenu réel contiennent toutefois la même forme de biais en raison des méthodes historiques dans chaque série d'estimation de données. Par conséquent, le genre de comparaison entre les mesures du revenu employées dans l'étude peut quand même fournir des éclaircissements valables sur le processus de croissance, les termes de l'échange et le rôle des ressources. À aucun moment un indice de Fisher pour une mesure du revenu réel n'est comparé à un indice à année de base fixe pour une autre mesure. Toutefois, la situation dans laquelle un problème pourrait se poser est celle des estimations du taux de croissance annuel composé à long terme. Cependant, toutes les mesures du revenu réel seront touchées par le biais dans le même sens, et il est par conséquent peu probable que cette source d'erreur de mesure nullifie les résultats fondés sur les différences entre les mesures du revenu réel.

Bien que l'ensemble de données que nous avons construit soit imparfait, la question est celle de savoir si l'erreur de mesure qu'il contient crée suffisamment de problèmes pour que les données soient inutilisables pour le but poursuivi. Les données raccordées pourraient certainement être employées dans un contexte de régression parce que les techniques des variables instrumentales permettent d'aborder le problème de l'erreur de mesure. La question de savoir si les données peuvent être employées pour examiner le processus de croissance en se basant sur des taux de croissance calculés d'après des indices dépendra de la mesure dans laquelle les utilisateurs jugent acceptables les procédures de raccordement que nous avons employées.

Maddison (2003) a créé plusieurs séries chronologiques à long terme qui ont été utilisées à grande échelle pour analyser les agrégats des comptes nationaux. Ces ensembles de données sont publiés par l'Organisation de commerce et de développement économiques (OCDE) et contiennent des estimations du PIB réel par habitant corrigées pour tenir compte des parités des pouvoir d'achat (PPA) en dollars de 1990. L'ensemble de données de Maddison a été utilisé pour examiner la convergence entre une grande gamme de pays en ce qui concerne tant les taux de croissance que les niveaux corrigés pour tenir compte des PPA. Cet ensemble de données contient une estimation du PIB réel par habitant pour le Canada de 1870 à 2008. Une comparaison entre notre indice du PIB réel par habitant et le niveau corrigé pour tenir compte des PPA du PIB réel par habitant réel estimé par Maddison ne révèle aucune différence (graphique 29). De 1870 à 2008, le taux de croissance annuel composé calculé d'après les estimations de la croissance du PIB réel de Maddison pour le Canada est de 1,98 %, tandis que le taux de croissance annuel composé calculé d'après notre méthode de raccordement des indices est de 1,87 %. Si nous traitions les estimations produites par Urquhart comme des estimations du PIB réel plutôt que comme des estimations du RIB réel, nous obtiendrions un taux de croissance annuel composé de 1,99 %, c'est-à-dire presque identique à l'estimation de Maddison. Les profils des données au cours des récessions, des guerres, des périodes de prospérité et des périodes de déclin sont presque identiques. Brièvement, la méthodologie employée par Maddison et la nôtre produisent des résultats convergents.

Nous estimons que notre méthode de raccordement produit des estimations à long terme du revenu réel et que leurs composantes examinées dans la présente documentation sont de qualité suffisante pour faire des inférences sur la façon dont les termes de l'échange ont influencé la courbe de croissance du revenu réel au Canada et pour démontrer son ordre de grandeur. Bien que nous ne pensions pas pouvoir produire des données exactes comportant plusieurs décimales (parce qu'il y aura nécessairement un certain biais dans notre ensemble de données en raison de l'incapacité de réagréger les données historiques afin qu'elles concordent avec les normes modernes), nous sommes convaincus que notre ensemble de données est suffisamment exact pour donner une idée de la grandeur de la contribution des variations des prix relatifs et du revenu net de l'extérieur à la croissance du revenu réel du Canada. À cet égard, nous sommes capables de tenir compte presque entièrement des caractéristiques des flux pris en considération dans le compte courant et nous pouvons par conséquent offrir une interprétation plus détaillée et plus riche de la façon dont le rôle du Canada en tant que pays commerçant et son importante base de ressources ont influencé la croissance du revenu réel et la différence entre ce concept et la croissance du PIB réel. Il ne semble exister à l'heure actuelle aucun autre type de méthodologie que nous avons employé, et nous avons produit des résultats qui concordent avec ceux des travaux de Maddison. En dernière analyse, puisqu'il n'existe que des moyens limités d'évaluer les biais dans les indices historiques parce qu'il n'y a pas de chevauchement avec les systèmes de collecte de données courants, on est forcé d'émettre un jugement de valeur. Soit les données historiques peuvent être employées pour produire des données à long terme qui permettent de comprendre la croissance économique du Canada, soit elles ne le peuvent pas et nous ne disposons alors d'aucun moyen de construire une description continue de la croissance du revenu réel de notre pays.

10.2  Données sur les importations et les exportations

L'objectif de la présente étude est d'étudier le rôle des ressources naturelles, des prix relatifs et des flux de revenu internationaux dans la croissance du revenu réel du Canada. Pour faciliter la réalisation de cet objectif, il est nécessaire de produire des séries chronologiques à long terme. Pour cela, on doit se servir des agrégations historiques aussi longtemps que les données historiques demeurent sur support papier. Si l'on ne numérise pas les données historiques sur les volumes d'échange, opération dont le coût est prohibitif, les agrégats historiques doivent être utilisés tels quels, parce qu'il n'est pas possible de réagréger les données historiques afin qu'elles concordent avec les systèmes de classification moderne.

Toutefois, il est possible de réagréger les séries de données modernes de manière à ce qu'elles concordent avec les données historiques. Cette réagrégation peut être effectuée de deux façons. La première, qui n'a pas été utilisée dans le présent document, consiste à se servir de fichiers de microdonnées confidentielles et de procéder à la réagrégation en se basant sur les microdonnées.

La deuxième consiste à prendre la série de données modernes telle qu'elle est publiée et à l'agréger conformément à la classification historique. Cette dernière est fondée sur huit groupes de produits, ce qui rend la conversion possible moyennant un certain effort. La deuxième méthode permet de produire des résultats qui concordent avec les estimations historiques produites par le Dominion Bureau of Statistics (DBS). En outre, la deuxième approche offre l'avantage supplémentaire, puisqu'elle est fondée sur des données publiées, de pouvoir diffuser les résultats, la méthodologie et les sources de données aux chercheurs et aux parties intéressées. De surcroît, l'utilisation de données à grande diffusion signifie que, si cela est souhaité, une version mise à jour du présent document peut être produite par des personnes en dehors de Statistique Canada sans devoir recourir à des données confidentielles. La deuxième méthode a été jugée plus utile pour les chercheurs et les autres utilisateurs, car elle permet de leur fournir une source de données beaucoup plus riche qu'une agrégation fondée sur des fichiers de microdonnées, entre autres, parce qu'ils ont la possibilité d'examiner eux-mêmes les diverses agrégations.

10.2.1  Sources de données à long terme

Les séries de données à long terme sont fondées sur Michel et Taylor (1931) pour la période de 1870 à 1890, Trade of Canada 1939 pour la période de 1891 à 1926 et Trade of Canada Volume 1 de 1940, 1945, 1950, 1955, 1959-1960 et 1962 pour la période allant de 1926 à 1962. Les données provenant des publications pour les groupes sommaires à l'exportation (SEG) (tableau CANSIM numéro 226-0001) et des publications pour les groupes sommaires à l'importation (SIG) (tableaux CANSIM numéros 226-0009 et 226-0002) sont utilisées pour la période allant de 1963 à 1985. Dans des cas particuliers décrits plus bas, des données supplémentaires provenant des tableaux SEG et SIG sont employées pour les années postérieures à 1985, ainsi que des données provenant de la base de données Strategis tenue à jour par Industrie Canada. La majorité des données utilisées après 1985 proviennent des diffusions de données sur les importations et les exportations de marchandises de Statistique Canada (tableau CANSIM numéro 228-0003).

Pour les années antérieures à 1963, les données n'existent pas en format électronique. Le DBS et Taylor ont utilisé les agrégats suivants : produits agricoles et d'origine animale; fibres et textiles, produits du bois et papier; fer, acier et leurs produits; métaux non ferreux et leurs produits; minéraux non métalliques et leurs produits; produits chimiques et engrais; produits divers. Les agrégats qui sont diffusés dans les publications officielles et dans Taylor demeurent stables pour la période allant de 1879 à 1960. Les données pour la période de 1870 à 1960 provenant des agrégats publiés ont été numérisées.

Aucune donnée électronique n'existe pour 1961 et 1962, et le DBS n'a pas publié les valeurs totales pour ces années. À la place, on a utilisé des indices fondés sur les valeurs nominales publiés par le DBS pour 1960, 1961 et 1962 dans le numéro de décembre 1962 de la publication Trade in Canada. Les valeurs d'indice publiées représentent les taux de croissance de 1960 et 1961 et de 1961 et 1962. Elles sont utilisées pour produire les estimations des niveaux pour 1961 et 1962 par interpolation des niveaux de 1960.

Après 1963, un nouveau système de classification des produits qui différaient considérablement de la classification précédente a été utilisé. Une rupture a eu lieu dans les données à ce point. En se servant des données sur les SEG et les SIG, des données sur le commerce de marchandises et de celles de la base de données Strategis, il est possible de réagréger les séries de données modernes en séries qui correspondent de près aux agrégations historiques.

Pour les années ultérieures à 1963, la réagrégation pose un problème ayant trait à la granularité des données. Les données sur le commerce de marchandises sont publiées par groupes principaux et sont moins détaillées que les données sur les SEG et les SIG. Par conséquent, les données sur le commerce de marchandises ont servi de point de départ pour les réagrégations. Après qu'elles aient été réagrégées afin qu'elles concordent avec les agrégats des classifications historiques du DBS, les données pour les (SEG) ont été réagrégées afin qu'elles concordent avec les agrégats du DBS et les données sur le commerce de marchandises. Les données supplémentaires provenant de la base de données Strategis ont été utilisées dans les cas où des groupes de produits particuliers avaient été combinés dans la classification par groupes principaux de commerce de marchandises et devaient être décomposés. Le résultat de la réagrégation est une série chronologique continue couvrant la période de 1870 à 2009.

10.2.2  Classifications des produits et concordances

Les classifications historiques des produits utilisés par Taylor et par le DBS comprennent les huit catégories suivantes : produits agricoles et d'origine animale; fibres et textiles, produits du bois et papier; fer, acier et leurs produits; métaux non ferreux et leurs produits; minéraux non métalliques et leurs produits; produits chimiques et engrais; produits divers. Ces catégories sont essentiellement constantes au cours de la période allant de 1870 à 1962.

La concordance entre les données modernes et la classification historique des produits est présentée à la figure 2. Elle est fondée sur les données pour les SEG et les SIG, car le niveau de granularité est suffisant pour déterminer de manière raisonnable quels produits appartiennent aux divers agrégats.

Figure 2 : Concordance entre les produits fondée sur les classifications des produits par groupe sommaire à l'exportation et par groupe sommaire à l'importation

En établissant la concordance, un certain nombre de problèmes doivent être abordés au sujet de produits particuliers. La structure de la production et des exportations a évolué considérablement au cours des 139 années couvertes par l'étude et l'agrégation des données en utilisant un ensemble constant de critères sur la période complète pose un défi. Par exemple, historiquement, le charbon était traité comme une exportation de minéral non métallique. Le charbon était le produit énergétique le plus important échangé au début de la période. Afin de maintenir la composante énergétique des minéraux non métalliques, le gaz naturel et le pétrole brut sont également classés comme des minéraux non métalliques. En outre, historiquement, le caoutchouc provenait d'arbres à caoutchouc, ce qui en faisait un produit agricole. Toutefois, les progrès de la technologie et des procédés ont permis de produire du caoutchouc synthétique à partir de produits pétroliers. Par conséquent, le caoutchouc est passé de la catégorie des produits agricoles au cours de la première partie de la période à la catégorie des produits chimiques durant la deuxième partie de la période.

Le principal inconvénient de l'utilisation des agrégations historiques du DBS est le groupement des produits provenant de diverses étapes du procédé de production en groupes de produits basés sur les proportions de matières importantes. Par exemple, le groupe du fer, de l'acier et de leurs produits englobe le minerai de fer, les lingots d'acier, les machines agricoles et les navires. Les matières premières utilisées en entrée et les produits contenant de grandes quantités de ces matières premières sont regroupés. Cette situation complique l'examen des données. Néanmoins, les connaissances sur les procédés de production et les trajectoires de développement du Canada fournissent suffisamment de renseignements pour faire des inférences raisonnables. Depuis 1870, le Canada a eu tendance à importer une plus grande quantité de produits finis et à exporter des matières premières et semi-finies. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d'importations de produits agricoles ni qu'aucun produit fini ou manufacturé n'est exporté. Les données montrent plutôt que, tout bien pesé, le Canada a eu tendance à payer pour les machines et le matériel ainsi que les produits de consommation qu'il achetait au moyen d'exportations de produits de base. Pour les années postérieures à 1963, les données peuvent être décomposées en catégories plus détaillées, ce qui a été fait au besoin pour les véhicules automobiles et les pièces, les aéronefs et les pièces; l'électricité, ainsi que le matériel de télévision, de communications et leur équipement connexe.

Les données de Taylor, celles du DBS et celles sur les SEG et les SIG sont des données sur les exportations nationales fondées sur les statistiques douanières. Les données sur le commerce de marchandises sont fournies sur la base des statistiques douanières; toutefois, elles englobent les réexportations, ce qui crée une sérieuse distorsion dans les données après 1985. Les données sur les réexportations tirées des données sur les SEG et de l'ensemble de données Strategis fourni par Industrie Canada sont utilisées pour produire une estimation des réexportations pour la période de 1963 à 2009.

La catégorie des produits divers nécessite un commentaire, parce qu'elle est mesurée par la différence entre le total des exportations nationales et la somme de toutes les autres catégories d'exportation (p. ex. les produits agricoles et animaux, les fibres et les textiles, les produits du bois et le papier). La catégorie des produits divers résultante englobe la valeur de toutes les exportations et les importations qui ne sont pas explicitement prises en compte dans la réagrégation des catégories historiques du DBS auxquelles est ajoutée la valeur des transactions spéciales.

La procédure de réagrégation et de raccordement peut produire des résultats étonnamment cohérents au fil du temps. Les valeurs logarithmiques des exportations sont présentées dans les graphiques 30 à 37, tandis que les valeurs logarithmiques des importations sont présentées dans les graphiques 38 à 45. Le déphasage entre les données fondées sur l'exercice (dans les publications antérieures à 1941) et celles fondées sur l'année civile (dans les publications postérieures à 1940) peut être observé là où les données du DBS couvrant la période de 1891 à 1939 chevauchent celles couvrant la période de 1926 à 1960. Comme nous nous intéressons aux parts des exportations représentées par les divers produits, la fusion directe des données basée sur l'année civile et sur l'exercice ne crée pas de problème, car elle a peu d'effet sur les résultats. Lorsqu'il y a chevauchement des séries de données, la simple règle consistant à employer d'abord les données les plus modernes est appliquée. Cependant, une exception est faite quand les données historiques couvrent des périodes qui ne saisissent pas les sources de données plus modernes. En sont un exemple les exportations de textiles et de fibres pour lesquelles les données modernes pour le commerce de marchandises ne sont employées que pour remonter jusqu'à 1990 en raison des limites des données. Les données sur les exportations de vêtements ne sont pas fournies séparément dans les données sur le commerce de marchandises et sont tirées de l'ensemble de données Strategis d'Industrie Canada dont la couverture débute en 1990.

10.2.3  Graphiques des données sur les exportations

10.2.4  Graphiques des données sur les importations

10.3  Termes de l'échange historiques et examen de la qualité des données

Les données de Taylor et Mitchell ainsi que d'Urquhart et Buckley provenant de Historical Statistics of Canada (statistiques historiques) sont utilisées comme sources pour les indices des prix des importations et des exportations de 1870 à 1926. Les indices couvrant la période de 1870 à 1926 sont caractérisés par une tendance à la hausse des termes de l'échange du Canada. Comme il est mentionné à l'annexe, section 10.1, le présent document combine des données provenant de diverses sources afin d'obtenir une longue période pour l'analyse. Les données utilisées pour les périodes les plus anciennes sont construites un peu différemment; en particulier, elles ont tendance à s'appuyer sur des pondérations à année de base fixe pour l'élaboration des indices au lieu des périodes de base mobiles qui prévalent aujourd'hui.

La présente section a pour objectif de déterminer si la grandeur de l'accroissement des termes de l'échange, et la tendance proprement dite, sont très sensibles à la méthode utilisée. Un observateur précédent des tendances des prix des exportations de 1900 à 1913 (Viner, 1924) a constaté que l'importance de la croissance des prix des exportations canadiennes peut dépendre fortement de la période choisie comme base.

Taylor et Mitchell ont utilisé les prix de 1900 dans leur étude, mais ont publié des renseignements détaillés sur les agrégats en plus des indices des prix agrégés des exportations et des importations. Leur ensemble de données couvre la période allant de 1869 à 1915. Une lacune existe de 1915 jusqu'à 1961, quand l'ensemble moderne de tableaux des entrées-sorties a été mis en oeuvre. Dans l'intervalle, les estimations des prix des exportations et des importations ainsi que des termes de l'échange ne peuvent être fondés que sur des agrégats publiés, ce qui empêche à l'heure actuelle d'essayer de modifier les techniques d'agrégation.

Cependant, les données de Taylor et Mitchell donnent l'occasion d'examiner l'effet de l'évolution des techniques d'agrégation pour passer d'une année de base fixe à un indice-chaîne plus moderne pour la période où les augmentations des termes de l'échange ont été particulièrement importantes. Dans Taylor et Mitchell, les indices des prix sont des indices à année de base fixe où 1900 est choisie comme année de base. En guise de méthode pour évaluer la robustesse de leurs estimations à diverses techniques d'agrégation, les données désagrégées de Taylor et Mitchell sont réagrégées en utilisant des indices de Törnqvist. Deux approches sont utilisées. La première élargit le groupe de produits à mesure que la gamme des produits échangés s'étend au fil du temps. La deuxième s'appuie seulement sur les prix disponibles pour la période complète pour les produits identifiables.

Afin de calculer les indices, les données de Taylor et Mitchell sont mises en forme pour faciliter le calcul des indices-chaîne. Pour tous les produits, sauf les importations de véhicules, les données sont employées après le point auquel les lacunes importantes cessent d'exister. Par exemple, Taylor et Mitchell enregistrent des valeurs pour les exportations de cuivre en 1869, 1870 et 1875. La valeur suivante enregistrée est 1889, année après laquelle il n'y a plus de rupture. L'année 1889 est par conséquent choisie comme première année pour laquelle les exportations de cuivre sont incluses dans l'indice de Törnqvist. Des ajustements comparables sont faits pour d'autres produits pour lesquels la série chronologique comporte des lacunes notables au fil du temps. Si un seul point de données manque, la moyenne des valeurs pour les années précédente et suivante est utilisée pour interpoler les données manquantes. Seules les importations de véhicules font exception. Taylor et Mitchell n'ont pas enregistré de valeur des importations de 1879 à 1883. Pour les années manquantes, la valeur des importations est estimée par interpolation linéaire.

La comparaison des indices de Törnqvist pour les termes de l'échange avec les estimations avec année de base fixe de Taylor et Mitchell produit des estimations d'indices-chaîne qui sont approximés par leurs équivalents à base fixe produits par Taylor et Mitchell. Au cours de la période allant de 1869 à 1915, les estimations à année de base fixe de Taylor et Mitchell présentent une croissance au taux annuel de 1,25 % par opposition à 1,18 % pour l'indice de Törnqvist qui élargit le groupe de produits au fil du temps et à 1,12 % pour l'indice de Törnqvist utilisant seulement les produits présents toutes les années. Brièvement, les différences entre les taux de croissance sur la période complète sont mineures.

Dans le présent document, nous utilisons l'indice de Taylor et Mitchell à année de base fixe. Nous avons choisi de ne pas le remplacer par l'indice-chaîne pour deux raisons. Premièrement, notre indice-chaîne est fondé en partie sur des interpolations et sur des agrégats à année de base fixe précalculés. Donc, bien que nous constations un certain ajustement aux fluctuations des prix et des quantités relatifs, nous ne considérons pas l'amélioration comme produisant des résultats suffisamment différents pour justifier sa mise en oeuvre. Deuxièmement, les données produites par Taylor et Mitchell ont été mises à la disposition des chercheurs et utilisées à grande échelle par ceux-ci. Leur utilisation rend notre étude plus comparable aux travaux historiques concernant le Canada. En outre, sans pouvoir commencer comme il convient avec les sources de données pour l'agrégation, il devient risqué de soutenir que la description historique des termes de l'échange doit nécessairement être révisée. Nous adoptons l'approche prudente et employons les séries historiques produites par Taylor et Mitchell.

10.4  Production à long terme des produits de base canadiens

10.4.1  Agriculture

10.4.2  Métaux

10.4.3  Foresterie

10.4.4  Énergie

10.5  Calcul du gain d'échange et du RBN réel

La compréhension de la relation entre les divers concepts de revenu réel sert de guide pour choisir la méthode de déflation des exportations nettes lorsque l'on produit une mesure du revenu réel. En termes nominaux, les exportations nettes font partie du flux de revenus qui est généré durant le processus de production et qui peut être utilisé pour acheter des produits. L'indice des prix le plus complet que l'on peut utiliser pour créer un indice de volume en partant de ce flux de revenus est le déflateur des dépenses de demande finale. Son utilisation pour déflater le flux de revenus issu des échanges ou des envois de fonds à l'étranger équivaut à supposer que le flux de revenus net issu des échanges sera utilisé pour rehausser les achats dans les diverses catégories de demande finale dans la même proportion que le sont les dépenses existantes (Reinsdorf, 2010).

L'utilisation du déflateur de la demande finale permet d'isoler l'effet des termes de l'échange. Voici comment cela se fait : 

À l'exemple de Kohli (2004), supposons que Description de la figure Formule est l'indice de Törnqvist utilisé comme déflateur du PIB, qui s'écrit : 

Formule

où DIF, X et M représentent les dépenses intérieures finales, les exportations et les importations, et que : 

Formule et

Formule 9 .

La croissance du PIB réel est définie comme étant égale à la différence entre la croissance du PIB nominal et celle du déflateur du PIB : 

Formule (5)

La croissance du déflateur du RIB réel est égale à celle du déflateur de la DIF : 

Formule

La croissance du RIB réel est égale à la différence entre la croissance du PIB nominal et celle des prix de la DIF : 

Formule

Les gains d'échange découlant des variations des prix relatifs seront définis ici comme étant la différence entre la croissance du RIB réel et celle du PIB réel : 

Formule (6)

qui se réduit à la différence entre la croissance du déflateur du PIB et celle du déflateur du RIB : 

Formule

En réarrangeant l'équation (6), la croissance du RIB réel est égale à la croissance du PIB réel plus les gains d'échange : 

Formule (7)

Pour produire une expression plus intuitive, définissons : 

  1. la croissance des termes de l'échange comme étant : 

Formule

  1. la croissance des prix des biens échangés comme étant : 

Formule

  1. la croissance du taux de change réel, qui traduit les variations du pouvoir d'achat de l'économie intérieure qui est généré par les changements dans le revenu d'exportation net, comme étant : 

Formule

À partir de ces définitions et de l'équation (7), on peut montrer que les gains d'échange mesurés ici correspondent à la somme pondérée des variations du taux de change réel et des termes de l'échange : 

Formule (8)

Si l'on combine les équations (7) et (8), il est évident que la croissance du RIB réel est égale à la croissance du PIB réel plus la somme pondérée des ajustements pour tenir compte des variations du taux de change réel et des termes de l'échange : 

Formule (9)

Les poids appliqués aux variations du taux de change réel et des termes de l'échange ont une signification économique. Le poids du taux de change réel, Description de la figure Formule est positif (négatif) en cas d'excédent (de déficit) de la balance commerciale, tandis que sa grandeur reflète la taille de l'excédent (du déficit) relativement au PIB nominal — la balance commerciale nette. La pondération appliquée à la croissance des termes de l'échange, Description de la figure Formule est la valeur moyenne des échanges exprimée en proportion du PIB nominal — la balance commerciale brute. Par conséquent, le RIB réel des pays qui sont davantage ouverts aux échanges est plus sensible aux variations des termes de l'échange, et un déséquilibre commercial plus important rend le RIB réel plus sensible aux fluctuations du taux de change réel.

Des deux rapports des prix relatifs, celui des termes de l'échange est le plus important pour comprendre les variations du pouvoir d'achat. Au Canada, il est sujet à de plus fortes fluctuations que celui du taux de change réel et son effet est plus important parce qu'il est relié à l'ouverture commerciale. Dans le PIB, l'effet du taux de change réel est proportionnel à la balance commerciale nette et a donc une influence nettement plus faible sur les fluctuations du revenu réel puisque : 

Formule (10)

Les variations des termes de l'échange et du taux de change réel ne sont pas indépendantes les unes des autres — par exemple, une dépréciation du taux de change nominal peut empirer les termes de l'échange d'un pays et simultanément améliorer son taux de change réel. Les unes peuvent renforcer ou affaiblir les effets des autres selon le type de fluctuation des prix et leurs sources.

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