Article principal

Warning Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

  1. Introduction
  2. Restructuration et croissance de la productivité
  3. Méthodologie
  4. Données
  5. Résultats empiriques
  6. Contributions des exportateurs et des non-exportateurs ainsi que des établissements sous contrôle étranger et des établissements sous contrôle canadien
  7. Résultats de la décomposition pour les industries de fabrication de biens durables et non durables
  8. Conclusion
  9. Annexe

1   Introduction

La croissance de la productivité du travail dans le secteur des entreprises au Canada a connu une baisse marquée après 2000, passant d'un taux de 1,7 % par année au cours de la période de 1990 à 2000 à 1,1 % par année au cours de la période de 2000 à 2006 (tableau 1). Ce ralentissement après 2000 a eu principalement pour origine la croissance plus lente de la productivité dans deux industries : l'extraction minière et l'extraction de pétrole et de gaz, et la fabrication. La croissance plus lente de la productivité dans le secteur de la fabrication a été à l'origine de la moitié de la baisse de la productivité du travail après 2000 dans le secteur agrégé des entreprises (Baldwin et Gu, 2009).

Le ralentissement de la croissance de la productivité et de la croissance de la production après 2000 a été généralisé dans le secteur de la fabrication. Parmi les 45 industries de la fabrication au niveau d'agrégation à trois chiffres du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN), 35 ont connu un ralentissement de la croissance de leur productivité du travail après 2000, comparativement à la période de 1988 à 2000. L'industrie de la fabrication de produits électroniques est celle qui a contribué le plus au ralentissement de la croissance de la productivité du travail dans le secteur de la fabrication au cours de la période postérieure à 2000; toutefois, elle n'a représenté que 0,2 point de pourcentage du ralentissement de 2,3 points de pourcentage de la croissance agrégée de la productivité dans le secteur de la fabrication. L'industrie de la fabrication de véhicules automobiles et celle des pâtes et papiers ont chacune été à l'origine de 0,1 point de pourcentage de ce ralentissement.

L'environnement économique après 2000 s'est démarqué considérablement de celui de la décennie précédente. Au cours de la période de 1990 à 1996, les réductions tarifaires moyennes entre le Canada et les États-Unis étaient importantes, avec un taux annuel moyen de diminution de 0,6 point de pourcentage (tableau 2). Par ailleurs, le taux de change Canada–États-Unis s'est déprécié à un taux annuel moyen de 2,0 points de pourcentage de 1990 à 1996. Après 2000, le contexte commercial était très différent. La plupart des réductions tarifaires prévues dans les traités de libre-échange entre le Canada et les États-Unis étaient déjà en vigueur; parallèlement, les coûts du commerce ont augmenté à cause de frictions à la frontière après le 11 septembre 2001. Par ailleurs, le dollar canadien s'est apprécié considérablement par rapport au dollar américain, passant de 0,67 $US en 2000 à 0,88 $US en 2006, soit un taux annuel moyen d'appréciation de 3,5 points de pourcentage, alimenté par l'essor des ressources au niveau mondial, qui a mené à une expansion marquée de l'économie de l'Ouest du Canada axée sur les ressources. Par conséquent, les exportations totales de marchandises en proportion du produit intérieur brut (PIB) au Canada, ainsi que la part des exportations destinée aux marchés américains, ont diminué respectivement de 1,5 et de 0,9 point de pourcentage chaque année (tableau 2).

La décennie des années 1990 a par conséquent différé de la période postérieure à 2000 du point de vue du soutien fourni aux échanges Canada–États-Unis. Au cours des années 1990, on a connu à la fois des réductions tarifaires et une dépréciation du taux de change. La période postérieure à 2000 a été caractérisée par une appréciation substantielle du taux de change. Du fait à la fois des mouvements tarifaires et des mouvements du taux de change, les exportations ont connu une hausse, passant de 24 % du PIB en 1990 à 41 % en 2000, pour redescendre ensuite à 33 % en 2006 (tableau 2).

La période postérieure à 2000 a aussi été caractérisée par une capacité excédentaire dans le secteur canadien de la fabrication. L'utilisation de la capacité a diminué dans 16 des 20 industries de la fabrication au cours de cette période (Sharpe et Thomson, 2010). Même si une partie de la capacité excédentaire qui s'est développée après 2000 a été le fait de la récession aux États-Unis au début de la période et d'une baisse marquée des exportations, plusieurs industries ont connu des diminutions considérables de la demande après 2000 qui ont été liées à des rajustements structurels majeurs à long terme.

Le présent document vise à examiner comment les changements dans l'environnement après 2000 ont contribué à la croissance plus faible de la productivité dans le secteur canadien de la fabrication. Il vise à déterminer comment ce ralentissement de la croissance de la productivité après 2000 a été lié à la restructuration qui s'est produite dans le secteur de la fabrication, par suite de l'augmentation de la capacité excédentaire qui a découlé de la hausse marquée du taux de change et du ralentissement de la croissance des exportations.

Les autres études visant à examiner les causes du ralentissement de la croissance de la productivité ont généralement été fondées sur des données agrégées. Le présent document utilise des microdonnées concernant le secteur canadien de la fabrication, parce qu'elles permettent d'examiner les différences au niveau de l'industrie et au niveau infra-industriel 1 . Ce ne sont pas toutes les industries qui ont connu les mêmes forces concurrentielles au cours de cette période. Par exemple, les prix des biens durables ont diminué davantage que ceux des biens semi-durables et non durables (Macdonald, 2009). Toutefois, ce qui importe davantage, les exportateurs auraient été exposés à des pressions substantielles en vue de se rajuster, le taux de change Canada–États-Unis ayant augmenté de façon très marquée au cours de la période. On se demande si les problèmes de capacité ont été particulièrement marqués dans les industries de biens durables et les entreprises d'exportation.

Pour comprendre le rôle de la restructuration dans le ralentissement de la croissance de la productivité, on propose une méthode de décomposition qui explore plus profondément les microcomposantes de la croissance agrégée de la productivité du travail : une composante à l'intérieur des établissements, qui rend compte de l'effet de l'approfondissement du capital, des progrès technologiques, des économies d'échelle et de l'utilisation variable des facteurs au niveau de l'établissement, et une composante entre les établissements, qui rend compte des effets de la redistribution des facteurs et des produits entre les établissements sur l'approfondissement du capital agrégé et la croissance agrégée de la productivité multifactorielle. La question d'intérêt a trait à la mesure dans laquelle la majeure partie de la baisse de la croissance de la productivité du travail a découlé d'une diminution de l'utilisation de la capacité ou d'autres sources — une baisse de l'efficience générale ou une diminution des répercussions de la redistribution des ressources, qui ont généralement tendance à contribuer à la croissance de la productivité.

La décomposition tire parti de travaux antérieurs (Jorgenson, Gollop et Fraumeni, 1987 et Jorgenson, Ho et Stiroh, 2005), qui décomposent la croissance agrégée de la productivité en composantes industrielles, mais, dans ce cas-ci, l'applique au niveau de l'établissement. Les méthodologies de Jorgenson et de ses collaborateurs ont été élaborées selon l'hypothèse d'une concurrence parfaite et de rendements d'échelle constants. Le présent document utilise des caractéristiques non néoclassiques de l'environnement économique au niveau de l'établissement, comme la concurrence imparfaite et les économies d'échelle. Il tient aussi compte des effets des variations dans l'utilisation de la capacité, à partir de la structure de production de Berndt et Fuss (1982) et de Berndt et Hess (1986) 2 .

2   Restructuration et croissance de la productivité

Il existe deux explications principales à la croissance plus lente de la productivité qui s'est produite dans le secteur canadien de la fabrication au cours de cette période, les deux étant liées à la restructuration à court terme et à long terme qui s'est produite dans ce secteur après 2000. La première est l'effet décroissant des économies d'échelle ou l'effet rétroactif positif entre la croissance de la production et la croissance de la productivité après 2000 (Verdoorn, 1980; Kaldor, 1966 et Scott, 1989). La production accrue associée à un marché en expansion donnera lieu à des économies d'échelle plus importantes, à une plus grande spécialisation des produits et à un investissement plus grand dans les technologies de pointe, ce qui entraîne une plus forte croissance de la productivité. Après une forte croissance de la production à la fin des années 1990, le secteur de la fabrication a connu une faible croissance de la production après 2000. Dans le secteur de la fabrication, la croissance du produit intérieur brut (PIB) réel est passée de 3,4 % par année durant la période de 1988 à 2000 à -0,3 % au cours de celle de 2000 à 2006. Cela coïncide avec une baisse de la demande des produits du secteur de la fabrication et une baisse des exportations de ce secteur, par suite de la forte appréciation du dollar canadien après 2002.

Dans les années 1990, le secteur de la fabrication a réagi à la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en augmentant sa dépendance à l'égard des exportations. L'inverse s'est produit après 2000, la plupart des industries de la fabrication ayant connu peu de variations ou une baisse de l'intensité des exportations. Les différences dans les variations de l'intensité des exportations ont été particulièrement ressenties dans les industries de biens durables, où les économies d'échelle sont plus répandues (tableau 3). De 1990 à 1999, l'intensité des exportations (définie comme le ratio des exportations aux livraisons totales) a augmenté de 1,4 point de pourcentage par année, pour une hausse totale de 12,6 points de pourcentage dans le secteur de la fabrication de biens durables. De 2000 à 2006, l'intensité des exportations du secteur de la fabrication de biens durables a diminué de 0,5 point de pourcentage par année, ce qui constitue une baisse totale de 3 points de pourcentage. La récession aux États-Unis après 2000 et l'appréciation subséquente du taux de change, le dollar canadien étant passé de 67 cents par dollar américain en 2000 à 88 cents en 2006, ont entraîné des réductions de la production qui, en présence d'économies d'échelle, peuvent avoir contribué au ralentissement dans le secteur de la fabrication.

Une deuxième explication du ralentissement de la croissance de la productivité au cours de la période postérieure à 2000 a trait à l'émergence d'une capacité excédentaire au cours de cette période. L'utilisation de la capacité globale dans le secteur de la fabrication se situait en moyenne à 86 % en 1999, puis est passée à 81 % en 2003, pour remonter à seulement 83 % en 2006 3 . Le graphique 1 montre les variations annuelles du logarithme des taux d'utilisation de la capacité dans 20 industries de la fabrication au cours des périodes de 1990 à 2000 et de 2000 à 2006. Pendant les années 1990, l'utilisation de la capacité a augmenté dans la plupart des industries de la fabrication. Après 2000, elle a diminué dans la plupart de ces industries.

Une partie de la capacité excédentaire qui s'est développée après 2000 a découlé de la récession aux États-Unis au début de la période et des baisses marquées dans les exportations; cependant, plusieurs industries ont aussi connu des baisses significatives de la demande après 2000 qui étaient liées à des rajustements structurels majeurs à long terme. L'augmentation de la production de technologies de pointe à la fin des années 1990 a été suivie par l'éclatement de la bulle des technologies et la réduction de l'activité économique qui en a découlé, particulièrement dans le secteur de la fabrication, ainsi que par une baisse de la production dans la fabrication de produits électroniques. Parallèlement, la grande multinationale exportatrice canadienne Nortel a amorcé sa lente descente vers la faillite. L'utilisation de la capacité dans l'industrie des produits électriques a diminué, pour passer de 92 % en 2000 à 73 % en 2003, puis est seulement remontée à 80 % en 2006. Même si l'éclatement de la bulle des technologies explique pour une large part le ralentissement de la croissance de la productivité dans le secteur de la fabrication, elle ne représente pas la seule explication. La baisse de la croissance de la productivité dans la fabrication de produits électroniques a été à l'origine de moins de 10 % de la baisse de la croissance de la productivité dans le secteur de la fabrication après 2000.

Des rajustements structurels ont aussi eu lieu dans d'autres industries au cours de cette période. L'expansion d'Internet, la diminution du tirage des journaux et la déréglementation des marchés de l'électricité en Ontario ont entraîné des conditions défavorables pour les producteurs forestiers à la fin des années 1990 et au cours de la première décennie du 21e siècle. Les entreprises de pâtes et papiers ont commencé à fermer des usines en raison de la diminution de la demande et des faibles prix. La production de pâtes et papiers a diminué pour passer de 27 millions de tonnes en 2000 à 17 millions de tonnes en 2009. Les baisses qui ont touché la production de papier journal au cours de la même période ont aussi été très marquées, la production étant passée de 9 millions à 4 millions de tonnes.

Le secteur de l'automobile a aussi connu un revirement abrupt après 2000, les producteurs nord-américains ayant commencé à succomber à la concurrence des producteurs asiatiques, qui ont ouvert des établissements de production en Amérique du Nord (Roy et Kimanyi, 2007). La production totale de véhicules au Canada est passée de 2,1 millions d'unités en 1995 à 2,7 millions d'unités en 1999, puis a diminué, pour s'établir à 2,0 millions d'unités en 2006, soit une baisse de 30 %.

La baisse dans ces industries a eu des répercussions sur les fournisseurs, comme les industries de produits chimiques, qui sont à la fois au service de l'industrie des pâtes et papiers et de celle de l'automobile. Du fait des exportations représentant plus des trois quarts de la production, l'industrie a été particulièrement sensible aux baisses de la production aux États-Unis au début de la période postérieure à 2000. Elle a aussi subi l'augmentation des coûts des matières de base, le prix du gaz naturel ayant augmenté après 1988.

Au cours de cette période, le secteur de la transformation de la viande de l'industrie de la fabrication des aliments a été touché par l'interdiction temporaire d'exporter des produits bovins canadiens aux États-Unis par suite de la découverte d'un cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (couramment nommée « maladie de la vache folle ») en Alberta en 2003, ce qui a mené à une baisse marquée des exportations agricoles. La réouverture partielle des frontières, en août 2003, a allégé une partie des pressions subies par les propriétaires de ranchs, mais la frontière n'a été rouverte complètement qu'en 2007.

La période postérieure à 2000 a aussi connu un essor des ressources, la plupart des prix des marchandises ayant augmenté rapidement pour atteindre des niveaux records. Les hausses rapides des prix de l'énergie ont eu des répercussions sur la demande de produits pétroliers raffinés, et l'utilisation de la capacité dans le secteur du pétrole a diminué pour passer de 92 % en 2000 à 83 % en 2006.

Plusieurs industries de fabrication de biens non durables ont aussi connu des baisses de production, les importations des pays en développement ayant augmenté de façon marquée au cours de cette période. En 2006, le PIB réel pour l'ameublement était de 87 % de son niveau en 2000; pour les textiles, de 68 %; pour les vêtements, de 59 %; et pour le cuir, de 41 %. Les baisses de production ont été accompagnées par la fermeture d'usines, mais aussi par l'émergence d'une capacité excédentaire. Par exemple, l'utilisation de la capacité dans les vêtements a diminué pour passer de 85 % en 2000 à 76 % en 2006.

Par conséquent, il existe une deuxième explication au ralentissement de la productivité au cours de la période postérieure à 2000, outre le ralentissement de la croissance, soit l'émergence d'une capacité excédentaire. Les rajustements structurels de la période postérieure à 2000 ont eu des répercussions sur la croissance de la productivité, mais pas uniquement parce qu'ils ont réduit la croissance économique qui facilite l'exploitation des économies d'échelle. Aussi, on peut s'attendre à des baisses de productivité dans les cas de capacité excédentaire, particulièrement en présence d'économies d'échelle. Dans les industries à forte intensité du capital, les baisses de production par rapport à la pleine capacité entraînent des augmentations marquées des coûts moyens à court terme et des réductions de la productivité du travail.

Habituellement, les estimations officielles de la productivité produisent des estimations de la croissance de la productivité du travail et de la croissance de la productivité multifactorielle qui ne tiennent pas compte de façon explicite de l'utilisation de la capacité 4 . Les estimations de la productivité sont conçues pour produire des statistiques sommaires qui suivent les mouvements des progrès technologiques sur de longues périodes, comme un cycle commercial complet; les variations dans l'utilisation de la capacité s'équilibrent et, par conséquent, elles n'ont pas à être explicitement prises en compte. En comparant la croissance de la productivité d'une période de pointe à une autre dans un cycle commercial, les analystes peuvent réduire les répercussions des variations de l'utilisation de la capacité.

Toutefois, le type et la taille de la restructuration industrielle qui s'est produite au cours de la période postérieure à 2000 laissent supposer que l'hypothèse normale concernant l'équilibrage de la capacité au cours d'un cycle ne s'applique pas à cette période. Le présent document tente, par conséquent, de déterminer dans quelle mesure le ralentissement de la croissance de la productivité au cours de la période postérieure à 2000 a été attribuable tant à la restructuration à court terme qu'à la restructuration à long terme qui ont touché le secteur de la fabrication.

3   Méthodologie

Pour examiner le rôle de la restructuration dans le ralentissement de la croissance de la productivité dans le secteur de la fabrication au Canada, le présent document propose une méthode qui décompose la croissance agrégée de la productivité du travail en composantes. Cette méthode a été utilisée par Jorgenson, Gollop et Fraumeni (1987) ainsi que par Jorgenson, Ho et Stiroh (2005) pour déterminer comment les estimations de la croissance de la production à l'échelle de l'économie peuvent être rattachées à leur industrie d'origine. Le présent document adopte cette méthodologie pour examiner les sources de la croissance de la productivité du travail de l'industrie au niveau de l'entreprise.

La croissance agrégée de la productivité du travail repose sur ce qui se produit au niveau micro (c.-à-d. au niveau des établissements). La productivité agrégée du travail peut augmenter si la productivité du travail de tous les établissements augmente. Elle peut aussi augmenter si les facteurs et les produits sont réaffectés aux établissements qui ont des niveaux de productivité du travail plus élevés. Dans le premier cas, on parle souvent de la composante de croissance de la productivité à l'intérieur des établissements, tandis que dans le deuxième cas, on parle de la composante de redistribution. La redistribution peut se faire à partir des établissements qui sont en déclin aux établissements en expansion, ou des établissements existants aux nouveaux établissements.

La croissance de la productivité du travail à l'intérieur des établissements peut se produire parce que les entreprises utilisent davantage de capital ou parce qu'elles deviennent plus efficientes, selon la mesure de la productivité multifactorielle (PMF). C'est donc dire qu'un effet de redistribution peut aussi se produire si la production est transférée aux établissements qui sont plus efficients de façon inhérente (c.-à-d. qui ont une PMF plus élevée) parce qu'ils utilisent davantage de capital, ou encore qu'ils se rapprochent de leur capacité et, par conséquent, du point le plus bas de la courbe de coût moyen.

Dans un certain nombre d'études empiriques, on a décomposé la croissance agrégée de la productivité entre l'effet de la redistribution et l'effet de la croissance à l'intérieur des établissements (Baldwin et al., 1995; Griliches et Regev, 1995; Foster, Haltiwanger et Krizan, 2001; et Baldwin et Gu, 2006 et 2011). Les méthodes de décomposition originales utilisées dans ces études étaient axées uniquement sur la productivité agrégée du travail ou la PMF agrégée et sur la mesure dans laquelle les transferts des facteurs et des produits entre les entreprises ont amélioré la croissance de la productivité.

Toutefois, les études empiriques antérieures n'ont pas mis l'accent sur les causes sous-jacentes de la variation de la productivité au niveau de l'entreprise qui découlent des variations dans l'intensité du capital ou des variations dans la productivité multifactorielle, mais uniquement sur le fait que les variations étaient propres à l'entreprise ou étaient causées par une redistribution des produits entre les entreprises découlant du processus de concurrence dynamique. Si on veut progresser davantage, il est nécessaire d'introduire des fonctions de production au niveau de l'entreprise pour améliorer notre compréhension des sources de l'effet de croissance à l'intérieur des établissements et de l'effet de redistribution entre les établissements, dans le contexte de la croissance de la productivité globale.

Le présent document va au-delà des travaux déjà menés, qui portaient uniquement sur la taille des composantes à l'intérieur des établissements et entre les établissements, afin de nous permettre d'examiner ces composantes de façon plus approfondie au moyen des méthodes de Jorgenson et de ses collaborateurs 5 . Ses méthodologies ont été élaborées selon l'hypothèse d'une concurrence parfaite et de rendements d'échelle constants. Le présent document aborde les caractéristiques non néoclassiques de l'environnement économique au niveau de l'établissement, comme la concurrence imparfaite et les rendements d'échelle améliorés, comme dans Hall (1988, 1990), Basu et Fernald (2002), et Petrin et Levinsohn (2010). Il tient aussi compte de l'effet des variations dans l'utilisation de la capacité, à partir de la structure de production de Berndt et Fuss (1982).

Les estimations agrégées de la croissance de la production et des sources de la croissance sont élaborées ici au moyen de deux méthodes différentes, une fonction agrégée de production ou une frontière des possibilités de production moins restrictive, et l'agrégation directe des microproducteurs (entreprises ou établissements). Les deux méthodes utilisent les mêmes données de source, à savoir le fichier longitudinal qui a été élaboré à partir de l'Enquête annuelle des manufactures (EAM) 6 . Les différences entre les deux estimations rendent compte des répercussions des hypothèses différentes utilisées par les deux méthodes et peuvent servir à mesurer les répercussions de l'assouplissement de certaines de ces hypothèses. Une comparaison des deux estimations fournit une décomposition de la croissance agrégée de la production entre les sources de la croissance au niveau de l'établissement.

La fonction agrégée de production sous-tend le cadre de comptabilité de la croissance qui est utilisé par les organismes statistiques pour examiner les sources de la croissance de la production (Schreyer, 2001). Ce cadre est utilisé pour décomposer la croissance de la production en deux composantes principales : la contribution des facteurs combinés capital et travail, et la contribution de la croissance de la productivité multifactorielle. Jorgenson, Gollop et Fraumeni (1987) montrent que l'existence d'une production agrégée impose des hypothèses très strictes concernant la technologie de production, les prix relatifs et la mobilité des principaux facteurs de production, soit le capital et le travail. Jorgenson, Gollop et Fraumeni (1987) et Jorgenson (1990) examinent les hypothèses clés qui sont nécessaires pour qu'une fonction agrégée de production existe. Dans le contexte de l'estimation de la croissance agrégée de la production et des sources de la croissance, ces hypothèses clés sont les suivantes. Tout d'abord, la fonction de production est la même dans tous les établissements, jusqu'à un multiple d'échelle. En deuxième lieu, le travail et le capital doivent se voir attribuer le même prix dans tous les établissements 7 . C'est donc dire que tous les travailleurs reçoivent le même salaire et que le prix de location du capital est le même pour tous les facteurs capital.

Il existe une autre méthode pour l'estimation de la croissance agrégée de la production et pour l'examen des sources de la croissance agrégée de la production, à savoir l'agrégation des établissements, qui assouplit les hypothèses nécessaires pour l'existence d'une fonction agrégée de production. Cette approche d'agrégation directe ne comporte pas d'hypothèses concernant la fonction de production commune de tous les établissements. Elle ne comporte pas non plus d'hypothèses concernant les prix communs des facteurs capital et travail. Elle traite une industrie comme une agrégation des établissements qui la constituent.

Dans le reste de la section, nous présenterons d'abord les deux autres méthodes pour l'estimation de la croissance de la production et l'examen des sources de la croissance de la production. Nous comparerons ensuite les deux méthodes utilisées pour calculer une décomposition de la croissance agrégée de la productivité du travail en microcomposantes.

3.1  Fonction agrégée de production et frontière des possibilités de production

Une fonction agrégée de production exprime la valeur ajoutée agrégée (V) comme une fonction du facteur travail agrégé (L) et du facteur capital agrégé (K) et d'une variable temporelle d'approximation de la technologie (T) : 

(1)
Image

Selon l'hypothèse que les marchés de produits et de facteurs sont concurrentiels et que la fonction agrégée de production est caractérisée par des rendements d'échelle constants, la croissance de la valeur ajoutée peut être décomposée entre les contributions des facteurs capital et travail et la contribution de la croissance de la productivité multifactorielle. Les sources de la croissance de la productivité du travail peuvent être décomposées entre la contribution de l'approfondissement du capital et celle de la croissance de la productivité multifactorielle : 

(2)
Image

Image correspond à la variation entre les périodes t1 et t dans le logarithme, P, à la productivité du travail définie comme le ratio de la valeur ajoutée au facteur travail, K, au facteur capital, L, au facteur travail, et Image, à la croissance de la productivité multifactorielle, Image représentant la proportion moyenne du facteur capital dans la valeur ajoutée nominale des deux périodes. Le premier terme représente la contribution de l'approfondissement du capital à la croissance de la productivité du travail. Il rend compte des effets des augmentations de l'intensité du capital sur la croissance de la productivité du travail. Le deuxième terme représente la contribution de la croissance de la productivité multifactorielle. La croissance de la PMF est une composante résiduelle qui rend compte de l'effet d'autres facteurs, y compris les progrès technologiques, les innovations organisationnelles, les économies d'échelle, les meilleures pratiques de gestion et l'investissement dans les compétences des travailleurs.

Lorsque les facteurs capital et travail reçoivent le même prix dans tous les établissements 8  , la quantité de facteurs agrégés capital et travail représente la somme de celle de tous les établissements : 

(3)
Image

Une condition nécessaire à l'existence d'une fonction de production de valeur ajoutée agrégée est que chaque entreprise doit avoir la même fonction de production de valeur ajoutée. Cette hypothèse, combinée à l'hypothèse que les facteurs capital et travail reçoivent le même prix, laisse supposer que le prix de la valeur ajoutée est le même et que la valeur ajoutée agrégée représente simplement la somme de tous les établissements (Jorgenson, Ho et Stiroh, 2005).

Jorgenson (1966) a élaboré une approche moins restrictive à partir de la frontière des possibilités de production. Cette approche permet d'assouplir l'hypothèse selon laquelle chaque établissement a la même fonction de production de valeur ajoutée. Elle a été utilisée par Jorgenson, Ho et Stiroh (2005). Comme la fonction de valeur ajoutée dans ce cas diffère d'un établissement à l'autre, le prix de la valeur ajoutée n'est plus le même dans tous les établissements. La valeur ajoutée agrégée ne représente plus simplement la somme des établissements. En fait, la valeur ajoutée agrégée à partir de la frontière des possibilités de production est calculée comme une agrégation de Tornqvist de la valeur ajoutée des divers établissements : 

(4)
Image

Image représente la proportion de la valeur ajoutée des établissements dans la valeur ajoutée nominale agrégée, répartie en moyenne sur les deux périodes.

3.2  Agrégation directe des divers établissements

L'autre approche pour l'estimation de la croissance agrégée de la production et l'examen des sources de la croissance est l'agrégation directe des divers établissements. Cette approche a été proposée par Jorgenson, Gollop et Fraumeni (1987) et utilisée par Jorgenson, Ho et Stiroh (2005) pour examiner les sources de la croissance de la production à l'échelle de l'économie, grâce à l'agrégation directe des industries, mais elle peut être prolongée assez facilement au niveau de l'établissement. L'approche permet de relier la croissance agrégée de la productivité et la croissance agrégée des facteurs aux sources sous-jacentes au niveau de l'établissement.

Dans le présent document, cette approche est élargie pour tenir compte des caractéristiques non néoclassiques de l'environnement économique auquel les établissements font face. De façon plus particulière, on présume que la fonction de production des établissements est caractérisée par une augmentation des rendements d'échelle et qu'il existe une concurrence imparfaite sur le marché des produits.

L'approche adoptée ici met l'accent sur la production mesurée par la valeur ajoutée 9  . On présume que chaque établissement a une fonction de production pour la valeur ajoutée : 

(5)
Image

Image représente la valeur ajoutée de l'établissement Image, Image et Image sont les facteurs capital et travail, Image représentent l'utilisation non observée des facteurs capital et travail, et Image est un indice de la technologie. La fonction de production est homogène au degré Image. Le paramètre Image représente le degré des rendements d'échelle.

On présume que l'environnement économique des divers établissements est caractérisé par une concurrence imparfaite et que les entreprises peuvent être en position de force sur le marché. Selon Hall (1990), et Basu et Fernald (2001, 2002), la croissance de la production peut être exprimée ainsi : 

(6)
Image

Image représente la croissance des facteurs pondérés de la proportion du revenu :  Image et Image représentent la croissance de l'utilisation pondérée de la proportion du revenu des facteurs travail ou capital :  Image. D'ailleurs, Image correspond à la proportion moyenne des coûts en capital dans le revenu total. Image correspond à la proportion moyenne des coûts de main-d'oeuvre dans le revenu total. Image représente la croissance de la productivité multifactorielle. Image représente l'effet des variations dans l'utilisation de la capacité sur la croissance de la production. Image représente la marge sur le coût marginal, qui est liée aux rendements d'échelle Image, et le ratio des bénéfices économiques au revenu total Image par : 

(7)
Image

L'équation (6) servira à obtenir des estimations de la marge et des coefficients de l'utilisation des facteurs à partir d'un échantillon d'établissements en exploitation continue du secteur canadien de la fabrication au cours de la période examinée.

Lorsque l'on soustrait la croissance du facteur travail des deux côtés de l'équation (6), on obtient la décomposition suivante de la croissance de la productivité du travail à l'établissement Image:

(8)
Image

La croissance de la productivité du travail de l'établissement dépend des économies d'échelle, de l'approfondissement du capital, de l'utilisation variable des facteurs et des progrès technologiques. S'il existe des bénéfices économiques, la proportion des coûts du capital et du travail dans le revenu total sera inférieure à un et les augmentations touchant le travail entraîneront des baisses dans la productivité du travail de l'établissement (le troisième terme à droite de l'équation 8). Dans l'analyse empirique qui suit, on présume que les bénéfices économiques sont de zéro. Cela sera le cas si l'industrie est caractérisée par une concurrence monopolistique. Selon cette hypothèse, l'équation (8) peut être simplifiée de la façon suivante : 

(9)
Image

Lorsqu'il y a des bénéfices économiques, Image représente à la fois le degré des rendements d'échelle et la marge.

Les estimations fondées sur l'établissement calculées à partir de l'équation (9) doivent être intégrées dans une mesure agrégée de la valeur ajoutée. Les estimations de la valeur ajoutée agrégée sont calculées à partir de la frontière des possibilités de production, la valeur ajoutée agrégée représentant la somme pondérée de la croissance de la valeur ajoutée dans tous les établissements (équation 4). La croissance agrégée de la productivité du travail, qui est définie comme la différence entre la croissance de la valeur ajoutée agrégée provenant de la frontière des possibilités de production et la croissance du facteur travail agrégé, peut être exprimée ainsi : 

Le premier terme de l'équation (10) représente l'« effet à l'intérieur des établissements » ou l'« effet de la productivité directe » et est égal à la moyenne pondérée de la croissance de la productivité du travail des divers établissements. L'effet à l'intérieur des établissements mesure la contribution de la croissance des divers établissements à la croissance de la productivité globale, en maintenant leurs parts de la production constantes. Le deuxième terme représente l'effet entre les établissements qui correspond à l'effet de la redistribution du facteur travail sur la croissance agrégée de la productivité du travail. La redistribution est positive si les entreprises comportant une valeur ajoutée plus élevée par unité de travail connaissent une croissance plus rapide du facteur travail.

Les variantes de la décomposition (10) sont utilisées pour tenir compte de l'effet de la redistribution entre les entreprises attribuable à la restructuration concurrentielle sur la croissance de la productivité du travail (Griliches et Regev, 1995; Foster, Haltiwanger et Krizan, 2001; et Baldwin et Gu, 2006 et 2011). Selon ces études, la redistribution par l'entremise des entrées et des sorties et entre les établissements en exploitation continue contribue de façon significative à la croissance de la productivité du travail, et l'importance de la redistribution pour la croissance agrégée de la productivité diffère selon l'industrie. Baldwin et Gu (2011) et Foster, Haltiwanger et Krizan (2006) ont déterminé que la redistribution est plus importante dans le secteur du commerce de détail que dans le secteur de la fabrication. Dans le cas du secteur de la fabrication aux États-Unis et au Canada, la redistribution représente de 20 % à 30 % environ de la croissance de la productivité du travail sur une période de dix ans. Pour ce qui est du secteur du commerce de détail dans les deux pays, la redistribution représente la majeure partie de la croissance agrégée de la productivité du travail. Dans le reste du document, la décomposition (10) fait référence à la décomposition de type Griliches et Regev (GR) afin de pouvoir être distinguée de la décomposition de type Jorgenson utilisée dans le présent document.

La composante à l'intérieur des établissements de l'équation (10) peut être reliée aux divers déterminants de la croissance de la productivité du travail au niveau de l'établissement à partir de l'équation (9) : 

Cette équation établit un lien entre la croissance agrégée de la productivité du travail et plusieurs sources au niveau de l'établissement. Le premier terme du côté droit correspond à la contribution des économies d'échelle à la croissance agrégée de la productivité du travail. Le deuxième terme représente l'effet direct de l'approfondissement du capital, lequel représente l'effet de l'approfondissement du capital à l'intérieur des établissements sur la croissance agrégée de la productivité du travail. Le troisième terme représente l'effet de l'utilisation variable des facteurs. Le quatrième terme représente l'effet direct de la croissance de la productivité multifactorielle estimée comme la moyenne pondérée de la croissance de la productivité multifactorielle des divers établissements. Le cinquième terme rend compte de l'effet de la redistribution du travail sur la croissance agrégée de la productivité du travail.

Une comparaison de la source de la croissance de l'équation (2) à partir de la frontière des possibilités de production et de la source de la croissance de l'équation (11) découlant de l'agrégation directe des divers établissements produit une décomposition en microcomposantes de la croissance agrégée de la productivité du travail. De façon plus particulière, on soustrait l'équation (11) de l'équation (2), et les termes sont réorganisés pour produire une décomposition de la croissance agrégée de la PMF : 

Image

Image représente la proportion du revenu du travail de l'établissement Image dans le revenu du travail total, répartie en moyenne sur deux périodes. Image correspond à la proportion du revenu du capital de l'établissement Image dans le revenu du capital total, répartie en moyenne sur deux périodes. Image représente le prix que le facteur capital reçoit à l'établissement Image et Image, le prix que le facteur capital reçoit dans tous les établissements, si le capital reçoit le même prix dans tous les établissements. Image représente le prix que le facteur travail reçoit à l'établissement Image, Image le prix que le facteur travail reçoit dans tous les établissements, si le travail reçoit le même prix dans tous les établissements.

L'équation (12) montre comment la croissance agrégée de la PMF à partir de la frontière des possibilités de production est liée aux sources de la croissance au niveau de l'établissement. La croissance agrégée de la PMF est décomposée entre les effets des économies d'échelle, l'effet de l'utilisation variable, l'effet de la croissance de la PMF au niveau des établissements et les deux derniers termes, lesquels rendent compte des effets de la redistribution des facteurs capital et travail sur la croissance agrégée de la PMF. La redistribution du facteur capital ( Image) contribue à la croissance agrégée de la PMF si les établissements ayant des prix du facteur capital plus élevés ainsi qu'un produit marginal du capital plus élevé ont des taux de croissance plus élevés de leur facteur capital. La redistribution des facteurs travail ( Image) contribue à la croissance agrégée de la PMF si les entreprises ayant des prix du facteur travail plus élevés ainsi qu'un produit marginal du travail plus élevé enregistrent des taux de croissance plus élevés du facteur travail. La décomposition de la PMF (12) est simplifiée au moyen de la décomposition (31) dans Jorgenson et coll. (2007), selon l'hypothèse de rendements d'échelle constants, d'une composition parfaite et d'une capacité excédentaire nulle.

Un certain nombre d'études récentes ont présenté une décomposition de la croissance agrégée de la productivité multifactorielle (Basu et Fernald, 2002, et Petrin et Levinsohn, 2010). Ces documents, tout comme le présent document, peuvent être considérés comme un prolongement de la décomposition de Jorgenson à un cadre non néoclassique. Par exemple, la décomposition de la PMF dans Basu et Fernald (2002) (équation 28) et dans Petrin et Levinsohn (2010) (équation 9) représente des variantes de l'équation (12) du présent document.

L'effet de l'approfondissement du capital agrégé de la frontière des possibilités de production diffère de l'effet de l'approfondissement du capital à l'intérieur des établissements, qui correspond à la somme pondérée des effets de l'approfondissement du capital au niveau de l'établissement. L'effet d'approfondissement agrégé représente la somme des effets de l'approfondissement du capital à l'intérieur des établissements, plus un terme de redistribution qui rend compte de l'effet de la redistribution des facteurs capital et travail sur l'approfondissement du capital agrégé : 

L'effet de l'approfondissement du capital agrégé découlant de la frontière des possibilités de production repose sur le principe que les facteurs capital et travail reçoivent le même prix. L'agrégation directe de l'effet de l'approfondissement du capital dans les divers établissements ne repose pas sur cette hypothèse, en raison de la mobilité limitée des facteurs capital et travail dans les divers établissements. L'effet de l'approfondissement de capital agrégé sera inférieur à l'agrégation directe des facteurs de capital lorsqu'il y a un mouvement du capital au profit des établissements dont les facteurs capital ont des prix plus élevés. La différence rend compte de l'effet des changements de composition du facteur capital. Toutefois, l'effet de l'approfondissement du capital agrégé sera supérieur à l'agrégation directe des effets de l'approfondissement du capital dans les divers établissements si le travail est transféré aux établissements dont les prix du capital et les produits marginaux du capital sont plus élevés.

Les équations (11), (12) et (13) relient la croissance agrégée de la productivité du travail et ses deux composantes (croissance agrégée de la PMF et effet agrégé de l'approfondissement du capital) à leurs sources au niveau micro.

Les décompositions dans les équations (11), (12) et (13) prolongent la décomposition (10) de type GR afin de donner des explications plus approfondies sur les microcomposantes de l'effet à l'intérieur des établissements et de l'effet de redistribution entre les établissements. On peut voir que l'effet à l'intérieur des établissements dans l'équation (10) représente la somme des composantes suivantes : les effets de la croissance de la PMF à l'intérieur des établissements et les effets de l'approfondissement du capital à l'intérieur des établissements, plus les effets d'échelle et les effets de l'utilisation variable des facteurs, en présence d'économies d'échelle et de variations de l'utilisation de la capacité. L'effet de la redistribution entre les établissements dans l'équation (10) peut être relié à l'effet de la redistribution des facteurs travail et capital sur la croissance de la PMF et l'effet de la redistribution des facteurs sur l'approfondissement du capital. De façon plus particulière, on peut démontrer que les deux équations suivantes sont valables : 

et

La décomposition des équations (10), (11), (12) et (13) peut être prolongée afin d'établir une approximation de l'effet des entrants et des sortants. Dans le cas des entrants, les facteurs et les produits sont uniquement observés à la fin de la période, tandis que pour les sortants, les facteurs et les produits sont observés uniquement au début de la période. Ainsi, les taux de croissance des facteurs, des produits et de la productivité au cours d'une période ne peuvent pas être calculés pour les entrants et les sortants. Afin de procéder à la décomposition, on part du principe qu'un établissement hypothétique existe et que ses facteurs et ses produits au début de la période sont égaux à ceux des sortants, et que ses facteurs et ses produits à la fin de la période sont égaux à ceux des entrants à la fin de la période. Le concept d'un établissement hypothétique peut être perçu comme l'hypothèse selon laquelle les entrants remplacent les sortants 10  .

Le concept d'établissement hypothétique nous permet d'examiner la contribution de l'entrée et de la sortie des établissements à la croissance de la productivité du travail et de ses deux composantes : la croissance de la PMF et l'approfondissement du capital. Par exemple, l'équation (10) peut être récrite pour tenir compte de l'effet de l'entrée et de la sortie de la façon suivante : 

La première composante représente la contribution à l'intérieur des établissements pour les établissements en exploitation continue. La deuxième composante représente la contribution des établissements hypothétiques et est calculée comme la différence logarithmique dans la productivité du travail entre les entrants et les sortants, multipliée par la proportion moyenne d'entrants et de sortants dans la valeur ajoutée. Elle mesure la contribution de l'entrée nette. La troisième composante représente les redistributions entre les établissements.

Dans notre analyse empirique, la décomposition sera menée au niveau individuel des industries de la fabrication. Les résultats seront par la suite agrégés pour l'ensemble du secteur de la fabrication, au moyen de la proportion de la valeur ajoutée de l'industrie dans la valeur ajoutée totale du secteur de la fabrication, en tant que facteur de pondération : 

j représente l'industrie, Image représente la proportion de l'industrie j dans la valeur ajoutée nominale totale de la fabrication, répartie en moyenne sur deux périodes, et Image représente la productivité agrégée du travail dans le secteur de la fabrication.

4   Données

Le présent document examine la croissance de la productivité dans le secteur canadien de la fabrication pour deux périodes : de 1990 à 1999 et de 2000 à 2006, ainsi que les causes du ralentissement qui s'est produit.

Les données au niveau de l'établissement qui sont utilisées dans cette étude proviennent de l'Enquête annuelle des manufactures (EAM) de Statistique Canada, une base de données longitudinales qui englobe l'ensemble du secteur de la fabrication au Canada, à partir de données d'enquêtes et de données administratives, et qui permet de suivre les établissements au fil du temps (1973 à 2006) 11  .

La base de données de l'EAM comporte des renseignements sur les livraisons, la valeur ajoutée, l'emploi, le coût de la main-d'oeuvre, le coût du chauffage et de l'électricité, les exportations, le régime de propriété et le secteur industriel. Le secteur industriel correspond au niveau à quatre chiffres de la Classification type des industries (CTI) de 1980 pour la période de 1979 à 1999, et au niveau à six chiffres du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN) à partir de 1997. Les deux classifications des industries (CTI pour la période de 1990 à 1999 et SCIAN pour la période de 2000 à 2006) sont mises en correspondance au niveau M et au niveau P des classifications qui sont utilisées pour le programme de productivité de Statistique Canada (l'équivalent des niveaux à trois et à quatre chiffres du SCIAN respectivement). Les déflateurs au niveau P de l'industrie du programme de la productivité servent à obtenir les valeurs en dollars constants.

La productivité du travail est définie comme la production à valeur ajoutée réelle par employé, le nombre d'employés correspondant à la somme des travailleurs de la production et hors production. L'EAM ne comprend pas de données sur le stock de capital ou les services au niveau de l'établissement, ce qui fait qu'une valeur de remplacement est établie. Les coûts de l'énergie sont considérés comme proportionnels aux services du capital, et les services du capital de l'industrie au niveau P sont redistribués entre les établissements selon la proportion que représente l'établissement dans les coûts totaux de chauffage et d'électricité de l'industrie 12  .

Même si les données de l'EAM sur les entreprises sont l'une des bases utilisées pour estimer les données sur l'industrie qui servent aux estimations de l'industrie produites par les comptes de productivité au niveau macro, elles ne sont pas la seule source; elles ne sont pas non plus recueillies sur les entreprises individuelles aux fins de la création de données de qualité suffisante au niveau des entreprises pour procéder à l'analyse prévue ici. Après 2000, l'EAM est constituée d'un noyau de grandes entreprises pour lesquelles des données raisonnablement exhaustives sont recueillies au moyen d'une enquête; dans les autres cas, les données sont tirées des formulaires d'impôt et sont étoffées par des données imputées qui sont modélisées à partir des agrégations principales calculées à partir des données fiscales. Même si cela produit des données agrégées qui répondent à des normes acceptables, cela ne préserve pas toujours les rapports importants entre les variables au niveau micro.

Les différences entre les taux de croissance de la production, des facteurs et de la productivité calculées à partir du fichier de microdonnées de l'EAM et des comptes de productivité sont présentées dans le tableau 4. Les microdonnées agrégées et les données des comptes de productivité affichent des taux de croissance de la production ou de la productivité du travail similaires pendant les années 1990, mais montrent des taux de croissance légèrement différents au cours de la période postérieure à 2000. Toutefois, elles affichent toutes les deux la même tendance à la baisse entre les années 1990 et la période postérieure à 2000. Les données de l'EAM montrent que la croissance de la productivité du travail a diminué pour passer de 3,1 % par année à 1,8 % par année de la période de 1990 à 1999 à celle de 2000 à 2006. Les données des comptes de productivité montrent que la croissance de la productivité du travail a diminué pour passer de 3,3 % par année à 1,0 % par année entre ces deux périodes.

Dans l'analyse empirique, la proportion du revenu du capital dans la valeur ajoutée totale sert d'approximation de l'utilisation de la capacité. Berndt et Fuss (1982) montrent que le revenu du capital ex post comparé au revenu du capital ex ante fournit une bonne mesure de l'utilisation du capital. Denison (1979) s'est servi d'un indice de la proportion des bénéfices des sociétés dans le revenu national des sociétés pour rajuster le facteur capital, afin de tenir compte des fluctuations dans l'intensité de l'utilisation. La proportion du revenu du capital dans la valeur ajoutée devrait demeurer constante si la fonction de production est une production de Cobb-Douglas comportant une pleine utilisation de la capacité. Des écarts à court terme par rapport à la proportion constante se produiront en même temps que des variations de l'utilisation de la capacité attribuables à des variations de la demande (Baily, Gordon et Solow, 1981).

Le graphique 2 présente la proportion du revenu du capital dans la valeur ajoutée du secteur de la fabrication au cours de la période de 1990 à 2006. Aux fins de la comparaison, le graphique présente aussi la proportion du revenu du capital dans la valeur ajoutée à partir des données du KLEMS (capital, main-d'oeuvre, énergie, matériel et services) et de l'indice des taux d'utilisation de la capacité mesuré par le ratio de la production réelle et de la production potentielle (Statistique Canada, CANSIM, tableau 028-0002).

La proportion du revenu du capital dans le KLEMS est demeurée environ au niveau de 30 % dans l'ensemble du secteur de la fabrication au fil du temps. Les écarts à court terme par rapport à la tendance rendent principalement compte de fluctuations cycliques.

Les trois mesures de l'utilisation de la capacité présentées dans le graphique 2 affichent une tendance similaire. Le taux d'utilisation de la capacité a connu une hausse dans les années 1990, les entreprises de fabrication ayant augmenté leur production pour répondre à la demande croissante de produits découlant de la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain. La baisse après 2000 a coïncidé avec l'appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain, qui a fait en sorte que les produits canadiens étaient plus coûteux sur les marchés américains. D'ailleurs, cette diminution a coïncidé avec la récession aux États-Unis, qui a donné lieu à une demande plus faible de produits importés.

La proportion tirée de l'EAM est plus élevée que celle obtenue du KLEMS, puisque l'estimation de la valeur ajoutée calculée à partir de l'EAM inclut les coûts des services achetés, tandis que la valeur ajoutée du KLEMS exclut les coûts des services achetés. Le niveau de revenu du capital, qui correspond aussi à la différence entre la valeur ajoutée et les coûts de la main-d'oeuvre, différera aussi entre les deux bases de données, puisque le revenu de capital de l'EAM inclut les coûts des services achetés, en raison de la méthode utilisée pour créer les données dans cette enquête. Le revenu du capital tiré du KLEMS exclut les services achetés.

Le graphique 3 présente un nuage de point sur les variations annuelles du logarithme de la proportion du revenu du capital dans le produit intérieur brut (PIB) nominal et les variations du logarithme du PIB réel dans l'ensemble du secteur de la fabrication au cours de la période de 1961 à 2006. La corrélation entre ces variables est positive et statistiquement significative. Le graphique 4 présente un nuage de points sur les variations annuelles du logarithme de la proportion du revenu du capital dans le PIB nominal et les variations du logarithme des taux d'utilisation de la capacité mesurées par le ratio de la production réelle et de la production potentielle dans les diverses industries. Les corrélations sont importantes et statistiquement significatives. Globalement, les données des graphiques 2 et 3 montrent que la proportion du revenu du capital comporte un lien étroit avec les situations cycliques de la production et les utilisations des facteurs qui sont associées aux variations de la demande 13  .

5   Résultats empiriques

La présente section rend compte des estimations de la croissance de la productivité du travail et des sources de cette croissance pour le secteur canadien de la fabrication. À la première étape, les paramètres de la fonction de production sont estimés au moyen de données au niveau des établissements, afin d'obtenir des estimations des économies d'échelle et de l'effet de l'utilisation variable de la capacité sur la croissance de la productivité du travail. À la deuxième étape, ces estimations de paramètres servent aux formules de décomposition, afin de ventiler la croissance agrégée de la productivité du travail entre ses composantes.

D'autres techniques économétriques sont utilisées pour estimer les paramètres, afin d'évaluer la sensibilité des résultats aux diverses techniques d'estimation. Enfin, les contributions relatives des exportateurs et des non-exportateurs, ainsi que des industries de biens durables par rapport aux industries de biens non durables, à la croissance agrégée de la productivité du travail et à ses deux principales sources (approfondissement du capital et croissance de la productivité multifactorielle (PMF)) sont mesurées afin de déterminer si les répercussions de l'utilisation de la capacité ont été plus grandes dans les marchés qui ont été les plus touchés par l'appréciation du dollar canadien.

5.1  Estimation de la fonction de production

L'équation (6) est estimée pour chacune des 20 industries à trois chiffres du SCIAN du secteur canadien de la fabrication grâce au regroupement des données de panel d'établissements en exploitation continue pour cinq périodes : de 1990 à 1993, de 1993 à 1996, de 1996 à 1999, de 2000 à 2003 et de 2003 à 2006. Les coefficients des facteurs et des variables de l'utilisation de la capacité sont considérés comme les mêmes d'un établissement à l'autre à l'intérieur des industries de la fabrication à trois chiffres, mais on assume qu'elles diffèrent entre les industries de la fabrication à trois chiffres. Toutes les régressions tiennent compte des effets de l'industrie de niveau à quatre chiffres du SCIAN et des effets fixes propres à la période. Les régressions sont effectuées au moyen de la technique des moindres carrés, qui a l'avantage d'être robuste.

Les résultats de l'estimation à partir de l'équation (6) sont présentés dans le tableau 5. Les coefficients de la croissance combinée des facteurs capital et travail varient de 0,95 à 1,06 selon les industries, ce qui montre, qu'en moyenne, des rendements d'échelle constants sont présents. Nos estimations des rendements d'échelle sont similaires aux données recueillies dans les études empiriques antérieures. Par exemple, Basu et coll. (2009) et Basu et Fernald (1997) ont déterminé que le degré des rendements d'échelle est très près de un dans la plupart des secteurs de la fabrication aux États-Unis.

Les coefficients de l'utilisation variable des facteurs sont tous positifs et statistiquement significatifs au niveau de 5 %. Une utilisation plus grande des facteurs, comme le capital, donne lieu à une production plus élevée. Ces deux coefficients serviront à l'analyse de décomposition qui figure ci-après.

5.2  Résultats de la décomposition pour le secteur de la fabrication agrégé

La présente section rend compte des estimations de la croissance de la productivité du travail et des sources de cette croissance pour l'ensemble du secteur de la fabrication. Les estimations selon l'approche de la frontière des possibilités de production, qui sont élaborées à partir des données au niveau des établissements de l'EAM, sont présentées en premier. L'approche fournit une décomposition de la croissance agrégée de la productivité du travail entre deux sources principales : l'effet de l'approfondissement agrégé du capital et l'effet de la croissance agrégée de la productivité multifactorielle. L'effet du capital agrégé et celui de la croissance agrégée de la PMF sont par la suite reliés à leurs sources au niveau de l'établissement, au moyen des équations (12) et (13).

Nos décompositions de la croissance de la productivité du travail se situent au niveau des industries à trois chiffres du SCIAN. Les résultats sont agrégés pour l'ensemble du secteur de la fabrication à partir des proportions de la valeur ajoutée nominale qu'ils représentent dans l'ensemble de la fabrication comme facteur de pondération (équation 17). Les résultats sont présentés dans les tableaux 6 et 7. Les effets de l'entrée nette sont inclus dans l'effet à l'intérieur des établissements du tableau 6, tandis qu'ils sont présentés séparément de l'effet à l'intérieur des établissements dans le tableau 7.

La partie supérieure du tableau 6 présente les estimations des sources de la croissance de la productivité du travail à partir de la frontière des possibilités de production figurant dans les équations (2), (3) et (4). Les résultats du tableau 6 sont similaires à ceux du KLEMS, comme le montre le tableau 1. La croissance de la productivité du travail dans le secteur de la fabrication a diminué pour passer de 3,7 % par année au cours de la période de 1990 à 1999 à 1,7 % par année au cours de la période de 2000 à 2006. La décélération de la croissance de la productivité du travail peut être attribuée à la baisse de la croissance de la PMF. La contribution de l'approfondissement du capital a augmenté légèrement entre les deux périodes.

La croissance estimée de la productivité du travail dans le tableau 6 est supérieure à celle indiquée dans le tableau 4. Cela vient de la différence dans la procédure d'agrégation utilisée pour estimer la valeur ajoutée agrégée. L'estimation du PIB agrégé du tableau 4 est obtenue à partir de la somme simple du PIB des établissements, au moyen de l'approche de la fonction agrégée de production. L'estimation agrégée du PIB dans le tableau 6 est obtenue à partir de la somme pondérée du PIB des établissements ou de la frontière des possibilités de production. La différence entre les deux estimations de la croissance agrégée de la productivité du travail dans les tableaux 4 et 6 rend compte de la différence entre les deux estimations de la croissance agrégée du PIB qui découle de la redistribution de la valeur ajoutée (Jorgenson et coll., 2007, équation 32).

La croissance agrégée de la productivité du travail se situe à 3,7 % par année au cours de la période de 1990 à 1999 lorsqu'elle est calculée à partir de la frontière des possibilités de production; elle se situe à 3,1 % par année lorsqu'elle est calculée à partir de la fonction agrégée de production. La différence de 0,6 point de pourcentage rend compte de la redistribution de la valeur ajoutée entre les établissements au cours de la période. Cela montre que les établissements qui ont des prix relatifs plus élevés ont connu une croissance relativement plus rapide 14  .

La partie du bas du tableau 6 présente les résultats de la décomposition pour la croissance agrégée de la PMF et l'effet agrégé de l'approfondissement du capital. Ils sont chacun décomposés en effets de redistribution à l'intérieur des établissements et entre les établissements. La croissance agrégée de l'approfondissement du capital rend principalement compte de la croissance qui se produit au niveau des établissements. La redistribution des facteurs ne représente pas un élément significatif de la croissance de la PMF globale pendant les années 1990. Par contre, la redistribution des facteurs entre les établissements représente un élément significatif de la croissance de la PMF globale au cours de la période de 2000 à 2006, du fait qu'elle est à l'origine de plus de la moitié de la croissance agrégée de 0,5 % de la PMF au cours de cette période. Pour la période de 1990 à 1999, la croissance agrégée de la PMF découle principalement de la croissance à l'intérieur des établissements. La redistribution des facteurs ne représente pas un élément important de la croissance de la PMF globale. Pendant la période postérieure à 2000, alors que le secteur de la fabrication a fait face à des défis de rajustement tels que l'appréciation du taux de change Canada–États-Unis, les répercussions sur la redistribution ont été considérablement plus grandes.

Des études empiriques antérieures ont décomposé la croissance agrégée de la productivité du travail entre l'effet de la croissance à l'intérieur des établissements et l'effet de la redistribution, par suite des entrées et des sorties et au sein des établissements en exploitation continue (Bartelsman, Scarpetta et Schivardi, 2005; Foster, Haltiwanger et Krizan, 2001; et Baldwin et Gu, 2006). Les résultats de la décomposition du tableau 7 peuvent être considérés comme un prolongement des études empiriques qui fournissent un aperçu complémentaire des sources de l'effet de la redistribution et de l'effet de la croissance à l'intérieur des établissements.

Les résultats présentés dans le tableau 7 correspondent à ceux des études empiriques antérieures. La majeure partie de la croissance agrégée de la productivité du travail rend compte de la croissance individuelle de divers établissements, mais la redistribution est importante.

Une croissance agrégée de la productivité du travail plus lente au cours de la période postérieure à 2000, comparativement à la période antérieure à 2000, rend compte d'une croissance de la productivité du travail plus lente à l'intérieur de différents établissements individuels (comme le montre la dernière colonne du tableau 7). Pour l'ensemble du secteur de la fabrication, la redistribution des facteurs de production (capital ou travail) aux établissements dont les prix des facteurs sont plus élevés a contribué à la croissance de la productivité du travail au niveau agrégé au cours de la période postérieure à 2000 (0,6 point de pourcentage) 15  . Toutefois, les avantages de l'effet de la redistribution ne sont pas suffisamment élevés pour compenser la baisse marquée de la croissance de la productivité du travail dans les divers établissements (2,2 points de pourcentage).

Dans la contribution de l'effet à l'intérieur des établissements (2,2 points de pourcentage), la diminution de 1,1 point de pourcentage est le résultat des baisses de l'utilisation de la capacité, et celle de 1,4 point de pourcentage, des baisses de la croissance de la productivité multifactorielle. Les économies d'échelle et l'approfondissement du capital ont peu contribué à la baisse de l'effet à l'intérieur des établissements. Selon les résultats, le ralentissement de la croissance agrégée de la productivité au cours de la période de 2000 à 2006 est principalement le fait de la sous-utilisation de la capacité de production et d'une détérioration de la croissance de la PMF.

Environ 55 %, ou 1,1 point de pourcentage, de la baisse de 2,2 points de pourcentage de la productivité agrégée du travail est attribuable à la nature procyclique de la productivité découlant de l'utilisation de la capacité. Au cours de la période postérieure à 2000, l'économie a connu une croissance plus lente : le secteur canadien de la fabrication a vu sa croissance diminuer à un taux annuel moyen de 0,3 % au cours de la période de 2000 à 2006, comparativement à une croissance moyenne de 3,4 % au cours de la période de 1990 à 1999. Le rajustement non instantané des facteurs de production, comme le capital et le travail, a entraîné une capacité excédentaire et des estimations plus faibles de la productivité (l'utilisation de la capacité non observable donne lieu à une mesure excédentaire des facteurs de production variables). Par ailleurs, la hausse marquée des prix de l'énergie qui a suivi l'essor des produits au cours de la période postérieure à 2000 peut avoir rendu les anciennes versions de capital obsolètes, comme ce qui s'est produit au cours des années 1970 pendant le premier choc pétrolier. Berndt et Wood (1984) ont examiné les répercussions des prix de l'énergie sur le flux de services à partir d'un stock donné de capital pour cette période, et sont d'avis que le premier choc des prix de l'énergie a entraîné l'obsolescence du capital.

Outre l'utilisation de la capacité, la réduction de la croissance de la PMF est un autre élément important de l'explication du ralentissement de la productivité du travail dans les établissements et au niveau agrégé. La PMF dans ce cas rend compte des effets de facteurs comme les changements technologiques dans l'organisation de la production et les compétences en gestion. Lorsque la croissance de la production ralentit, il en va de même pour la croissance des investissements et de la productivité. Les possibilités de croissance sont liées aux améliorations de la productivité. La théorie de Scot (1989) est axée sur la façon dont les investissements facilitent l'apprentissage et la croissance. Par ailleurs, la croissance facilite l'expérimentation de nouvelles techniques, qui peuvent ensuite être appliquées à la production infra-marginale. Les résultats présentés ici laissent supposer que les possibilités de croissance sont liées aux améliorations de la productivité attribuables à la hausse des incitatifs pour investir et augmenter l'efficience.

L'approfondissement du capital contribue aussi à la variation agrégée de la productivité du travail. Il est responsable de 1,0 point de pourcentage de la croissance de 3,7 points de pourcentage de la productivité du travail dans les années 1990, et de 1,2 point de pourcentage de la croissance de 1,7 point de pourcentage au cours de la période postérieure à 2000 (tableau 7). Même si l'appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain au cours de la période postérieure à 2000 a fait diminuer le coût du capital importé et était liée à un plus grand approfondissement du capital, cette source de l'amélioration de la productivité du travail n'a pas été suffisante pour contrebalancer l'effet de la baisse de la PMF.

Le ralentissement de la croissance agrégée de la productivité au cours de la période de 2000 à 2006 est attribuable à une baisse de la croissance à l'intérieur des établissements. L'entrée nette a aussi contribué à la baisse. Toutefois, la redistribution entre les établissements en exploitation continue a fait augmenter la croissance de la productivité du travail au cours de la période postérieure à 2000 16  . Ses répercussions sont plus importantes au cours de cette période, au moment où le secteur de la fabrication s'ajustait à l'appréciation du taux de change, que pendant les années 1990, où il était en expansion par suite de la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain. La contribution de la redistribution parmi les établissements en exploitation continue à l'augmentation de la croissance agrégée de la productivité du travail au cours de la période de 2000 à 2006 (0,6 point de pourcentage, tableau 7) est le résultat de la somme des effets de la redistribution des facteurs sur la croissance de la PMF (0,4 point de pourcentage) et de l'effet de la redistribution des facteurs sur l'approfondissement du capital (0,3 point de pourcentage).

Le revenu du capital estimé des divers établissements individuels qui est tiré de l'EAM inclut le coût des services achetés. Lorsque le revenu du capital des divers établissements individuels est étalonné en fonction des estimations du revenu du capital dans le KLEMS et que le revenu du capital corrigé sert d'approximation de l'utilisation de la capacité, la proportion rajustée du revenu du capital dans le PIB diminue à un taux plus rapide. La décélération de la croissance de la productivité du travail et de la croissance de la PMF de la période de 1990 à 1999 à celle de 2000 à 2006 est entièrement le résultat des variations dans l'utilisation de la capacité et du développement d'une capacité excédentaire pour la période de 2000 à 2006. La croissance de la PMF à l'intérieur des établissements a augmenté dans les faits entre les deux périodes (tableau 11 en annexe).

Les résultats des autres mesures de l'utilisation de la capacité laissent supposer que le développement d'une capacité excédentaire a été responsable d'au moins la moitié de la baisse de la croissance agrégée de la productivité du travail. Le reste est principalement le fait de la diminution de la croissance de la PMF au niveau de l'établissement.

5.3  Vérification de robustesse

Les résultats de la décomposition présentés dans la section précédente sont fondés sur les estimations des économies d'échelle et sur l'effet de l'utilisation de la capacité de l'équation d'estimation (6) qui établit un lien entre la croissance de la production, la croissance des facteurs et les variations de l'utilisation de la capacité. L'équation représente la différence première de la fonction de production de Cobb-Douglas qui suit : 

Image est un effet fixe d'année. L'équation comprend trois termes d'erreur :  Image représente un effet fixe d'établissement non observé, Image est un choc de productivité autorégressif possible et Image rend compte des erreurs de mesure non autocorrélées. Les rendements d'échelle représentent la somme des coefficients du facteur capital et travail, Image et Image.

L'équation (6) de différence première élimine les effets non observés propres à l'établissement de l'équation (18). Si les termes d'erreur ne sont pas corrélés avec les variables des facteurs et de l'utilisation de la capacité, les estimations de différence première de l'équation (6) ne sont pas biaisées. Toutefois, les termes d'erreur pourraient être corrélés avec les variables explicatives. Par exemple, un choc de productivité négatif pourrait entraîner une perte de parts de marché pour les entreprises canadiennes sur les marchés internationaux, ce qui pourrait mener à une baisse de l'utilisation des facteurs. Si les termes d'erreur sont corrélés avec les variables des facteurs et la variable de l'utilisation de la capacité, les estimations de différence première seront biaisées, mais l'importance de cet aspect pour les fins que nous visons représente une question empirique.

Pour évaluer les répercussions de l'endogénéité possible des termes d'erreur dans la fonction de production, on utilise les méthodes d'estimation de méthode des moments généralisée en système (MMGS) et de méthode des moments généralisée en différence (MMGD) (Blundell et Bond, 2000 et Arellano et Bond, 1991).

L'échantillon utilisé avec les méthodes des moments généralisées (MMG) est constitué de tous les établissements du fichier longitudinal de l'EAM qui étaient en exploitation pendant au moins cinq ans au cours de la période de 1990 à 2006. L'échantillon des établissements qui étaient en exploitation pendant au moins dix ans ou toutes les années pendant la période visée par l'échantillon est aussi utilisé; les estimations qui en découlent sont similaires.

Les estimations du degré des rendements d'échelle et de l'effet de l'utilisation de la capacité sont présentées dans le tableau 12 en annexe. Les estimations sont calculées au moyen des MMGS et MMGD, une erreur de AR(1) étant autorisée dans l'équation de niveau 17  . Le test d'autocorrélation de deuxième ordre et de troisième ordre d'Arellano-Bond rejette tous deux l'autocorrélation dans l'équation aux différences dans la plupart des industries. Toutefois, le test de Sargan rejette l'hypothèse nulle selon laquelle les restrictions de suridentification sont valides. Comme le test de Sargan comporte des faiblesses, ces résultats ne signifient pas nécessairement que les instruments de l'estimateur MMG sont invalides.

Le degré estimé de rendements d'échelle à partir des MMGS et MMGD est légèrement inférieur à l'estimation à partir des estimations en différence première, tandis que l'effet estimé de l'utilisation de la capacité est plus élevé que dans les estimations de différence première.

Les résultats de la décomposition de la croissance agrégée de la productivité du travail dans le secteur de la fabrication à partir des estimations de MMGS et MMGD sont présentés dans le tableau 13 en annexe. Globalement, ces conclusions sont encore plus frappantes en ce qui a trait à l'importance de l'utilisation de la capacité comparativement à celles obtenues au moyen des estimations de différence première et d'une technique statistique plus simple. Grâce à cette approche, environ 90 % de la baisse de la croissance de la productivité du travail postérieure à 2000 est attribuable à des variations de l'utilisation de la capacité, comparativement à environ 55 % au moyen de la méthode repère.

La sélection d'une de ces deux estimations nécessite de choisir entre la méthode plus simple, qui s'est révélée robuste dans de nombreux problèmes si les données sont moins que parfaites ou si les formes fonctionnelles représentent uniquement des approximations de la réalité, et la méthode plus complexe, qui est axée sur l'existence possible d'un problème particulier et qui offre une estimation de qualité supérieure. Toutefois, à nos fins, ce choix n'est pas nécessaire. Le présent document vise simplement à souligner l'importance de la prise en charge des répercussions de la modification de l'utilisation de la capacité sur notre interprétation des variations dans la productivité du travail. Ensemble, les deux techniques utilisées ici fournissent une limite inférieure d'au moins 55 % de la baisse de la productivité du travail attribuable à l'environnement économique, qui a fait augmenter la capacité excédentaire au cours de la période postérieure à 2000. Qui plus est, au moins une des variantes montre que la croissance de la PMF au cours de cette période a continué d'être positive et non pas négative.

6   Contributions des exportateurs et des non-exportateurs ainsique des établissements sous contrôle étranger et des établissementssous contrôle canadien

Mises ensemble, les variations de l'environnement économique et l'importance de la capacité excédentaire laissent supposer que les changements dans l'environnement commercial sont une des principales causes du ralentissement de la croissance de la productivité après 2000. Pour corroborer cette interprétation, on examine les différences dans la contribution directe des exportateurs et des non-exportateurs et des établissements sous contrôle étranger et des établissements sous contrôle canadien à la croissance agrégée de la productivité du travail.

Le Canada est un pays qui dépend des échanges. En 2006, le ratio des exportations de marchandises au produit intérieur brut se situait à 0,33; environ 84 % des exportations de marchandises étaient destinées au marché américain (tableau 2).

Afin de déterminer comment l'expansion et la contraction des marchés d'exportation ont eu des répercussions sur la croissance agrégée de la productivité, les établissements en exploitation continue au cours d'une période sont classés en quatre types selon leur statut d'exportateurs au cours de la période : les exportateurs en exploitation continue qui exportent au début et à la fin de la période; les entrants sur les marchés d'exportation au cours de la période; les sortants des marchés d'exportation; et les établissements qui n'exportaient pas, ni au début ni à la fin de la période.

Au cours des deux périodes, les établissements qui sont demeurés sur le marché des exportations représentaient une moyenne d'environ 55 % de la valeur totale ajoutée du secteur de la fabrication. Les établissements qui sont demeurés sur le marché canadien au cours de la période représentaient environ 10 % du total de la valeur ajoutée. Toutefois, on a assisté à un roulement sur les marchés d'exportation au cours des deux périodes. Les entrants sur les marchés d'exportation représentaient 9,7 % de la valeur totale ajoutée pour la période de 1990 à 1999, et 6,3 % de la valeur totale ajoutée pour la période de 2000 à 2006. Les établissements qui ont quitté le marché des exportations représentaient 5,7 % de la valeur totale ajoutée pendant les années 1990 et 8,1 % de la valeur totale ajoutée pour la période de 2000 à 2006.

La contribution directe à la croissance agrégée de la productivité du travail se décompose en quatre types d'établissements en exploitation continue, plus les contributions de l'entrée nette, à partir des estimations des paramètres de la fonction de production qui produisent les répercussions modérées de l'utilisation de la capacité (tableau 8). La décomposition révèle que le ralentissement de la productivité du travail a été entièrement le fait des exportateurs en exploitation continue. Au cours de la conjoncture plus favorable au marché des exportations des années 1990, les exportateurs en exploitation continue ont connu une croissance rapide de leur productivité du travail, étant à l'origine d'environ 3,1 points de pourcentage de la croissance annuelle de 3,7 % de la productivité du travail. Leur contribution a diminué pour s'établir à 0,1 point de pourcentage de la croissance annuelle de 1,7 % de la productivité du travail au cours de la période postérieure à 2000, les marchés d'exportation s'étant contractés et les exportateurs ayant connu une faible croissance de la productivité. Les exportateurs en exploitation continue ont été à l'origine de 3,0 points de pourcentage de la baisse de la croissance annuelle de la productivité du travail entre ces deux périodes. Environ 30 % du ralentissement a été attribuable à la sous-utilisation de la capacité de production, 50 %, à une croissance plus faible de la productivité multifactorielle, et les 20 % qui restent, à un ralentissement de l'approfondissement du capital entre les deux périodes.

L'augmentation des prix des marchandises, l'appréciation du dollar canadien et les hausses qui en ont découlé du point de vue des échanges ont offert de nouvelles possibilités sur des marchés intérieurs élargis, du fait de l'essor des ressources au pays qui a profité aux entreprises de fabrication actives sur le marché intérieur au cours de la période postérieure à 2000 (Baldwin et Yan, 2011). Les établissements qui ont quitté les marchés d'exportation et qui ont commencé à servir les marchés intérieurs ont obtenu des résultats biens meilleurs pendant la période postérieure à 2000 que pendant la période antérieure à 2000, affichant une hausse de leur contribution à la croissance agrégée de la productivité du travail de 0,8 point de pourcentage chaque année. La hausse découle principalement de l'approfondissement du capital (0,7 point de pourcentage) et des améliorations de la productivité multifactorielle (0,1 point de pourcentage).

Les établissements sous contrôle étranger sont généralement des établissements plus importants : ils ont été à l'origine d'environ 46 % de la production du secteur de la fabrication en 2000, même s'ils ne représentaient qu'environ 6 % du nombre total d'établissements cette année-là. Environ 55 % des établissements sous contrôle étranger étaient des exportateurs comparativement à environ 34 % des établissements sous contrôle canadien en 2000.

Du fait des différences dans la participation au marché des exportations et dans la croissance de ce marché, on présume que la croissance de la productivité des établissements sous contrôle étranger a ralenti beaucoup plus au cours de la période postérieure à 2000 que celle des établissements sous contrôle canadien. Cet écart ne devrait toutefois pas être aussi marqué qu'entre les exportateurs et les non-exportateurs, certaines entreprises canadiennes étant aussi des exportateurs.

Les résultats de la décomposition dans le tableau 9 montrent que les établissements en exploitation continue sous contrôle étranger ont été à l'origine de 1,8 point de pourcentage de la décélération de la croissance agrégée de la productivité du travail de la période de 1990 à 1999 à celle de 2000 à 2006, comparativement à 0,4 point de pourcentage pour les établissements sous contrôle canadien 18  . La contribution des établissements sous contrôle étranger à ce ralentissement de la croissance agrégée de la productivité du travail est plus importante que la proportion de la valeur nominale ajoutée que ces établissements représentent (de 40 % à 45 % pour les deux périodes), les établissements sous contrôle étranger ayant affiché une baisse plus marquée de la croissance de la productivité du travail que ceux sous contrôle canadien. Toutefois, comme il fallait s'y attendre, l'écart entre les établissements sous contrôle étranger et sous contrôle canadien n'est pas aussi marqué que celui entre les exportateurs et les non-exportateurs.

La source commune du ralentissement pour les établissements sous contrôle canadien et sous contrôle étranger est la capacité de production excédentaire. La croissance plus lente de la productivité multifactorielle (PMF) est l'autre facteur important pour les établissements sous contrôle étranger. Par contre, la croissance de la PMF dans les établissements sous contrôle canadien a peu changé au fil du temps. L'effet de l'approfondissement du capital a augmenté dans les établissements sous contrôle étranger, alors qu'il était sans importance dans les établissements sous contrôle canadien. Les baisses dans les coûts du capital liées à l'appréciation du taux de change ont été exploitées davantage par les établissements sous contrôle étranger que par ceux sous contrôle canadien.

7   Résultats de la décomposition pour les industriesde fabrication de biens durables et non durables

Le secteur de la fabrication de biens durables dépend davantage des échanges que celui de la fabrication de biens non durables. Il utilise aussi généralement plus de capital, ce qui le rend particulièrement sensible aux baisses de l'utilisation de la capacité.

Les différences entre les années 1990 et la période postérieure à 2000 du point de vue des variations dans l'intensité des exportations se sont particulièrement fait sentir dans les industries de biens durables. De 1990 à 1999, l'intensité des exportations (définie comme le ratio des exportations aux livraisons totales) a augmenté de 1,4 point de pourcentage par année dans le cas des biens durables. De 2000 à 2006, l'intensité des exportations dans le secteur de la fabrication des biens durables a diminué de 0,5 point de pourcentage par année. Pour ce qui est du secteur de la fabrication de biens non durables, l'intensité des exportations a augmenté de 0,7 point de pourcentage par année au cours des deux périodes.

Par conséquent, comme on pouvait s'y attendre, la croissance de la productivité du travail a diminué de façon plus marquée au cours de la période postérieure à 2000 dans le secteur de la fabrication de biens durables que dans celui de la fabrication de biens non durables (tableau 10). La majeure partie de la baisse de la croissance agrégée de la productivité du travail au cours de la période postérieure à 2000 a été attribuable à la diminution de la croissance de la productivité du travail dans les établissements en exploitation continue, tant ceux du secteur de la fabrication de biens durables que de biens non durables. L'effet de redistribution dans le cas des établissements en exploitation continue a augmenté entre les années 1990 et la période postérieure à 2000. L'effet des entrées et des sorties a diminué au cours des deux périodes.

La baisse de la composante à l'intérieur des établissements dans le secteur de la fabrication de biens durables au cours de la période postérieure à 2000 peut être liée à la baisse de la croissance de la productivité multifactorielle (PMF), à la baisse de l'approfondissement du capital et à la baisse de l'utilisation des facteurs. La baisse de la composante à l'intérieur des établissements dans le secteur de la fabrication de biens non durables au cours de la période postérieure à 2000 rend compte de la diminution de la croissance de la PMF et de la baisse de l'utilisation des facteurs. L'effet de l'approfondissement du capital a augmenté au cours de la période postérieure à 2000 dans le secteur de la fabrication de biens non durables.

8   Conclusion

Le secteur canadien de la fabrication a connu une restructuration considérable, par suite du développement d'une capacité excédentaire et du ralentissement de la croissance des exportations au cours de la période postérieure à 2000. Le présent document démontre le lien étroit qui existe entre cette restructuration et le ralentissement de la croissance de la productivité au cours de cette période.

La décomposition de la croissance de la productivité globale en composantes révèle que la majeure partie, sinon la totalité, de la baisse de la croissance agrégée de la productivité du travail a été due à la diminution de la croissance de la productivité du travail dans les établissements, et non pas à la restructuration et à la redistribution des ressources. Par ailleurs, la majeure partie de cette baisse a été le résultat de l'émergence d'une capacité excédentaire. Même si les différences dans nos estimations de la proportion exacte découlant de la capacité excédentaire dépendent des techniques d'estimation utilisées, ces différences n'ont pas de répercussions sur la conclusion globale selon laquelle la détérioration de la productivité au cours des années 1990 dans le secteur de la fabrication découle pour une large part de la situation économique, qui a mené au développement d'une capacité excédentaire.

L'effet de l'entrée nette s'est aussi atténué au cours de la période postérieure à 2000, et a contribué au ralentissement de la productivité du travail après 2000. Dans un document connexe, Baldwin et Yan (2011) démontrent qu'une part importante de cette baisse dans l'effet de l'entrée nette a aussi été associée à l'appréciation du dollar canadien au cours de cette période. L'appréciation du dollar canadien au cours de la période postérieure à 2000 a entraîné le départ d'un grand nombre d'exportateurs qui sont relativement plus productifs et importants. Par conséquent, ceux qui sont sortis du marché au cours de cette période étaient aussi productifs que ceux qui sont entrés, ce qui fait que le processus d'entrée et de sortie a peu contribué à la croissance de la productivité. La redistribution des facteurs à l'intérieur des établissements en exploitation continue n'a pas diminué au cours de la période postérieure à 2000 et n'a pas constitué un élément de la baisse de la croissance de la productivité du travail au cours de cette période. En fait, les répercussions positives de la redistribution ont augmenté après 2000, mais pas suffisamment pour contrebalancer les répercussions des hausses de la capacité excédentaire.

Les marchés d'exportation ont été à la source de ces répercussions de la capacité excédentaire. La presque totalité du ralentissement de la croissance agrégée de la productivité du travail après 2000 a été le fait des exportateurs. La baisse de la croissance de la productivité du travail a été plus prononcée dans les établissements sous contrôle étranger que dans les établissements sous contrôle canadien, les premiers étant davantage axés sur les exportations. La baisse a aussi été plus prononcée dans la fabrication de biens durables que dans celle de biens non durables, par suite d'une intensité des exportations relativement élevée dans la fabrication de biens durables et de l'intensité du capital de son processus de production, qui fait en sorte que son rendement est particulièrement sensible à l'émergence d'une capacité excédentaire.

9   Annexe

Date de modification :