Chapitre 3 : La période de 1980 à 1985 : un tournant majeur

Table des matières

La difficile quête d'un nouveau statisticien en chef

En 1980, la situation à Statistique Canada était devenue presque intenable. Le moral et la fierté professionnelle des employés étaient à leur plus bas, et la confiance du public à l'égard de l'intégrité et de la compétence de l'organisme s'était gravement effritée. Différents facteurs étaient à l'origine du problème : le fait que quatre statisticiens en chef se soient succédé à la gouvernance de l'organisme en moins de 10 ans, les multiples grandes restructurations de l'organisme, les critiques formulées à l'endroit de l'organisme à la Chambre des communes et dans les médias, la tenue de trois enquêtes externes visant l'organisme et d'un certain nombre de vérifications portant sur son personnel et son efficacité, l'isolement croissant de l'organisme par rapport aux autres ministères fédéraux, la réduction d'un cinquième de son budget, et aussi probablement le fait que l'embauche d'un nouveau statisticien en chef provenant de l'extérieur de l'organisme et recruté par des agents externes avait attiré l'attention du public sur la « nécessité de corriger le tir ».

Un article paru en août 1980 dans le Ottawa Citizen décrivit les difficultés rencontrées dans la quête d'un nouveau statisticien en chef et fut truffé de spéculations et de rumeurs sur les candidats potentiels. Le comité de recherche était à la recherche d'un statisticien chevronné estimé au sein de la communauté professionnelle et possédant une vaste expérience de la gestion. Les recherches du comité donnèrent finalement lieu à la désignation de Martin Wilk à titre de candidat idéal au poste de statisticien en chef du Canada. Celui-ci possédait trois atouts : il était Canadien, il avait rédigé de nombreux travaux dans le domaine de la statistique et il était sur le point de prendre sa retraite de son poste actuel à l'American Telephone and Telegraph Company (AT&T).

Le Comité de recrutement des cadres avait donc dans sa mire Martin Wilk, mais il devait d'abord convaincre ce dernier de quitter son poste de cadre à l'AT&T, de déménager au Canada et de prendre les rênes d'un organisme en difficulté. On l'approcha pour la première fois en mai 1980 par l'intermédiaire d'une firme de recrutement de cadres établie à Toronto, engagée à forfait par le gouvernement fédéral. Cependant, chose curieuse, le recruteur ne précisa pas la raison pour laquelle il communiquait avec lui. Puisqu'il était au fait des rapports d'enquête de Sir Claus Moser et de Price Waterhouse sur l'organisme, Martin Wilk supposa naturellement qu'on voulait connaître ses impressions, les cadres supérieurs d'AT&T étant couramment consultés pour obtenir des conseils dans ce genre de situation.

On invita donc Martin Wilk à une réunion à Ottawa, à laquelle il se rendit, manifestement intrigué par cette invitation curieuse et inattendue. Il y rencontra les membres du comité d'examen, y compris le secrétaire du Conseil du Trésor Jack Manion, le contrôleur général du Canada Harry Rogers, le sous-secrétaire du Cabinet Fred Drummie ainsi que le statisticien en chef par intérim Larry Fry. Les membres du comité d'examen lui ayant remis des résumés des rapports, Martin Wilk était prêt à leur fournir sa rétroaction, mais, contrairement à ses attentes, Jack Manion lui demanda plutôt comment il gérerait la situation et pourquoi il pensait être le candidat idéal pour l'emploi! Un peu surpris, Martin Wilk répondit qu'il était venu donner ses impressions sur les rapports et qu'il préférait s'en tenir à ce qu'il s'était préparé à faire. Jack Manion fut lui aussi manifestement un peu surpris, mais il se plia à la demande de Martin Wilk. Après cette première réunion, Martin Wilk indiqua qu'il n'était pas intéressé par le poste et rentra chez lui au New Jersey. Au printemps 1981, il expliqua sa réaction initiale au cours d'une entrevue qu'il accorda à un journaliste du Financial Times : [traduction] « Je n'avais vraiment pas d'intérêt à l'égard de la vie politique ou publique ou encore d'expérience importante dans ce domaine, ni dans le domaine des systèmes statistiques nationaux. »

Entre-temps, il devint rapidement évident pour le comité de recherche que Martin Wilk faisait partie d'une classe à part et qu'il devait de nouveau essayer de le convaincre d'accepter de prendre en charge les fonctions de statisticien en chef. On l'invita donc une fois de plus à Ottawa, l'invitation provenant cette fois du greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet Michael Pitfield. On proposa alors à Martin Wilk de relever un défi jugé impossible à surmonter pour un non-initié. On lui dit aussi à un certain moment qu'il s'agissait de la dernière chance de survie de l'organisme statistique centralisé, et que s'il ne réussissait pas à remettre l'organisme sur la bonne voie, le système statistique national serait décentralisé. Les délibérations se poursuivirent pendant encore quelques mois, et Martin Wilk accepta finalement en septembre de revenir au Canada pour occuper le poste. Il fut ainsi nommé statisticien en chef du Canada le 1er décembre 1980.

La tâche qui l'attendait était alors de taille. Il fallait améliorer le moral du personnel et la perception du public à l'égard de l'organisme ainsi que démontrer la valeur de l'organisme statistique national du Canada. Martin Wilk reconnut aussi pleinement que, compte tenu des faits récents, il serait considéré comme une personne de l'extérieur parachutée au sein de l'organisme.

Au départ, l'approche plutôt directe et axée sur la confrontation de Martin Wilk ne fit pas l'unanimité. Même s'il était très compétent, beaucoup de membres de son équipe de direction trouvèrent les années sous sa direction stressantes et déplaisantes en raison de son style de gestion. Martin Wilk avait pour tâche de mettre en œuvre un énorme changement de culture au sein de l'organisme en instaurant des normes et en appliquant une prise de décisions axées sur les objectifs. À mesure que l'organisme accomplit des projets, un immense sentiment de fierté s'installa chez les employés. Ce sentiment faisait défaut depuis si longtemps que certains employés ne voulaient même pas admettre qu'ils travaillaient à Statistique Canada. Le mandat de Martin Wilk à Statistique Canada finit par être perçu par beaucoup comme un tournant dans l'histoire de l'organisme, comme l'élément moteur qui a amorcé son changement de cap et qui l'a propulsé dans une ère plus positive.

Martin Wilk

Martin B. Wilk, statisticien en chef du Canada, 1980-1985

Martin Wilk naquit en 1922 à Montréal. Il obtint un diplôme en génie chimique de l'Université McGill, puis une maîtrise en sciences et un doctorat en statistique de l'Iowa State University. De 1945 à 1950, il occupa le poste d'ingénieur chimiste de recherche au Projet d'énergie atomique du Conseil national de recherches du Canada avant de déménager au New Jersey pour devenir associé de recherche et directeur adjoint du Statistical Techniques Research Group (groupe de recherche en techniques statistiques) de l'Université Princeton. Il occupa ensuite un certain nombre de postes aux Bell Telephone Laboratories, passant de membre du personnel technique à directeur statistique de la recherche en sciences de la gestion. Il fut également professeur de statistique et directeur de la recherche en statistique à l'Université Rutgers. En 1970, il accéda à un poste de direction au sein de l'AT&T, la société mère des Bell Laboratories, où il occupa, au point culminant de sa carrière à la société, les postes de vice-président adjoint et de directeur de la planification générale. En 1980, Martin Wilk devint statisticien en chef du Canada, poste qu'il occupa jusqu'en 1985. Il s'agit du premier statisticien mathématicien à avoir occupé ce poste. Pendant le mandat de Martin Wilk à titre de statisticien en chef, Statistique Canada établit des orientations stratégiques en vue de répondre aux besoins croissants de ses utilisateurs de données dans les années 1980. En plus de soutenir l'élaboration des programmes fondamentaux de la statistique sociale, économique, institutionnelle et environnementale, Martin Wilk mit davantage l'accent sur les activités de commercialisation et les services d'information, la régionalisation, la recherche et le développement ainsi que l'analyse.

De 1980 à 1982, il assuma les fonctions de vice-président de l'American Statistical Association. Il devint ensuite président de la Société statistique du Canada de 1986 à 1987, et se vit décerner le titre de membre honoraire de la Société en 1988 [traduction] « en reconnaissance de son apport exceptionnel à l'avancement de l'analyse de variance, de l'analyse multidimensionnelle et de l'ajustement et de la validation de modèles, de ses contributions substantielles à Statistique Canada en tant que statisticien en chef ainsi que de ses conseils éclairés à l'égard de la Société pendant ses années en tant que membre et président du conseil d'administration ». Au cours de sa carrière, il fut par ailleurs membre élu de l'Institut international de statistique et membre de l'American Statistical Association, de l'Institute of Mathematical Statistics, de la Royal Statistical Society, de l'American Association for the Advancement of Science et de la New York Academy of Sciences. Il fut également lauréat du prix Jack-Youden en 1972.

Après avoir pris sa retraite de Statistique Canada, Martin Wilk siégea pendant 22 ans au Conseil national de la statistique, au Comité consultatif de la statistique des sciences et de la technologie et au Comité consultatif des méthodes statistiques. Il entreprit aussi plusieurs consultations importantes pour le gouvernement canadien. En 1999, Martin Wilk fut nommé Officier de l'Ordre du Canada en reconnaissance de son « orientation réfléchie sur les questions importantes liées à notre système statistique national ». Il décéda en 2013 à l'âge de 90 ans.

Le moral s'améliore

Annonce de Martin B. Wilk pour promouvoir les affectations spéciales, 1983

Tout au long de la première moitié des années 1980, le moral au sein de l'organisme s'améliora directement grâce à de nombreuses initiatives délibérées, et indirectement grâce à d'autres changements positifs dans le travail et la vie professionnelle des employés. Martin Wilk eut tôt fait de prendre conscience qu'il ne pouvait pas se permettre de négliger le moral de ses troupes. Il estimait que pour avoir un bon moral, les employés devaient ressentir qu'ils faisaient un travail utile et intéressant dans un environnement confortable et que, dans cette optique, il fallait assurer au personnel une carrière continue, des possibilités de perfectionnement professionnel et de la satisfaction au travail. Il travailla sans relâche jusqu'à ce qu'il trouve un mécanisme permettant d'atteindre ce résultat, un trait de caractère qu'il transmit à de nombreux cadres supérieurs.

Martin Wilk savait aussi qu'aucune mesure globale ne pourrait à elle seule rehausser le moral des employés et leur fierté à l'égard de leur travail, et que l'organisme aurait plutôt intérêt à mettre en œuvre une série d'initiatives à plus petite échelle afin de veiller au maintien du moral à long terme.

C'est ainsi que naquit la Division des affectations spéciales, héritage important de ces années, en vue de servir de point de liaison entre les secteurs de l'organisme ayant besoin d'aide et les employés souhaitant élargir leur expérience. D'une part, la nouvelle division suscita une énergie nouvelle et des idées novatrices, et permit de satisfaire facilement aux exigences des tâches à court terme. D'autre part, elle eut une incidence importante et durable sur le moral des employés en favorisant chez eux un sentiment d'appartenance à l'organisme dans son ensemble (plutôt qu'à un secteur particulier) et en leur montrant que l'on accordait de l'importance à leur perfectionnement professionnel et à leur satisfaction au travail. À la suite de ce franc succès, des programmes semblables furent mis en œuvre dans d'autres ministères. Martin Wilk fut même mis en vedette dans une annonce publicitaire promotionnelle utilisée dans l'ensemble des ministères.

L'une des initiatives visant plus directement à améliorer le moral des employés fut le Programme de contact, établi au début de 1981 afin de permettre aux employés de communiquer de façon anonyme avec la direction pour lui faire part de suggestions, d'opinions, de préoccupations ou de questions. Les réponses étaient envoyées par écrit au domicile des employés dans le but d'assurer la confidentialité, le courriel n'ayant pas encore été inventé. Le nombre de messages envoyés au programme passa de 44 au cours de son premier mois de fonctionnement à une ou deux par mois un an plus tard. Un nouveau programme d'aide aux employés, dont le personnel était composé de deux infirmières à temps plein formées en services de consultation à l'intention des employés, fut également mis en œuvre afin de fournir à l'ensemble du personnel des services de consultation professionnels dans divers domaines.

Par ailleurs, le moral des employés jouissait grandement de l'attention soutenue qu'accordait à l'organisme le nouveau ministre responsable de Statistique Canada, l'honorable Jean-Jacques Blais, ministre des Approvisionnements et Services et receveur général du Canada sous le gouvernement du premier ministre Pierre Elliott Trudeau. De tous les ministres responsables de Statistique Canada, le ministre Jean-Jacques Blais fut le seul à demander un bureau au sein de l'organisme. En fait, au moment de la nomination de Jean-Jacques Blais au poste de ministre responsable de Statistique Canada, son père, Rudolphe Blais, avait récemment pris sa retraite de l'organisme après avoir travaillé au Recensement de 1971 et à la Division des langues officielles.

Le ministre Jean-Jacques Blais, originaire de Sturgeon Falls, représenta la circonscription de Nipissing à la Chambre des communes de 1972 à 1984. Il ouvrit officiellement le bureau de Sturgeon Falls de Statistique Canada en juillet 1983. Jean-Jacques Blais fut extrêmement actif au sein de l'organisme, comme en témoigne sa participation continue aux grands projets et aux opérations quotidiennes de l'organisme. Par exemple, en 1980, il se rendit au bureau régional de Vancouver pour remettre un certificat à Don Kembel, superviseur du Projet d'enquête sur les prix, à l'occasion de son départ à la retraite après 38 années de service. À l'été 1981, lors d'un rassemblement d'employés du recensement dans l'immeuble Jean-Talon, le ministre félicita ces derniers de leur professionnalisme et du succès qu'ils avaient connu dans le cadre du Recensement de 1981. Il appuya également le Programme d'information publique et y contribua, participant personnellement à 22 activités partout au pays en vue de promouvoir l'importance du recensement. En mai 1982, lorsque l'adjointe administrative de Martin Wilk, Jacqueline Poullet, fut honorée pour avoir sauvé la vie d'un jeune garçon tombé dans la rivière des Outaouais, le ministre Jean-Jacques Blais se rendit sur place afin de lui remettre un prix. Jacqueline Poullet reçut aussi plus tard la Médaille de la bravoure du gouverneur général. En juin 1982, Jean-Jacques Blais assista, en compagnie du ministre de l'Agriculture de l'époque, l'honorable Eugène Whelan, à une conférence de presse annonçant les résultats du Recensement de l'agriculture de 1981. En novembre de la même année, il assista à la première cérémonie de remise des prix de long service des employés de l'organisme.

Dans ses vœux des Fêtes enregistrés sur bande vidéo à l'intention des bureaux régionaux, Martin Wilk fit l'éloge de l'influence positive du ministre Jean-Jacques Blais au sein de l'organisme : [traduction] « Il a fait preuve de sensibilité et de respect à l'égard de la tradition de neutralité et de l'objectivité scientifique qui sont l'essence même de Statistique Canada. J'ai pu exercer mes responsabilités en toute quiétude en sachant que M. Blais ne demanderait et ne permettrait jamais à l'organisme de s'éloigner de sa position de porte-parole impartial des caractéristiques sociales et économiques du pays. Son appui nous a donné à tous, à Statistique Canada, la marge de manœuvre et l'encouragement nécessaires à l'exploration de nouvelles avenues, de nouvelles méthodes et de nouveaux programmes et, de façon générale, à l'amélioration de notre mode de fonctionnement précédent. »

En 1984, le taux de roulement annuel des employés permanents correspondait à près de la moitié du taux enregistré quatre ans plus tôt, étant passé de 11 % à environ 6 %. Ce taux était également inférieur de 3 % à la moyenne observée dans la fonction publique à ce moment. Le nombre de griefs avait également diminué pour passer d'environ 100 par année à environ 30 par année.

Changements organisationnels

Un accent nouveau sur l'intégration

Des employées du nouveau Programme d'assistance aux employés, 1986

Bien que l'organisme ait fait l'objet d'une certaine réorganisation au début des années 1980, la structure de l'organisme ne connut pas immédiatement de changement majeur comparable à ce qu'elle avait connu dans les années 1970. En effet, Martin Wilk était d'avis que le fait que les bonnes personnes occupent les bons postes primait sur une structure organisationnelle établie. En fait, il s'opposait à la résolution de problèmes institutionnels fondée sur des plans de restructuration sur papier, étant donné que ceux-ci nuisaient tant à la stabilité des organisations qu'à la loyauté de leurs employés. Il insista plutôt continuellement sur le fait que la force de l'organisme, sa ressource la plus importante, résidait dans ses employés. Dans cette optique, il lança en 1984 une tradition qui se poursuit encore aujourd'hui, soit celle de nommer un « employé de l'année » en reconnaissance de ses contributions importantes au travail de l'organisme.

En mai 1982, Martin Wilk fit l'éloge du travail continu de l'organisme dans une entrevue qu'il accorda au journaliste Dan Bailey du Ottawa Citizen : [traduction] « La grande majorité de nos ressources et de ce que nous faisons repose sur des programmes qui ont certes évolué au fil du temps, mais qui sont en place depuis de nombreuses années et, dans certains cas, des décennies. Ce sont ces programmes qui sont à la base de la plus grande partie du mérite, de la fierté, des ressources et des réalisations de l'organisme. Oui, nous sommes en train de modifier notre programme des prix, mais l'essentiel de ce programme réside dans la collecte des prix. Oui, nous modifions notre Enquête sur la population active, mais la grande majorité du travail et des réalisations dans ce domaine consistent en la collecte régulière, sur une base mensuelle, des données sur l'emploi et le chômage dans les ménages canadiens. Il est vrai qu'il y a dix ans, Statistique Canada était considéré comme l'organisme statistique par excellence de la planète. Il est vrai que sa réputation a été ternie ou semble s'être quelque peu détériorée au cours des dix dernières années, mais ce que je veux dire, c'est que les réalisations qui ont valu à l'organisme cette réputation sont en grande partie toujours en place. »

Ainsi, la restructuration minimale qui eut lieu au sein de l'organisme au cours des premières années de Martin Wilk au poste de statisticien en chef visait simplement à équilibrer les responsabilités et à encourager la communication entre les divers secteurs en établissant des interdépendances. Cette notion d'établissement d'interdépendances fut d'ailleurs abordée par Simon Goldberg, qui l'appelait la « dimension horizontale ». En 1982-1983, on lança un programme visant à intégrer les activités de l'ensemble de l'organisme au moyen d'un examen systématique de ces activités. Cette intégration des opérations visait à aider l'organisme à s'éloigner de l'« indépendance » historique des divisions des programmes statistiques. Dans le cadre de ce programme, les divisions furent amenées à concentrer leurs ressources sur les questions liées à la qualité et à la pertinence des produits existants, et les gestionnaires furent encouragés à examiner l'efficacité de chaque programme. Parallèlement, les bureaux régionaux prirent en charge des responsabilités supplémentaires en assumant la saisie, le traitement et la diffusion des données, ainsi que les services de liaison avec les utilisateurs. Dans son rapport de 1983, le vérificateur général énonça les résultats du programme dans les mots suivants : « Le Bureau s'est maintenant stabilisé et il connaît une période de renouveau, tant au plan [sic] de l'orientation que des objectifs ». Il s'exprima également au sujet de la réponse aux besoins des utilisateurs : « Nous avons constaté que la gamme de produits de l'organisme était certainement pertinente. Nous n'avons trouvé aucun cas où Statistique Canada dépensait des sommes importantes sur des produits qui n'étaient d'aucune utilité précise pour les utilisateurs. […] Au cours des cinq dernières années, l'organisme s'est efforcé de réduire le fardeau imposé aux entreprises et aux particuliers appelés à fournir des renseignements. »

Pendant les premières années de son mandat à Statistique Canada, Martin Wilk apporta peu de grands changements à la structure de l'organisme. Toutefois, certains des changements qu'il mit en œuvre vers la fin de son mandat définirent la structure de l'organisme pour les deux décennies suivantes. Ces changements comprenaient la centralisation et l'intégration des opérations de l'administration centrale, la recentralisation de la méthodologie, la création de la Direction des études analytiques et la création du Secteur des communications et des opérations.

En 1985, Statistique Canada créa la Division des opérations et de l'intégration afin de réaliser des économies d'échelle en intégrant et en centralisant les processus opérationnels. Cela fit en sorte que les gestionnaires d'enquête délaissèrent les opérations de production routinières pour se tourner vers la conception de programmes, l'élaboration de renseignements et la recherche et le développement. La création de cette division centralisée qui se concentrait sur les processus opérationnels permit d'atténuer les variations importantes dans la charge de travail des programmes. La centralisation des processus contribua également à enrichir le travail des employés qui effectuaient des tâches opérationnelles routinières ou répétitives en élargissant la portée de leur travail. Cette approche posa néanmoins un problème, les gestionnaires d'enquête perdant leur capacité de conseiller ou d'influencer directement le personnel traitant leur enquête. Pour résoudre ce problème, on commença dès lors à rédiger un document de spécifications précisant le travail opérationnel requis et la qualité du produit attendu, que l'on remit aux employés à l'avance.

La charpente de l'organisme

En 1983, huit bureaux régionaux effectuaient des enquêtes-ménages, des opérations du recensement et, de plus en plus, des enquêtes-entreprises, soit les bureaux d'Halifax, de Montréal, de Toronto, de Winnipeg, de Regina, d'Edmonton, de Vancouver et de Sturgeon Falls. Il convient de rappeler que le bureau régional d'Ottawa avait déménagé à Sturgeon Falls en juillet 1983, conformément à une politique de décentralisation du gouvernement visant à accroître la présence fédérale dans les régions et à favoriser la création de nouveaux emplois. Les bureaux régionaux offraient également des services de référence et de consultation, lesquels gagnaient en importance d'année en année : de 1980 à 1985, le nombre de demandes de renseignements reçues par les bureaux régionaux passa d'environ 140 000 à 320 000. Martin Wilk, qui estimait que les bureaux régionaux constituaient la charpente de l'organisme et qu'ils étaient essentiels à l'amélioration des relations avec le public, des taux de réponse et de la satisfaction des utilisateurs, inaugura une nouvelle ère de proximité avec les bureaux régionaux en effectuant des visites en personne et en leur faisant parvenir ses vœux des Fêtes personnalisés sur vidéo.

Nouvelles initiatives de gestion

Dans une entrevue accordée au bulletin SCAN destiné aux employés, Martin Wilk fit part de ses réflexions sur le concept de gestion. Il expliqua que selon lui, la gestion allait bien au-delà de l'administration et de la surveillance prudentes des opérations; plus important encore, il s'agissait d'assumer la responsabilité des personnes ainsi que des produits et services de l'organisme. Martin Wilk était d'avis que la gestion était synonyme de leadership, de planification et d'innovation prudente. En ce qui concerne l'innovation, il rédigea en 1989 un document intitulé Management contributions to innovation in Statistics Canada (Contributions de la direction à l'innovation à Statistique Canada), dans lequel il exposa son point de vue sur les défis associés à l'innovation pour un organisme statistique. Il y résuma certaines des contradictions intrinsèques auxquelles était confronté tout organisme statistique :

[Traduction] « Mener dans le domaine de l'élaboration de renseignements tout en donnant l'apparence de suivre, veiller à la continuité des produits normalisés tout en innovant, se préoccuper de la qualité de ses produits et faire preuve d'autocritique tout en veillant au maintien de la confiance du public, garder un profil bas tout en acquérant une grande renommée, ainsi que soutenir la recherche et l'analyse créatives au sein d'un organisme où prévalent la production normalisée et les limites au chapitre des ressources. »

Ainsi, sous la supervision de Martin Wilk, un certain nombre de nouvelles initiatives de gestion interne furent mises en œuvre, dont un grand nombre sont encore en vigueur aujourd'hui, ce qui témoigne bien de leur valeur. Martin Wilk instaura une participation plus directe de tous les gestionnaires au processus de gestion en établissant une structure de comités de gestion. Ces comités jouèrent un rôle crucial dans la facilitation de la communication et de la prise de décisions consensuelles dans des domaines comme les politiques, le personnel, la planification opérationnelle et les finances de l'organisme. Ils favorisèrent aussi chez les gestionnaires une compréhension accrue de l'organisme et un plus grand sens des responsabilités à l'égard de l'ensemble de l'organisme. Les gestionnaires participèrent aux comités non pas en tant que représentants de leur secteur respectif, mais en tant que représentants des intérêts de l'organisme dans son ensemble. De plus, on introduisit le concept de rotation des responsabilités des gestionnaires, ce qui contribua à décourager l'esprit de clocher et à mettre l'accent sur le rendement global de l'organisme. Statistique Canada établit également son propre programme interne de formation des cadres intermédiaires, et fut l'une des rares institutions gouvernementales à le faire à l'époque. Des groupes de travail sur les pratiques de gestion furent mis sur pied, servant de tribune pour la présentation de recommandations de changements en matière de gestion. Ces groupes de travail contribuèrent à favoriser un plus grand sentiment de collaboration et de cohésion au sein de l'organisme. Il s'agissait aussi des premières années des conférences sur la gestion hors site, lesquelles constituèrent, pour certains gestionnaires, la première occasion de se rencontrer. Comme le mandat de Martin Wilk ne dura que cinq ans, bon nombre de ces initiatives en étaient encore à leurs débuts au moment de la nomination de son successeur. Ainsi, le défi d'intégrer ces initiatives dans la culture de l'organisme passa aux mains du statisticien en chef suivant, Ivan Fellegi, qui le releva avec brio.

Par ailleurs, l'organisme créa le Comité des politiques, composé des statisticiens en chef adjoints et agissant à titre de principal forum de consultation sur les questions stratégiques. À son tour, le Comité était informé par les comités de gestion à orientation fonctionnelle. Le Comité de direction en place jusqu'alors fut finalement aboli.

Statistique Canada instaura également des évaluations périodiques des programmes dans le but d'évaluer la pertinence des programmes et la satisfaction des clients à l'égard de la création de la Division de l'évaluation des programmes. En juillet 1981, le Conseil du Trésor publia une circulaire décrivant les principes généraux et les méthodes visant l'établissement de l'évaluation des programmes au sein des ministères et organismes fédéraux. Statistique Canada fut l'une des premières institutions fédérales à adopter une politique d'évaluation. Ainsi, au milieu de 1983, plusieurs grands programmes furent évalués, y compris la balance des paiements, l'Enquête sur la population active ainsi que les programmes du commerce extérieur, de la statistique des sciences, de l'informatique, de la statistique juridique et de la statistique de la culture.

Place à la diversité

En vue d'accroître la diversité au sein de l'organisme et dans l'ensemble de la fonction publique, des efforts conscients furent déployés dans les sphères du recrutement et du soutien aux employés.

Par exemple, en 1980, un programme fut mis en place à Statistique Canada pour accroître son effectif francophone, particulièrement au sein du groupe professionnel des économistes, sociologues et statisticiens. Dans le cadre de ce programme, l'organisme mit en place des mesures de recrutement actif sur les campus universitaires du Québec, lesquelles firent passer de 14 % à 35 % la représentation des francophones dans ce groupe entre 1980 et 1984. Le rayonnement du bilinguisme au sein de la fonction publique fédérale fut aussi illustré par l'ouverture, en 1982, du nouveau Centre de formation linguistique de Statistique Canada, lequel améliora l'accessibilité de la formation linguistique pour les employés. La Commission de la fonction publique mit alors des professeurs de langue à la disposition de Santé et Bien-être social Canada et de Statistique Canada, qui menaient conjointement le projet.

Bien que des efforts importants furent déployés afin d'améliorer la représentation des francophones au sein de la fonction publique, l'équité en matière d'emploi n'était pas encore un objectif majeur pour le gouvernement et pour la société en général, plus particulièrement pour ce qui est des communautés de minorités visibles, où elle était carrément absente. On observait quelques changements au chapitre de l'équité en matière d'emploi pour les femmes, mais peu pour les Autochtones, les personnes ayant une incapacité et les membres de minorités visibles.

Le Programme de promotion de la femme se poursuivit, et l'on tint des séances périodiques à l'heure du dîner pour s'assurer que la direction était au courant des défis auxquels les femmes devaient faire face sur le plan de la poursuite de leurs aspirations professionnelles. En octobre 1983, la fonction publique annonça son objectif de doubler le nombre de femmes occupant des postes de direction au cours des cinq années suivantes. À Statistique Canada, pour améliorer la représentation des femmes dans certains groupes professionnels et aux niveaux supérieurs, les gestionnaires durent établir des cibles de participation des femmes ainsi qu'un échéancier pour atteindre ces objectifs. L'organisme produisit, à l'intention du Conseil du Trésor, des rapports annuels dans lesquels il faisait état des progrès et recommandait des mesures à prendre.

L'organisme avait également lancé en 1979 un programme visant à accroître les possibilités d'emploi pour les Autochtones, lequel comprenait des efforts de recrutement ciblés ainsi que la détermination et l'élimination des obstacles à la dotation et à l'avancement professionnel. Le Recensement de 1981 fut désigné comme l'un des secteurs visés par les mesures initiales d'embauche, et près de 1 000 Autochtones furent embauchés dans le cadre du recensement.

On mit aussi en place un programme visant à accroître les possibilités d'emploi pour les personnes ayant une incapacité, lequel comprenait la détermination et l'élimination des obstacles architecturaux, la prise des dispositions nécessaires pour les aides et les services ainsi que l'organisation de séances de sensibilisation à l'intention des gestionnaires et des autres employés.

Cependant, il restait encore beaucoup de travail à faire et un certain nombre d'années s'écoulèrent avant que la fonction publique et l'organisme commencent à tirer pleinement parti des avantages associés à un effectif diversifié.

Martin B. Wilk pratique son français au nouveau laboratoire de langues du Mini-centre de formation linguistique, 1982
Des employés de l'Enquête sur la population active débutent leur travail au Yukon, 1981

La recherche et le développement dans la mire de l'organisme

Tout au long du mandat de Martin Wilk à Statistique Canada, on accorda une attention accrue à la revue et à la redéfinition des objectifs stratégiques. En mai 1981, Martin Wilk prit la parole à l'assemblée annuelle de la Société statistique du Canada pour exprimer sa vision de l'organisme. Il dit avoir la conviction que le mandat de l'organisme était de fournir des renseignements au public. Véritable témoignage de ce changement d'orientation, le premier rapport annuel signé par Martin Wilk, soit celui de 1979-1980, s'éloigna grandement de l'approche monotone des rapports annuels précédents, qui détaillaient chacun des programmes un par un. Dans ce rapport, Martin Wilk commença par définir clairement la raison d'être et la contribution de l'organisme au Canada, à la vie des Canadiens et sur la scène internationale. Plutôt que de se perdre dans les détails, il présenta les points saillants des programmes et des activités et mit l'accent sur leur raison d'être. Contrairement aux rapports précédents, qui ressemblaient davantage à des recueils de descriptions des efforts individuels, ce rapport brossa le tableau d'un organisme intégré et axé sur les objectifs.

Par ailleurs, Martin Wilk était convaincu qu'il fallait assurer l'octroi continu de ressources aux activités créatives et pertinentes en matière de recherche et de développement, à la détermination et à la mise en œuvre de nouvelles statistiques, méthodes et opérations de traitement ainsi qu'à l'amélioration de la production et de la diffusion. En fait, Martin Wilk décrivit l'organisme comme [traduction] « une créature à deux têtes, moitié institut de recherche scientifique, moitié organisme de production d'information ». En effet, d'une part, l'organisme était sans équivoque une organisation scientifique, et d'autre part, il avait d'importantes responsabilités en matière de production d'information en tant que l'un des principaux éditeurs du pays, diffusant en moyenne neuf publications par jour ouvrable.

Au début des années 1970, la recherche et l'analyse au sein de l'organisme avaient certes été passablement renforcées sous la direction de Sylvia Ostry, mais l'organisme n'avait jamais réussi à rattraper le niveau de recherche promu et exigé par Simon Goldberg. En fait, ces activités avaient même été reléguées au second plan à la fin des années 1970, alors que l'organisme faisait l'objet d'une tourmente et devait composer avec des exercices de réduction budgétaire. Toutefois, à compter de 1983, on inclut au rapport annuel de l'organisme une annexe dressant une bibliographie partielle des travaux de recherche effectués par les employés de Statistique Canada.

De plus, on encouragea et promut activement les fonctions d'analyse et de recherche au sein de l'organisme, et ce, grâce à des relations plus étroites avec le milieu universitaire et le milieu de la recherche. Ce partenariat découla de la mise en place d'un programme de bourses et de stages, d'un réseau de comités consultatifs et d'une recentralisation des services méthodologiques de l'organisme afin d'établir l'orientation générale de l'organisme et d'améliorer la collaboration intellectuelle. Il s'agissait d'un changement délibéré et profond, et la recherche, le développement et l'analyse demeurèrent par la suite une importante composante de la culture et de la raison d'être de l'organisme.

Le Programme de bourses et de stages invita les universitaires et experts de premier plan à se joindre à Statistique Canada en vue d'accomplir certaines tâches et de mettre leurs capacités d'analyse au profit de l'organisme, leur permettant ainsi de consacrer plus de temps à l'analyse. En 1985, les boursiers invités entreprirent des recherches sur des sujets tels que les communautés linguistiques en situation minoritaire, la démographie mathématique ainsi que les caractéristiques et profils de carrière au sein de la profession enseignante. Le programme contribua à renforcer la réputation de Statistique Canada en tant qu'organisme de sciences sociales.

Le Comité de recherche, de développement et d'analyse fut créé à titre de comité-cadre pour coordonner et stimuler l'innovation et intégrer les travaux de recherche entrepris par les diverses entités de recherche de l'organisme. Ce comité exerça une fonction de coordination, établit une orientation stratégique et aida l'organisme à formuler les priorités et à cerner les possibilités.

Afin de coordonner et de soutenir le programme de recherche et de développement de l'organisme en matière de méthodologie d'enquête et d'analyse des données, le Comité de recherche en méthodologie fut créé en août 1982. Ce comité élabora et tint à jour un plan stratégique en matière de recherche méthodologique à Statistique Canada dans le but de coordonner et de superviser la recherche au sein des multiples divisions de méthodologie qui, à l'époque, étaient éparpillées dans les divers secteurs. En 1984, lorsque la méthodologie fut de nouveau centralisée, le Comité continua d'agir à titre de comité de gestion de la Direction de la méthodologie aux fins du Programme de recherche en méthodologie. Il présenta également un rapport annuel sur ses réalisations et ses plans au Comité des méthodes et des normes, l'un des nouveaux comités de gestion de l'organisme créés en 1984.

Le premier symposium de Statistique Canada, dont le thème était « A critical look at survey research from planning to evaluation » (Un regard critique sur la recherche par enquête, de la planification à l'évaluation), eut lieu en septembre 1982. Le deuxième symposium, tenu en 1984 et organisé par le Comité de recherche en méthodologie, fut également le premier de la série annuelle sur les méthodes d'analyse des données.

La Division de la recherche et de l'analyse fut créée au sein du Secteur de la statistique sociale en 1981, et fut plus tard intégrée à la nouvelle Direction des études analytiques. Une nouvelle publication mensuelle intitulée La conjoncture économique fut lancée en 1980-1981. Celle-ci présentait des analyses de la conjoncture économique portant sur des sujets d'intérêt particulier tels que la récession et l'expansion de l'économie, ainsi que les résultats d'un nouveau système d'indicateurs avancés. L'organisme travaillait depuis quelque temps sur un nouvel indice fondé sur des indicateurs avancés qui, à mesure que l'inflation continuait de prendre de l'ampleur, devint rapidement l'un des baromètres de la performance économique du pays les plus surveillés en 1981-1982. Cet indice combinait un groupe de variables économiques, y compris les mises en chantier, l'Indice des prix à la consommation (IPC) et les ventes au détail, qui pouvaient toutes être utilisées comme indicateurs de l'orientation de l'économie.

Martin Wilk et ses cadres supérieurs reconnurent la nécessité pour l'organisme d'analyser les faits nouveaux dans les sphères sociale et économique afin d'être en mesure de cerner les nouveaux enjeux et de contribuer à les éclairer. Ce travail devait être mené en interaction et en communication continues avec les ministères chargés des politiques. Cependant, il existait une certaine tension en raison de l'intrusion apparente du travail d'analyse de l'organisme sur les platebandes de ces autres ministères. Cette « intrusion apparente » était et demeure un élément nécessaire de tout organisme statistique centralisé, et Statistique Canada en était particulièrement conscient au fur et à mesure qu'il élargissait son programme de recherche et de développement.

Croissance de la collaboration et du rayonnement

Au début des années 1980, Statistique Canada entra dans une nouvelle ère de sensibilisation et de collaboration interministérielle. L'organisme entreprit un certain nombre de projets en collaboration avec d'autres ministères et consulta davantage les utilisateurs sur leurs besoins en données, y compris par l'entremise de divers groupes de travail et consultations interministériels et fédéraux-provinciaux. Des comités directeurs bilatéraux furent mis en place, en complément des comités de coordination fédéraux-provinciaux existants, afin de gérer les relations avec de nombreux ministères clés. Par exemple, à la demande du gouvernement territorial du Yukon, Statistique Canada étudia la faisabilité d'étendre l'Enquête sur la population active au territoire du Yukon, alors que l'on procédait à un remaniement de l'échantillon dont l'achèvement était prévu à la fin de 1984. L'organisme renforça également son réseau de conseillers experts en créant de nombreux comités consultatifs professionnels, notamment pour le programme des prix, les statistiques sur le marché du travail et le Système de comptabilité nationale. Ces comités consultatifs externes se réunissaient régulièrement pour surveiller les programmes statistiques et recommander des améliorations à leur portée ou à leur contenu.

L'organisme établit aussi un programme de bourses et de stages dans le but de combler l'écart entre les statisticiens du milieu universitaire et ceux du milieu gouvernemental. À ce sujet, Martin Wilk prononça en juin 1985, devant la Société statistique du Canada, une allocution remarquable intitulée Statisticiens et statisticiens. Il expliqua que les statisticiens du gouvernement n'avaient pas appris à entretenir un dialogue continu avec les statisticiens universitaires (qu'il distinguait en parlant respectivement de « praticiens » et de « théoriciens ») et que, par conséquent, ils risquaient de sous-utiliser une ressource riche et fondamentalement importante. Cette allocution fut par la suite publiée dans la revue Techniques d'enquête en décembre 1985 et fit l'objet de discussions dans le cadre de la Conférence des statisticiens européens.

Dans un effort généralisé visant à accroître la sensibilisation, l'organisme produisit le bulletin Faits saillants statistiques, un bulletin hebdomadaire envoyé à tous les ministres ainsi qu'à tous les hauts fonctionnaires des ministères fédéraux. En outre, Martin Wilk participa à des « comités parallèles » des sous-ministres sur le développement social et le développement économique et régional. Les membres de ces comités se réunissaient hebdomadairement afin de discuter d'initiatives stratégiques, d'échanger des renseignements sur les politiques gouvernementales et d'appuyer la coordination interministérielle. Ces réunions permirent aux sous-ministres de connaître la position des autres ministères sur les propositions de politiques en vue de s'assurer que les ministres étaient pleinement préparés en vue des réunions des comités du Cabinet.

L'organisme franchit une nouvelle étape en méthodologie

Après leur dispersion au sein des divers secteurs spécialisés en 1978, les divisions de la méthodologie continuèrent de jouer leur important rôle de prestataires de services; toutefois, selon les dires de Sir Claus Moser, elles ne bénéficiaient pas d'une préoccupation centrale pour la méthodologie. L'un des aspects positifs de cette période fut la poursuite de la publication Techniques d'enquête. Depuis sa création en 1975, cette revue offrait une plateforme pour la publication d'articles rédigés par des membres du personnel des divisions de méthodologie et par d'autres personnes, et elle était distribuée librement à l'intérieur et à l'extérieur de l'organisme. Progressivement, la revue attira un certain lectorat et acquit une reconnaissance professionnelle ainsi qu'une renommée internationale. En 1984, elle devint une publication officielle de Statistique Canada.

Avec l'arrivée de Martin Wilk survint un rééquilibrage de la méthodologie : l'organisme porta une attention renouvelée aux besoins actuels et futurs en améliorant ses activités de recherche et de développement. Il mit l'accent sur les priorités fondamentales qu'étaient la pertinence, l'innovation et l'élaboration de programmes statistiques. En 1982, la Direction de l'élaboration des méthodes fut créée au sein du Secteur de la statistique sociale, regroupant deux des trois divisions de la méthodologie, de même que les fonctions de la géographie et de l'exploitation des données administratives. La centralisation complète eut lieu en 1984, avec la création de la Direction de la méthodologie au sein du Secteur de l'informatique et de la méthodologie.

Les employés se virent alors offrir un nouveau cours sur la méthodologie d'enquête. Le Comité consultatif des méthodes statistiques fut créé en tant que groupe d'experts internationaux et tint sa première réunion en mai 1985. Par la suite, il se réunit deux fois par année afin de fournir des conseils d'experts et d'examiner les avancées de l'organisme dans le domaine de la méthodologie. Il fut présidé par plusieurs statisticiens éminents, dont Morris Hansen, Wayne Fuller, Graham Kalton et Michael Brick. Durant cette période, l'organisme établit aussi d'importantes relations professionnelles avec le Bureau du recensement des États-Unis et les organismes statistiques de la Suède et de la Grande-Bretagne.

Les relations internationales prennent de l'ampleur

Le statisticien en chef, Martin B. Wilk, signe un protocole d'entente prévoyant la collaboration future avec le Bureau de la statistique de la République populaire de Chine, 1985

À l'époque où Walter Duffett était statisticien en chef, il assurait lui-même la fonction de coordination internationale de l'organisme, de concert avec Simon Goldberg. À son arrivée, Sylvia Ostry affecta un employé à son bureau afin de s'occuper de ces questions, et c'est ainsi que naquit en 1973 le Bureau des relations internationales, qui relevait directement du statisticien en chef. Trois ans plus tard, la Division des relations internationales fut créée au sein de l'organisme. Au cours des années 1970 et 1980, la Division fut active au sein du Comité des statisticiens du Commonwealth, de l'Institut interaméricain de statistique, ainsi que de l'Institut international de statistique et de ses sections.

Martin Wilk continua de favoriser les relations au Canada et à l'échelle internationale en veillant à la collaboration de l'organisme à des réunions internationales et à des échanges professionnels, et en accueillant des visiteurs d'autres pays. Cela renforça la réputation internationale du Canada en matière de statistique. Par exemple, Simon Goldberg fut invité en 1982 à revenir à Statistique Canada pour prononcer un discours principal à l'occasion d'un séminaire sur le rôle de la coopération technique dans le perfectionnement du système statistique international. Simon Goldberg présenta également un exposé au Comité des politiques afin de susciter l'intérêt de ses membres à l'égard du Programme de mise en place de dispositifs nationaux d'enquête sur les ménages des Nations Unies, un important effort de coopération technique internationale dans le domaine des statistiques coparrainé par les Nations Unies, le Programme des Nations Unies pour le développement et la Banque mondiale. Ce programme visait à fournir un cadre statistique pour la planification des pays en développement et à aider ceux-ci à mettre en place des programmes statistiques nationaux autosuffisants. En 1979, Simon Goldberg devint coordonnateur du programme aux Nations Unies après avoir quitté son poste de directeur du Bureau de statistique des Nations Unies.

À compter de 1980, Statistique Canada dirigea également un groupe de travail international sur les statistiques de l'industrie de la radiodiffusion, de la télévision et du cinéma. Ce groupe de travail fut créé non seulement pour élaborer un système normalisé de statistiques culturelles, mais aussi pour aider les pays en développement à mettre en place leur propre programme de statistiques culturelles et pour veiller à la validité des comparaisons internationales de ces statistiques. Tous ces efforts de collaboration contribuèrent à la production continue de statistiques comparables à l'échelle internationale et à l'amélioration du système statistique canadien.

Les débuts d'une précieuse collaboration avec le Bureau national de la statistique de la Chine

L'année 1984 marqua le début d'une relation réciproque avec le Bureau national de la statistique de la Chine, alors que Martin Wilk approcha la délégation chinoise lors d'une réunion à New York afin de suggérer la tenue d'échanges périodiques entre les deux organismes statistiques. La même année, il se rendit en Chine pour y rencontrer les représentants des bureaux statistiques central et provinciaux; en 1985, il reçut la délégation chinoise au Canada, et un protocole d'entente fut signé. En vertu de ce dernier, les deux organismes convinrent de s'efforcer d'élaborer et de maintenir un programme visant à faciliter l'échange des questionnaires-échantillons, des publications diffusées et des résultats des travaux de recherche et d'analyse statistiques (selon que les deux parties le jugent approprié), ainsi que la réalisation de projets communs de recherche et de développement lorsque l'on convenait que ces initiatives étaient réalisables et qu'elles présentaient des retombées pour les deux parties.

Des communications stratégiques et adaptées

L'une des premières initiatives de Martin Wilk fut d'établir des relations efficaces avec les médias, ce qui comprenait une surveillance régulière de la couverture médiatique. Il convient de rappeler que jusque-là, l'organisme n'avait pas de politique claire en matière de relations avec les médias et qu'il s'était contenté, lorsqu'il faisait l'objet d'une attention négative, de rester tranquille et d'espérer que l'attention négative s'essouffle rapidement; les employés ne devaient communiquer avec les médias que si c'était absolument nécessaire. Dans cette optique, Martin Wilk instaura un protocole visant à assurer une réaction et une correction rapides de la part de l'organisme en cas de déclaration erronée ou de critique injustifiée. La mise en place de ce protocole eut des résultats positifs non seulement sur le moral des employés, mais aussi sur les relations de l'organisme avec le public. Une politique ferme d'entière collaboration avec les médias fut établie, laquelle prévoyait que l'organisme devait être totalement ouvert à leurs demandes de renseignements et les tenir étroitement informés du travail de l'organisme. Les cadres supérieurs furent encouragés à communiquer ouvertement avec les médias et à participer activement à des activités professionnelles et publiques externes. Un programme de formation fut également élaboré en collaboration avec l'Université Carleton afin d'améliorer les compétences en communication des chercheurs ainsi que les connaissances statistiques des spécialistes en communication.

Dans l'ensemble, les communications de l'organisme devinrent de plus en plus stratégiques, et dans cette optique, la Direction de la diffusion, de la promotion et de l'information vit le jour en 1981-1982. Cette direction relevait du statisticien en chef adjoint responsable du nouveau Secteur des communications et des opérations. Bien que le Secteur des services de diffusion et de promotion, qui relevait également d'un statisticien en chef adjoint, avait été créé près de 10 ans plus tôt, la création de la Direction de la diffusion, de la promotion et de l'information découlait d'efforts déployés en vue d'améliorer et de centraliser la politique et les opérations d'édition de l'organisme et de mettre davantage l'accent sur le rôle de l'organisme en tant que fournisseur de services. Statistique Canada devait acquérir une expertise en ventes et en service ainsi qu'en affaires publiques afin de s'assurer de maintenir de bonnes relations avec le public. La nouvelle direction fut organisée de sorte qu'elle était « axée sur la clientèle », ou spécialement adaptée aux besoins de ses divers clients, y compris les administrations publiques fédérale, provinciales et municipales, le milieu des affaires, les groupes professionnels, le grand public, les médias ainsi que la communauté statistique internationale.

L'année 1985 marqua plus d'un demi-siècle de diffusion du Quotidien de Statistique Canada, publié pour la première fois en 1932 sous le nom de Bulletin quotidien. En janvier 1985, l'heure de diffusion officielle du Quotidien fut devancée pour passer de 13 h à 10 h afin d'améliorer son actualité, et Statistique Canada commença à présenter aux médias, par l'entremise du service Canada NewsWire, un préavis des principales publications la veille de leur diffusion.

L'un des efforts concertés en cours visait à améliorer la disponibilité de « l'information sur l'information ». À cette fin, on élabora en 1980-1981 un système de documentation des données statistiques afin de fournir aux utilisateurs des renseignements détaillés sur chacune des enquêtes de l'organisme, les données recueillies au moyen de celles-ci ainsi que les sources de ces données. De plus, le premier ensemble exhaustif de métadonnées couvrant l'ensemble des activités de collecte de données de l'organisme fut publié en 1980 sous le titre Répertoire des questionnaires de Statistique Canada sur microfiche. Celui-ci fournissait aux concepteurs d'enquêtes un aperçu des types de questions posées par Statistique Canada, et présentait aux analystes et aux utilisateurs de données des renseignements sur les questions ainsi que le matériel connexe utilisé pour produire des données. Une nouvelle publication, le Répertoire des concepts sociaux pour enquêtes statistiques, fut également lancée à titre de document de référence pour faciliter l'interprétation des résultats des enquêtes sociales. Ces initiatives visaient à aider les utilisateurs de données à évaluer les forces et les faiblesses de leurs sources de données, et les concepteurs d'enquête à formuler leurs propres questions. On élabora aussi du matériel pédagogique sur une période de quatre ans afin d'accroître l'utilité des publications de l'organisme dans les salles de classe. Cette initiative faisait suite aux commentaires d'associations d'enseignants qui étaient d'avis que le matériel statistique de l'organisme était difficile à utiliser à des fins pédagogiques. L'organisme participa même à l'Exposition nationale canadienne de 1981 à Toronto, en compagnie d'autres ministères et organismes fédéraux. Parmi les objets exposés par Statistique Canada figuraient du matériel écrit et graphique, du matériel audiovisuel, un terminal permettant d'accéder à CANSIM et des systèmes Télidon. Un jeu-questionnaire informatisé mettant à l'épreuve les connaissances des visiteurs au sujet de leur collectivité locale et le tirage quotidien d'un exemplaire de la publication Le Canada attirèrent notamment beaucoup de visiteurs.

Divers projets statistiques en exposition, vers 1980
Un employé travaille, vers 1980

Aperçu

Au début des années 1980, Statistique Canada avait aussi sa propre émission de radio d'information statistique, intitulée Aperçu, que l'organisme produisait mensuellement et distribuait gratuitement à 200 stations de radio FM partout au pays. Aperçu fournissait aux Canadiens de courts extraits sonores sur des sujets d'intérêt, entremêlés de faits et de chiffres pertinents, ce qui contribua à humaniser les statistiques de l'organisme et à les rendre plus conviviales pour les Canadiens. L'émission, qui tenait le public canadien informé des activités, des produits et des services de l'organisme, représentait un important outil du Programme d'information publique du Recensement de 1986. Chaque émission mensuelle présentait tout au plus une dizaine de faits et était diffusée environ 2 000 fois, selon les estimations. Les sujets couverts comprenaient les dépenses liées aux automobiles, les arbres de Noël, les frais de déménagement, l'IPC et l'industrie des boîtes de conserve. L'émission, à la fois proactive et peu coûteuse, fut diffusée de 1982 jusqu'au début des années 1990, et eut des retombées positives pour l'organisme. Elle fut abandonnée au début des années 1990, notamment en raison de l'incapacité de mesurer l'efficacité du programme.

Il ne s'agissait toutefois pas des premiers messages radio de Statistique Canada à être entendus sur les ondes. En effet, en 1933, pour faire suite à la diffusion du tout premier Bulletin quotidien l'année précédente, l'organisme avait fourni du matériel à la Commission canadienne de la radiodiffusion en vue de la diffusion d'une émission de deux minutes intitulée A fact a day about Canada (Un fait par jour au sujet du Canada), dont le contenu était par la suite mis par écrit chaque mois dans un bulletin particulièrement populaire auprès des enseignants.

L'organisme entre dans une nouvelle ère de l'information

Après des années de mise en œuvre difficiles, l'informatisation du travail statistique était sur la bonne voie : outre les nombres, les ordinateurs permirent enfin de traiter le texte, ce qui se traduisit par des avantages considérables dans le traitement du flot sans fin de publications de l'organisme. Fait tout aussi important, l'organisme accueillit au sein de son effectif de nouveaux employés qui étaient à l'aise avec la technologie et prêts à l'adopter. En 1981, on comptait environ 70 machines de traitement de texte Micom à Statistique Canada, dont un grand nombre se trouvaient dans la Section du traitement des publications et des textes de la Division des services administratifs. Ces machines étaient utilisées par 75 opérateurs de traitement de texte, lesquels avaient tous suivi une formation pour passer des machines à écrire à ces nouvelles machines de traitement de texte.

Par ailleurs, des travaux étaient en cours en vue d'améliorer l'efficacité des communications en tirant pleinement parti des technologies de l'information modernes, par exemple en élargissant la capacité de CANSIM et en améliorant l'accessibilité et l'utilité des données grâce à l'utilisation d'outils de visualisation tels que le système Télidon. Statistique Canada travaillait également à un projet appelé « Telechart », qui combinait les graphiques en couleur du Télidon à la fonction de récupération de CANSIM afin de créer un système d'affichage graphique dynamique. Le principal moyen de diffusion de l'organisme à l'époque demeurait les médias imprimés, mais on commençait progressivement à utiliser d'autres moyens tels que CANSIM, les microfiches et les bandes d'ordinateur. Par exemple, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, les comptes nationaux trimestriels furent publiés sur des disquettes.

C'est aussi durant cette période que furent menés les « essais du Télidon ». Le Télidon (terme formé d'une combinaison de mots grecs signifiant « voir à distance ») était une création du Centre canadien de recherches en communications, qui avait peaufiné une technologie bidirectionnelle apparue pour la première fois en Europe dans le but de créer un système interactif de transmission d'information utilisant la télévision familiale. Il s'agissait plus ou moins d'un système combinant le téléphone (communication à distance), la télévision (affichage de texte et d'images sur un écran) et l'ordinateur (manipulation et récupération d'information). Cette période fut réellement passionnante pour les communications. Le Télidon fit les manchettes internationales, qui prévoyaient un franc succès pour ce système. L'Annuaire du Canada de 1981 fit également mention du Télidon : « La télévision bidirectionnelle permettra dans les années 80 de répandre l'usage de services qui jusqu'à présent paraissaient futuristes comme les services de courrier électronique, d'achat par télévision, d'opérations bancaires automatisées, de télédétection et de sécurité, de téléconférence, de dialogue inter-ordinateurs et de collection de renseignements provenant de banques de données situées dans tout le Canada et dans le monde entier. »

Le ministère fédéral des Communications finança l'élaboration du système canadien, qui fit l'objet d'une année d'essais approfondis, tandis que les essais du Télidon furent organisés par le Groupe de travail sur le service au public d'Approvisionnements et Services Canada. Cette nouvelle technologie fut perçue comme un moyen d'améliorer la communication directe avec le grand public, et Statistique Canada participa aux efforts afin de devenir le premier fournisseur d'information pour tous les essais sur le terrain. En fait, l'organisme était le plus important fournisseur d'information de tous les organismes gouvernementaux.

Un groupe de travail sur le Télidon dirigé par David Worton rassembla une vaste collection de renseignements en français et en anglais aux fins de visualisation dans les villes d'essai. Les trousses préparées pour les essais sur le terrain comprenaient les documents intitulés Wise Old Owl Quiz, Statistics Canada at your Service, Fast Facts on Canadians et Energy in the Home, un rapport sur les indicateurs actuels ainsi que des articles sur l'IPC, l'économie actuelle et la région en question. Certains essais débutèrent en 1980, et ils étaient tous en cours l'année suivante. Chaque essai sur le terrain était parrainé par différentes organisations, dont le gouvernement fédéral, la Société Radio-Canada, TVO, une entreprise de câblodistribution et un certain nombre de compagnies de téléphone.

Toutefois, la nouvelle technologie ne fut finalement pas adoptée, car les appareils Télidon coûtaient beaucoup plus cher que les téléviseurs et leur utilisation occasionnait des frais de téléphonie supplémentaires. Les consommateurs et les entreprises perdirent intérêt vers 1981, et le gouvernement mit fin à son soutien au milieu des années 1980, devant l'échec de l'adoption généralisée. Le Télidon joua toutefois un rôle important dans l'avancement continu des technologies de l'information au Canada, et ses inventeurs reçurent plusieurs prix en reconnaissance de leurs contributions.

Jalons importants des programmes statistiques

En 1980-1981, la technologie de télédétection par satellite fit des percées à Statistique Canada par le truchement d'un projet expérimental mené conjointement par l'organisme et le Centre canadien de télédétection. L'estimation réussie de la superficie du Nouveau-Brunswick consacrée à la culture des pommes de terre au moyen de la télédétection par satellite ouvrit de nouvelles perspectives en démontrant que l'imagerie par satellite, combinée à des procédures plus traditionnelles d'estimation de la superficie, pouvait permettre à l'organisme de réduire le fardeau des répondants, de mettre au point des cartes de répartition des cultures en temps opportun et de produire des estimations fiables pour les sous-régions. Ainsi, à l'été 1983, on utilisa la télédétection pour recueillir des renseignements sur la superficie des cultures afin d'estimer la superficie consacrée aux pommes de terre au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard, la superficie consacrée au canola dans certaines parties de l'Alberta et du Manitoba, ainsi que la superficie consacrée aux céréales et la superficie des terres en jachère dans le sud-ouest du Manitoba. On prévit aussi d'étendre l'utilisation de cette technologie à l'ensemble de la province du Manitoba.

La Division de la statistique des sciences et de la technologie fut créée en 1983 en réaction à l'importance croissante de la recherche et du développement scientifiques pour assurer le développement économique, la compétitivité internationale et le bien-être de la société du Canada. Le Centre de la statistique des sciences déjà existant fut intégré à la nouvelle division; son personnel et son budget furent transférés à Statistique Canada en provenance du ministère d'État chargé des Sciences et de la Technologie. La Division de la statistique des sciences et de la technologie fournissait des renseignements dans le but de faciliter l'analyse d'enjeux tels que le caractère adéquat des ressources consacrées à la recherche et au développement, la disponibilité des scientifiques, des ingénieurs et des techniciens, l'accessibilité des technologies de pointe aux entreprises canadiennes ainsi que l'incidence des nouvelles technologies sur la compétitivité internationale de l'organisme et ses besoins futurs en matière de compétences. De plus, un programme d'indicateurs des sciences et de la technologie visant à favoriser le développement efficace de la technologie au Canada fut créé et dirigé par un comité consultatif interministériel.

Au début des années 1980, les préoccupations au sujet de la productivité canadienne suscitèrent des questions quant à la qualité et au niveau des estimations du stock de capital, qui avaient été compilées à l'aide des dossiers administratifs existants. Par conséquent, un groupe de recherche interministériel composé de représentants de la Banque du Canada, du Conseil économique du Canada, du ministère des Finances et de Statistique Canada fut formé en 1984-1985 dans le but d'examiner la faisabilité d'une enquête sur le stock de capital. Cette enquête était envisagée comme une solution qui permettrait de donner un aperçu du processus de renouvellement de la technologie, de l'obsolescence technologique et des changements structurels dans l'économie, ce qui pourrait aider à déterminer les causes du déclin de la productivité au Canada. Après avoir confirmé la faisabilité d'un tel projet d'enquête, Statistique Canada révisa les enquêtes sur les investissements afin d'y inclure des questions portant sur les types de machines, la nature et la durée de vie prévue des actifs fixes, l'obsolescence technique et d'autres renseignements. Un nouveau produit sur les dépenses en capital pour 1985 fut créé, et il fut diffusé au cours de l'exercice suivant.

En 1981-1982, Statistique Canada commença à effectuer des travaux préparatoires en vue d'inclure, dans les estimations, des activités non marchandes comme les travaux ménagers et le bénévolat ainsi que l'économie « souterraine » ou « non mesurée ». En 1983-1984, l'organisme publia les premiers comptes du bilan national du Canada. Il envisagea également d'ajouter une dimension régionale aux comptes et, la même année, il publia ses premières estimations des comptes provinciaux des revenus et des dépenses pour 1979. Au milieu des années 1980, le personnel responsable des comptes nationaux entreprit une étude pour le compte de la Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada, étude qui démontra que depuis 1961, en raison de l'inflation, les ressources économiques du pays étaient passées du secteur non résidentiel et du secteur des particuliers aux secteurs des administrations publiques et des entreprises. Il convient de mentionner qu'au cours de la décennie précédente, Statistique Canada avait perdu sa place au sein de la communauté internationale pour ce qui est des comptes nationaux, mais qu'il la regagna sous la direction d'Ivan Fellegi, grâce à la position ferme de ce dernier sur l'engagement international.

Études sur l'emploi du temps

On dit que l'emploi du temps est la monnaie du système social. En fait, l'intérêt pour l'emploi du temps s'est accru à compter de la parution des premières études sur les conditions de vie de la classe ouvrière en réaction aux pressions engendrées par l'industrialisation croissante. Dans les années 1970 et 1980, on reconnut de plus en plus l'importance de la qualité de vie et du bien-être économique et social. Bien que l'on utilisait déjà le produit national brut pour mesurer le bien-être, il devint évident que la mesure de l'activité du marché n'était qu'une facette du bien-être social et économique. On prit conscience que les activités non marchandes telles que les travaux ménagers et le bénévolat, tout comme d'autres facteurs comme les ressources naturelles et l'impact environnemental, devaient également être prises en compte. Le précurseur des études sur l'emploi du temps à grande échelle fut la Multinational Time Budget Study (Étude multinationale sur le budget-temps), menée par Alexander Szalai en 1965 dans le cadre d'un effort de collaboration internationale entre 12 pays (dont le Canada ne faisait pas partie). De nombreux pays, dont le Canada, menèrent ensuite leurs propres études sur l'emploi du temps en fonction des normes établies par ce projet multinational. En 1971, l'Institut des affaires publiques de l'Université Dalhousie mena l'une des premières études importantes sur l'emploi du temps au Canada dans les villes de Toronto et d'Halifax.

L'intérêt de Statistique Canada à l'égard de la réalisation d'une étude nationale sur l'emploi du temps donna lieu, à l'automne 1981, à une enquête pilote sur l'emploi du temps. Dans le cadre de celle-ci, un suréchantillon fut prélevé à Halifax en vue de permettre une comparaison avec les données recueillies 10 ans plus tôt lors de l'étude réalisée par l'Institut des affaires publiques. L'enquête pilote fut menée par une société d'experts-conseils, et parrainée et financée par Statistique Canada, le ministère des Communications, la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada et Approvisionnements et Services Canada. Son objectif consistait à déterminer la faisabilité d'une enquête sur l'emploi du temps par téléphone dans le contexte canadien. Même si l'organisme avait recours aux interviews téléphoniques pour une partie de l'échantillon de l'Enquête sur la population active depuis les années 1970, on étudia la possibilité d'une utilisation plus étendue. La faisabilité d'échantillonner les ménages par téléphone au moyen de la composition aléatoire fut également mise à l'essai. En fait, le début des années 1980 marqua aussi l'élaboration du premier système d'interview téléphonique assistée par ordinateur à Statistique Canada, dans le cadre de l'Enquête sur l'hébergement des voyageurs.

L'enquête pilote sur l'emploi du temps s'avéra un succès, ce qui permit à l'organisme, à compter de 1986, de recueillir sur une base régulière des données sur l'emploi du temps des Canadiens à l'échelle nationale dans le cadre du deuxième cycle de l'Enquête sociale générale. Ces données furent par la suite recueillies à intervalles réguliers dans le cadre de cette nouvelle enquête.

Un employé travaille, vers 1980
Un employé des Services conseils, vers 1980

De nouvelles approches voient le jour au chapitre de la statistique des entreprises

L'année 1984 marqua également le lancement du projet de remaniement des enquêtes-entreprises (PREE), un grand projet d'une durée de six ans visant à remanier l'ensemble du spectre des enquêtes-entreprises au moyen d'un Registre des entreprises revitalisé et d'une exploitation intensive des données fiscales. Le projet fut lancé en réaction à des préoccupations au sujet de possibles faiblesses dans l'infrastructure de Statistique Canada. Celles-ci découlaient d'un certain nombre de progrès récents, y compris l'informatisation des données, l'avènement de la comparaison des données au niveau des microdonnées, l'incidence sur le fardeau des répondants et l'élaboration d'un registre central des entreprises dont l'utilisation n'était pas encore généralisée. Au cours des trois décennies précédentes, l'organisme avait bâti le Programme des enquêtes-entreprises en y intégrant graduellement des enquêtes individuelles répondant à divers besoins en matière d'information. Chacune des quelque 200 enquêtes-entreprises était gérée par les diverses divisions, qui étaient chargées d'élaborer et de tenir à jour leur propre méthodologie et leur propre personnel de bureau, ainsi que de dresser une liste détaillée des entreprises œuvrant dans leur domaine d'intérêt. Le PREE regroupa toutes ces listes en une seule base de données intégrée pouvant être utilisée aux fins de toutes les enquêtes. On s'attendait à ce que cette initiative améliore la rentabilité et l'efficacité globales du programme et à ce que l'établissement d'une relation plus étroite avec Revenu Canada vienne renforcer ces avantages. On s'attendait également à ce que le PREE améliore la qualité des statistiques des entreprises et facilite la comparaison des données des enquêtes-entreprises avec celles des enquêtes économiques.

Ce projet était considéré comme avant-gardiste en ce qu'il offrait une solution intégrée à un grand nombre de problèmes apparemment différents dans l'ensemble de l'organisme. Par ailleurs, grâce au PREE, de nombreuses petites entreprises virent disparaître leur obligation de répondre à des enquêtes. Après le recensement, il s'agissait de la plus grande initiative de l'organisme. Certes, quelques divisions utilisaient déjà le Registre des entreprises comme source d'information, mais il avait d'abord fallu les convaincre de l'efficacité du Registre. Ainsi, le Registre des entreprises intégré fut établi avec succès, mais la tenue à jour de la liste de deux millions d'entreprises et plus représentait assurément un défi. Bien que certaines divisions continuèrent d'utiliser leurs propres listes, le PREE joua un rôle déterminant dans l'adoption du Registre par plusieurs divisions, dont la division responsable de la nouvelle Enquête mensuelle sur l'emploi, la rémunération et les heures de travail. Au cours des deux décennies qui suivirent, Statistique Canada mit en œuvre d'autres initiatives qui continuèrent de contribuer à l'adoption du Registre par les divisions responsables des enquêtes-entreprises.

La nouvelle Enquête sur l'emploi, la rémunération et les heures de travail vit le jour dans le but d'améliorer les statistiques trimestrielles sur le revenu du travail. Après une période d'essai en parallèle de 12 mois, elle remplaça au printemps 1983 quatre enquêtes de longue date sur l'emploi. Élaborée de façon à tenir compte des pratiques de tenue de dossiers des répondants, la nouvelle enquête permit, grâce aux nouvelles techniques d'échantillonnage, de réduire de 30 000 le nombre d'entreprises devant répondre à des enquêtes sur l'emploi, la rémunération et les heures de travail.

L'un des projets de recherche et de développement entrepris par l'organisme fut une nouvelle approche de collecte des statistiques sur les petites entreprises. La reconnaissance des petites entreprises en tant qu'importants facteurs de création d'emplois et de richesse économique donna lieu à des demandes de renseignements supplémentaires au sujet de leur contribution à l'économie nationale ainsi qu'à des demandes de données utiles aux activités quotidiennes de ces petites entreprises. La nouvelle approche élimina le fardeau de réponse annuel de la plupart de ces petites entreprises en utilisant les renseignements fournis par celles-ci dans leurs déclarations de revenus. Cette initiative s'avéra aussi efficace en favorisant la création d'une base de données exhaustive consacrée aux petites entreprises. Le Groupe chargé de la statistique des petites entreprises fut créé en juin 1985 à la suite de consultations avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec des représentants du milieu des petites entreprises. Une liste des besoins en données les plus urgents fut dressée, et les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables des petites entreprises convinrent de l'octroi à l'organisme d'un financement conjoint pour combler ces besoins.

Les sociétés sous contrôle étranger dans l'économie canadienne

En 1962, en vertu de la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats dont le statisticien fédéral s'était vu confier la responsabilité, l'organisme commença à recueillir des renseignements sur l'ampleur de la participation des non-résidents dans les sociétés et les syndicats canadiens. Ces renseignements furent utilisés pour évaluer l'étendue du contrôle étranger dans l'économie canadienne, la Loi fixant les seuils de revenu au-delà desquels les sociétés étaient tenues de produire une déclaration de propriété. Toutefois, les seuils de déclaration étaient statiques et, avec l'inflation, le nombre de sociétés tenues de produire une déclaration en vertu de la Loi avait augmenté. On constata que ce volume accru ne contribuait pas à l'atteinte de l'objectif de mesure du contrôle étranger dans l'économie canadienne et imposait un fardeau considérable à un nombre important d'entreprises. Dans cette optique, des modifications furent apportées à la Loi en juillet 1981, lesquelles permirent de réduire le fardeau de réponse des petites entreprises en prévoyant que plus de 96 000 d'entre elles soient exemptées de la production de déclarations. On parvint à respecter cette exigence en combinant une série de questionnaires en un seul questionnaire intégré sur les comptes financiers et les opérations internationales pour d'autres entreprises. Cela donna lieu à une amélioration et à un élargissement de la couverture des données financières des syndicats, à l'augmentation de la pertinence des renseignements et à l'accroissement de l'accès des ministères et organismes fédéraux aux données, ce qui permit d'éliminer les chevauchements.

De nouvelles approches voient le jour au chapitre de la statistique sociale

La promulgation de la Loi canadienne sur les droits de la personne en 1977-1978 accrut la sensibilisation du public à l'égard de la protection de la vie privée des personnes, ce qui l'amena à faire un examen plus minutieux de la capacité de Statistique Canada à exiger la participation aux enquêtes en vertu de la Loi sur la statistique. Parallèlement à l'utilisation croissante de l'informatique, l'organisme utilisa également davantage les données administratives à des fins statistiques, et commença à coupler des données afin d'accroître leur puissance et leur utilité. Par conséquent, la Loi sur la statistique fut modifiée en 1981 en vue de permettre la tenue d'enquêtes sur une base volontaire, tout en maintenant la nature obligatoire des recensements. Statistique Canada entreprit de rendre toutes ses enquêtes-ménages facultatives, à l'exception de l'Enquête sur la population active. Les enquêtes-entreprises, y compris toutes les enquêtes agricoles, demeurèrent des instruments de collecte à participation obligatoire, essentiellement parce que la question de la protection de la vie privée des personnes ne s'appliquait pas aux entreprises et parce que le passage à la participation volontaire aurait eu une incidence considérablement plus importante sur la qualité des données sur les entreprises, particulièrement compte tenu du fait que certaines entreprises avaient plus de poids que d'autres dans les estimations.

Deux nouvelles lois, la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, entrèrent en vigueur en 1983 dans le cadre de la transition vers un gouvernement plus ouvert au Canada. La première établissait le droit d'accès aux documents de l'administration fédérale, tandis que la seconde protégeait la vie privée des personnes et leur droit d'accès aux renseignements personnels les concernant détenus par les institutions fédérales. En réaction à ces nouvelles lois, l'organisme créa l'infrastructure nécessaire pour traiter les demandes d'accès à l'information connexes, y compris pour répondre aux demandes de renseignements sur ses « rouages », par exemple sur son administration interne et sa planification, et pour octroyer aux personnes un accès à leurs propres documents personnels.

Au début des années 1980, une loi fut adoptée en vue d'établir un service de renseignement de sécurité civil, lequel devait initialement avoir un droit d'accès à toutes les bases de données gouvernementales, peu importe les lois existantes. Martin Wilk réussit toutefois à justifier la nécessité d'une exception pour l'organisme pour des raisons de confidentialité. Il expliqua que le concept de confidentialité « ne signifie pas que les statisticiens ont un sens moral plus poussé que le reste de la population. Cela découle plutôt du fait que "les notions de fiabilité, d'objectivité et de confidentialité" vont de pair et qu'elles sont primordiales dans le milieu de la statistique et le fonctionnement d'un organisme statistique. »

En 1984-1985, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables du tourisme mirent sur pied le Groupe d'étude national des données sur le tourisme. Celui-ci était composé de cadres supérieurs des secteurs public et privé et présidé par Martin Wilk. Même si le tourisme était reconnu depuis longtemps comme un secteur important, sa contribution économique n'avait jamais été mesurée avec précision. Le groupe d'étude avait pour objectif de créer une base de données fiable permettant de mesurer et de surveiller le rendement du secteur. Il collabora avec plus de 50 organisations des milieux des affaires, des administrations publiques, des associations commerciales et des universités, et présenta son rapport final aux ministres responsables du tourisme en novembre 1986.

Par ailleurs, la demande de données sur les sous-populations, y compris les personnes ayant une incapacité, les femmes, la population autochtone et les personnes âgées, continua d'augmenter. Pour répondre à cette hausse du nombre de demandes, Statistique Canada mena des études spéciales et créa des ensembles de données. En réaction à une recommandation formulée en 1981 par le Comité parlementaire spécial sur les invalides et les handicapés, l'organisme élabora une base de données sur les personnes ayant une incapacité au Canada afin de produire des données factuelles aux fins de la planification, de la mise en œuvre et de l'évaluation des programmes aidant ces personnes à participer plus pleinement à la société. En vue de constituer la base de données, l'organisme mena en 1983 et en 1984 une enquête supplémentaire auprès de la population canadienne ayant une incapacité comme supplément de l'Enquête sur la population active. Cette enquête constituait la première tentative de collecte de données nationales sur la prévalence de l'incapacité selon les définitions de l'Organisation mondiale de la Santé. L'enquête portait sur la taille et les caractéristiques de la population ayant une incapacité et sur l'incidence de l'incapacité sur le mode de vie de cette population. La création de cette enquête mena à la publication, au début de 1986, d'un imposant recueil sur l'incapacité fondé sur les données de l'enquête. De plus, Statistique Canada intégra au Recensement de 1986 une question visant à déterminer la population ayant une incapacité dans l'ensemble du pays, de sorte à accroître la richesse de l'enquête postcensitaire en fournissant des renseignements beaucoup plus détaillés au sujet de la nature des incapacités et de leurs répercussions sur les études, le travail, les loisirs et le transport.

En 1982, l'organisme mena l'Enquête sur les victimes d'actes criminels dans les centres urbains au Canada dans sept villes. Cette enquête faisait suite à la réalisation d'essais préliminaires à Edmonton en 1977 et à Hamilton en 1978, et à la première enquête à grande échelle à Vancouver en 1979. Même s'il était déjà possible de connaître la fréquence des actes criminels en consultant les dossiers administratifs, aucun renseignement détaillé sur les risques, les répercussions ou l'étendue de la victimisation n'était jusqu'alors disponible. Parrainée par le ministère du Solliciteur général du Canada, l'enquête couvrit l'étendue et la répartition de certains crimes contre la personne et contre les ménages, le risque de victimisation, les répercussions de certains crimes sur le plan des coûts et des blessures corporelles, les perceptions du public à l'égard du système de justice pénale ainsi que les besoins des victimes.

Martin B. Wilk est certains membres du Groupe d'étude national des données sur le tourisme, 1987
Une employée utilise CANSIM, la principale base de données socioéconomiques de Statistique Canada, 1985

Les origines du Centre canadien de la statistique juridique

Le problème de la compétence mixte dans l'administration de la justice au Canada rendit difficiles la production et l'obtention de renseignements actuels et normalisés. L'un des principaux défis que connut l'organisme sur le plan de la compilation des statistiques juridiques nationales fut la difficulté à obtenir des données juridiques auprès de toutes les provinces, en grande partie en raison de la nécessité de négocier bilatéralement avec chaque province aux fins de l'obtention des statistiques provinciales. L'efficacité du Programme de la statistique juridique reposait entièrement sur l'appui des provinces, et ces relations bilatérales se détérioraient progressivement. Après des tentatives répétées de mesures correctives, les provinces finirent par mettre sur pied leur propre organisation visant à compiler des statistiques juridiques nationales, mais son coût et son efficacité à long terme étaient discutables. Par conséquent, on mit sur pied en 1979 le groupe de travail fédéral-provincial du Projet national de coordination des ressources dans le domaine de la statistique et de l'information judiciaires, présidé par le sous-secrétaire à la Justice de l'Ontario, dans le but d'examiner l'état des statistiques juridiques nationales et d'élaborer un plan officiel aux fins de leur amélioration.

En juin 1980, le groupe de travail présenta son rapport à tous les sous-ministres fédéraux et provinciaux responsables de la justice. Ce rapport recommandait la fondation d'un centre satellite de la statistique juridique quasi indépendant, le Centre national de la statistique et de l'information judiciaires, au sein de Statistique Canada. Il proposait également la création du Conseil de l'information juridique, composé des sous-procureurs généraux et des sous-ministres fédéraux et provinciaux responsables de la justice ainsi que du statisticien en chef, conseil qui aurait pour mandat d'établir les priorités, de veiller à la disponibilité des ressources et d'orienter le centre satellite par l'entremise de son Comité de direction. Dans son rapport, le groupe de travail recommanda également la création d'un comité consultatif national des utilisateurs composé d'utilisateurs non gouvernementaux de statistiques juridiques nationales. Même si tous les sous-ministres fédéraux et provinciaux responsables de la justice finirent par approuver la fondation d'un centre satellite, les provinces exprimèrent une appréhension persistante quant au statut quasi indépendant du centre, bon nombre d'entre elles préférant un centre entièrement indépendant. La création du centre satellite fut toutefois acceptée en principe, et des mécanismes furent mis en place afin d'élaborer des propositions de programme, d'établir des lignes directrices et de définir des principes de fonctionnement. On arriva au compromis que si l'on jugeait après trois ans que le centre ne répondait pas aux besoins nationaux, on passerait à un centre plus indépendant. C'est ainsi que le Centre canadien de la statistique juridique vit le jour en 1981, voyant son ouverture officielle annoncée lors de la réunion fédérale-provinciale des ministres responsables de la justice en décembre 1981. Le modèle s'avéra un immense succès; en 1984, le mandat initial de trois ans fut prolongé de cinq ans, et le Centre demeure opérationnel à ce jour.

Un nouveau programme de données régionales

En 1981-1982, Statistique Canada mena des consultations auprès des ministères fédéraux et d'autres utilisateurs au sujet de l'établissement d'un programme exhaustif de données régionales afin d'intégrer et d'améliorer l'accès aux données régionales déjà disponibles et d'élaborer d'autres sources pour ce type de données. Le Programme de données régionales fut approuvé par le Cabinet et lancé en 1983. Il exploitait les ensembles de données existants et des ressources supplémentaires limitées en vue de produire des données sociales et économiques cohérentes sur les petites régions. L'organisme mena des consultations auprès des autres ministères fédéraux et des gouvernements provinciaux et territoriaux afin de comprendre leurs besoins en données et les sources de données qu'ils pourraient utiliser conjointement. Le premier objectif du programme était la publication de profils des circonscriptions électorales fédérales établis à partir des sources de données régionales existantes. Il s'agissait de la première mise en commun systématique sur une base géographique de données provenant de plusieurs secteurs spécialisés. En mai 1985, Statistique Canada coparraina une conférence internationale sur les statistiques régionales dans le but d'apprendre des expériences d'autres pays.

L'un des premiers produits découlant du Programme de données régionales fut le Fichier de conversion Canada, publié en 1985, qui permit aux analystes de consulter les données du recensement par région géographique en fonction du code postal. Le deuxième produit en importance résultant de ce programme, publié un an plus tard, fut un recueil de données sur les caractéristiques socioéconomiques des résidents des quartiers urbains et ruraux, recueil qui comprenait cinq volumes.

Le Programme du recensement

Des employés font la promotion du Recensement de 1981 à une foire à Winnipeg

Dans le cadre du Recensement de 1981, on reprit le thème « Soyez du nombre! » afin de personnaliser le recensement pour les Canadiens. Le questionnaire détaillé fut envoyé à un Canadien sur cinq, plutôt qu'à un Canadien sur trois comme ce fut le cas lors du recensement précédent. Par ailleurs, dans le cadre du processus d'approbation du recensement, l'organisme dut examiner la possibilité d'utiliser des sources de données administratives et d'enquête pour remplacer en totalité ou en partie les données du recensement en 1986. À l'époque, on avait conclu qu'il n'existait aucune solution de rechange possible au recensement. Cela dit, Statistique Canada mit en œuvre quelques nouvelles initiatives, comme des négociations fructueuses avec Revenu Canada en vue d'utiliser les installations, le personnel et le matériel informatique de ses centres régionaux aux fins de la saisie des données du recensement sur des bandes d'ordinateur. Les économies réalisées et le temps gagné au chapitre de la production des données furent considérables. Ce processus ne fut toutefois pas exempt de controverse, puisqu'il en découla des allégations non fondées selon lesquelles des renseignements confidentiels avaient été fournis à Revenu Canada.

Des discussions eurent également lieu avec Postes Canada au sujet de l'élaboration en commun d'un processus de couplage des codes postaux avec les données du recensement. À la fin de 1984, cette collaboration permit d'extraire des données selon le code postal pour 39 centres urbains au Canada. Statistique Canada put ainsi fournir aux utilisateurs des renseignements personnalisés du recensement par code postal pour des régions définies par l'utilisateur, comme les zones de circulation ou les districts d'aménagement.

De plus, on mena un projet pilote relatif au recensement, dans le cadre duquel on remit à un échantillon de recenseurs des cartes infographiques sur lesquelles étaient indiqués le tracé et le nom des rues, la tranche d'adresses de chaque îlot ainsi que d'autres caractéristiques utiles. Les cartes infographiques se révélant de précieux outils de collecte, l'organisme entreprit par la suite de travailler à un système qui lui permit de produire des cartes pour 1 200 secteurs de recensement en milieu urbain aux fins d'utilisation dans le cadre du recensement suivant, ce qui aida les recenseurs à couvrir les régions leur étant assignées. Les recenseurs se virent donc remettre des cartes infographiques de leurs secteurs, sur lesquelles étaient indiqués le tracé et le nom des rues, la tranche d'adresses de chaque îlot ainsi que d'autres caractéristiques géographiques utiles. Dans le cadre du programme de publication du recensement, l'organisme créa un atlas métropolitain produit par ordinateur qui présentait les résultats du Recensement de 1981 pour 12 grandes régions urbaines. Les cartes comprises dans l'atlas illustraient environ 35 thèmes, dont la répartition de la population selon l'âge, la langue et le revenu. Des bandes-échantillons à grande diffusion furent également produites afin d'aider les chercheurs en leur donnant accès à un échantillon d'enregistrements de répondants non identifiables.

Le recensement fut un franc succès : plus de 99 % de l'ensemble des ménages canadiens furent dénombrés en moins d'un mois, les derniers chiffres de population furent établis deux mois avant la date prévue et l'on économisa plus de 3 millions de dollars par rapport au budget établi.

En revanche, le Recensement de 1986 ne commença pas aussi bien. En septembre 1984, le premier ministre Brian Mulroney mit sur pied le Groupe de travail ministériel chargé de l'examen des programmes, qui avait pour mandat d'examiner les programmes gouvernementaux dans le but d'offrir des programmes plus simples, plus compréhensibles et plus accessibles aux Canadiens. Les examens des programmes furent effectués par des groupes d'étude, souvent appelés les « groupes de travail Nielsen », en référence au fait que l'initiative était dirigée par le vice-premier ministre, l'honorable Erik Nielsen. En fait, Michael Wolfson, qui devint plus tard statisticien en chef adjoint à Statistique Canada, fut prêté au gouvernement afin de l'aider dans cette initiative. Le statisticien en chef adjoint David Worton fit partie du groupe d'étude des grandes enquêtes, qui examina les principaux programmes d'enquête nationaux et les systèmes connexes de diffusion de renseignements.

Parallèlement au lancement de ces examens de programme, le gouvernement prescrivit aussi la mise en place de diverses stratégies de réduction des dépenses. Bien que le Programme du recensement ait été initialement approuvé par le gouvernement du premier ministre Pierre Elliot Trudeau en avril 1984 et que le contenu du recensement l'ait été en juin, cette approbation fut annulée par le ministre des Finances du gouvernement de Brian Mulroney dans le cadre des efforts de réduction des coûts, décision qui fut annoncée dans un exposé économique diffusé en novembre 1984. On demanda alors à Statistique Canada d'effectuer un Recensement de la population minimal, conformément aux exigences d'une loi constitutionnelle. L'organisme se prépara donc à n'effectuer qu'un dénombrement de la population, et seulement dans les provinces de la Saskatchewan et du Manitoba. On prévit aussi l'annulation complète du Recensement de l'agriculture de 1986.

Oyez! Oyez! Un crieur public annonce la nouvelle : « Le Recensement de 1986 s'en vient… »

Toutefois, des groupes de commerce, des universitaires et d'autres ministères se rallièrent pour s'opposer à la décision, et un comité de sous-ministres fut mis sur pied dans le but d'examiner cette dernière. Après de longues discussions, négociations et analyses, le Programme du recensement fut rétabli, sous la condition que Statistique Canada réalise des économies de 100 millions de dollars sur cinq ans, soit le montant qui aurait été économisé si le recensement avait été annulé. Martin Wilk réagit en affirmant catégoriquement que même si la réduction du budget avait été imposée à l'organisme, il appartenait à lui seul de décider des secteurs où ces économies seraient réalisées, et qu'il ne s'agirait pas nécessairement du recensement. Dans un communiqué daté du 21 décembre 1984, on put lire que : [traduction] « conformément à l'engagement du gouvernement de réduire les dépenses, Statistique Canada a élaboré un plan de rechange afin de réaliser l'entièreté des économies de 100 millions de dollars. » Au bout du compte, l'organisme réalisa des économies de 26 millions de dollars, généra des recettes de 44 millions de dollars grâce au recouvrement des coûts de ses produits et services, et économisa 30 millions de dollars en utilisant des fonds réservés à un programme fédéral d'emploi d'étudiants et de jeunes afin d'embaucher 25 000 recenseurs, soit une proportion considérable du nombre total de 45 000 employés temporaires nécessaires à la conduite des opérations du recensement. Pour ce qui est des économies de 26 millions de dollars, elles furent réalisées en réutilisant et en améliorant les systèmes et les méthodes du Recensement de 1981 et en réduisant les efforts publicitaires, y compris en abandonnant la publicité payante. En fait, on eut recours à une solution de rechange sous la forme d'une campagne d'information publique, avec l'appui volontaire de plus de 1 000 sociétés, associations et organismes médiatiques, qui distribuèrent gratuitement des articles promotionnels et offrirent à l'organisme du temps et de l'espace publicitaire gratuit à la radio, à la télévision et dans la presse écrite. Le Comité consultatif national du recensement fut également constitué en vue de conseiller le ministre responsable de Statistique Canada au sujet des communications avec le public et d'autres défis relatifs au Recensement de 1986. Le comité regroupait 29 bénévoles du milieu des affaires, des médias, des associations bénévoles, des universités et d'autres établissements partout au Canada.

Le Recensement de 1986 fit œuvre de pionnier sur plusieurs plans; pour la première fois, le questionnaire abrégé était bilingue, et le questionnaire détaillé fut remis dans la langue officielle préférée du répondant, ou dans les deux langues si l'on ne connaissait pas la langue préférée du répondant. De plus, on révisa la trousse du recensement afin d'y inclure la raison d'être de chacune des questions. Ces raisons d'être ainsi que certains autres documents furent traduits en 33 langues en vue de faciliter le dénombrement des personnes qui ne parlaient ni l'une ni l'autre des langues officielles.

Un accent accru sur le recouvrement des coûts

Parmi les mesures de réduction des coûts adoptées dans le cadre du Recensement de 1986 figurait un accent accru sur le recouvrement des coûts en vue d'accroître les recettes de l'organisme provenant de la vente de produits statistiques. Par conséquent, Statistique Canada devint dépendant de ses recettes, c'est-à-dire qu'il se mit à dépendre de la vente de ses produits et services pour financer en partie le coût du rétablissement du Recensement de 1986. Ainsi, l'organisme augmenta nettement les prix de ses produits et services et imposa l'achat de licences aux fins de la redistribution des données.

L'organisme se vit également confier la pleine responsabilité opérationnelle de ses publications, y compris leurs coûts et leurs recettes, et mit en place une gestion organisée et intégrée de ses publications. Cette initiative lui permit de recouvrir les coûts de ses dépenses de publication. Ainsi, en 1984, le gouvernement fédéral prescrivit le recours au recouvrement des coûts, lorsque cela était pertinent, dans le cadre de l'effort pangouvernemental de contrôle des dépenses publiques. Statistique Canada détermina le prix de ses produits de sorte à recouvrer les coûts d'impression, d'envoi par la poste et de manutention, et il factura le temps de traitement par ordinateur et les heures de travail du personnel nécessaires pour effectuer les totalisations spéciales. La méthodologie, l'analyse et l'entretien des systèmes furent considérés comme un bien public et ne furent donc pas facturés aux clients. L'organisme continua d'offrir un service statistique gratuit en faisant parvenir ses publications gratuitement aux bibliothèques de partout au Canada, ainsi qu'à tous ses bureaux régionaux.

Ainsi, au milieu des années 1990, environ 5 % des recettes prévues dans le budget de l'organisme découlaient de la diffusion de produits imprimés et électroniques, et environ 15 % d'entre elles provenaient d'enquêtes à frais recouvrables.

Cette accentuation du recouvrement des coûts eut toutefois des inconvénients. Pendant des années, l'organisme n'avait pas recouvré la plupart de ses coûts de publication, ne facturant que des frais minimes pour ses publications imprimées. Le passage relativement soudain à un recouvrement accru des coûts suscita du mécontentement chez bon nombre de clients de l'organisme, particulièrement à l'égard des frais de 3 $ par série chronologique de CANSIM. Par ailleurs, le recouvrement des coûts accrut la sensibilisation de l'organisme et de ses clients aux dépenses relatives à la prestation des services, et même s'il servit à une certaine fin à l'époque, il est fort probable qu'il dissuada également l'utilisation plus répandue des statistiques officielles.

Le début des années 1980, précurseur d'une nouvelle ère

Le 14 août 1985, Martin Wilk annonça sa retraite au personnel de Statistique Canada. Bien que le premier ministre l'ait invité à poursuivre l'exercice de ses fonctions, il avait décliné en lui indiquant qu'il estimait avoir accompli en grande partie la mission qu'il avait acceptée en 1980 et que l'organisme était sur une voie qu'il serait en mesure de poursuivre sans lui. Le 1er septembre 1985, il devint conseiller spécial auprès du Bureau du Conseil privé, poste qu'il occupa jusqu'à la fin de l'année, puis il prit sa retraite de la fonction publique en janvier 1986.

Après avoir quitté son poste de statisticien en chef, Martin Wilk fut invité à présenter un exposé sur les cinq années précédentes à l'occasion de la Conférence des cadres hors site de l'organisme en octobre 1985. On put dégager de ses nombreuses remarques positives un indice important qu'un changement de cap s'était opéré au sein de l'organisme : [traduction] « au cours de la période de récession la plus importante qu'ait connu le Canada depuis les années 1930, alors que Statistique Canada publiait mois après mois les sombres nouvelles d'un taux d'inflation élevé, d'un taux de chômage en hausse constante, d'une baisse du PIB et d'autres nouvelles économiques préoccupantes, durant tout ce temps, l'organisme n'a fait l'objet d'aucune critique ou remise en question importante au sujet de la qualité ou de l'objectivité des renseignements qu'il a produits. Je pense que c'est une chose dont il faut être très fier. »

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