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par Guillaume Dubé,
Division de la statistique du commerce
Résumé
Les ventes de médicaments explosent
Hausse des ventes de médicaments : un peu les prix, surtout la demande
Les pharmacies ont perdu du terrain face aux concurrents
Tendance inverse chez nos voisins américains
Les médicaments ont pris de l’importance pour les
pharmacies
La demande de médicaments a explosé au Canada au cours de la dernière décennie environ, poussée par des millions de prescriptions rédigées par les médecins chaque année.
En 2005, la vente de médicaments (incluant les vitamines et autres suppléments de santé) par les détaillants a atteint plus de 20 milliards de dollars pour la première fois.
Cette explosion des ventes de médicaments a été accompagnée par un phénomène de plus en plus visible dans la vente au détail, c’est-à-dire, l’implantation de points de vente pharmaceutiques dans les magasins d’alimentation et de marchandises diverses.
La présente étude examine ce phénomène de 1998 à 2005. L’analyse vise plus particulièrement la concurrence entre les pharmacies (incluant les magasins d’autres produits de santé et de soins personnels) et les magasins d’alimentation et de marchandises diverses utilisant principalement les données de l’Enquête trimestrielle sur les marchandises vendues au détail. La situation au Canada par rapport aux États-Unis est aussi examinée.
Bien qu’elles dominent toujours le marché des ventes de médicaments, les pharmacies1 ont perdu des parts de marché au profit des magasins d’alimentation et de marchandises diverses canadiens entre 1998 et 2005.
De 84,0 % des ventes, leur part est tombée à 76,9 % durant cette période, une perte de 7,1 points de pourcentage. Pendant ce temps, la proportion des ventes de médicaments dans les magasins d’alimentation de même que celle de marchandises diverse ont monté.
La croissance annuelle moyenne des ventes de médicaments a atteint 6,5 % dans les pharmacies au cours de cette période. Il s’agit de la moitié de la croissance des ventes de médicaments des magasins d’alimentation et de marchandises diverses qui atteignait 13,8 %.
La hausse des ventes de médicaments a surpassé celle de l’ensemble des ventes dans le commerce de détail. Les ventes de médicaments ont progressé en moyenne de 7,9 % entre 1998 et 2005, alors qu’elles se sont accrues de 5,3 % pour l’ensemble des marchandises vendues au détail.
Aux États-Unis, d’une part la demande de médicaments a augmenté à un rythme semblable à celui du Canada. D’autre part, contrairement à ce qui s’est passé au Canada, les pharmacies américaines ont conquis une proportion grandissante du marché des ventes d’article de santé et de soins personnels pendant que les magasins d’alimentation et de marchandises diverses en perdaient.
L’accroissement des ventes de médicaments ne semble pas reposer uniquement sur la hausse du coût de ces derniers. La demande semble être majoritairement responsable de la croissance. En fait, le nombre d’ordonnances exécutées dans les pharmacies canadiennes qui comprend les nouvelles prescriptions et les renouvellements, a connu une forte hausse au cours de la dernière décennie.
Un groupe de commerce (GC) représente une agrégation spéciale de différents magasins de détail tel que défini par le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN).
Les pharmacies (GC 120) comprennent les pharmacies, les magasins de cosmétiques, de produit de beauté et de parfums, les magasins de produits optiques et les magasins d’autres produits de santé et de soins personnels. Au Québec, toutes les pharmacies doivent être exploitées par un pharmacien propriétaire. Par conséquent, contrairement aux autres provinces canadiennes, les pharmacies québécoises localisées dans un magasin d’alimentation ou un magasin de marchandises diverses sont incluses uniquement et entièrement dans le groupe de commerce des pharmacies.
Les magasins d’alimentation et de marchandises diverses combinent les secteurs des magasins d’aliments et boissons et les magasins de marchandises diverses. Les magasins d’aliments et boissons regroupent trois groupes de commerce : les supermarchés (GC 90), les dépanneurs et les magasins d’alimentation spécialisés (GC 100) et les magasins de bière, de vin et de spiritueux (GC 110). Les magasins de marchandises diverses incluent les grands magasins (GC 170) et les autres magasins de marchandises diverses (GC 180). Au Québec, les ventes des pharmacies qui sont physiquement situées dans ces magasins sont comptabilisées dans le groupe de commerce des pharmacies étant donné leur statut légal.
Tous les autres secteurs combinés font référence au secteur de l’automobile (ce qui comprend les concessionnaires d’automobiles neuves (GC 010), les concessionnaires de véhicules automobiles d’occasion, de plaisance et pièces (GC 020) et les stations-service (GC 130)) ; aux magasins de meubles (GC 030), d’accessoires de maison (GC 040), d’ordinateurs et de logiciels (GC 050), d’appareils électroniques et d’électroménagers (GC 060) ; aux magasins de matériaux de construction et de produits extérieurs pour la maison (qui incluent les centres de rénovation et quincailleries (GC 070) et les magasins de matériaux de construction spécialisés et de jardinage (GC 080)) ; aux magasins de vêtements (GC 140) et magasins de chaussures, d’accessoires vestimentaires et bijouteries (GC 150) ; et aux détaillants divers (qui comprennent les magasins d’articles de sport, de passe-temps, de musique et les librairies (GC 160) et les magasins de détail divers (GC 190)).
Les ventes d’articles de santé et de soins personnels correspondent au total des ventes de médicaments (avec ou sans ordonnance), de vitamines et autres suppléments de santé, de matériel et fournitures de soins de santé à domicile, de cosmétiques et parfums, d’autres articles de toilettes et de soins personnels et de produits optiques (avec ou sans ordonnance).
De façon plus spécifique, les ventes de médicaments font référence aux ventes de médicaments avec ou sans ordonnance, de vitamines, de plantes médicinales et autres suppléments de santé.
La demande de médicaments a bondi au Canada. Depuis les 20 dernières années, les médicaments d’ordonnance représentent une proportion croissance des coûts des soins de santé au Canada2.
Les ventes des médicaments avec ou sans ordonnance ont affiché l’une des meilleures croissances de tout le commerce de détail, surpassant celle de l’ensemble des produits vendus au détail.
Avec un taux de croissance annuel moyen de 7,9 % entre 1998 et 2005, les ventes de médicaments au Canada ont progressé plus rapidement que l’ensemble des marchandises vendues qui ont quand même crû de 5,3 %. Ce sont plus particulièrement les ventes de médicaments sur ordonnance qui sont responsables de la hausse observée ayant affiché une croissance moyenne de 9,0 % par année.
L’augmentation de 8,2 milliards de dollars depuis 1998 a porté la valeur des ventes des médicaments, de vitamines et autres suppléments de santé à plus de 20 milliards de dollars en 2005, un record jamais encore atteint au Canada. Les pharmacies se sont approprié presque les deux tiers de la croissance des ventes c’est-à-dire une valeur de 5,5 milliards de dollars.
Les médicaments avec ou sans ordonnance prennent de plus en plus de place dans l’industrie du commerce de détail. En proportion du total des ventes réalisées pour l’année 2005, les médicaments ont représenté 5,7 % de l’ensemble des marchandises vendues au détail comparativement à 4,8 % sept ans plus tôt, un gain de près d’un point de pourcentage, un pas de géant dans cette industrie brassant plus de 353 milliards de dollars annuellement.
Les possibilités offertes par la croissance de médicaments ont encouragé la construction de nouveaux détaillants qui sont venus grossir les rangs du secteur des pharmacies. Entre 1998 et 2005, on a compté plus de 2 300 nouveaux établissements pour établir ce nombre à 16 0003, soit une croissance moyenne de 2,2 %. En comparaison, les magasins de matériaux de construction et de produits extérieurs pour la maison qui ont connu l’une des meilleurs croissance grâce entre autres, au dynamisme de la construction résidentielle, ont enregistré une augmentation de 2 100 nouveaux établissements en sept ans.
Pendant cette période, les Canadiens ont vu apparaître de plus en plus de pharmacies à l’intérieur des magasins d’alimentation et de marchandises diverses qui ont affiché des hausses impressionnantes des ventes de médicaments, faisant grimper leur total à plus de 4,6 milliards en 2005. En outre, les ventes de médicaments ont doublé dans les magasins d’alimentation et triplé dans les magasins de marchandises diverses pour se situer respectivement à 2,8 milliard et 1,8 milliards de dollars en 2005.
Tableau 1
Répartition des ventes de marchandises choisies selon le groupe de commerce, Canada, 1998 et 2005
On peut généralement expliquer l’augmentation des ventes d’un produit par deux facteurs possibles : une augmentation des prix ou une augmentation des quantités vendues. Entre 1998 et 2005, l’augmentation de la quantité semble être majoritairement responsable de la hausse des ventes de médicaments au détail.
Le nombre d’ordonnances exécutées dans les pharmacies canadiennes, qui comprend les nouvelles prescriptions et les renouvellements, a connu une forte évolution entre 1998 et 2005. Le nombre d’ordonnances exécutées a crû à un rythme moyen de 6,5 % par année. Ainsi, plus de 395 millions d’ordonnances ont été émises en 2005, soit en moyenne environ une douzaine pour chaque Canadiens et Canadiennes4.
Graphique 1
Le volume des ordonnances exécutées ne cesse d’augmenter
Il est reconnu que les personnes âgées ont des besoins plus grands en matière de santé que les personnes plus jeunes. La prévalence de maladies chroniques, de limitations d’activités et d’incapacités est fortement reliée à l’âge et, par conséquent, à la consommation de médicaments avec ou sans ordonnance aussi.
Or, le nombre de personnes âgées dans la population canadienne a augmenté à un rythme plus élevé que tous les autres groupes d’âge au cours des dernières années. Actuellement, plus d’une personne sur 10 au Canada est âgée de 65 ans et plus. Selon les projections de Statistique Canada5, la proportion de personnes âgées serait appelée à pratiquement doubler au cours des 25 prochaines années. Les aînés formeront environ le quart de la population en 2031.
Les modifications aux systèmes de soins de santé, l’apparition de nouveaux traitements et le développement de la pharmacothérapie ont accru l’importance des médicaments dans les soins de santé et ont contribué à la transition des soins en milieu hospitalier vers des soins ambulatoires et des soins à domicile6.
Les prix des médicaments ont également connu une hausse au cours des dernières années. Néanmoins, l’augmentation des prix semble avoir joué un rôle moins dominant dans l’augmentation du coût des dépenses en santé chez le consommateur. Entre 1998 et 2005, l’Indice des prix à la consommation spécifique aux médicaments et produits pharmaceutiques a connu une augmentation annuelle moyenne de 1,4 % alors que l’indice d’ensemble a progressé de 2,3 % par année. Les hausses des indices des médicaments prescrits et des médicaments non prescrits sont toutes les deux inférieures à celle enregistrée pour l’indice d’ensemble7.
Bien qu’elles dominent toujours le marché des ventes d’articles de santé et de soins personnels, les pharmacies ont perdu des parts de marché au profit des autres détaillants.
En 2005, les consommateurs canadiens ont déboursé 20 milliards de dollars au chapitre des médicaments (avec et sans ordonnance), vitamines et autres suppléments de santé. Pour chaque tranche de 100,00 $ d’achat pour ces produits, les consommateurs canadiens ont dépensé 76,90 $ dans les pharmacies, soit un montant considérablement inférieur aux 84,00 $ dépensés en 1998.
Les grands gagnants dans cette situation ont été les magasins d’alimentation et de marchandises diverses qui ont tous deux su tirer avantage de la hausse des ventes de médicaments au Canada.
En 2005, pour chaque tranche d’achat de 100,00 $ pour des médicaments, les consommateurs canadiens ont déboursé un montant de 14,10 $ dans les magasins d’alimentation comparativement à 10,30 $ en 1998. Dans les magasins de marchandises diverses, ils ont dépensé 9,00 $ en 2005 alors que c’était seulement 5,50$ en 1998.
En d’autres termes, les magasins d’alimentation et de marchandises diverses se partagent les gains de part de marché de la vente de médicaments. Là où ils détenaient un peu plus de 15 % du marché en 1998, ces deux secteurs se sont accaparé chacun d’un peu plus de 3,5 % additionnel du marché pour atteindre presque le quart des ventes de médicaments en 2005.
Tableau 2
Part de marché des groupes de commerce selon les principaux groupes de marchandises, Canada, 1998 et 2005
Les données des États-Unis n’étant pas disponibles pour les mêmes années de référence que celles du Canada, il n’est pas possible de faire une comparaison directe pour la période de 1998 à 2005. De plus, étant donné les classifications différentes des médicaments sans ordonnance entre les deux pays la comparaison ne peut être faite qu’au niveau des articles de santé et de soins personnels qui incluent tout de même les médicaments.
Contrairement à ce qui s’est passé au Canada en 2002, les pharmacies américaines ont conquis une proportion grandissante du marché des articles de santé et de soins personnels par rapport à 1997.
Le gain ainsi réalisé en cinq ans, soit une progression de trois points de pourcentage, a ramené la position des pharmacies par rapport à leurs concurrents aux États-Unis plus près de la situation observée au Canada. Les pharmacies américaines détenaient 62,8 % des parts de marché des ventes d’articles de santé et de soins personnels en 2002 pendant qu’au Canada, elles détenaient 66,5 %. En 1997, les pharmacies américaines détenaient 59,8 % du marché.
La part du marché des ventes d’articles de santé et de soins personnels par les magasins d’alimentation et de marchandises diverses du sud de notre frontière a diminué, passant de 38,5 % en 1997 à 36,0 % en 2002. Malgré cette baisse, les ventes par les magasins d’alimentation et de marchandises diverses américains ont atteint plus du tiers des dépenses des consommateurs américains de cette catégorie de produits.
Pourtant, globalement, les deux pays ont connu un contexte de ventes au détail d’articles de santé et de soins personnels semblable. Tout comme au Canada entre 1998 et 2005, les ventes totales de ce groupe de marchandises aux États-Unis ont progressé beaucoup plus rapidement que l’ensemble des marchandises vendues entre 1997 et 2002. Les ventes au détail d’articles de santé et de soins personnels y ont augmenté à un taux moyen de 9,4 % par rapport à 4,0 % pour l’ensemble des biens et services8.
Le vieillissement de la population frappe aussi les États-Unis et la demande augmente. Les ventes d’articles de santé et de produits de soins personnels étaient évaluées à 232 milliards de dollars américains en 2002, tandis que les ventes de médicaments sur ordonnance avaient presque doublé en 5 ans pour se chiffrer à 135 milliards de dollars américains cette année-là. Les ventes de médicaments sur ordonnance ont crû de plus de 10,0 % en moyenne entre 1997 et 2002.
Tableau 3
Part de marché des groupes de commerce selon les principaux groupes de marchandises choisies, États-Unis, 1997 et 2002
Selon l’Enquête sur l’utilisation d’Internet par les ménages qui a été remplacée par l’Enquête canadienne sur l’utilisation de l’Internet, 4,9 % des utilisateurs d’Internet au Canada ont effectué des achats d’articles de santé, beauté, médicaments ou vitamines en 20039.
Le phénomène des cyberpharmacies occupe une faible part des ventes de médicaments. Les ventes de médicaments par les cyberpharmacies canadiennes (qui vendent des médicaments sur ordonnance par Internet) ont atteint 726 millions de dollars en 2005.
La valeur totale des ventes de médicaments vers les États-Unis était évaluée à 507 millions de dollars, soit une diminution de 18,0 % comparativement en 2004. Quant à eux, les Canadiens ont acheté pour 219 millions de dollars de médicaments d’ordonnance par Internet en 200510.
Entre 1998 et 2005, les pharmacies ont vu une concentration de leurs ventes se produire autour des médicaments pendant que la place des médicaments dans les ventes des magasins d’alimentation et de marchandises diverses a pratiquement doublé.
Dans les pharmacies, 58,4 % des ventes provenaient des médicaments en 1998 et cette proportion a grimpé à 64,2 % en 2005. Pendant ce temps, la part de marché pour les magasins d’alimentation et de marchandises diverses est passée de 2,2 % à 4,0 %.
La tendance au magasinage dans un seul endroit peut avoir attiré une certaine clientèle dans les magasins d’alimentation et de marchandises diverses, surtout dans des situations de besoins non urgents en médicaments. L’offre de médicaments devient alors une stratégie qui semble avoir permis des gains de parts de marché.
De plus en plus, les consommateurs canadiens peuvent acheter des médicaments tout en faisant leur épicerie ou leur magasinage de tous les jours. La présence des médicaments dans les magasins d’alimentation et de marchandises diverses s’inscrit dans le cadre d’une tendance à la diversification de leur gamme de produits11.
La baisse des ventes de produits du tabac peut en partie expliquer la hausse de la proportion des médicaments dans les ventes des pharmacies. (Il faut noter que la baisse des ventes de produits de tabac aurait entraîné une hausse de la proportion des ventes de médicaments même en l’absence de la hausse des ventes de médicaments.) Dans plusieurs provinces, la législation interdit maintenant aux pharmacies d’offrir des produits de tabac. Dans d’autres cas, ce sont les ordres professionnels qui conseillent aux pharmaciens de ne pas offrir ce type de produits.
Entre 1998 et 2005, les ventes de produits du tabac par les pharmacies ont chuté de 150 millions de dollars, le tiers de ce qu’elles étaient. En conséquence, les produits du tabac n’ont représenté que 0,9 % des ventes des pharmacies en 2005, en baisse de 1,2 point de pourcentage depuis 1998.
Tableau 4
Proportion des ventes des principaux groupes de marchandises selon les secteurs de groupe de commerce, Canada, 1998 et 2005