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La contraction amorcée en 2008 a été remarquable en ce que son développement a été tout à la fois rapide et profond, ce qui est devenu particulièrement évident après août, tout d’abord sur les marchés financiers, puis dans la production et l’emploi. Dans le présent document, l’auteur compare les contractions sur le marché boursier, sur celui des produits de base et sur celui des changes à la situation des trois cycles précédents. Il examine ensuite comment les reculs exceptionnels sur les marchés financiers et sur celui des produits de base se sont répercutés sur la production et l’emploi durant la récession de 2008-2009.
Le repli récent a été marqué de fortes baisses sur le marché boursier, sur celui des produits de base et sur celui des changes à la fin de 2008. Le gros de ces baisses est survenu au cours d’une très courte période de temps au sommet de la crise à l’automne de 2008. La baisse a été plus forte en 2008 qu’au cours de chacun des trois cycles précédents dans les trois marchés, soit en 1981-1982, au début des années 1990 et en 2001.
La chute prononcée des prix des produits de base s’est poursuivie pendant huit mois, soit de juin 2008 à février 2009, période nettement plus courte que celles des cycles précédents (29 mois en 1981-1983, 33 mois en 1989-1991 et 10 mois en 2001). Malgré sa brièveté, la baisse de 50 % des prix des produits de base durant le présent cycle a largement dépassé celle de 31 % en 2001, de 18 % en 1989-1991 et de 12 % en 1981-1982 (figure 3.1). Plus de la moitié (60 %) de la plus récente baisse est survenue au cours de la période de trois mois allant d’août à octobre 2008. Elle comprenait des replis mensuels répétés de plus de 10 %, les seuls de ce genre jamais enregistrés 2 .
Le dollar canadien s’est écarté de la parité avec le dollar américain pour tomber à 79 cents, son niveau le plus faible des 10 mois compris entre mai 2008 et mars 2009. Les baisses du taux de change s’étaient échelonnées sur un an ou plus au cours de chacun des trois cycles précédents 3 . La dépréciation de 21 % du dollar canadien vers la fin de 2008 et au début de 2009 a dépassé largement les faibles diminutions de moins de 10 % enregistrées au cours des cycles antérieurs (figure 3.2). Ici encore, plus de la moitié (59 %) de cette baisse s’est produite au cours d’une période de deux mois seulement (principalement durant le recul mensuel record enregistré en octobre).
La Bourse de Toronto a atteint un sommet en juin 2008, puis a chuté rapidement jusqu’au début de mars 2009, une dégringolade de neuf mois comparativement aux baisses de sommet à creux de 12 mois en 1981-1982, 14 mois en 1989-1990, et de 13 mois après l’éclatement de la bulle des technologies de l’information et des communications (TIC) en 2000-2001 (figure 3.3). La chute de 45 % en 2008-2009 a dépassé les baisses de 37 % en 1981-1982, de 23 % en 1989-1990 et de 39 % en 2000-2001 4 . Plus de la moitié (61 %) du recul a eu lieu en octobre et novembre 2008. Le recul de sommet à creux des prix du marché boursier en 2008-2009 a suivi de près le repli prononcé des prix des produits de base tant en durée qu’en gravité, reflétant la prédominance des actions du secteur des ressources naturelles à la Bourse de Toronto après l’expansion des prix des produits de base qui a duré sept ans.
Bien que les périodes de contraction des marchés financiers et du marché des produits de base aient été plus courtes en 2008, l’ampleur des baisses a été aussi importante, ou même supérieure, à celle des cycles précédents, généralement dans une large mesure. Des variations dont l’ampleur dépasse la moyenne, et qui se font brèves, sont suivies inévitablement d’une courte période de forte contraction. Les baisses des cours des actions, du taux de change et des prix des produits de base survenues à l’automne 2008 ont établi des records en matière de rapidité de la chute. Il convient de noter que près de 60 % de ces baisses sont survenues en seulement deux ou trois mois sur les trois marchés à la fin de 2008, ce qui reflète l’interdépendance des trois marchés au cours de la période.
L’incidence de l’accélération des cycles dans les marchés financiers et les produits de base sur la production et l’emploi dans l’économie réelle n’est pas claire en théorie. La technologie qui a permis de créer des chaînes d’approvisionnement transnationales pourrait accélérer la transmission globale des cycles à la production. Cependant, ces mêmes technologies ont permis aux entreprises de mieux contrôler leurs stocks, et cela a eu un important effet modérateur sur les récents cycles économiques 5 .
La chute rapide des marchés financiers et des produits de base à l’automne de 2008 a amené certains analystes à conclure que, s’il se poursuivait pendant plusieurs mois, le repli annoncerait une récession grave ou pire encore. Au lieu de cela, tandis que l’économie réelle a eu tôt fait d’entrer en récession, la baisse du PIB réel et de l’emploi au Canada a été plus courte et moins prononcée dans l’ensemble qu’au cours des deux récessions précédentes, soit celles de 1981-1982 et du début des années 1990 (l’année 2001 est exclue de cette comparaison, puisqu’il n’y a pas eu de récession du PIB et de l’emploi au Canada, contrairement à la situation aux États-Unis).
Tandis que la récente récession n’était pas inhabituellement longue ou prononcée, le PIB réel et l’emploi ont affiché des baisses hâtives et plus marquées au début du récent ralentissement qu’en 1981-1982 et en 1990-1991. Dans le cas du PIB, près des deux tiers (64,0 %) de la baisse s’est produite entre novembre 2008 et janvier 2009, une période de trois mois durant laquelle le PIB a diminué de 2,5 % alors que les exportations du Canada ont chuté de 26 %. La figure 3.4 montre que les taux de repli du PIB étaient les plus élevés au début de la contraction de 2008-2009, au milieu de la récession en 1990 et vers la fin de la récession en 1982 6 .
Le début hâtif de la récession de 2008 a été remarqué également sur le plan de l’emploi. La chute de 2,3 % de l’emploi entre octobre 2008 et mai 2009 7 a été supérieure au recul initial lors des deux récessions précédentes. Presque la totalité (88,5 %) de la baisse est survenue au cours des quatre mois compris entre novembre 2008 et février 2009. Par comparaison, la période pendant laquelle la diminution a été la plus marquée se situait plus tard dans les deux récessions précédentes (figure 3.5).
Même si la contraction initiale de la production et de l’emploi a été particulièrement rapide à se manifester au cours du dernier repli, les pertes globales n’ont pas dépassé les pertes des récessions précédentes. Jusqu’ici, l’emploi a reculé de 2,3 % au cours de la présente récession, comparativement à 3,4 % en 1990-1992 et à 5,4 % en 1981-1982. Le PIB réel trimestriel a chuté de 3,6 % en 2008-2009, par rapport à 3,4 % en 1990-1991 et à 4,9 % en 1981-1982. Selon ce compte, les contractions plus fortes sur les marchés financiers observées en 2008 ne se sont pas reflétées dans l’économie réelle. Même si la récession de 2008-2009 a atteint son pire moment plus rapidement, l’ampleur de la baisse a été similaire à celles des cycles précédents ou moins prononcée que celle de ces dernières.
La technologie n’est pas le seul facteur qui a pu précipiter l’entrée en récession vers la fin de 2008. Les signaux de prix émanant du choc subi par les marchés financiers étaient peut-être tellement criants que toute entreprise ayant accès aux médias traditionnels (sans parler de l’examen des commandes quotidiennes passées par les clients sur Internet) aurait pu prévoir un ralentissement marqué, du moins dans les secteurs habituellement sensibles aux cycles économiques comme ceux de l’automobile, du logement et des biens d’équipement, les plus durement touchés par la récession. Ainsi, la rapidité de la récession peut avoir reflété des événements particuliers à 2008.
Un autre facteur a pu venir accélérer les baisses de la production et de l’emploi; il s’agit de la disparition soudaine de crédit dans certains marchés, notamment celui du papier commercial aux États-Unis. Sans moyen viable de financer les stocks, certaines entreprises ont immédiatement réduit leur production. Cela donne à penser à nouveau que le début hâtif de la récession était attribuable en partie à certains événements particuliers à 2008.
L’extraction de minerais métalliques offre l’exemple d’une industrie qui a réduit sa production plus rapidement durant le ralentissement de 2008-2009 qu’au cours des cycles précédents. La production de minerais métalliques a atteint son sommet en août 2008, puis a diminué progressivement au cours des 12 mois suivants, enregistrant une chute totale de 36 %. Lors du repli de 1981-1982, la production de minerais métalliques a commencé à diminuer seulement en mai 1982, soit presque une année révolue après le repli de l’économie dans son ensemble 8 . De même, la production de minerais métalliques a commencé à se contracter seulement en août 1991, quand la récession du PIB total était déjà terminée. La chute totale de la production rattachée à ces deux récessions était de près de 30 % (figure 3.6).
Certains analystes 9 ont attribué la réaction plus rapide des établissements d’extraction minière de métaux durant le cycle actuel au resserrement du crédit qui a obligé les entreprises à fermer les mines ne pouvant générer que des profits marginaux. En l’absence d’accès au crédit, certaines entreprises (particulièrement celles qui comptaient sur les marchés financiers des États-Unis pour obtenir des fonds) n’avaient d’autre choix que de fermer des mines pour empêcher les stocks (qui exigent un financement) d’augmenter.
Pourquoi les marchés financiers et les marchés des produits de base ont-ils réagi beaucoup plus rapidement vers la fin de 2008 qu’au cours des récessions précédentes? Comme il a été noté précédemment, la crise sans précédent sur le marché financier américain a joué un rôle primordial. La technologie de l’information et des communications aurait, semble-t-il, également joué un rôle. Alors que la demande à la baisse de produits du secteur des TIC a été le principal facteur à l’origine du repli de 2001, 2008 a été le premier cycle au cours duquel les investisseurs pouvaient accéder à l’information en temps réel sur Internet et passer des commandes de n’importe quel endroit grâce aux communications mobiles et à large bande. La technologie des communications a également joué un rôle dans la synchronisation étroite de la contraction entre les marchés et les économies à l’échelle mondiale 10 .
L’exemple le plus frappant de la rapidité accrue de transmission de l’information s’est présenté durant la semaine qui a suivi la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Le lendemain, les pertes sur le papier commercial de Lehman Brothers ont mis un fonds commun de placement en instruments du marché monétaire dans une position de rendement négatif, sa valeur d’actif net s’établissant au-dessous de sa valeur nominale. Les investisseurs aux États-Unis ont alors retiré de fortes sommes d’argent des fonds communs de placement en instruments du marché monétaire qui habituellement font de gros investissements dans le papier commercial. Les gestionnaires de fonds ont liquidé leurs actifs et fortement réduit leur échéance 11 . Face à la crise du marché du papier commercial et la thésaurisation des espèces par les fonds communs de placement pour faire face au flot de demandes de rachat par les investisseurs (lesquelles ont dépassé 300 milliards de dollars), le gouvernement des États-Unis a annoncé, à la fin de la même semaine, son Tarnished Asset Recovery Program, un programme de 700 milliards de dollars témoignant de l’élaboration d’une politique qui tient compte de l’évolution accélérée des marchés financiers 12 .
Les trois premiers graphiques montrent les cycles hâtifs et brefs des marchés financiers en 2008. Cependant, ils révèlent également que 2001, de toute évidence, s’est classé au deuxième rang des cycles les plus rapides à se manifester et les plus courts en ce qui concerne les prix des produits de base et le taux de change ainsi que durant le repli initial du marché boursier. Cela donne à penser que les baisses sur les marchés financiers et des produits de base sont devenues progressivement de plus courte durée au cours des dix dernières années, coïncidant avec la diffusion d’Internet et d’autres technologies des communications. La douceur relative de la récession de l’économie réelle en 2001 souligne le rôle de la technologie dans l’accélération du rythme des cycles récents sur les marchés financiers.
Même si les marchés digèrent plus rapidement plus d’information provenant du monde entier, l’efficacité du traitement de l’information ne semble pas avoir été compromise. L’une des répercussions de la courte mais forte chute des marchés des actions, des produits de base et des changes en 2008 a été la rapidité avec laquelle ces marchés ont trouvé un nouvel équilibre. Comme il a été indiqué précédemment, ces trois marchés ont subi la majeure partie de leur baisse au cours d’une période de deux ou trois mois, au pire de la crise financière de l’automne 2008, avant d’atteindre leur plus bas niveau au début de 2009 et d’amorcer ensuite une reprise.
Les marchés financiers ont eu tôt fait de réduire leurs prix en raison d’une large gamme de facteurs complexes, y compris une récession grave aux États-Unis, en Europe et au Japon, un ralentissement des marchés émergents, la variation des prix relatifs alors que les produits de base s’effondraient, le coût croissant (ou la non-disponibilité) du crédit aux entreprises et la restructuration généralisée du système financier des États-Unis. En outre, les marchés financiers dans l’ensemble ont pu traiter cette information alors même que certains secteurs étaient dysfonctionnels ou ne fonctionnaient pas du tout (notamment les marchés des prêts interbancaires et du papier commercial aux États-Unis). La capacité de traiter cette quantité d’information en un certain nombre de jours et de semaines au lieu de mois et d’années (comme au cours des cycles précédents) atteste de la puissance des nouveaux systèmes des TIC ainsi que de la capacité des investisseurs de s’adapter à ces technologies et de les maîtriser.
Ainsi, même si le rythme accéléré des cycles a été évident tant sur les marchés financiers que dans l’économie réelle durant la contraction de 2008-2009, l’ampleur des baisses a été fort différente, soit plus forte sur le marché financier et plus contenue dans l’économie réelle. Est-il possible de concilier les deux, ou les marchés financiers ont-ils surestimé la gravité de la récession du PIB?
La forte baisse des prix des produits de base a été le principal facteur à l’origine de la diminution des stocks et du taux de change au Canada. La baisse des prix des produits de base s’est reflétée dans la chute record de 7,6 % du PIB nominal, attribuable principalement à une baisse de 4,2 % des prix (particulièrement les prix à l’exportation), tandis que la diminution du volume de production a été relativement petite. C’est ce recul marqué des revenus et des prix nominaux qu’ont prévu les marchés financiers. Les prix à l’exportation ayant diminué rapidement, il s’en est suivi que le RIB réel a chuté bien plus vite que le PIB réel durant la récession (8,3 % contre 3,6 %). Cependant, tandis que le RIB réel était un bon indicateur du déclin de la demande intérieure finale au cours des récessions passées 13 , les dépenses intérieures ont diminué de seulement 3,0 % en 2008-2009.
Aux États-Unis, en revanche, la contraction de 3,8 % du PIB réel jusqu’à la fin du deuxième trimestre de 2009 était légèrement supérieure à celle des deux récessions précédentes. Le PIB nominal des États-Unis a reculé de seulement 2,4 % au cours de la dernière récession, ce qui laisse supposer une augmentation de 1,5 % des prix, un contraste frappant avec la chute record des prix au Canada.
En résumé, la récession du PIB en 2008-2009 a été attribuable davantage aux prix qu’au volume au Canada mais davantage au volume qu’aux prix aux États-Unis. La distinction entre les prix et le volume est importante pour plusieurs raisons. Le volume de production est plus étroitement lié à l’emploi, ce qui aide à expliquer pourquoi les pertes d’emplois ont été plus importantes aux États-Unis qu’au Canada (une autre raison tient à une plus grande dépendance des employeurs canadiens à l’égard d’une semaine de travail plus courte). En outre, les variations de prix sont plus faciles à inverser (le passage du simple au double des prix du pétrole brut depuis janvier 2009 en est un bon exemple) que les variations de la production.