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par Anne Milan, Hélène Maheux et Tina Chui
Introduction
Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude
Environ 4 % des couples forment une union mixte
La population des minorités visibles a plus que triplé en 25 ans
Les Japonais affichent la plus forte proportion de couples mixtes
Unions mixtes plus fréquentes chez les membres des groupes de minorités visibles nés au Canada que chez ceux qui sont nés à l'étranger
Statut des générations et unions mixtes
Les personnes qui vivent en couple au sein d'une union mixte sont jeunes et fortement scolarisées
Les unions mixtes sont plus courantes chez les couples en union libre que chez les couples légalement mariés
La plupart des couples mixtes se trouvaient dans les plus grandes RMR
Une autre façon d'examiner les unions mixtes et les régions urbaines
Langue des personnes en union mixte
Les enfants des familles issues d‘unions mixtes
Résumé
À mesure que la population du Canada continue de se diversifier sur le plan ethnoculturel, les personnes ont davantage l’occasion de former des relations conjugales avec une personne ayant des antécédents ethnoculturels différents. Ces unions mixtes, qu’il s’agisse de mariage ou d’union libre, peuvent être examinées de nombreuses façons. Par exemple, les unions mixtes peuvent désigner les conjoints ou les partenaires qui ont des caractéristiques sociodémographiques ou culturelles différentes, comme l'âge, la scolarité, la religion ou l’origine ethnique. Dans la présente étude, une union mixte1 s'appuie sur un des deux critères suivants : soit un des membres du couple appartient à un groupe de minorités visibles et pas l’autre, soit les deux conjoints ou partenaires appartiennent à un groupe de minorités visibles différent.
S’appuyant surtout sur les données du Recensement de la population de 2006, l'étude examine les caractéristiques des couples mixtes au Canada (voir l’encadré « Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude » pour les concepts, les définitions et d'autres renseignements). La prévalence des unions mixtes peut varier chez certains groupes de minorités visibles et en fonction de facteurs comme le statut d’immigrant, la génération et le lieu de naissance. Les caractéristiques sociodémographiques comme l’âge, le sexe, l’état matrimonial et le lieu de résidence au Canada, ainsi que les caractéristiques socioéconomiques comme la scolarité, l’activité sur le marché du travail et le revenu de la famille, seront examinées pour déterminer s'il y a un lien avec l’appartenance à une union mixte. Parmi les conséquences possibles des unions mixtes, mentionnons les transferts linguistiques et les implications relatives aux enfants vivant au sein des familles mixtes. L'étude des unions mixtes est importante non seulement parce que ces relations représentent un autre aspect de la diversité des familles canadiennes d'aujourd'hui, mais aussi en raison de leur impact potentiel sur l’inclusion sociale et l’identification à un ou à plusieurs groupes de minorités visibles, en particulier pour les générations subséquentes.
L’appartenance à un groupe de minorités visibles est autodéclarée et désigne le groupe de minorités visibles auquel appartient le répondant. La Loi sur l’équité en matière d’emploi définit les minorités visibles comme « les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche ». Selon cette définition, la Loi désigne les groupes suivants comme des minorités visibles : Chinois, Sud-Asiatiques, Noirs, Arabes, Asiatiques occidentaux, Philippins, Asiatiques du Sud-Est, Latino-Américains, Japonais, Coréens et autres groupes de minorités visibles, comme les insulaires du Pacifique.
Les couples mixtes désignent les mariages légaux ou les unions libres au sein desquels un conjoint ou un partenaire appartient à un groupe de minorités visibles, et pas l'autre, ainsi que les couples où les conjoints ou partenaires appartiennent à des groupes de minorités visibles différents. Les couples mixtes comprennent des couples de sexe opposé et des couples de même sexe, sauf indication contraire.
Les données utilisées proviennent principalement du Recensement de la population de 2006, et des comparaisons sont effectuées avec les données de 2001 lorsqu'il y a lieu. Dans l'ensemble du document, on utilise des données relatives aux personnes ainsi qu'aux couples.
Les données individuelles sont utilisées pour les caractéristiques des personnes faisant partie d'une union mixte, comme l’âge, le sexe, le niveau de scolarité, le statut d’immigrant et la langue maternelle.
Les données concernant les couples conviennent mieux pour analyser les caractéristiques de l'union, par exemple, pour déterminer s'il s'agit d'un mariage ou d'une union libre ou encore s'il y a des enfants à la maison.
Les personnes appartenant à plusieurs groupes de minorités visibles ont déclaré appartenir à plus d'un groupe de minorités visibles en cochant au moins deux cercles dans le questionnaire du recensement, p. ex., Noirs et Sud-Asiatiques.
Selon les données du Recensement de 2006, 3,9 % des 7 482 800 couples au Canada formaient une union mixte. Les unions mixtes entre un membre d'un groupe de minorités visibles et une personne n'appartenant pas à une minorité visible ou entre deux personnes appartenant à des groupes de minorités visibles différents représentaient 289 400 couples au total. En comparaison, les unions mixtes représentaient 3,1 % de l'ensemble des couples en 2001, et 2,6 % en 1991. Entre 2001 et 2006, les unions mixtes ont augmenté à un rythme rapide (33 %), soit plus de cinq fois la croissance pour l'ensemble des couples (6,0 %). Plusieurs raisons expliquent la hausse de la proportion d’unions mixtes. Par exemple, les unions mixtes pourraient se faire plus nombreuses à mesure que les gens multiplient leurs rencontres, leurs interactions et leurs relations dans différents contextes sociaux, éducatifs ou professionnels. La croissance des unions mixtes pourrait également être attribuable au nombre grandissant de personnes appartenant à un groupe de minorités visibles, ce qui augmente la possibilité que les personnes rencontrent leur futur conjoint ou partenaire à l'extérieur de leur groupe.
L'augmentation des unions mixtes au Canada pourrait être imputée, du moins en partie, à la croissance de la population des minorités visibles. Le Recensement de 2006 a dénombré 5,1 millions de personnes appartenant à des groupes de minorités visibles, soit plus de 16 % de la population du Canada2. Cette proportion représente plus du triple de celle de 1981, où la population des minorités visibles représentait 4,7 % de la population totale du Canada. Le visage changeant du Canada est principalement attribuable à la plus forte proportion d'immigrants en provenance de régions hors Europe. Par exemple, 84 % des immigrants arrivés au Canada pendant la période de cinq ans entre 2001 et 2006 sont nés dans des pays non européens, en hausse par rapport à 68 % des immigrants récents dénombrés 25 ans plus tôt.
Étant donné que la majorité de la population canadienne n'appartenait pas à une minorité visible en 2006 (84 %), la majeure partie des unions mixtes étaient composées d’une personne appartenant à une minorité visible et d’une personne ne faisant pas partie d'un groupe de minorités visibles (247 600 ou 3,3 % de tous les couples en 2006), ce qui constitue une croissance de 31 % depuis 2001. Au total, 41 800 autres couples se composaient de membres de deux groupes de minorités visibles différents, soit 0,6 % de tous les couples, en hausse de près de 50 % par rapport à il y a cinq ans.
Près du quart (24 %) des couples composés d'au moins un membre d'un groupe de minorités visibles étaient mixtes en 2006, mais la proportion variait selon le groupe de minorités visibles en particulier. Plusieurs raisons pourraient expliquer la variation des unions mixtes parmi les groupes de minorités visibles, comme la taille du groupe, qui pourrait avoir une incidence sur les occasions des membres de trouver un partenaire ayant les mêmes antécédents, l’historique d’immigration du groupe et d'autres caractéristiques. La proportion de couples mixtes a légèrement augmenté pour certains groupes de minorités visibles de 2001 à 2006, tandis que la proportion de couples mixtes par groupe de minorités visibles est demeurée inchangée pour les deux années de recensement.
Les Japonais avaient la plus forte proportion de personnes dont le conjoint ou le partenaire ne faisait pas partie de leur groupe de minorités visibles, comme indiqué dans le Recensement de 2006. En effet, environ les trois quarts (75 %) des 29 700 couples dont au moins un membre était japonais comptaient aussi une personne non japonaise. Comme mentionné dans les recherches précédentes3, cette forte proportion pourrait être au moins en partie attribuable au fait que bon nombre de Japonais vivent au Canada depuis longtemps, ainsi qu'au faible nombre total de Japonais, ce qui pourrait accroître les interactions avec les personnes à l'extérieur de leur groupe.
Les Latino-Américains (47 %) et les Noirs (41 %) suivaient les Japonais en ce qui concerne les plus fortes proportions de couples mixtes. Dans environ le tiers des couples formés d'un Philippin (33 %), l’autre conjoint ou partenaire n’était pas un Philippin. Les proportions d’unions mixtes chez les Asiatiques du Sud-Est (31 %), les Arabes ou les Asiatiques occidentaux (25 %) ou les Coréens (19,5 %) se situaient à peu près au milieu de tous les groupes de minorités visibles (tableau 1).
Tableau 1 Unions mixtes par groupe de minorités visibles, 2006
Les deux plus grandes populations de minorités visibles au Canada affichaient les plus faibles proportions de personnes mariées ou vivant en union libre avec une personne n’appartenant pas à leur groupe. En 2006, 1,3 million de Sud-Asiatiques et 1,2 million de Chinois vivaient au Canada4. Toutefois, étant donné que la population de Sud-Asiatiques comprend un plus grand nombre d'enfants de moins de 15 ans que la population chinoise, lorsque l'on examine la population adulte (les personnes de 15 ans et plus) seulement, les Chinois deviennent le plus grand groupe. Étant donné qu'il y a plus de 1 million de Chinois dans ce groupe d’âge, la population chinoise affichait les plus faibles proportions d’unions mixtes où le conjoint ne faisait pas partie du groupe (17 %).
Les Sud-Asiatiques de 15 ans et plus se classaient deuxièmes en importance parmi les groupes de minorités visibles et étaient les moins susceptibles de former un couple avec une personne n'appartenant pas à leur groupe. Environ 1 couple sur 8 seulement (13 %) composé d'une personne sud-asiatique comprenait également un partenaire ou un conjoint non sud-asiatique. Étant donné la taille des populations chinoise et sud-asiatique, il pourrait y avoir un plus grand nombre de possibilités d'établir des communautés dynamiques pouvant accroître la probabilité des rencontres, des interactions et des relations conjugales avec une personne du même groupe de minorités visibles.
Bien que les Chinois aient une proportion relativement faible de personnes mariées ou vivant en union libre avec une personne n'appartenant pas à leur groupe, il y avait, en nombres absolus, un plus grand nombre de Chinois mariés ou vivant en union libre avec un partenaire non chinois en raison de l'importance de la population chinoise au Canada. En 2006, près de 56 000 Chinois vivaient en couple avec une personne n'appartenant pas à une minorité visible ou avec une personne appartenant à un autre groupe de minorités visibles, suivis de près par les Noirs (55 200). En revanche, les couples composés d’un Japonais affichaient la plus forte proportion de mariages ou d’unions libres mixtes, mais cette proportion représentait seulement 22 200 Japonais compte tenu de la petite taille de ce groupe de population. Les Coréens étaient le groupe qui affichait le plus petit nombre de personnes faisant partie d’une union mixte (6 800) (tableau 2).
Tableau 2 Personnes en couple et en union mixte par groupe de minorités visibles, 2006
Dans l'ensemble, les hommes et les femmes qui appartenaient à un groupe de minorités visibles et qui vivaient en couple étaient aussi susceptibles les uns que les autres de faire partie d’une union mixte. Toutefois, au sein des divers groupes minoritaires, on a relevé certaines différences. Par exemple, les hommes arabes ou asiatiques occidentaux, noirs ou sud-asiatiques qui vivaient en couple affichaient une proportion plus élevée d’unions mixtes que les femmes de ces groupes. En 2006, les Arabes ou les Asiatiques occidentaux étaient plus de deux fois plus nombreux (19 %) que les femmes (9,2 %) à être mariés ou à vivre en union libre avec une personne n'appartenant pas à leur groupe. De même, 3 hommes noirs sur 10 vivant en couple faisaient partie d'une union mixte, contre 2 femmes noires sur 10. Cette réalité confirme les recherches réalisées aux États-Unis qui indiquaient que les hommes noirs faisaient plus souvent partie d'un couple mixte que les femmes noires5.
Les femmes philippines, coréennes, asiatiques occidentales, japonaises, chinoises ou latino-américaines vivant en couple représentaient une plus forte proportion des conjoints ou des partenaires en union mixte que les hommes de ces groupes de minorités visibles. Les femmes philippines étaient plus de trois fois plus nombreuses (28 %) que les hommes philippins (9 %) à faire partie d'une union mixte. Pour les Japonais, près des deux tiers des femmes japonaises vivant en couple faisaient partie d'une union mixte, contre plus de la moitié (52 %) des hommes de ce groupe de minorités visibles (graphique 1).
Étant donné que les personnes ont tendance à migrer à l'âge adulte, elles peuvent avoir déjà formé une union au moment de leur immigration au Canada. Par ailleurs, les personnes nées au Canada seraient plus susceptibles de former une union au pays. Par conséquent, les minorités visibles nées au Canada et vivant en couple affichaient une plus forte proportion d'unions mixtes que leurs homologues nés à l'étranger. En 2006, parmi les minorités visibles nées au Canada et vivant en couple, une proportion de 56 % avaient un conjoint qui soit n'appartenait pas à une minorité visible, soit appartenait à un autre groupe de minorités visibles, la proportion correspondante était de 12 % chez les personnes nées à l'étranger (tableau 3).
La proportion de minorités visibles vivant en union mixte était plus élevée chez les personnes nées au Canada que chez celles nées à l'étranger pour chaque groupe de minorités visibles, mais on a observé une certaine variation d'un groupe à l'autre. Plus des deux tiers des Japonais nés au Canada mariés ou vivant en union libre faisaient partie d'une union mixte (69 %), tandis que c'était le cas de la moitié (50 %) des Japonais vivant en couple qui étaient nés à l'extérieur du pays. En fait, 48 % des Japonais nés au Japon et vivant en couple avaient formé une union conjugale avec une personne non japonaise. En revanche, plus de la moitié (54 %) des Chinois vivant en couple et nés au Canada faisaient partie d'une union mixte en 2006, contre 6 % des Chinois nés à l'extérieur du pays. Parmi les Chinois mariés ou vivant en union libre qui étaient nés en Chine, seulement 3 % faisaient partie d'une union mixte. De même, environ un tiers des Sud-Asiatiques nés au Canada et vivant en couple faisaient partie d'une union mixte, tandis que 3 % des Sud-Asiatiques nés en Asie du Sud faisaient partie d'une union mixte. Des différences sont également ressorties chez les Noirs nés au Canada et qui faisaient partie d'un couple : 63 % faisaient partie d'une union mixte, contre 17 % des Noirs vivant en couple et nés dans les Caraïbes et aux Bermudes, et 13 % des Noirs nés en Afrique (tableau 3).
Tableau 3 Personnes en union mixte par lieu de naissance et groupe de minorités visibles, 2006
Le statut des générations indique depuis combien de générations les personnes et leur famille vivent au Canada et a une incidence sur le degré de participation de ces personnes aux unions mixtes6. Étant donné que les personnes dont les antécédents au Canada pouvaient remonter à au moins trois générations représentaient la majorité de la population totale, la proportion d'unions mixtes diminuait à chaque génération subséquente. Ainsi, 7,5 % des immigrants de première génération faisaient partie d'une union mixte, une proportion qui tombait à 5,3 % pour la deuxième génération, puis à 1,9 % pour la troisième génération et les générations subséquentes. À première vue, ces résultats diffèrent de ceux d'une étude sur les couples asiatiques réalisée aux États-Unis et au Canada, qui révélait que les unions mixtes étaient plus fréquentes chez les immigrants de deuxième génération (et des générations subséquentes)7, ainsi qu'une étude réalisée dans les Pays-Bas, qui indiquait une plus forte probabilité de mariage avec une personne d'un autre groupe pour la deuxième génération8. Toutefois, il convient de souligner que la baisse de la proportion de personnes appartenant à un couple mixte en fonction du statut des générations pour l'ensemble de la population vivant en couple dépend du fait que la majorité de ce groupe n'appartient pas à une minorité visible. Lorsque l'on tient seulement compte de la population des minorités visibles mariées ou vivant en union libre, on constate que la proportion de personnes faisant partie d’une union mixte augmente de 12 % pour la première génération (c'est-à-dire les personnes nées à l'extérieur du Canada) à plus de la moitié (51 %) pour la deuxième génération (c'est-à-dire les personnes nées au Canada, mais dont au moins un parent est né à l’extérieur du Canada). Enfin, chez les personnes de la troisième génération et des générations subséquentes (c'est-à-dire les personnes qui sont nées au Canada, de même que leurs deux parents), plus des deux tiers (69 %) des personnes appartenant à un groupe de minorités visibles qui vivaient en couple en 2006 faisaient partie d'une union mixte. Par conséquent, il semble qu'une période de résidence plus longue au Canada soit corrélée avec une plus forte proportion d'unions mixtes (graphique 2).
Chez les personnes appartenant à un groupe de minorités visibles particulier, la tendance générale indiquait une plus forte proportion de personnes en couple mixte pour la deuxième génération et les générations subséquentes comparativement à la première génération. Par exemple, chez les Chinois de première génération, 6,2 % des personnes vivant en couple en 2006 faisaient partie d'une union mixte, une proportion qui passait à plus de la moitié (51 %) chez les Chinois de deuxième génération, et aux deux tiers chez les personnes de troisième génération et des générations subséquentes (67 %). Environ la moitié des Japonais de première et de deuxième générations qui vivaient en couple faisaient partie d'une union mixte, une proportion qui augmentait fortement pour se situer à 88 % chez les personnes de troisième génération et des générations subséquentes.
Étant donné que le recensement ne recueille pas de renseignements sur le moment de la formation des unions, on ne peut déterminer si ces unions mixtes avaient vu le jour avant ou après l’arrivée au Canada des immigrants. Cependant, l’âge au moment de l’immigration peut nous donner un indice pour déterminer si les minorités visibles nées à l'étranger ont immigré au Canada pendant qu'elles étaient encore enfants. Par conséquent, les personnes qui ont passé une plus grande partie de leur enfance et de leur adolescence au Canada pourraient être plus susceptibles de former une relation conjugale avec une personne n'appartenant pas à leur groupe. En combinant la génération et l’âge au moment de l’immigration, on note une tendance générale pour les immigrants qui sont arrivés au Canada à l'âge de 12 ans ou moins. Ces personnes étaient plus portées que celles qui étaient arrivées après l'âge de 12 ans à faire partie d'une union mixte. Lorsqu'on tenait compte du lieu de naissance des parents des personnes nées au Canada, on constatait un plus fort pourcentage de personnes faisant partie d’une union mixte lorsqu’un seul parent était né au Canada (75 %) que lorsque ni l'un ni l'autre des parents n’était né ici (45 %). Cette tendance généralement à la hausse pourrait être attribuable à l'interaction et à l'intégration accrues avec les autres groupes à mesure que la personne passe du temps au Canada.
La formation des relations est souvent associée avec le début de l'âge adulte et, en fait, chez les conjoints et les partenaires en 2006, la plus forte proportion de personnes faisant partie d'une union mixte a été enregistrée chez les personnes de 25 à 34 ans (6,8 %), suivies de celles de 15 à 24 ans (5,8 %). Dans la catégorie des personnes de 55 ans et plus, seulement 1,9 % des couples faisaient partie d'une union mixte. La proportion d’adultes faisant partie d’une union mixte diminuait après 34 ans, mais tous les groupes d’âge affichaient une hausse comparativement à 2001 (graphique 3).
Graphique 3 Les jeunes adultes ont la plus forte proportion d'unions mixtes
Lorsque la répartition des personnes mariées ou en union libre est comparée à celle de leurs homologues en union non mixte, le plus fort pourcentage de conjoints ou de partenaires en union mixte se situait dans le groupe d'âge des personnes de 35 à 44 ans (32 %). À l’inverse, 35 % des conjoints ou des partenaires qui ne faisaient pas partie d'une union mixte avaient 55 ans et plus (graphique 4).
Graphique 4 Les personnes en union mixte sont plus jeunes que celles en union non mixte
L'appartenance à une union mixte a également été corrélée avec d'autres caractéristiques socioéconomiques, comme la scolarité. Seulement 1,8 % des personnes en couple ayant un niveau de scolarité inférieur au diplôme d'études secondaires faisaient partie d'une union mixte, contre 4,8 % chez les personnes ayant fait des études postsecondaires. En fait, chez les personnes vivant en couple qui avaient un grade universitaire, 6,4 % faisaient partie d'une union mixte. Étant donné que bon nombre des membres d'un groupe de minorités visibles sont des immigrants récents (qui ont généralement un niveau de scolarité plus élevé que la population née au Canada), cette réalité pourrait également être corrélée à la tendance des personnes en union mixte d'avoir des niveaux de scolarité plus élevés. De plus, la population ayant fait des études universitaires est en moyenne plus jeune que l'ensemble de la population, ce qui pourrait amplifier la corrélation entre les études supérieures et l'appartenance à une union mixte (tableau 4).
Par conséquent, plus de 1 personne sur 3 (35 %) vivant en couple et appartenant à une union mixte avait un grade universitaire en 2006, contre 1 personne sur 5 (21 %) dans le cas des couples non mixtes. D'autres études ont également révélé que le mariage entre personnes de groupes différents est plus fréquent chez les personnes ayant un niveau de scolarité plus élevé9 (graphique 5).
Tableau 4 Personnes en union mixte selon le plus haut niveau de scolarité, 2006
Graphique 5 Les personnes en union mixte sont plus scolarisées que les personnes en union non mixte
La situation d'activité des personnes en union mixte est corrélée à ces niveaux de scolarité plus élevés. Un plus fort pourcentage de conjoints ou de partenaires en union mixte (77 %) qu’en union non mixte (67 %) avaient un emploi. En outre, 19 % des personnes en union mixte étaient inactives sur le marché du travail, comparativement à 30 % des personnes en union non mixte. Les niveaux de scolarité et les taux d'activité plus élevés ont également été corrélés à des revenus plus élevés pour les couples mixtes. Les données du Recensement de 2006 indiquent que le revenu médian des familles de recensement était presque 5 000 $ plus élevé chez les couples mixtes (74 670 $) que chez les couples non mixtes (69 830 $)10. Le revenu médian le plus faible a été enregistré pour les couples qui appartenaient au même groupe de minorités visibles (53 710 $), et le plus élevé était associé aux couples où un des conjoints ou partenaires appartenait à un groupe de minorités visibles, et l'autre pas (76 150 $). Lorsque ni l’un ni l’autre des membres du couple n'appartenait à une minorité visible, le revenu médian de la famille de recensement se chiffrait à 72 070 $ (tableau 5).
Une plus forte proportion de couples vivant en union libre que de couples légalement mariés faisaient partie d'une union mixte. Environ 4,9 % des couples en union libre faisaient partie d'une union mixte, contre 3,6 % des couples légalement mariés. Les recherches réalisées récemment aux États-Unis sur les Noirs en union mixte ont également permis de constater que ce genre de relations étaient plus fréquentes chez les couples en union libre que chez les couples mariés11. Au Canada, les couples mixtes composés d'une personne noire affichent la plus forte proportion d'unions libres (32 %). En revanche, les couples mixtes composés de personnes japonaises ou sud-asiatiques étaient les moins susceptibles de vivre en union libre. Près du quart des unions mixtes en 2006 étaient des unions libres, comparativement à moins d'un cinquième des unions non mixtes
Au Recensement de 2006, on a recueilli pour la première fois des données sur les couples de même sexe mariés et les couples en union libre12. Bien que les couples de même sexe représentent seulement un petit nombre de l'ensemble des couples13, une plus forte proportion de couples de même sexe que de couples de sexe opposé faisaient partie d'une union mixte en 2006. Environ 1 couple de même sexe sur 10 (9,8 %) formait une union mixte, comparativement à moins de 1 couple de sexe opposé sur 20 (3,8 %). À l'heure actuelle, il pourrait y avoir une plus forte proportion de couples mixtes de même sexe que de couples mixtes de sexe opposé pour deux raisons : dans l'ensemble, les couples de même sexe étaient plus susceptibles de vivre en union libre que les couples de sexe opposé, et les couples en union libre étaient plus enclins à former une union mixte que les couples mariés. En fait, 10 % des relations en union libre entre personnes de même sexe en 2006 étaient mixtes, contre 8,4 % des couples mariés de même sexe. Les chiffres correspondants pour les couples de sexe opposé se chiffraient à 4,7 % et à 3,6 % respectivement. Étant donné la légalisation récente du mariage de personnes de même sexe, cette tendance pourrait changer à l'avenir, une fois qu’un plus grand nombre de couples de même sexe auront l'occasion de se marier14.
La proportion des couples mixtes en 2006 était plus élevée dans trois provinces que dans l'ensemble du pays. En Colombie-Britannique, 5,9 % des couples étaient en union mixte, comparativement à 4,6 % en Ontario, puis à 4,2 % en Alberta. Cette réalité est largement attribuable au grand nombre de couples mixtes vivant dans les RMR de ces provinces. Des 11 RMR affichant des proportions de couples mixtes plus élevées que la moyenne nationale, toutes les RMR sauf deux (Montréal et Winnipeg) se situaient dans ces trois provinces15.
Comme proportion de tous les couples, les unions mixtes peuvent être considérées comme un phénomène urbain, en particulier dans certaines RMR. Dans l’ensemble, 5,1 % des couples qui vivaient dans les RMR en 2006 formaient une union mixte. En revanche, parmi les couples qui vivaient à l'extérieur d'une RMR, 1,4 % étaient en union mixtes Cependant, lorsqu'on examine le pourcentage d'unions mixtes au sein de la population des minorités visibles, on obtient une tendance différente (voir l’encadré « Une autre façon d'examiner les unions mixtes et les régions urbaines »). Les RMR affichant les plus fortes proportions de couples mixtes en 2006 étaient Vancouver (8,5 %) et Toronto (7,1 %). Calgary avait la troisième plus forte proportion de couples mixtes (6,1 %) (tableau 6). Vancouver et Toronto ont une importante population de minorités visibles depuis longtemps, mais Calgary affichait la quatrième plus forte proportion de minorités visibles de 15 ans et plus en 2006 (21 %), après Toronto (41 %), Vancouver (40 %) et Abbotsford (21 %)16. Les RMR affichant les plus faibles proportions de couples mixtes, comme Saguenay (0,6 %) et St. John’s (0,9 %), étaient également caractérisées par de faibles niveaux d'immigration et une population de minorités visibles de plus petite taille.
La proportion de couples mixtes est particulièrement forte dans les plus grandes RMR lorsque la population totale des couples est utilisée comme dénominateur. Toutefois, lorsque le dénominateur est basé sur la population des minorités visibles dans les couples, les résultats indiquent que certaines RMR ayant une population de minorités visibles relativement petite ont en réalité des proportions relativement fortes de personnes mariées ou vivant en union libre avec une personne n'appartenant pas à leur groupe. Par exemple, les RMR québécoises de Saguenay, de Trois-Rivières et de Québec, ainsi que celles de Moncton et de Saint John au Nouveau-Brunswick, et de Thunder Bay et de Barrie en Ontario, ont toutes des populations de minorités visibles relativement faibles. La petite taille de ces groupes explique la forte proportion (40 % ou plus) de la population des minorités visibles mariées ou vivant en union libre qui ont formé une union avec une personne n’appartenant pas à leur groupe. Dans cette perspective, les trois RMR affichant les plus petites proportions de personnes appartenant à un groupe de minorités visibles et faisant partie d’un couple mixte se situaient à Vancouver (12,2 %), à Toronto (10,9 %) et à Abbotsford (9,8 %).
Tableau 6 Pourcentage de couples en union mixte par région métropolitaine de recensement, 2006
Au sein des RMR, la proportion de couples mixtes était plus élevée dans les municipalités centrales que dans les municipalités périphériques17. S’il est vrai que 3,9 % des couples étaient mixtes en 2006, 5,5 % de ces couples se trouvaient dans la municipalité centrale des RMR, comparativement à 4,7 % dans les municipalités périphériques. Il est possible que le fait de vivre dans la municipalité centrale comporte des avantages pour les personnes qui possèdent certaines des autres caractéristiques associées à l'appartenance à une union mixte. Par exemple, les données du Recensement de 2006 indiquaient qu'une forte proportion de personnes de 20 à 34 ans et de couples de même sexe vivaient dans les municipalités centrales18.
Il est important d'examiner les unions mixtes non seulement parce qu'elles représentent un autre aspect de la diversité, mais aussi en raison des implications qu'elles ont sur d'autres facettes de la vie. À titre d'exemple, mentionnons qu'il pourrait y avoir un certain degré de transfert linguistique pour les personnes de ces types de couples. Selon le Recensement de 2006, une plus forte proportion d'allophones19 en union mixte dont la langue maternelle n'était ni l'anglais ni le français ont déclaré utiliser une langue officielle à la maison, comparativement aux allophones en union non mixte. Près de 8 allophones sur 10 en union mixte parlaient l'anglais ou le français le plus souvent à la maison en 2006, contre moins de 4 allophones sur 10 en union non mixte. En revanche, seulement 17 % des allophones en union mixte utilisaient une langue non officielle à la maison, contre 57 % de leurs homologues en union non mixte (graphique 6).
Bien qu'à partir des données du recensement on ne puisse déterminer si les enfants de la famille étaient nés de la relation actuelle, les couples mixtes affichaient une forte proportion d'enfants à la maison, surtout parce que les personnes en couples mixtes étaient généralement plus jeunes que les autres couples. En 2006, 58 % des 289 400 couples mixtes avaient au moins un enfant à la maison, comparativement à 54 % de l'ensemble des unions non mixtes. De plus, environ 1 couple mixte sur 10 avait au moins un enfant de moins de deux ans et aucun de plus de cinq ans à la maison, comparativement à 5,6 % chez les couples non mixtes.
Au total, 293 600 enfants en 2006 vivaient dans une famille de recensement biparentale où les parents faisaient partie d'une union mixte20. Les deux tiers (66 %) de ces enfants ont déclaré appartenir à une minorité visible, tandis que le tiers d’entre eux n'appartenaient pas à un groupe de minorités visibles. Parmi les enfants appartenant à un groupe de minorités visibles, le type le plus courant de familles issues d’unions mixtes (137 700 enfants) était la famille où l'enfant et un des parents appartenaient au même groupe de minorités visibles, et l'autre parent n'appartenait pas à une minorité visible.
Par ailleurs, chez environ 18 100 enfants des familles issues d’unions mixtes, l'enfant et chacun de ses parents ont déclaré un groupe de minorités visibles différent, et 9 800 autres enfants appartenaient à un groupe de minorités visibles différent de celui d’un de leurs parents tandis que l’autre parent n'appartenait pas à une minorité visible (tableau 7). Bon nombre de ces enfants, 97 % et 48 % respectivement, ont déclaré appartenir à un groupe de minorités visibles moins courant, ou ils ont tout simplement déclaré appartenir à plus d’un groupe de minorités visibles21.
Les unions mixtes peuvent instaurer un environnement diversifié sur le plan de la culture au sein de la famille. Les pratiques culturelles dans la famille peuvent avoir une incidence sur les enfants22. À mesure que la proportion d'unions mixtes augmente au Canada, les conséquences peuvent aller au-delà des couples et toucher le sentiment d'identité des enfants.
Tableau 7 Enfants des familles biparentales selon l'appartenance à une minorité visible, 2006
Les données du recensement révèlent que le nombre de couples mixtes est en hausse au Canada depuis au moins le début des années 1990, en partie à cause de la croissance de la population des minorités visibles. Selon le Recensement de 2006, les Japonais étaient les plus enclins à former une relation avec une personne n’appartenant pas à leur groupe, et les Sud-Asiatiques étaient les moins portés à en faire autant. Des différences au sein d'un même groupe sont également ressorties : une plus forte proportion de femmes que d’hommes philippins, coréens, asiatiques du Sud-Est, japonais, chinois et latino-américains étaient en union mixte, tandis que les hommes mariés ou en union libre arabes ou asiatiques occidentaux, noirs ou sud-asiatiques représentaient une plus forte proportion d'unions mixtes que leurs homologues féminins.
Comparativement aux personnes en unions non mixtes, les personnes en unions mixtes étaient plus jeunes, avaient une meilleure situation socioéconomique et étaient plus nombreuses à vivre dans une grande RMR. Pour la population des minorités visibles, un plus grand nombre des conjoints ou partenaires en union mixte étaient nés au Canada comparativement aux personnes nées à l'étranger, et la proportion augmentait d'une génération à l'autre.
Proportionnellement, il y avait un plus grand nombre de couples mixtes vivant en union libre que de couples légalement mariés, et une plus forte proportion de couples de même sexe faisant partie d'une union mixte que de couples de sexe opposé.
Un plus grand nombre de couples ayant au moins un enfant à la maison étaient mixtes comparativement aux couples sans enfants, une situation qui pourrait être attribuable au fait que les couples mixtes étaient généralement plus jeunes et plus susceptibles d'être au stade de la vie où les gens ont de jeunes enfants. En plus du nombre d'enfants dont les parents appartenaient à une union mixte, le concept de familles mixtes, comme celles où un enfant appartient à une minorité visible, mais pas les parents, élargit les conséquences de l'identité ethnoculturelle.
Les conséquences des unions mixtes pourraient être généralisées et modifier la dynamique et la nature de la diversité ethnoculturelle du Canada pour les générations à venir. Ces conséquences pourraient avoir une incidence sur le transfert linguistique qui aura lieu au sein des ménages mixtes, ainsi que sur l'expérience des enfants de ces ménages et sur la façon dont ils déclarent leurs origines ethnoculturelles et s’identifient à un groupe de minorités visibles.
Anne Milan est analyste principale à la Division de la démographie, Hélène Maheux est analyste à la Section de l'immigration et ethnoculturel et Tina Chui est chef de la Section de l'immigration et ethnoculturel à la Division de la statistique sociale et autochtone.