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Immigrants qui travaillent dans une langue autre que le français ou l’anglais au Canada

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par Derrick Thomas

Les langues non officielles se répandent dans les lieux de travail canadiens
Les langues asiatiques prédominent
La connaissance d’une langue officielle influe sur la langue de travail
Les immigrants qui arrivent au pays à un âge avancé dépendent plus souvent d’une langue non officielle
L’utilisation de langues autres que l’anglais ou le français au travail diminue avec la durée du séjour au Canada
Les immigrants ayant moins de formation scolaire travaillent plus souvent dans une langue autre que le français ou l’anglais
Utilisation de langues non officielles au travail dans les grandes provinces et les grandes villes
Les immigrants sont plus susceptibles d’utiliser une langue non officielle dans leur communauté linguistique
Résumé
Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude

Depuis longtemps, la diversité linguistique est l’une des caractéristiques de la main‑d’œuvre canadienne. L’anglais, le français et les langues autochtones ont servi et servent toujours de langues de commerce et de travail dans diverses régions du pays. Le mélange linguistique s’est enrichi avec l’arrivée d’immigrants de nombreux pays étrangers.

Les immigrants constituent une partie de plus en plus importante de la population et de la population active du Canada. Dans le Recensement de 2006, la population active expérimentée comptait plus de 3,8 millions d’immigrants1, une augmentation d’environ un demi-million sur le nombre de 2001. De plus en plus d’immigrants sont originaires de pays où l’on ne parle pas couramment français et anglais. Par conséquent, une proportion croissante de travailleurs canadiens utilisent maintenant une langue autre que l’une des « langues officielles », soit le français ou l’anglais, au travail. C’est ainsi qu’on y réfère dans le présent article2.

Au moment du Recensement de 2006, près de 831 000 personnes dans la population active canadienne utilisaient régulièrement une langue autre que le français ou l’anglais au travail. Ce chiffre représente près de 1 personne sur 20 (4,5 %) qui occupait un emploi entre le 1er janvier 2005 et le 16 mai 2006. Même s’il s’agit encore d’une petite proportion à l’échelon national, ce chiffre représente une augmentation à la fois absolue (86 900) et proportionnelle (de 4,41 % à 4,54 %) par rapport au Recensement de 2001. En outre, la proportion de personnes qui utilisent une langue autre que le français ou l’anglais au travail est beaucoup plus élevée dans certaines provinces et dans certaines grandes villes que dans d’autres régions du pays.

En 2006, 611 400 travailleurs qui utilisaient une langue non officielle étaient des immigrants. Plus de 70 % de ces immigrants étaient déjà citoyens canadiens.

Le présent article utilise des données recueillies dans les recensements du Canada de 2001 et de 2006 pour décrire les immigrants qui utilisent une langue autre qu’une des langues officielles canadiennes au travail. Il explore dans quelle mesure ces immigrants dépendent des langues non officielles au travail en fonction des éléments suivants : leur connaissance des langues officielles, leur âge au moment de l’immigration, leur niveau de scolarité et leur lieu de travail au Canada. Il examine quelles langues les immigrants utilisent réellement au travail. L’article étudie aussi si les immigrants sont plus portés à utiliser une langue non officielle au travail dans leur communauté linguistique.

Le français et l’anglais demeurent les langues dominantes dans les lieux de travail et dans les marchés du Canada. Il y a cependant des établissements, des réseaux, des marchés et des voisinages où les travailleurs peuvent fonctionner et parfois même réussir dans une autre langue3. Ces communautés ou marchés délimités sur le plan linguistique (souvent appelés « enclaves »4) dépendent de la concentration de personnes qui partagent non seulement une langue, mais aussi souvent un horizon ethnique, une expérience commune et des goûts semblables.

Des chercheurs rapportent que les travailleurs dans de telles communautés ont des possibilités limitées et sont moins bien rémunérés pour leurs compétences5. Toutefois, les économies des communautés ethniques offrent aux nouveaux arrivants l’occasion de gagner leur vie malgré leur incapacité de communiquer couramment dans la langue dominante. Grâce à la concentration de consommateurs et de travailleurs, de telles communautés peuvent aussi produire et distribuer plus facilement et à prix plus abordables des biens et services appréciés des groupes ethniques seulement6. Des entreprises placées pour le faire peuvent profiter à la fois des compétences des immigrants dans leur communauté et du marché qu’ils représentent.

Certes, la différence de langue et de culture peut perturber le transfert de renseignements et les échanges entre ces communautés et le marché en général, mais il ne s’agit pas d’obstacles insurmontables. Les produits ethniques réussissent souvent à pénétrer de plus gros marchés, et la main-d’œuvre des enclaves peut être vitale pour le fonctionnement d’au moins certains secteurs de l’économie en général7.

Les langues non officielles se répandent dans les lieux de travail canadiens

Il est possible de classer les immigrants qui travaillent au Canada en fonction de leur utilisation des langues non officielles au travail. La quantité de communication requise varie d’un emploi à l’autre, mais la proportion de communication qui se fait dans une langue non officielle peut servir à construire une échelle. Cette échelle peut servir à étudier et à comparer les données sur les immigrants qui utilisent une langue non officielle au travail d’un recensement à l’autre (graphique 1) et en fonction d’autres caractéristiques.

Graphique 1 Immigrants qui utilisent une langue autre que le français et l'anglais au travail  : recensements de 2001 et de 2006

Graphique 1
Immigrants qui utilisent une langue autre que le français et l'anglais au travail : recensements de 2001 et de 2006

À une extrémité de l’échelle se trouvent les travailleurs immigrants qui utilisent seulement une langue non officielle; puis viennent ceux qui utilisent surtout une langue non officielle mais qui utilisent aussi une langue officielle avec une certaine régularité; ensuite viennent ceux qui utilisent « surtout » une langue officielle mais qui utilisent « aussi » régulièrement une langue non officielle; enfin, à l’autre extrémité, se trouvent ceux qui « n’utilisent pas » régulièrement une langue non officielle au travail.

Depuis le milieu des années 1990, un plus grand nombre d’immigrants sont choisis en fonction de critères du marché du travail, qui comprennent la connaissance d’une langue officielle. Ainsi, une proportion légèrement plus grande d’immigrants qui arrivent au Canada savent parler français ou anglais8. La proportion d’immigrants qui travaillent dans une langue non officielle a légèrement diminué entre 2001 et 2006 (16,3 % par rapport à 16,0 %)9. Néanmoins, selon les données du Recensement de 2006, les immigrants sont 10 fois plus susceptibles que leurs homologues nés au Canada de travailler dans une langue non officielle (16 % par rapport à 1,5 %).

Au cours des 15 dernières années, le Canada a connu des niveaux d’immigration historiquement élevés. Par conséquent, les immigrants représentent une proportion croissante de la population active. Ils sont responsables de plus d’un tiers de l’augmentation de la population active entre 2001 et 2006 et représentent maintenant plus de 20 % des personnes qui travaillent au Canada. Le nombre total et la proportion de travailleurs canadiens qui utilisent une langue non officielle au travail ont donc augmenté.

Le nombre d’immigrants qui travaillent au Canada dans une langue non officielle a crû de 538 000 en 2001 à 611 400 en 2006, ce qui représente une augmentation de 73 400 personnes ou de près de 14 %.

La plupart des immigrants qui utilisent une langue autre que le français ou l’anglais au travail utilisent aussi l’une des langues officielles (graphique 2). En fait, plus de 8 immigrants sur 10 (83 %) utilisent le français ou l’anglais régulièrement au travail en plus d’une langue non officielle. Environ 1 immigrant sur 6 utilise une langue non officielle « seulement » (17 %).

Graphique 2 Étendue selon laquelle les immigrants utilisent des langues autres que le français et l'anglais au travail

Graphique 2
Étendue selon laquelle les immigrants utilisent des langues autres que le français et l'anglais au travail

Les langues asiatiques prédominent

Les immigrants utilisent une variété de langues non officielles au travail. Parmi celles‑ci, les langues d’Asie de l’Est, et plus particulièrement les langues chinoises, prédominent (graphique 3). Plus de 208 000 immigrants travaillent régulièrement en cantonais, en mandarin ou en langue chinoise non précisée10. Le pendjabi, le tagalog, le coréen et le vietnamien aussi sont souvent utilisés au travail. En outre, ce sont les personnes qui utilisent ces langues asiatiques qui sont les plus susceptibles d’utiliser « seulement » une langue non officielle au travail. L’arrivée des immigrants d’Asie est généralement plus récente que celle des Européens. Par conséquent, l’espagnol, l’italien, le portugais, l’allemand, le polonais et le russe aussi sont fréquemment utilisés au travail, mais plus souvent combinés au français ou à l’anglais.

Graphique 3 Les vingt langues non officielles les plus utilisées par les immigrants au travail : Recensement de 2006

Graphique 3
Les vingt langues non officielles les plus utilisées par les immigrants au travail : Recensement de 2006

La connaissance d’une langue officielle influe sur la langue de travail

Depuis le passage à une économie axée sur le savoir, la connaissance d’une langue officielle est encore plus importante sur le marché du travail que par le passé11. Par rapport aux autres immigrants, ceux qui sont incapables de parler au moins l’une des langues officielles travaillent le plus souvent dans une autre langue (80 % en 2006). Environ 60 % de ceux qui utilisent « seulement » une langue non officielle au travail ont déclaré être incapables de soutenir une conversation en français ou en anglais. Cette information suggère que certains immigrants qui travaillent dans une langue non officielle le font peut‑être parce qu’ils se heurtent à des obstacles en raison de leur connaissance limitée des langues officielles. Cette mauvaise connaissance pourrait restreindre jusqu’à un certain point leur mobilité, leur pouvoir de négociation et leurs conditions d’emploi.

Il est à noter que les taux d’inactivité et de chômage sont plus élevés chez les immigrants qui ne parlent ni l’anglais, ni le français. Plusieurs n’ayant pas travaillé en 2005 ni en 2006, on ne leur a pas posé de question au sujet de leur langue de travail et ils ne font donc pas partie de la présente analyse.

Environ 6 % de ceux qui utilisent « surtout » ou « aussi » une langue non officielle au travail ont déclaré être incapables de parler une langue officielle12, ce qui sous-entend qu’ils utilisent une langue officielle seulement dans un contexte limité lié au travail.

Il existe sans aucun doute une certaine variation dans la connaissance d’une langue officielle au-delà de la capacité autodéclarée de soutenir une conversation. La fluidité, la littératie et l’accent ont tous une influence sur l’emploi13. La langue de travail peut très bien capter une grande partie de cette variation dans les connaissances linguistiques. Elle peut refléter l’évaluation des employeurs et du marché quant aux connaissances linguistiques orales et écrites des immigrants.

Les immigrants qui arrivent au pays à un âge avancé dépendent plus souvent d’une langue non officielle

L’écart en fonction du sexe est négligeable, mais, en général, les immigrants âgés sont plus susceptibles d’utiliser une langue autre que le français ou l’anglais au travail (graphique 4). La proportion d’immigrants qui utilisent une langue non officielle augmente avec l’âge, mais pas de façon constante.

Graphique 4 Proportion des travailleurs immigrants qui utilisent une langue autre que l'anglais ou le français au travail, selon l'âge et le sexe

Graphique 4
Proportion des travailleurs immigrants qui utilisent une langue autre que l'anglais ou le français au travail, selon l'âge et le sexe

L’utilisation d’une langue non officielle était relativement faible chez les jeunes travailleurs. Elle était plus élevée, mais demeurait essentiellement stable pour les personnes d'âge actif de 25 à 54 ans. Puis elle décroissait chez les 55 à 65 ans. Toutefois, les immigrants de plus de 65 ans qui travaillaient étaient considérablement plus susceptibles d’utiliser une langue non officielle au travail. L’âge moyen des travailleurs immigrants au Canada avoisinait 43 ans en 2006. Pour ceux qui utilisaient régulièrement une langue non officielle, cet âge était de 44 ans. Chez ceux qui utilisaient seulement une langue non officielle, il était plus élevé, à 47 ans.

L’effet de l’âge peut être attribué en grande partie aux immigrants qui arrivent au pays à un âge avancé par opposition aux immigrants qui ont vieilli au Canada. Les immigrants qui arrivent à un âge avancé sont plus susceptibles de travailler dans une langue minoritaire et sont surtout susceptibles d’en utiliser une à l’exclusion des langues officielles (graphique 5). En moyenne, les immigrants qui utilisent seulement une langue non officielle au travail sont arrivés au Canada à 36 ans. Ceux qui n’en utilisaient pas régulièrement une sont arrivés en moyenne à 23 ans.

Graphique 5 La  proportion des immigrants qui travaillent dans une langue autre que l'anglais ou le français est plus grande chez ceux qui arrivent à un âge plus avancé

Graphique 5
La proportion des immigrants qui travaillent dans une langue autre que l'anglais ou le français est plus grande chez ceux qui arrivent à un âge plus avancé

Une explication possible pour l’association entre l’âge au moment de l’immigration et l’utilisation d’une langue non officielle au travail réside peut-être dans l’évolution de la politique canadienne en matière d’immigration et des divers critères d’admission au pays. En effet, de plus en plus d’immigrants admis au Canada chaque année sont sélectionnés en fonction de critères liés au marché du travail14.

Outre l’âge, les critères de sélection comprennent la connaissance d’une langue officielle, l’expérience de travail et la scolarité. On accorde la préférence aux personnes d’âge d’activité maximale, mais de nombreuses personnes continuent d’être admises au Canada pour des raisons familiales et de protection des réfugiés. Le plus souvent, les immigrants âgés, acceptés pour ces raisons, ne sont pas soumis aux critères des langues officielles ni aux autres critères du marché du travail et sont donc plus susceptibles d’avoir une mauvaise connaissance des langues officielles. Lorsqu’ils travaillent pour gagner leur vie ou pour obtenir droit à pension, les immigrants âgés sont ainsi plus susceptibles d’occuper des emplois qui n’exigent pas la connaissance du français ou de l’anglais.

L’utilisation de langues autres que l’anglais ou le français au travail diminue avec la durée du séjour au Canada

L’utilisation par les immigrants de langues non officielles au travail semble diminuer à mesure que se prolonge leur séjour au Canada (graphique 6). La diminution la plus rapide s’observe chez ceux qui utilisent « seulement » des langues non officielles — la proportion semble diminuer de plus du quart en deux ans.

Graphique 6 Proportion d'immigrants qui travaillent dans une langue autre le français ou l'anglais, selon l'année d'immigration au Canada

Graphique 6
Proportion d'immigrants qui travaillent dans une langue autre le français ou l'anglais, selon l'année d'immigration au Canada

Une diminution plus lente s’observe chez ceux qui utilisent « surtout » des langues non officielles. La proportion des immigrants qui utilisent « aussi » une langue non officielle, c’est‑à‑dire en même temps que l’anglais ou le français, semble demeurer stable pendant assez longtemps avant de baisser. Ce groupe peut être renouvelé par un mouvement hors des groupes qui utilisent « surtout » ou « seulement » une langue non officielle. Les immigrants peuvent utiliser davantage les langues officielles au travail au fur et à mesure qu’ils les maîtrisent.

Les compétences en langues officielles des immigrants s’améliorent avec la durée du séjour au Canada, mais la proportion des immigrants qui possèdent ces compétences à l’arrivée varie également au fil du temps. Ces dernières années, une plus forte proportion d’immigrants ont été sélectionnés selon des critères liés au marché du travail qui comprennent la connaissance de l’une des langues officielles. Le profil général qui se dégage est celui d’une amélioration des compétences en anglais et en français des nouveaux arrivants au pays chaque année15.

Il semble que près du quart des immigrants qui travaillent utilisent une langue autre que l’anglais ou le français au travail. Cette proportion semble diminuer au fur et à mesure qu’ils s’adaptent au marché du travail canadien. Toutefois, jusqu’à 1 sur 10 continue d’utiliser régulièrement une langue non officielle au travail même après 40 ans au Canada. Cependant, presque tous utilisent régulièrement l’une des langues officielles au travail.

Les immigrants ayant moins de formation scolaire travaillent plus souvent dans une langue autre que le français ou l’anglais

En général, les immigrants qui utilisent une langue non officielle au travail (dans les catégories « aussi », « surtout » et « seulement ») tendent à avoir moins de formation scolaire que ceux qui n’en utilisent pas (graphique 7). Environ la moitié de ces immigrants ont un diplôme d’études secondaires ou moins, comparativement à environ un tiers de ceux qui utilisent seulement les langues officielles. Dans le premier groupe, plus de 1 personne sur 5 n'ont aucun certificat, diplôme ou grade, alors que c’était le cas de seulement environ 1 personne sur 10 chez les immigrants qui travaillaient en anglais ou en français et qui n’utilisaient pas régulièrement une autre langue. Les trois quarts de ceux qui utilisaient « seulement » une langue non officielle avaient un diplôme d’études secondaires ou moins.

Graphique 7 Proportion de travailleurs immigrants qui utilisent une langue autre que le français et l'anglais au travail, selon divers niveaux de scolarité

Graphique 7
Proportion de travailleurs immigrants qui utilisent une langue autre que le français et l'anglais au travail, selon divers niveaux de scolarité

Environ 28 % des travailleurs immigrants n’ayant ni certificat, ni diplôme, ni grade utilisaient une langue autre que le français ou l’anglais au travail. La proportion était d’environ 17 % chez ceux n'ayant fait que des études secondaires. La proportion était encore moindre parmi les détenteurs de certificats professionnels ou collégiaux.

Toutefois, au‑delà de ce niveau de scolarité, la situation se complique. Un certain nombre de travailleurs immigrants ayant fait des études universitaires travaillent régulièrement dans une langue autre que le français ou l’anglais. En outre, un certain nombre d’immigrants détenant un doctorat en médecine utilisent régulièrement une langue non officielle au travail. Cependant, certains de ces travailleurs très scolarisés utilisent une langue non officielle à l’exclusion des langues officielles. Il s’agit peut-être de professionnels que les membres de leur communauté consultent parce qu’ils connaissent une langue non officielle.

Utilisation de langues non officielles au travail dans les grandes provinces et les grandes villes

La population d’immigrants en général se concentre dans les grandes provinces et les grandes villes du Canada. Les nouveaux arrivants qui travaillent dans une langue non officielle y sont encore plus nombreux16. En 2006, l’Ontario comptait près de 315 000 travailleurs immigrants qui utilisaient une langue non officielle au travail, la Colombie-Britannique, presque 164 000, le Québec, 66 000 et l’Alberta, 45 000. Parmi les provinces, c’est la Colombie-Britannique qui présentait la plus grande proportion de travailleurs immigrants qui utilisaient régulièrement une autre langue au travail (près de 25 %). Les provinces de l’Ontario et du Manitoba en comptaient environ 15 % chacune, le Québec, plus de 13 % et l’Alberta, 12 %. En général, les langues non officielles étaient moins utilisées dans le Canada atlantique (graphique 8).

Graphique 8 Proportion de travailleurs immigrants qui utilisent une langue autre que l'anglais ou le français au travail selon la province de travail

Graphique 8
Proportion de travailleurs immigrants qui utilisent une langue autre que l'anglais ou le français au travail selon la province de travail

Dans l’ensemble, les langues non officielles sont plus susceptibles d’être utilisées au travail dans les grandes régions urbaines (graphique 9). Environ 10 % des immigrants des régions rurales utilisent une langue autre que l’anglais ou le français au travail, tandis que c’est le cas de 16,4 % des immigrants qui vivent en milieu urbain. Plus de 95 % des immigrants qui utilisent une langue non officielle au travail occupent un emploi dans une région urbaine. Les trois grandes villes de Toronto, de Vancouver et de Montréal réunissaient plus de 75 % d’entre eux.

Graphique 9 Proportion d'immigrants qui utilisent une autre langue que le français ou l'anglais au travail, selon certaines régions métropolitaines de recensement

Graphique 9
Proportion d'immigrants qui utilisent une autre langue que le français ou l'anglais au travail, selon certaines régions métropolitaines de recensement

Les immigrants sont plus susceptibles d’utiliser une langue non officielle dans leur communauté linguistique

Les immigrants qui ont une langue maternelle non officielle17 sont beaucoup plus susceptibles d’utiliser une langue non officielle au travail. Les autres facteurs étant constants, la probabilité qu’un immigrant donné utilise sa langue maternelle non officielle au travail augmente avec la proportion de personnes qui parlent cette langue dans la municipalité où il travaille.

Les différents groupes linguistiques n’ont pas la même sensibilité quant à la présence de personnes qui parlent leur langue maternelle dans la région où ils travaillent18. En évaluant les groupes linguistiques les plus représentés (graphique 3), on a trouvé une relation positive importante dans presque tous les cas. Par exemple, chez les immigrants de langue maternelle chinoise19, la probabilité qu’ils travaillent dans cette langue double à mesure que la proportion de sinophones dans la municipalité où ils travaillent augmente pour atteindre 10 % (graphique 10)20.

Graphique 10 Proportion d'immigrants qui utilisent une autre langue que le français ou l'anglais au travail, selon certaines régions métropolitaines de recensement

Graphique 10
Proportion d'immigrants qui utilisent une autre langue que le français ou l'anglais au travail, selon certaines régions métropolitaines de recensement

Le fait d’utiliser une langue non officielle au travail dépend en partie de la présence de suffisamment de clients, d’employeurs et de collègues qui parlent la même langue. La présence d’un marché où les renseignements s’échangent dans cette langue y contribue également.

Résumé

Étant donné que la proportion d’immigrants originaires de pays ni francophones ni anglophones a augmenté, l'utilisation d’autres langues dans les lieux de travail canadiens s’est accrue.

Une proportion importante de travailleurs immigrants utilisent régulièrement des langues autres que les langues officielles au travail, surtout dans certaines provinces et grandes villes. Souvent, mais pas toujours, ces immigrants connaissent mal les langues officielles. Ils ont aussi souvent une langue maternelle autre que le français ou l’anglais. En outre, les immigrants qui travaillent dans d’autres langues ont tendance à arriver au Canada à un âge avancé et à avoir un niveau de scolarité inférieur à celui des immigrants qui ne travaillent pas dans une autre langue. Ceux qui viennent d’Asie de l’Est sont plus susceptibles d’utiliser une langue autre que le français ou l’anglais au travail. La grande majorité d’entre eux travaillent dans les grandes villes du Canada.

La probabilité qu’un immigrant donné utilise sa langue maternelle au travail augmente avec la proportion de personnes qui parlent cette langue dans la collectivité où il travaille. Dans certains secteurs des villes canadiennes, il peut y avoir suffisamment de clients et d’employeurs qui parlent une langue non officielle donnée pour permettre aux immigrants de gagner leur vie dans leur langue maternelle.

Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude

Le présent article est fondé principalement sur des données recueillies grâce au formulaire (complet) 2B du Recensement du Canada de 2006. On y utilise aussi certains des renseignements correspondants du Recensement de 2001. Un ménage sur cinq au Canada reçoit le formulaire complet 2B.

Dans le formulaire complet du recensement, on pose deux questions sur chaque personne de 15 ans ou plus qui travaille ou qui a travaillé à un emploi rémunéré ou à son compte au cours de l’année civile en cours ou de l’année précédente. Ces questions portent sur leur emploi actuel, l’emploi où elles ont travaillé le plus grand nombre d’heures (si elles en ont plus d’un) ou l’emploi où elles ont travaillé le plus longtemps si elles ne travaillaient pas le jour du recensement. Ces questions sont les suivantes : a) Dans cet emploi, quelle langue cette personne utilisait-elle le plus souvent? et b) Cette personne utilisait-elle régulièrement d’autres langues dans cet emploi? Les répondants pouvaient cocher le français ou l’anglais ou préciser une autre langue.

La présente analyse ne porte que sur les immigrants. Toutes les personnes qui répondent à la question sur la « langue de travail » dans le recensement ont par définition été employées à un moment donné récemment. Environ 50 000 immigrants qui vivaient au Canada en 2006 travaillaient à l’extérieur du pays. En 2001, environ 46 000 faisaient de même. La déclaration faite par ces immigrants dans le recensement concernait des emplois qu’ils occupaient à l’étranger. Certains d’entre eux ont peut-être décrit un emploi qu’ils occupaient avant d’immigrer, mais, en 2006, plus des trois cinquièmes d’entre eux fournissaient des renseignements sur un emploi qu’ils occupaient le jour du recensement. Ces titulaires d’emplois à l’étranger couvrent un grand nombre de professions et de pays de naissance. Les ingénieurs et les conseillers en informatique sont nombreux parmi eux, de même que les camionneurs et les pilotes. Beaucoup sont nés en Chine, aux États-Unis, en Inde ou au Royaume-Uni. À chaque recensement, près de la moitié déclarent travailler dans une langue non officielle. Puisqu’ils ne font pas vraiment partie de la population active canadienne, ces immigrants ont été retranchés de l’analyse.

La majorité des proportions et des chiffres rapportés sont réels et proviennent de tableaux croisés simples. Toutefois, afin de vérifier que les corrélations ne sont pas trompeuses, on utilise un modèle pour estimer la probabilité selon laquelle un immigrant utilise régulièrement une langue autre que le français ou l’anglais au travail. Ce modèle permet aux chercheurs de maintenir d’autres facteurs constants, dont le sexe, la connaissance des langues officielles, la langue maternelle, le lieu de naissance, le temps passé au Canada, l’âge d’immigration, la population de la subdivision de recensement où les immigrants travaillent. Des modèles semblables sont utilisés pour estimer la probabilité selon laquelle des immigrants de certains regroupements de langues maternelles utiliseront une langue non officielle au travail lorsque l’on conserve la même série de caractéristiques et que l’on tient compte de la proportion de locuteurs de la même langue dans leur municipalité (SDR).

Les résultats de ces modèles sont exprimés en probabilités prédites. Ces probabilités sont calculées pour une caractéristique donnée. Lorsque cette caractéristique varie, toutes les autres variables sont maintenues constantes à leur valeur moyenne ou à la valeur la plus usuelle.

Toutes les relations mentionnées dans l’article sont significatives à un niveau de 0,05 et les tests de signification dépendent de poids ayant été normalisés de façon à avoir une moyenne de 1.

Derrick Thomas est analyste principal à la Division de la statistique sociale et autochtone de Statistique Canada.

Notes

  1. La population active expérimentée comprend les travailleurs qui occupaient un emploi le jour du recensement, ainsi que les personnes qui avaient été employées à un certain moment entre le 1er janvier 2005 et le 16 mai 2006.
  2. Dans certains territoires du Canada, les langues autochtones disposent d’un statut officiel. Cependant, le présent article porte sur les immigrants, et très peu d’entre eux utilisent des langues autochtones.
  3. Wilson, K. et Portes, A. (1980). Immigrant enclaves: An analysis of the labour market experiences of Cubans in Miami. American Journal of Sociology, 86, 295-319.
    Sanders, J. M. et Nee, V. (1987). Limits of ethnic solidarity in the enclave economy. American Sociological Review, 52(6), 745-767.
    Portes, A. et Jensen, L. (1987). What’s an ethnic enclave? The case for conceptual clarity. American Sociological Review, 52(6), 768-773.
  4. Depuis l’article fondamental de Wilson et Portes en 1980, qui décrivait l’expérience de Cubains à Miami, la littérature didactique appelle « enclaves » ces communautés ou marchés segmentés.
  5. Sanders, J. M. et Nee, V. (1987). Limits of ethnic solidarity in the enclave economy. American Sociological Review, 52(6), 745-767.
    Hou, F. et Picot, G. (2002). Visible-minority neighbourhood enclaves and labour market outcomes of immigrants. Publié sous la direction de C. M. Beach, A. G. Green, et  J. G. Reitz dans Canadian Immigration Policy for the 21st Century (pp. 537-569). Kingston: John Deutsh Institute, McGill-Queen’s University Press.
  6. Chiswick, B. R. et Miller, P. (2002). Immigrants earnings: language skills, linguistic concentration and the business cycle. Journal of Population Economics, 15, 31-57.
  7. Portes et Jensen (1987).
  8. Citoyenneté et Immigration Canada. (2007). Faits et chiffres 2006, aperçu de l’immigration : résidents permanents et temporaires. Ottawa : ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada.
  9. Statistique Canada. (2008). L’utilisation des langues en milieu de travail au Canada, Recensement de 2006. Statistique Canada, no 97‑555 au catalogue. Ottawa : ministre de l’Industrie.
  10. Certains répondants du recensement ont fait la distinction entre le cantonais et le mandarin, tandis que d’autres qui utilisent peut-être ces langues ont simplement déclaré « chinois ». En outre, le chinois écrit ne se divise pas de la même façon que le chinois parlé.
  11. Keung, N. (1er novembre 2008). ‘English or bust’ is new reality for immigrants; Knowledge economy drives language needs. Toronto Star, x p. A13.
  12. Ce chiffre semble indiquer que certains immigrants qui utilisent une langue non officielle utilisent aussi une langue officielle sans vraiment savoir la parler, selon eux. Toutefois, la question du recensement sur la connaissance des langues officielles demande d’évaluer la capacité de « soutenir une conversation » tandis que la question sur la « langue de travail » demande seulement quelle langue est « utilisée ». On pourrait conclure que des immigrants qui ne peuvent pas soutenir une conversation dans une langue officielle en utilisent une seulement dans un contexte limité lié au travail.
  13. Chiswick, B. R. (1991). Speaking, reading, and earnings among low-skilled immigrants. Journal of Labor Economics, 9(2), 149-170.
  14. Citoyenneté et Immigration Canada. (2007).
  15. Citoyenneté et Immigration Canada. (2007).
  16. Les emplacements sont les SDR ou les municipalités où les immigrants travaillent. De nombreux travailleurs déclarent dans le recensement qu’ils n’ont pas de lieu de travail fixe (p. ex., camionneurs, gens de métiers de la construction, hommes/femmes de ménage, vendeurs itinérants, etc.). Dans ces cas, la SDR de travail a été définie en fonction de la SDR de résidence.
  17. Selon le Dictionnaire du Recensement de 2006, le terme « langue maternelle » renvoie à la première langue apprise à la maison dans l’enfance et encore comprise par le recensé au moment du recensement.
  18. Reitz, J (1990). Ethnic concentrations in labour markets and their implications for ethnic inequality. Publié sous la direction de R. Breton, W. W. Isajiw, W. E. Kalbach, et J. G. Reitz dans Ethnic Identity and Equality: Varieties of Experiences in a Canadian City (pp. 135-195). Toronto: University of Toronto Press.
  19. Réfère à n’importe quelle langue chinoise.
  20. Les probabilités prédites sont calculées pour des hommes immigrants arrivés au Canada à 24 ans, il y a 5 ans, qui sont mariés, qui parlent une langue officielle et dont le niveau de scolarité atteint le plus élevé est un grade universitaire obtenu dans leur région du monde d'origine.