Chapitre 2 : La période de 1972 à 1980 : une époque tumultueuse

Table des matières

Le rôle de l'organisme statistique national du Canada

La nouvelle Loi sur la statistique venant d'être adoptée en 1971, le rôle de l'organisme fit l'objet de beaucoup de discussions au sein du gouvernement. Un groupe de travail sur l'information gouvernementale constata en 1968 que les utilisateurs étaient très critiques à l'égard de l'actualité, de l'utilité, de la clarté et de l'accessibilité des données produites par Statistique Canada. En outre, les ministères fédéraux exprimèrent de plus en plus leur mécontentement relativement à la réponse de l'organisme à leurs besoins croissants et de plus en plus complexes, particulièrement en matière d'analyse des politiques et d'évaluation du rendement des programmes. En avril 1972, le Comité de direction de Statistique Canada nomma un groupe d'étude chargé d'examiner l'image de l'organisme et de recommander des mesures afin de l'améliorer. Le groupe était composé de hauts représentants des directions spécialisées, et il avait pour mandat de déterminer l'image que l'organisme devrait essayer de projeter ainsi que la manière de projeter celle-ci. Le rapport fut produit dans des délais serrés, car le statisticien en chef devait également en tenir compte dans le cadre des recommandations qu'il préparait relativement à l'organisation et aux ressources de l'organisme. À l'époque, des questions furent soulevées au sujet du rôle que devrait jouer un organisme statistique central et de la meilleure façon dont il devrait fonctionner afin de s'assurer que les priorités soient respectées, et ce, à une époque où les demandes de renseignements augmentaient de façon exponentielle.

L'étude sur l'image permit de dégager un consensus, à savoir que l'organisme devait s'efforcer d'atteindre un certain nombre d'objectifs généraux. L'organisme devait jouer un rôle essentiel dans les activités du gouvernement et être reconnu comme jouant un tel rôle. Il devait produire non pas des données, mais de l'information (y compris des statistiques soigneusement résumées, soit des statistiques accompagnées d'analyses, d'interprétations et d'illustrations) présentant la meilleure combinaison possible d'actualité, d'exactitude et de portée. Il fallait continuellement démontrer la pertinence de l'information, et mettre systématiquement en lumière son objectif. L'information produite devait être objective, et l'organisme devait être « rigoureusement apolitique » et être perçu comme tel. L'organisme devait également être communicatif et diffuser activement l'information. Enfin, l'étude révéla que l'organisme devait s'efforcer de répondre aux besoins de ses diverses communautés d'utilisateurs ainsi que de prévoir les nouvelles exigences.

Statistique Canada ne pouvait toutefois aspirer à une telle image s'il ne corrigeait pas le déséquilibre opérationnel entre (1) la collecte, la compilation et la production matérielle de données, et (2) la commercialisation de ses renseignements auprès des utilisateurs et la communication de renseignements sur l'organisme. Il fut donc recommandé que Statistique Canada renforce ses activités de commercialisation et de communication et qu'il crée un nouveau Service de renseignements statistiques afin d'offrir un meilleur service aux utilisateurs. Le rapport recommandait également l'élaboration d'un cours de base sur les relations avec les médias à l'intention du personnel de Statistique Canada, ainsi que la création d'un poste de responsable des affaires parlementaires au sein de l'organisme.

Vérification périodique des tensions dans l'Unité centrale de traitement, vers 1970
Centre informatique principal, 1970

Nomination d'une nouvelle statisticienne en chef

En juin 1972, Walter Duffett prit sa retraite, et Sylvia Ostry fut nommée statisticienne en chef du Canada. Elle n'était alors pas inconnue à Statistique Canada, ayant été engagée par Simon Goldberg à titre de directrice des Études spéciales sur la main-d'œuvre, poste qu'elle occupa de 1964 à 1969. Elle avait la réputation d'être extrêmement productive et très énergique. Ce ne fut pas un changement facile pour l'organisme, qui avait été pendant 15 ans sous la gouverne de Walter Duffett, qui avait été particulièrement doué pour maintenir un environnement calme et stable. Certains pensent que le gouvernement n'était pas particulièrement satisfait de l'organisme à la fin du mandat de Walter Duffett; Sylvia Ostry aurait été nommée, d'une certaine façon, pour secouer l'organisme. Ce désir de rajeunissement n'était pas propre à Statistique Canada. En réalité, la mobilité interministérielle croissante des sous-ministres à l'époque visait à décourager l'insularisme et à stimuler de nouvelles idées en matière de leadership.

C'est peut-être aussi pour cette raison que Simon Goldberg ne fut alors pas nommé statisticien en chef, bien que certains insistent encore aujourd'hui sur le fait qu'il était le candidat idéal à l'époque. Il s'agissait d'un homme éloquent et brillant, ainsi que d'un important élément moteur de l'automatisation à Statistique Canada. Il était toutefois reconnu pour avoir été un fidèle statisticien en chef adjoint de Walter Duffett, ce qui n'était peut-être pas un atout aux yeux d'un gouvernement cherchant à changer fondamentalement les façons de faire de l'organisme. Même si Simon Goldberg avait la réputation d'être très indépendant et d'avoir été à l'origine de nouvelles idées, il n'incarnait peut-être pas suffisamment le renouveau. Le départ à la retraite de Walter Duffett représentait une occasion d'introduire de nouvelles idées et de prendre un nouveau départ avec l'arrivée d'experts en provenance de l'extérieur de l'organisme. En revanche, l'histoire montra qu'un tel changement pouvait aussi entraîner une discordance avec la culture d'une grande organisation créée progressivement pendant de nombreuses années. Jacob Ryten, dans son introduction à un recueil mettant en lumière des articles importants publiés au fil de l'histoire de l'organisme, résume bien la question en affirmant qu'il [traduction] « existe une tension permanente au sein des organismes statistiques entre la volonté d'innover et le sentiment qu'il faut préserver la continuité ».

De telles tensions se firent sentir au sein de la haute direction de l'organisme entre la faction plus conservatrice et la nouvelle faction (qui comptait Simon Goldberg et son protégé Ivan Peter Fellegi), qui fit place au changement et accueillit avec enthousiasme l'avènement de l'informatique à Statistique Canada.

Sylvia Ostry

Sylvia Ostry, statisticienne en chef du Canada, 1972-1975

Non seulement Sylvia Ostry fut la première et la seule femme statisticienne en chef de l'histoire du Canada, elle fut aussi la première femme sous-ministre du pays. En réaction aux médias, elle rejeta constamment l'idée que sa nomination avait quelque chose de « symbolique » — son curriculum vitae était certainement éloquent à cet égard. Née dans le nord de Winnipeg en 1927, Sylvia Ostry étudia l'économie à l'Université McGill, où elle obtint un baccalauréat en économie en 1948 et une maîtrise ès arts en 1950; elle obtint aussi un doctorat à l'université de Cambridge et à l'Université McGill en 1954. Après avoir enseigné et fait de la recherche à l'Université McGill, à l'Université de Montréal et à l'Université d'Oxford, elle se joignit à Statistique Canada à titre de directrice adjointe de la recherche, puis occupa le poste de directrice au sein de la Division du travail de 1964 à 1969. Elle fut présidente du Conseil économique du Canada pendant trois ans, avant de retourner à Statistique Canada en 1972 en tant que statisticienne en chef.

Sa carrière à Statistique Canada prit fin en 1975, lorsqu'elle fut affectée au ministère de la Consommation et des Affaires commerciales à titre de sous-ministre, poste qu'elle occupa jusqu'en 1978. Pendant sa carrière, Sylvia Ostry fut aussi chef du Département des affaires économiques et statistiques de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sous-ministre du Commerce international, ambassadrice pour les négociations commerciales multilatérales et sherpa du Canada — représentante personnelle du premier ministre Brian Mulroney — aux sommets du G7 de 1985 à 1988. Elle reçut 19 grades honorifiques décernés par des universités canadiennes et étrangères. Sylvia Ostry reçut l'Ordre du Canada en 1978, et en 1990 elle fut promue Compagnon de l'Ordre du Canada, la plus haute distinction du Régime canadien de distinctions honorifiques. Elle fut également chancelière de l'Université de Waterloo de 1991 à 1996, et elle fut nommée chancelière émérite en 1997.

En 2002, pour célébrer le 75e anniversaire de Sylvia Ostry, l'ancien statisticien en chef adjoint Jacob Ryten produisit The Sterling Public Servant. Il s'agissait d'un hommage, d'un recueil d'articles rédigés par d'éminents contributeurs sur des sujets liés à la carrière de Sylvia Ostry et reflétant la pertinence et l'importance de ses contributions universitaires et gouvernementales au Canada. Le recueil contenait des lettres de félicitations envoyées par tous les premiers ministres vivants de l'époque.

La tâche à accomplir

L'une des premières tâches de Sylvia Ostry au sein de Statistique Canada fut de prendre les rênes de l'étude entreprise par Walter Duffett dans le but de faire de l'organisme une source de renseignements plus adaptée et plus efficace pour le pays. Dans une lettre datée du 1er juin 1972, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau élargit le mandat de l'étude et demanda d'accélérer sa réalisation. Il félicita également Sylvia Ostry de sa nomination par le gouverneur en conseil et exposa son point de vue sur le rôle de Statistique Canada et la façon dont il espérait voir l'organisme évoluer. Il souligna l'extraordinaire capacité de Sylvia Ostry de garder à l'esprit la perspective globale de la fonction publique tout en s'acquittant de fonctions précises au sein de Statistique Canada, puis exprima l'espoir qu'elle puisse transmettre une telle attitude à l'ensemble de l'organisme.

Dans sa lettre, le premier ministre mentionna la liste des problèmes prioritaires soulevés par le gouvernement lors de son arrivée au pouvoir en 1968, et il souligna que l'« information » figurait en tête de liste. Certains travaux préliminaires liés à cette priorité avaient mené à la création d'Information Canada, un nouveau ministère chargé d'améliorer les communications entre le gouvernement et les Canadiens. L'autre priorité était de déterminer la meilleure façon de s'assurer que le gouvernement reçoive et recueille les renseignements pertinents sur lesquels fonder ses décisions en matière de politique et de planification opérationnelles. L'une des premières tâches que le premier ministre confia à Sylvia Ostry fut d'entreprendre une étude sur la relation entre l'organisme et ses clients et de formuler des recommandations en vue d'aider le gouvernement à déterminer les priorités statistiques. La statisticienne en chef dut déterminer la meilleure façon de répartir les responsabilités et les ressources en matière de collecte et de traitement des données statistiques entre Statistique Canada et les autres organismes fédéraux. Elle dut également examiner les procédures permettant aux ministres d'exprimer leurs points de vue sur les priorités statistiques, ainsi que le lien approprié entre le statisticien en chef et le processus d'élaboration des politiques afin de permettre à l'organisme de mieux anticiper les besoins statistiques. Enfin, on lui demanda de procéder à un examen de la structure, des arrangements financiers et des procédures opérationnelles de Statistique Canada, et de chercher à améliorer l'utilité des statistiques, particulièrement celles nécessaires à l'évaluation du rendement des programmes et à l'analyse des politiques. Rien de moins!

Un mois plus tard, Sylvia Ostry rencontra le président de la Commission de la fonction publique et le secrétaire du Conseil du Trésor, à qui elle indiqua dans une correspondance ultérieure : [traduction] « J'espère qu'au cours des prochains mois mes discussions avec vos fonctionnaires permettront d'accélérer le processus d'examen et d'évaluation de l'organisme et aboutiront à une proposition rationnelle et réalisable de changements structurels et organisationnels. »

Dans une allocution prononcée devant des représentants d'entreprises lors d'une conférence sur les statistiques aux fins de la prise de décisions organisationnelles, Sylvia Ostry fit remarquer qu'il était « devenu monnaie courante pour les statisticiens de constater l'explosion de la demande de renseignements, mais l'observation vaut tout autant pour la fréquence de telles demandes. Les plus inébranlables d'entre vous déplorent peut-être le rôle de plus en plus important que joue le gouvernement dans les domaines de la politique économique et sociale, mais c'est une réalité de la vie qui, pour nous, se manifeste par des demandes constantes pour de plus en plus de renseignements sur des sujets de plus en plus nombreux [...]. Les besoins des entreprises deviennent rapidement aussi pressants et exigeants que ceux du gouvernement. Pour naviguer dans les eaux du milieu complexe des affaires nationales et internationales actuel, il faut des systèmes de guidage de plus en plus sophistiqués. » Le système statistique national devait être ce système de guidage, et il devait être remanié.

Le gratin d'Ottawa

Peu de gens le savent peut-être, mais nous avions une célébrité parmi nous. Sylvia Ostry connaissait toutes les personnes importantes à Ottawa. Un long article de George Bain publié dans la revue Saturday Night et portant sur Sylvia Ostry, rédigé pendant qu'elle travaillait pour l'OCDE à Paris en 1981, soulignait que [traduction] « à part seulement Pierre Elliott et Margaret Trudeau, aucun couple n'était plus célèbre à Ottawa que les Ostry dans les années 1970 ». L'article mentionnait également que [traduction] « presque tout le monde, y compris Sylvia Ostry elle-même, dit deux choses à son sujet : qu'elle est extrêmement ambitieuse et qu'elle travaille d'arrache-pied dans tout ce qu'elle fait ».

Un regard fondamental sur nous-mêmes

Pendant son premier mois à titre de statisticienne en chef, Sylvia Ostry demanda à ses cadres supérieurs de réfléchir à certains des principaux enjeux auxquels l'organisme pourrait être confronté dans les années 1970, les invitant à présenter des propositions sur tous les aspects des activités de l'organisme, y compris ses objectifs, sa stratégie, sa structure et ses enjeux. Elle souligna qu'il s'agissait d'un « regard fondamental sur nous-mêmes », et indiqua que toutes les propositions seraient traitées de façon confidentielle et devaient être adressées à elle personnellement. De nombreuses notes de service bien senties furent envoyées, décrivant à quoi Statistique Canada ressemblerait dans les années 1970 et de quelle façon l'organisme pourrait progresser en vue de répondre aux besoins de l'époque, y compris certains enjeux auxquels l'organisme est encore confronté aujourd'hui.

Centralisation

Un certain nombre de thèmes revenaient souvent, dont la frustration croissante face à la centralisation des fonctions. La centralisation était alors récente; rappelons que Statistique Canada était extrêmement cloisonné, chaque division fonctionnant en grande partie comme une entité distincte, et que la concurrence pour attirer l'attention des secteurs de service suscitait beaucoup de frustration, notamment compte tenu du fait que chaque division était habituée à ce que ses propres services exclusifs lui obéissent au doigt et à l'œil. Dans une note de service, on comparait la difficulté d'obtenir des services au fait de mener une charge de cavalerie dans un marécage. La communication au sein de l'organisme était également déficiente; un directeur indiqua par exemple qu'il ignora pendant plusieurs mois qu'un certain secteur de service centralisé avait été créé. Dans une note de service adressée à Sylvia Ostry, il était question d'une contradiction apparente dans l'organisation de l'organisme, à savoir comment concilier l'autonomie accordée aux divisions et l'engagement idéologique à l'égard de l'intégration. L'incohérence de l'organisation et le manque de communication découlaient sans aucun doute en partie de la séparation physique des différentes divisions de l'organisme. Encore en 1974, le bureau central de Statistique Canada était réparti dans neuf immeubles différents dispersés à Ottawa.

La plupart des cadres supérieurs reconnaissaient les difficultés causées par la croissance phénoménale de l'organisme sous la direction de Walter Duffett, un certain nombre indiquant par voie de note de service que Statistique Canada ne pouvait se permettre de croître beaucoup plus. Non seulement le personnel et la charge de travail avaient-ils connu une croissance phénoménale, mais l'automatisation accrue complexifiait également ce travail. Cet enjeu allait de pair avec un autre thème important soulevé dans les notes de service, soit la nécessité de mieux délimiter le rôle et l'objectif de l'organisme et de ses divisions ainsi que de mieux établir les priorités statistiques. L'attribution des responsabilités n'était pas claire, et le problème était probablement exacerbé par le mouvement de centralisation. Il était aussi question d'une pénurie de cadres supérieurs pouvant mettre l'accent sur les enjeux stratégiques plutôt que sur les opérations quotidiennes.

Sylvia Ostry, statisticienne en chef du Canada, à la huitième Conférence des statisticiens du Commonwealth, 1975
Des employés prêtent le serment de discrétion, vers 1960

Ressources humaines

Pour ce qui est des ressources humaines, les notes de service indiquaient que le moral du personnel était bas et qu'on était aux prises avec de graves problèmes de recrutement et de maintien en poste du personnel expérimenté. Certaines notes mentionnaient la possibilité d'offrir davantage d'occasions de rotation du personnel afin que les employés puissent diversifier leurs compétences et cultiver leur intérêt. On était d'avis que la spécialisation étroite du personnel produisait d'excellents statisticiens, mais pas nécessairement d'excellents gestionnaires, surtout dans un monde de plus en plus interconnecté. En 1974, un groupe de travail sur la rotation d'emplois fut chargé d'examiner la possibilité d'un programme de rotation à Statistique Canada. La haute direction constata que le programme était effectivement réalisable.

Aucun recrutement central n'était effectué à l'époque. Les gestionnaires qui avaient besoin d'embaucher des employés devaient obtenir une liste de candidats admissibles auprès de la Commission de la fonction publique, puis interviewer les candidats de leur choix. Un tel processus décentralisé exacerbait l'insularisme des divisions.

Relations avec les autres ministères

Les employés partageaient le sentiment que les attitudes affichées au sein de l'organisme semblaient souvent dénoter une absence de préoccupation ou d'intérêt à l'égard des autres ministères fédéraux et des enjeux auxquels ceux-ci étaient confrontés. L'organisme semblait perçu uniquement comme une usine à chiffres dont le seul but était de produire des données sans trop d'égard à ce que les statistiques permettaient de mesurer. Il fallait davantage d'analyses de données ainsi qu'une meilleure commercialisation afin que le monde puisse profiter de la richesse de l'information disponible. Une note de service indiquait que l'organisme était perçu comme étant conservateur, lent et inflexible, et qu'il était considéré comme un membre peu important de la famille fédérale. Une autre note conclut de façon assez inquiétante qu'il [traduction] « faut déterminer une fois pour toutes la forme que prendra l'organisme. Les pansements et l'aspirine ne suffiront plus; une intervention chirurgicale et une réadaptation majeures sont nécessaires. Il serait bien de prendre des mesures correctives avant que la bureaucratie éteignoir ne provoque la fin lente et douloureuse de l'organisme. »

Naissance d'un groupe de travail

À la lumière du déluge de longues notes de service rédigées en réponse à la demande de Sylvia Ostry, il était évident que les cadres supérieurs étaient partisans d'une réorganisation et d'un autorenouvellement de l'organisme. Les arguments pour une restructuration importante étaient solides, et un leadership tout aussi costaud était nécessaire pour contrer l'inertie qui sévissait au sein de l'organisme. Bien qu'il fût convenu que des changements s'imposaient, il n'était pas facile de les concrétiser, à la lumière de la frustration suscitée par les nombreuses tentatives récentes à cet égard. Le statisticien en chef adjoint Lorne E. Rowebottom déclara avec justesse que [traduction] « nos dossiers sont des cimetières de rapports de groupes de travail, de documents de planification et d'organigrammes. Bon nombre de nos gestionnaires sont devenus cyniques et frustrés par le processus et par la tâche désespérante d'essayer de s'entendre sur le changement et de le mettre en œuvre. »

En août 1972, Sylvia Ostry constitua un groupe de travail chargé d'évaluer l'état du système statistique national et le rôle de Statistique Canada dans celui-ci. Elle précisa que l'intention était de clarifier et de réaffirmer le rôle de service de Statistique Canada à l'égard de sa clientèle, d'établir des procédures compréhensibles et visibles permettant de montrer ce que l'organisme pouvait raisonnablement accomplir pour répondre aux demandes croissantes, et enfin, de minimiser les coûts, le budget de l'organisme ayant augmenté considérablement au cours des 15 années précédentes. Le groupe de travail était composé de deux cadres supérieurs de Statistique Canada, d'un consultant externe ayant mené de vastes consultations auprès d'utilisateurs du gouvernement fédéral et auprès d'organismes centraux, et d'un représentant du milieu des affaires possédant une vaste expérience de la commercialisation et des systèmes. Le groupe travailla essentiellement à temps plein, effectuant son examen en moins de six mois.

L'étude et les enquêtes ultérieures permirent de dégager les principales constatations suivantes : il fallait améliorer les mécanismes d'établissement des priorités relatifs à l'utilisation des ressources statistiques, rendre les produits et les services statistiques de l'organisme plus pertinents et accessibles ainsi que promouvoir leur utilisation de façon plus énergique, assumer un rôle de coordination plus important pour ce qui est des activités statistiques des autres ministères fédéraux, et préserver la confiance et l'appui du public.

Planification et établissement des priorités

Le groupe de travail formula un certain nombre de recommandations visant l'adoption de mécanismes d'établissement des priorités plus visibles et plus compréhensibles aux fins de l'affectation efficace des ressources. Dans un document présenté dans le cadre de la huitième Conférence des statisticiens du Commonwealth, l'auteur David Worton explique que traditionnellement, Statistique Canada essayait de plaire à tout le monde et que cela était possible dans un contexte de demande relativement stable ou de budget continuellement croissant, comme ce fut le cas pendant la plus grande partie des mandats de Walter Duffett et de Sylvia Ostry. Au début des années 1970, il devint toutefois évident qu'un tel modèle n'était plus viable, c'est-à-dire qu'il fallait laisser aller quelque chose.

La nouvelle Direction de la politique, de la planification et de l'évaluation relevant directement de la statisticienne en chef fut chargée d'effectuer une évaluation continue du système statistique, de veiller à ce que l'organisme s'acquitte de son mandat et de faciliter l'intégration et l'équilibre des plans de programme de chacun des secteurs. L'évaluation des activités de programme en cours permettrait de déterminer les activités ne contribuant plus efficacement à l'atteinte des objectifs. Toute croissance nette serait ainsi financée par une réaffectation des ressources à même le budget de base. Avec le temps, une telle approche s'avéra peu efficace, celle-ci retirant à la haute direction le pouvoir décisionnel dont elle avait besoin.

Les auteurs du rapport recommandèrent également l'élaboration et l'entretien d'un plan à moyen terme. L'accent fut surtout mis sur la nécessité de renoncer à la « planification continue », ou « gradualisme décentralisé », soit la tendance à s'intéresser directement à ce que l'on fait depuis longtemps, la véritable planification n'étant qu'accessoire. L'objet de la planification à moyen terme était de donner une orientation à la direction, de faciliter la planification réaliste et méthodique du développement interdépendant et d'aider l'organisme à s'adapter aux besoins urgents en matière de politiques. De tels plans devaient aussi permettre de mieux comprendre la réalisation à long terme de nombreuses activités statistiques ainsi qu'aider les utilisateurs à constater la façon dont l'organisme avait l'intention de répondre à leurs besoins particuliers.

Recouvrement des coûts et commercialisation

Un employé enseigne la façon de répondre au téléphone, 1973
Un employé enseigne la façon de répondre au téléphone, 1973

L'examen révéla la nécessité d'accroître l'actualité et la souplesse de l'organisme afin que celui-ci puisse répondre aux besoins en information ponctuels et produire des tableaux et des analyses personnalisés pour les utilisateurs de données. L'un des résultats importants de l'étude fut l'adoption d'un programme de recouvrement des coûts permettant de répondre aux besoins particuliers des utilisateurs. La Division de la coordination des enquêtes spéciales fut par conséquent créée, et elle fut chargée de réaliser de nouvelles enquêtes-ménages ponctuelles selon le principe du recouvrement des coûts. La nouvelle division regroupait les responsabilités en matière de gestion des enquêtes-ménages, lesquelles étaient auparavant éparpillées dans un certain nombre de divisions, et servait de centre de coordination des enquêtes spéciales commandées par des organismes de l'extérieur. Le domaine des revenus et des dépenses des ménages fut par exemple transféré à l'extérieur de la Division des prix. L'information sur le marché du travail resta toutefois partagée entre la Division du travail et la Division de la coordination des enquêtes spéciales, de sorte que les connaissances conceptuelles ainsi que la responsabilisation et les décisions en matière de gestion furent divisées. Nécessaire, la nouvelle division connut du succès; en rétrospective, toutefois, elle aurait pu être encore plus efficace.

Il était évident que les utilisateurs ignoraient en grande partie la profondeur, l'ampleur et le potentiel des renseignements mis à leur disposition, car Statistique Canada n'avait pas de centre de coordination permettant de documenter et de faire connaître la disponibilité de ses fonds de données. Les Services de diffusion et de promotion furent donc créés. Dirigés par un statisticien en chef adjoint, ils avaient pour mandat d'expliquer quels étaient les renseignements disponibles et comment ceux-ci pouvaient être utilisés, en plus de jouer un rôle important en matière de sensibilisation et de consultation. Une priorité élevée fut également accordée à l'élargissement des Services de l'assistance-utilisateurs. Le nombre de spécialistes de l'accès aux données et de l'utilisation des données doubla, et des bureaux régionaux furent ouverts dans le cadre de la réorganisation afin d'augmenter la quantité de renseignements mis à la disposition d'un nombre grandissant de personnes. Un projet pilote fut réalisé dans les bureaux régionaux de Montréal et de Toronto, où furent installés des terminaux d'ordinateurs permettant d'accéder au Système canadien d'information socioéconomique (CANSIM). Le projet fut ultérieurement couronné de succès.

Les nouveaux Services de l'assistance-utilisateurs mirent l'accent sur la création d'un service efficace à l'intention des utilisateurs de statistiques ainsi que sur le maintien de la liaison avec les organismes gouvernementaux provinciaux. La division organisa des ateliers sur l'utilisation des données à l'intention des municipalités, des banques, des bibliothèques et de l'industrie. Statistique Canada tint également partout au Canada des séminaires sur le travail de divers secteurs spécialisés. En 1972-1973, l'accent fut mis sur la statistique du travail et sur les résultats du Recensement de l'agriculture. L'organisme publia des brochures à l'intention des propriétaires exploitants d'entreprises, notamment une série intitulée « Comment profiter de la statistique? », qui comprenait les titres « Comment le fabricant peut-il tirer profit de la statistique? », « Comment le détaillant peut-il tirer profit de la statistique? » et « Comment les constructeurs et entrepreneurs peuvent-ils tirer profit de la statistique? ». Afin de favoriser une plus grande collaboration, les Services de diffusion et de promotion commencèrent à jouer un rôle important en réunissant le personnel spécialisé et les diverses associations de l'industrie.

En 1974-1975, le personnel régional visita toutes les bibliothèques publiques du Canada ayant les collections complètes des publications de Statistique Canada. De plus, le bulletin de nouvelles L'Actualité statistique fédérale-provinciale était publié régulièrement; initialement conçu pour tenir les délégués de la conférence fédérale-provinciale sur les statistiques économiques au courant des nouvelles relatives à l'organisme et aux provinces, sa portée fut élargie par la suite. À la fin de 1974, un système de rétroaction permit d'améliorer la circulation des renseignements sur les utilisateurs et l'utilisation des statistiques des régions. L'année 1974 fut aussi celle du lancement d'un programme appelé « Entregent », qui visait à sensibiliser davantage les intervieweurs à l'importance d'entretenir de bonnes relations avec les répondants. Les Services de l'assistance-utilisateurs tinrent par ailleurs les rôles de coordonnateur et de secrétaire dans le cadre des réunions statistiques; en 1976-1977, ils coordonnèrent ainsi 21 réunions fédérales-provinciales officielles.

En 1973-1974, le nouveau Secteur des services de diffusion et de promotion produisit à l'intention des non-initiés une brochure présentant sommairement l'organisme et ses programmes. Infomat, une nouvelle publication hebdomadaire destinée aux non-initiés ne connaissant pas nécessairement les statistiques, remplaça l'ancienne publication L'Hebdomadaire de Statistique Canada. En 1974, toutes les publications étaient devenues bilingues. Les publications imprimées demeuraient le principal moyen de diffusion, mais l'utilisation d'autres moyens, comme CANSIM, les microfiches et les bandes magnétiques, connaissaient une croissance constante.

Coordination de l'activité statistique

Dans une allocution prononcée lors d'une conférence en 1974, Sylvia Ostry fit part du dilemme inévitable auquel faisaient face tous les responsables de systèmes statistiques de l'époque, soit le fardeau que la satisfaction des besoins des utilisateurs leur imposait simultanément en tant que répondants. Le remplacement de la collecte statistique directe par l'exploitation des dossiers administratifs fut envisagé comme moyen de réduire le fardeau des répondants, le progrès le plus remarquable de l'époque étant la nouvelle capacité d'accéder aux déclarations de revenus des sociétés et des entreprises non constituées en société.

À cet égard, les auteurs du rapport recommandèrent également de renforcer la « règle de 10 ». D'autres ministères fédéraux effectuaient des enquêtes aux fins de l'évaluation des programmes, mais aucun mécanisme approprié ne permettait de vérifier si les renseignements requis existaient déjà ailleurs dans la fonction publique, ou s'ils justifiaient le fardeau de réponse, ou même si les instruments utilisés étaient solides sur le plan technique. La « règle de 10 » fut mise en œuvre pour la première fois en 1966, à la suite d'une recommandation de la Commission Glassco, à savoir que tous les ministères ayant l'intention de demander des renseignements statistiques auprès de plus de 10 répondants devaient remettre au statisticien en chef des copies de la demande et de tous les formulaires, échéanciers et questionnaires annexés 10 jours avant de les envoyer aux répondants. Les auteurs du rapport recommandèrent un plus long préavis pour les enquêtes proposées ainsi que l'examen des spécifications techniques, et ils proposèrent des moyens d'application.

La responsabilité de faire appliquer la règle fut confiée à la nouvelle Division de la coordination des enquêtes spéciales, et une publication fut produite pour diffuser des renseignements sur les enquêtes déclarées par les autres ministères. Statistique Canada produisit à l'intention de ces derniers des documents d'appui expliquant les procédures suggérées aux ministères aux fins de la préparation de leurs demandes et décrivant les éléments de leurs plans d'enquête, que l'organisme passerait en revue. Cette « règle de 10 » s'avéra toutefois inefficace, car elle n'était pas suivie ni appliquée correctement. 

En rétrospective, il apparaît évident qu'une collaboration forcée n'était pas une bonne solution. Lorsqu'il s'agit de cultiver de bonnes relations et de partager l'expertise statistique, une telle exigence réglementaire ne se compare pas à un solide programme de sensibilisation. Il a été avancé que si l'organisme avait pris les initiatives nécessaires afin de discuter des besoins des ministères, de prévoir les besoins de ces derniers et de démontrer que la contribution de l'organisme pourrait leur être utile, les ministères auraient peut-être bien accueilli la participation de Statistique Canada, au lieu d'en être irrités. Les enquêtes effectuées par d'autres ministères auraient pu être le signe de besoins non satisfaits, de nouvelles exigences ou encore de lacunes à combler en matière de communication.

Les auteurs du rapport proposèrent également que Statistique Canada crée des bureaux satellites dans d'autres ministères fédéraux afin de faciliter la collaboration et la détermination conjointe des besoins en données et d'ainsi permettre d'améliorer la réactivité, en plus de contribuer à l'utilisation optimale des fichiers administratifs. En 1975, la Division de la statistique judiciaire mit en place des bureaux satellites au ministère du Solliciteur général afin qu'ils répondent aux besoins statistiques des deux organisations, ainsi qu'à ceux de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), du Service canadien des pénitenciers et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. En 1977, pour favoriser une utilisation plus efficace des données, Statistique Canada créa le Centre de la statistique des sciences à titre de satellite expérimental au sein du ministère d'État chargé des Sciences et de la Technologie, et un nouveau programme de publication pour les statistiques sur les sciences fut mis en œuvre en parallèle, y compris la publication d'un bulletin de service et de la Revue annuelle de la statistique des sciences. Le Centre retourna à Statistique Canada au début des années 1980. Un centre satellite efficace de la Division des transports et des communications de Statistique Canada existait déjà depuis 1966; le Centre des statistiques de l'aviation était situé dans les locaux de la Commission canadienne des transports et avait pour mandat de produire des statistiques sur l'aviation pour la Commission, Transports Canada et Statistique Canada. La plupart des données traitées par le Centre étaient recueillies en vertu de la Loi sur l'aéronautique (par opposition à la Loi sur la statistique) et utilisées principalement à des fins de réglementation et d'élaboration de politiques. Le Centre des statistiques de l'aviation finit par être le seul bureau satellite statistique durable. Il fut rapatrié à Statistique Canada en 1997 à la suite de la déréglementation, soit 31 ans après sa création.

Réorganisation structurelle

La structure de Statistique Canada fut essentiellement réorganisée en 1973, au moment où l'organisme entreprit la mise en œuvre des recommandations du groupe de travail de Sylvia Ostry. La réorganisation prévoyait le renforcement de la haute direction, le regroupement des activités censées collaborer plus étroitement et l'investissement dans certaines fonctions sous-développées. L'une de ces fonctions était le renseignement économique aux fins de l'analyse des politiques. Au début des années 1970, certains bureaux de la statistique hésitaient à produire des analyses contextuelles, car ils craignaient de compromettre l'objectivité et la neutralité de l'organisme. Sylvia Ostry augmenta l'investissement dans les capacités d'analyse et mit davantage l'accent sur la pertinence des politiques.

L'organisme fut réorganisé en secteurs : Recensement, Comptes économiques et intégration, Statistique des entreprises, Statistique des ménages et des institutions, Services statistiques et Services de diffusion et de promotion. L'administration et la planification faisaient partie des directions qui appuyaient ces secteurs opérationnels. Sous la direction de Walter Duffett, de nombreuses nouvelles initiatives avaient été ajoutées et relevaient directement de lui, ce qui avait donné lieu à un grand nombre de subordonnés directs. La réorganisation de Sylvia Ostry fit passer le nombre de secteurs relevant directement du statisticien en chef de 13 à 8, et six postes de statisticien en chef adjoint ainsi que deux postes de directeur général furent créés, chaque titulaire étant à la tête d'un domaine spécialisé ou d'un secteur de service fonctionnel particulier. La création de nouveaux postes de statisticien en chef adjoint et de directeur général entraîna également l'ajout de nouvelles compétences provenant de l'extérieur de l'organisme. Les huit personnes relevaient directement de la statisticienne en chef et, avec elle, formaient le Comité de direction, le noyau de la gestion de la nouvelle organisation. L'objectif était de permettre aux directeurs généraux de mettre l'accent sur la gestion quotidienne des programmes, pendant que les statisticiens en chef adjoints se concentraient sur les questions de planification et de politique et sur la gestion globale de l'organisme. Cette nouvelle structure organisationnelle supposait de plus grands besoins en matière de gestion de projet, d'équipes interdisciplinaires travaillant en collaboration ainsi que de comptabilité analytique. Même s'il fallut un certain nombre d'années pour optimiser la structure et le fonctionnement de façon à créer des équipes stratégiques et opérationnelles efficaces, la structure de base de l'organisme demeure essentiellement la même encore aujourd'hui.

Par suite de la réorganisation de 1972, le style de gestion au sein de l'organisme changea lui aussi — le milieu des années 1970 marqua le début de ce qu'on appelle aujourd'hui la gestion matricielle, un style de gestion permettant une plus grande souplesse et une utilisation plus efficace des ressources. Avec des secteurs de service spécialisés distincts, les équipes de projet interdisciplinaires devinrent la norme, et la gestion de projet acquit une importance cruciale. Il s'agissait d'un changement culturel majeur pour de nombreux directeurs de programmes, qui s'étaient habitués à l'autorité hiérarchique et qui n'avaient connu que ce style de gestion. Les compétences en gestion de projet devinrent plus valorisées, tout comme le travail d'équipe et la résolution créative de problèmes. Des systèmes financiers et des systèmes de rapport de temps appuyant à la fois la gestion des programmes et la gestion fonctionnelle furent également nécessaires. Tous les systèmes d'information en matière de gestion des finances et des ressources à l'échelle de l'organisme furent regroupés en un seul système intégré. Le nouveau système intégré d'information de gestion, connu sous le nom de « Révision des Pratiques et des Systèmes de Gestion », fournissait des données sur l'évolution des coûts des activités de l'organisme et aidait ainsi les gestionnaires à mener et à contrôler les programmes et les projets en temps opportun.

Citation : [Traduction] « En prenant de telles mesures, nous essayons d'isoler les enjeux cruciaux et de les aborder de la manière la plus dynamique possible, compte tenu des contraintes omniprésentes au chapitre des ressources et des exigences en matière de production continue de données. Je n'essaie pas de vous convaincre que l'état actuel de l'organisme est une utopie statistique. Il reste des problèmes importants, mais je pense que nous avançons dans la bonne direction, et je vous encourage tous à participer au processus de changement. » (Sylvia Ostry, dans un discours prononcé le 3 avril 1973 dans le cadre du cours d'orientation professionnelle de Statistique Canada.)

Rester ou ne pas rester centralisé

Il devenait évident que l'organisme ne détenait plus le quasi-monopole sur la collecte, la production, la mise à jour et le contrôle des données statistiques. En raison de la prolifération de systèmes informatisés de gestion de l'information dans les autres ministères et organismes, de plus en plus d'activités statistiques étaient menées dans d'autres ministères. C'est pourquoi l'étude évalua notamment le rôle de Statistique Canada en tant qu'organisme statistique centralisé. L'histoire avait démontré que la centralisation ne permettait pas à elle seule d'atteindre les objectifs de coordination. L'étude fit état de deux options. Selon la première, le gouvernement devrait canaliser la plus grande partie de l'activité supplémentaire de collecte et de production vers Statistique Canada, mais ce dernier risquerait des désaccords avec les autres ministères et pourrait avoir beaucoup de difficulté à gérer un programme d'une telle ampleur. La seconde option était d'accepter et de favoriser la tendance à la décentralisation, tout en cherchant à l'influencer de façon constructive en exploitant la position centrale unique de l'organisme pour que ce dernier joue un rôle accru de coordination et de soutien consultatif. C'est la seconde option qui fut retenue : à la fin des années 1970, l'organisme offrit un programme de publications et de séminaires de formation, y compris des ateliers sur la conception de questionnaires, des renseignements sur la sous-traitance de la recherche par enquête ainsi qu'un répertoire de personnes, d'entreprises et d'autres organismes offrant des services de recherche par enquête.

Les recommandations découlant de l'examen approfondi comprenaient le renforcement du rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor afin que ce dernier puisse fournir l'appui nécessaire relativement au rôle de coordination de Statistique Canada dans le système statistique national. Toutefois, avant que l'appareil gouvernemental puisse attribuer les responsabilités et assurer la coordination du système statistique national, il fallut d'abord déterminer les statistiques et les données administratives qui étaient recueillies par les diverses directions du gouvernement fédéral ou qui devaient l'être. À cette fin, le Cabinet autorisa en 1973 la création du Groupe de travail interministériel sur l'activité statistique fédérale, présidé par Ian Midgley, directeur général de la Direction de la statistique générale. Le Groupe de travail, composé de représentants de cinq ministères ainsi que de la Banque du Canada, relevait du Comité des hauts fonctionnaires sur l'organisation du gouvernement.

Le Groupe de travail indiqua au Comité qu'il avait constaté une sous-utilisation des sources de données statistiques existantes ainsi qu'un manque de coordination pour ce qui est des activités statistiques des ministères. Il formula donc une série de recommandations, et recommanda entre autres l'élaboration d'un « plan directeur statistique » décrivant en termes généraux le rôle et les activités devant être exercés par Statistique Canada et ceux qui devraient l'être par les autres ministères.

Le Groupe de travail proposa également la création d'un centre d'information et d'un système de documentation des données facilitant l'échange d'information, ainsi que l'élaboration de lignes directrices permettant d'accroître l'accessibilité aux données administratives et aux données d'enquête, conformément aux principes de confidentialité et de protection des renseignements personnels. Une fonction de diffusion mieux coordonnée fut établie en 1975 : un centre de référence, ou « centre d'information statistique », fut créé à l'intention des utilisateurs qui ne cherchaient pas seulement à obtenir des données produites par Statistique Canada, mais aussi des données produites par d'autres contributeurs au système statistique national, comme les autres ministères et organismes fédéraux, les provinces, les établissements et les entreprises. Le plan directeur ne s'avéra finalement pas une réussite, le centre d'information connut une existence relativement courte, et le Groupe de travail interministériel finit par disparaître discrètement.

Changements organisationnels

Le bilinguisme poursuit sa croissance

La Loi sur les langues officielles, adoptée en 1969, reconnaissait le français et l'anglais comme langues officielles de toutes les institutions fédérales au Canada, mais elle n'accordait pas explicitement aux fonctionnaires le droit de travailler dans la langue officielle de leur choix. En juin 1973, le Parlement adopta la Résolution sur les langues officielles dans la fonction publique du Canada, qui confirma ce droit sous réserve de certaines conditions. En 1977, le Conseil du Trésor adopta un ensemble de lignes directrices sur les langues officielles, qui établissaient des mesures facilitant la mise en œuvre de la politique sur les langues officielles, y compris la nomination conditionnelle d'employés unilingues à des postes bilingues à condition qu'ils acceptent de suivre une formation linguistique. Le Conseil du Trésor transféra par ailleurs aux ministères la responsabilité de la conformité au Programme des langues officielles. Statistique Canada s'employa donc à élaborer et à mettre en œuvre un plan systématique aux fins de son propre programme des langues officielles en 1978-1979, et il tint des séances de formation et d'information sur les droits et les obligations en matière de langues officielles. L'organisme offrit des cours de jour et de soir dans les deux langues, si bien qu'en 1980 il était déjà devenu un chef de file dans la conception de cours bilingues et de documents de référence dans le domaine de l'informatique. Il recruta beaucoup au cégep de Hull, ce qui lui permit d'avoir le plus haut taux de participation francophone au groupe des sciences informatiques de tous les ministères et organismes fédéraux.

À l'époque, Statistique Canada mettait à l'essai le régime de la confiance pour contrôler les présences. En 1973, il commença à utiliser un nouveau système de contrôle des présences éliminant la nécessité pour la plupart des employés de signer une feuille de présence quotidienne. Chaque employé dut plutôt remplir un formulaire mensuel et le soumettre à son supérieur aux fins d'examen et de comptabilisation.

Statistique Canada occupe deux nouveaux immeubles

L'immeuble R.-H.-Coats était alors en construction, et il fut prêt à être occupé en 1975. Certains trouveront amusant d'apprendre que le Centre de conférences Simon-A.-Goldberg comportait initialement des tapis à poils longs, et que la tour de 26 étages devait compter un total de « 25 » étages, l'étage de jonction étant le 14e. Les architectes avaient prévu que le premier étage serait celui au-dessus du rez-de-chaussée, mais les personnes qui installèrent les ascenseurs et les boutons voyaient les choses différemment. Après de nombreux retards, le personnel déménagea dans le nouvel immeuble au rythme d'environ deux étages par semaine.

L'organisme en était également aux premières étapes de la planification d'un autre nouvel immeuble en vue d'accueillir les secteurs du Recensement et de la Statistique des entreprises. Le Conseil du Trésor donna son approbation pour l'immeuble en décembre 1973, et une société d'experts-conseils fut chargée d'effectuer une « enquête attitudinale » auprès des nouveaux occupants de l'immeuble R.-H.-Coats afin de faciliter la planification du nouvel immeuble. La construction de l'immeuble Jean-Talon fut achevée en 1979, et une grande partie des secteurs de la Statistique économique et de la Statistique sociale y emménagea. Comportant de grandes superficies pour le traitement et le maniement des données, l'immeuble était expressément conçu pour les opérations statistiques, et il pouvait accueillir environ 2 000 employés. Le deuxième étage ainsi que la majeure partie du premier étage et du sous-sol étaient des zones spécialement sécurisées occupées par les opérations du recensement.

L'immeuble R.-H.-Coats
L'immeuble Jean-Talon

Affectation d'un conseiller juridique

En 1973, Statistique Canada commença à normaliser la terminologie relative à l'autorisation légale figurant sur les questionnaires, car certains ne faisaient aucunement mention de l'autorisation légale, tandis que d'autres comprenaient un libellé non normalisé. L'organisme ayant connu une croissance si rapide et ses secteurs étant très cloisonnés, les façons de faire différaient grandement d'un secteur à l'autre. C'est également en 1973 qu'un conseiller juridique à temps partiel fut affecté pour la première fois à l'organisme; l'affectation devint à temps plein l'année suivante. Sylvia Ostry demanda qu'un avocat soit affecté à Statistique Canada, car l'organisme estimait que le ministère de la Justice n'avait pas été très réceptif à ses demandes d'aide en raison de ses récents refus de participer au recensement. Le besoin de conseils juridiques augmentait, notamment au chapitre de l'interprétation et de l'application de la Loi sur la statistique nouvellement révisée et des nouveaux accords avec les autres ministères fédéraux et provinciaux qui en résultaient, surtout ceux visés par l'article 10. Des questions internes comme la confidentialité, l'enregistrement de CANSIM comme marque de commerce et les gros contrats avec des organismes de l'extérieur nécessitaient aussi une expertise juridique.

Une ère de grande collaboration fédérale-provinciale

La nouvelle Loi sur la statistique de 1971 entraîna une révision des accords de collaboration fédéraux-provinciaux existants ainsi que l'établissement de nouveaux accords. En 1972-1973, des employés prêtés au gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard pour quelques mois furent chargés d'examiner l'organisation et l'utilisation des renseignements provenant des fichiers de données administratives des ministères provinciaux. Un autre membre du personnel fut prêté au gouvernement de la Saskatchewan pour trois mois en vue de contribuer à la définition du mandat du nouveau Centre d'information statistique de la province.

On commença également la planification du tout nouveau Conseil consultatif fédéral-provincial de la politique statistique, qui tint à la fin de 1974 sa réunion inaugurale lors de laquelle les membres établirent le mandat du Conseil aux fins de la coopération future. Les origines de ce comité remontent toutefois à quelques années auparavant. En avril 1971, dans un document de travail préparé pour la réunion de mai 1971 du comité consultatif de la Conférence fédérale-provinciale sur la statistique économique et pour d'autres conférences et comités, il fut proposé de créer un conseil sur la politique statistique ainsi qu'une série de comités statistiques chargés de poursuivre le travail des comités existants selon le même mandat ou un mandat semblable. Quelques années plus tard, en mai 1973, lors d'une autre réunion de la Conférence fédérale-provinciale sur la statistique économique, les parties s'entendirent pour élargir le mandat de façon à ce qu'il couvre tous les domaines de la statistique, et pour restructurer la composition et les procédures du Conseil afin que les grandes questions stratégiques puissent être examinées plus efficacement. La première réunion du Conseil consultatif fédéral-provincial de la politique statistique fut tenue en novembre 1974. En mai 1974, des lettres d'explication ainsi que le mandat proposé furent envoyés aux premiers ministres de toutes les provinces et aux commissaires des territoires. Au début, le niveau d'intérêt variait beaucoup. Les parties s'entendirent toutefois unanimement pour la création du Conseil, et chaque gouvernement désigna un délégué pour le représenter. La séparation du Nunavut des Territoires du Nord-Ouest en 1999 entraîna le changement de nom du comité en 2000, de manière à ce qu'il comprenne les territoires. En 2018, le comité global est connu sous le nom de Conseil consultatif fédéral-provincial-territorial de la politique statistique.

Par suite d'une entente fédérale-provinciale conclue au printemps de 1972, la Division du produit national brut entreprit un programme de recherche visant à estimer la répartition par province du produit national brut (PIB) canadien total. Dans le cadre d'un projet continu avec le Comité fédéral-provincial des comptes économiques provinciaux, un examen conjoint avec les bureaux statistiques provinciaux et d'autres ministères fédéraux était alors en cours dans le but de régler les problèmes relatifs aux concepts, à la méthodologie et aux sources de données. En 1976-1977, le PIB annuel des provinces et des territoires fut établi selon une méthode expérimentale pour la période de 1961 à 1974. Le travail était vraiment prometteur, et la méthode fut mise en œuvre à une échelle beaucoup plus grande 15 à 20 ans plus tard. Les mesures relatives au produit intérieur réel pour 1961 à 1971 firent par ailleurs l'objet d'une révision, ce qui permit à la Division du produit industriel de publier des chiffres fondés sur l'année de référence 1971 ainsi que des données continues sur la production par industrie remontant au milieu des années 1930. Des discussions furent également engagées avec les bureaux statistiques provinciaux afin d'effectuer des enquêtes conjointes sur les dépenses en immobilisations et en réparations.

Le Centre principal des ordinateurs, 1970
Le Centre principal des ordinateurs, 1970

Le Centre des ordinateurs fonctionne 24 heures sur 24

Le matériel de traitement de texte commença à être utilisé pour améliorer et accélérer la dactylographie en général. Au début des années 1970, Statistique Canada comprenait cinq sous-sections de dactylographie et de transcription, ainsi qu'un réseau interne comptant environ 150 terminaux que les utilisateurs pouvaient utiliser à distance pour entrer leurs travaux informatiques, élaborer des programmes et modifier du texte. L'organisme effectua une étude sur la faisabilité de la saisie de données sous forme lisible par machine au moyen d'équipement optique de reconnaissance des caractères. En 1973, le système informatique de l'organisme utilisait un IBM S370/165 contenant une capacité de base de 2 millions d'octets et une capacité de stockage sur disque de 3,6 milliards d'octets. L'année suivante, cette capacité passa à 3 millions d'octets et à 5,2 milliards d'octets de stockage, mais l'organisme n'était toujours pas en mesure de répondre à la demande et dut acheter des ressources informatiques de l'extérieur. Compte tenu de la demande, le Centre des ordinateurs fonctionnait jour et nuit du lundi au vendredi (trois quarts de travail couvrant 24 heures) et huit heures par jour les fins de semaine et les jours fériés. Des mini-ordinateurs à unité de disques double furent installés dans les huit bureaux régionaux, initialement dans le but de servir de système de collecte et de transmission de données aux fins de l'Enquête sur la population active. L'utilisation de cartes perforées fut rapidement mise de côté au profit de la saisie directe des données sur des disques et des bandes magnétiques. L'automatisation accrue permit de réduire le délai de réponse aux demandes de données et de diffuser une plus grande quantité de données plus rapidement. En réalité, au milieu des années 1970, les publications de la Statistique du commerce étaient presque entièrement produites par traitement de texte, bien que les divisions les plus conservatrices résistaient beaucoup à l'informatisation complète des publications.

Jalons importants du programme statistique

Principales diffusions sur les finances publiques et le Système de comptabilité nationale

En 1973-1974, l'organisme élabora des cadres de classification des comptes types pour les opérations financières du gouvernement, en plus de participer à un comité interministériel fédéral sur la classification des opérations fédérales en matière de recettes, de dépenses, d'actif et de passif, ainsi qu'à un groupe de travail de l'OCDE chargé d'élaborer un cadre international normalisé. Mars 1975 marqua la première diffusion de la publication Les finances publiques selon le système de comptabilité nationale, dont l'objet était de faciliter l'analyse du secteur public. On y présentait les détails des recettes et des dépenses de tous les sous-secteurs du gouvernement par trimestre pour les années 1970 à 1973.

L'année 1975 marqua également la publication de documents exhaustifs sur le Système de comptabilité nationale du Canada, une source de référence essentielle pour les économistes dans un monde où la plupart des renseignements figuraient encore sur des documents imprimés. Il s'agissait d'une série de trois volumes : le premier présentait le relevé complet des estimations des comptes annuels des revenus et dépenses pour les années 1926 à 1974, le deuxième exposait les estimations trimestrielles pour les années 1947 à 1974 et le troisième contenait une explication détaillée des définitions, des concepts, des sources de données et des méthodes applicables aux comptes des revenus et des dépenses.

Statistiques sur le commerce

L'une des réalisations marquantes du début des années 1970 fut le fait que le Canada et les États-Unis commencèrent à parler le même langage pour ce qui est des statistiques sur le commerce des marchandises. Cette réalisation découla des travaux du Comité États-Unis–Canada de la statistique commerciale, qui établit en 1971 un cadre pour le rapprochement, l'harmonisation et la surveillance des statistiques sur le commerce des deux pays. Ces derniers effectuèrent un rapprochement du compte courant de la balance des paiements, y compris des recettes et des paiements pour les services et les transferts, en plus de ceux pour le commerce des marchandises. Il s'agissait alors d'une étape importante qui ouvrait la voie à l'élimination éventuelle des différences propres aux renseignements sur le commerce publiés par les deux pays. Un document sur le sujet fut rédigé en collaboration avec le Bureau du recensement des États-Unis, et il fut présenté à la 18e session de la Commission de statistique des Nations Unies. Ces travaux représentaient le début d'un programme de rapprochement continu et donnèrent également naissance à des travaux semblables avec d'autres partenaires commerciaux.

Désaisonnalisation et analyse des séries chronologiques

L'élaboration et la gestion de CANSIM se poursuivaient, même si les ministères et les organismes fédéraux n'y avaient toujours accès qu'au moyen de terminaux à distance. Un nouveau modèle économétrique informatisé appelé « Candide » fut conçu pour aider les économistes et les statisticiens à prévoir les tendances économiques à moyen terme. Le Conseil économique du Canada fut l'un des premiers à utiliser le modèle, et ce, afin d'établir des projections économiques jusqu'en 1980. Les travaux sur la désaisonnalisation progressèrent également; une nouvelle technique fut élaborée en 1974-1975 aux fins de l'Enquête sur la population active. En 1977-1978, le personnel de la Division de l'analyse économique de conjoncture affecté depuis un certain temps à la désaisonnalisation et à l'analyse des séries chronologiques effectua de la recherche fondamentale dans ce même domaine.

Des employés utilisent CANSIM, la principale base de données socioéconomiques de Statistique Canada, vers 1980
Une employée travaille à l'Appareil de lecture optique pour transfert automatique (FOSDIC), Recensement de 1971

L'organisme se démarque dans la désaisonnalisation

Estelle Bee Dagum fut une employée de Statistique Canada de 1972 à 1993. Elle s'éleva au poste de directrice de la Division de la recherche et de l'analyse des séries chronologiques, poste qu'elle occupa pendant 12 ans. En 1980, elle devint la première lauréate du Prix Julius Shiskin, remis par la Washington Statistical Society en raison de son travail exceptionnel dans le domaine de la statistique économique. Le prix fut créé en l'honneur de l'un des statisticiens les plus respectés des États-Unis, qui commença dans les années 1950 à réaliser des expériences au moyen de programmes informatiques en vue d'obtenir des données désaisonnalisées. La douzième expérience de Julius Shiskin, qu'il appela « X-11 » (sa première étant X-0), fut la plus réussie; elle ne permit toutefois pas de déceler assez rapidement des changements importants dans les tendances et les cycles. Entre-temps, les travaux menés à Statistique Canada sur les prévisions à court terme au moyen du modèle autorégressif à moyennes mobiles intégrées (ARMMI) progressaient. Les principes du modèle ARMMI furent établis dans les années 1940, et deux statisticiens britanniques automatisèrent la méthode en 1970. Estelle Dagum mit au point une méthode combinée X-11-ARMMI de désaisonnalisation, qui devint la méthode la plus rapide et la plus fiable pour découvrir les changements importants dans les tendances des activités qui varient selon les saisons. La méthode fut adoptée pour la première fois en 1975 dans le cadre de la désaisonnalisation de l'Enquête sur la population active, et elle fit de Statistique Canada un chef de file dans le domaine de la désaisonnalisation. En 2000, Estelle Dagum reçut également la Prime d'excellence durant la carrière.

Une plus grande importance est accordée aux statistiques sociales

Le rapport du groupe de travail de Sylvia Ostry indiqua également qu'il fallait accorder une plus grande importance à l'élaboration de concepts et de cadres unificateurs pour les statistiques sociales et les indicateurs sociaux. L'une des priorités du gouvernement était d'accorder une plus grande importance aux problèmes sociaux et environnementaux, mais les spécialistes des sciences sociales n'avaient pas encore réussi à élaborer des modèles sociaux analogues aux modèles économiques pour faciliter le processus décisionnel. Un examen et un élargissement importants de l'Enquête sur la population active étaient déjà en cours, marquant la première refonte complète de l'enquête depuis son lancement en 1945, et devaient donner des résultats en 1976. L'enquête élargie permettait de répondre aux demandes de données nouvelles et plus complètes sur le marché du travail. Elle comportait également un plus grand échantillon, ce qui lui permettait de fournir des données plus fiables à des niveaux tels que les niveaux provincial et infraprovincial, et elle comportait également des classifications croisées plus détaillées. L'échantillon mensuel passa de 35 000 à 55 000; en 1977-1978, il atteignit environ 62 700 ménages. Statistique Canada entreprit par ailleurs un nouveau projet pilote pour étudier la faisabilité de mener l'enquête dans les réserves indiennes. Une enquête sur l'utilisation de données administratives dans le cadre des programmes du travail et sur la conception d'un programme statistique à long terme sur l'emploi, la rémunération et les heures de travail était alors en cours.

Un programme de recherche en statistique sociale qui en était à ses balbutiements à Statistique Canada prévoyait la production d'un recueil de statistiques mettant en lumière les préoccupations sociales observées au Canada. Ce recueil devint Perspectives Canada, publié pour la première fois à l'automne 1974. Le recueil avait pour objet d'aider à répondre à la demande croissante d'indicateurs sociaux et de contribuer à l'évaluation de la pertinence et des limites des statistiques existantes dans le domaine social. L'objectif du programme de recherche était de mettre l'accent sur les personnes et leur passage à travers les étapes de la vie, les établissements ayant eu une incidence sur ce passage ainsi que les installations matérielles créées et entretenues dans l'intérêt des personnes. Un secteur de la statistique sociale couvrant le travail, les finances personnelles, la santé, la sécurité sociale, l'éducation, la science, la culture et la justice fut créé en 1979-1980.

Régimes de pension au Canada fut l'un des nouveaux titres publiés en 1972; il s'agissait d'une série fondée sur une banque de données administratives créée en collaboration avec le Département fédéral des assurances et les autorités provinciales du Québec, de l'Ontario, de la Saskatchewan et de l'Alberta. Des tableaux furent ensuite produits à partir de la banque de données pour les commissions des pensions fédérale et provinciales participantes. La publication fut si populaire qu'il fallut réimprimer le premier numéro deux fois, et d'autres provinces finirent par être ajoutées à la série.

Il s'agit par ailleurs des premières années de projections démographiques. Un modèle initialement créé pour l'Ontario à l'Institute for Quantitative Analysis of Social and Economic Policy de l'Université de Toronto fut modifié en vue d'être appliqué à l'échelle nationale. Statistique Canada contribua à l'élaboration du modèle pour qu'il puisse simuler les changements dans la composition de la population au fil du temps. Parmi les principales nouvelles publications de 1974 figure une série de Projections démographiques officielles pour le Canada et les provinces, 1972-2001, selon l'âge et le sexe. L'année suivante, un rapport technique fut publié, ainsi que des projections démographiques pour les ménages et les familles. Par la suite, des projections semblables furent publiées tous les cinq ans. Dans le cadre du Programme des estimations de la population de 1976-1977, une méthodologie améliorée utilisant les registres des allocations familiales permit d'estimer la migration interprovinciale pour la période de 1961 à 1976.

Premières données sur l'activité humaine et l'environnement

Un comité interministériel mis sur pied et dirigé par le conseiller principal en intégration fut chargé de planifier et de surveiller l'élaboration de données environnementales. En 1974-1975, l'organisme entreprit l'élaboration d'un cadre conceptuel pour les données environnementales, ainsi que la rédaction d'un manuel sur les données environnementales, qui fut publié en 1978-1979. Il s'agissait de la première publication sur l'activité humaine et l'environnement.

Journée internationale de la femme

En 1971, la fonction publique créa l'Office de la promotion de la femme, qui coordonna les programmes d'égalité des chances et insista sur le fait que toutes les carrières dans la fonction publique étaient accessibles autant aux femmes qu'aux hommes. En juin 1972, le slogan suivant apparut même sur les offres d'emploi publiées par la Commission de la fonction publique : « Ce concours est ouvert aux hommes et aux femmes. »

L'année 1975 fut l'Année internationale de la femme, et les ministères et organismes fédéraux furent invités à proposer des façons de contribuer aux célébrations. Statistique Canada publia une étude analytique sur l'évolution du rôle de la femme dans l'économie canadienne, étude qui fut réalisée par l'Institut C.D. Howe en vertu d'un contrat. L'article se fonda sur une analyse des données publiées par Statistique Canada.

L'organisme constitua un comité permanent d'égalité des chances pour les femmes et nomma un coordonnateur à temps plein en la matière au sein de la Division du personnel.

Un système général de contrôle et d'imputation

Le Secteur des services statistiques, créé en 1973, appuyait les opérations de collecte et de compilation des données, y compris la méthodologie d'enquête, le travail d'enquête sur le terrain et le traitement des données. Au chapitre des enquêtes, la fusion des systèmes et de la méthodologie permit de passer d'une approche ponctuelle à une approche plus centralisée reposant sur des normes s'appliquant à l'échelle de l'organisme, et favorisa le renforcement de la capacité de recherche. Par exemple, un système général de contrôle et d'imputation automatique des données fondé sur le principe de changement minimal défini par Ivan Fellegi et David Holt était en cours d'élaboration en vue du Recensement de 1976. Initialement appelé Système général de contrôle et d'imputation — Méthode « Hot Deck » (GEISHA en anglais), il fut rebaptisé CANEDIT et fut utilisé dans le cadre de nombreuses autres enquêtes. En 1976, Ivan Fellegi et David Holt publièrent un article historique intitulé « A Systemic Approach to Automatic Edit and Imputation » dans le Journal of the American Statistical Association. Avant ces travaux novateurs, aucune théorie unifiée en matière de contrôle et d'imputation n'avait été établie; des procédures ponctuelles étaient généralement utilisées. Le principe du changement minimal de Fellegi et de Holt fut utilisé pendant de nombreuses années dans les organismes statistiques gouvernementaux du monde entier.

Le Programme du recensement

En 1973, le nouveau Secteur du recensement participa activement à des programmes liés à trois recensements, soit le traitement et la publication des résultats du Recensement de 1971, la planification du Recensement de 1976 et la planification à long terme du Recensement de 1981. Le Secteur du recensement fit œuvre de pionnier lorsqu'il utilisa la gestion de projet dans la nouvelle structure matricielle de l'organisme. Le Secteur était responsable des recensements de la population, du logement et de l'agriculture, ainsi que des estimations et des projections périodiques de la population. Il mena également des enquêtes spéciales, comme l'Enquête sur la main-d'œuvre hautement qualifiée. Cette enquête, fondée sur un échantillon de diplômés universitaires cernés au moyen du Recensement de 1971, fut réalisée pour le ministre d'État chargé des Sciences et de la Technologie. Le Secteur du recensement chapeauta par ailleurs la Sous-section des recherches aux fins des pensions (recensement), qui effectuait régulièrement des vérifications d'âge à des fins de pension ainsi que des vérifications du lieu de naissance en vue d'établir la citoyenneté. Créé en 1973, un groupe chargé d'entretenir des rapports avec les utilisateurs de données du recensement aida l'organisme à mieux répondre aux besoins de ses principaux clients. Le groupe avait comme principale fonction de planifier et de mettre à jour des programmes de relations publiques efficaces avec ses utilisateurs ainsi que de coordonner les demandes des clients.

Cinq années de recherche commencèrent à porter fruit en 1973; le géocodage commença alors à être utilisé, et ce, avec des renseignements tirés du Recensement de 1971, y compris des données sur la population, l'âge, l'état matrimonial, la langue maternelle et le logement. Il s'agissait d'un système permettant la production de données pour des régions géographiques prédéterminées de toutes tailles, y compris de petites régions personnalisées. Le système de géocodage fut offert à titre de service statistique afin de fournir des données détaillées pour des régions définies par l'utilisateur. De plus, les composantes du système furent mises à la disposition des organisations possédant la capacité informatique de géocoder leurs propres fichiers de données.

Contrôle des prix et des salaires

Une intervieweuse relève le prix de l'essence à la pompe pour l'Indice des prix à la consommation, Edmonton, 1973

Le chapitre 1 traite du début de la stagflation au début des années 1970, et il dénote une situation économique marquée par une inflation élevée et une croissance économique lente. Le taux d'inflation passa d'environ 3 % en 1970 à plus de 12 % à peine trois ans plus tard. Beaucoup de travailleurs exigèrent alors des augmentations de salaire. Certains employeurs les accordèrent, d'autres non, et les travailleurs déclenchèrent souvent des grèves. En 1975, le gouvernement adopta la Loi anti-inflation et créa la Commission de lutte contre l'inflation. La Commission surveillait les fluctuations des prix et des salaires, et avait le pouvoir légal de réglementer les décisions des entreprises en matière de prix et de salaires. Elle chercha à faire en sorte que la croissance des salaires respecte les cibles de 8 %, 6 % et 4 % sur une période de trois ans. Elle limita les augmentations salariales des fonctionnaires fédéraux et des employés des entreprises comptant plus de 500 employés. La Loi fut très controversée, car elle fut perçue comme une intrusion du gouvernement dans l'économie de marché libre. Le contrôle des prix et des salaires fut appliqué jusqu'en 1978, et la Loi fut abrogée en 1979. La Commission n'était pas trop favorable à l'indice des prix à la consommation (IPC) comme mesure de l'inflation. De fait, dans son rapport de la troisième année, publié en 1978, elle affirma que [traduction] « les renvois excessifs à l'IPC global sont inquiétants, parce qu'ils ne peuvent que favoriser un pessimisme injustifié à l'égard des taux d'inflation à venir au Canada à un moment où la plupart des autres indicateurs laissent entendre que de tels avis sont injustifiés ». Comme l'IPC était notamment utilisé comme indicateur général de l'inflation et comme outil de négociation dans le cadre des règlements salariaux, il fut par ailleurs modifié de façon à représenter toutes les familles des centres urbains de 30 000 personnes et plus, peu importe leur revenu ou leur taille. La Loi modifiée refléta la variation globale des prix à la consommation plutôt que la variation des prix observée dans un sous-ensemble de ménages.

L'IPC n'était toutefois pas le seul indice de prix de l'époque. Un certain nombre de nouveaux indices de prix, y compris des indices des prix de la construction, furent élaborés à la fin des années 1960 et pendant les années 1970. Il existait aussi des indices des prix de gros et des prix de détail, des indices des prix à l'exportation et des prix à l'importation, ainsi qu'un système d'indices des prix classés par industrie appelé Indices des prix de vente dans l'industrie. Ce fut une période fort occupée pour la Division des prix, car on aurait dit que de plus en plus d'indices étaient créés ou révisés chaque année. L'indice général des prix de gros était apparemment très populaire au début des années 1970, malgré sa période allant de 1935 à 1939 et sa base de pondération. Parmi les nouveaux indices créés en 1973-1974 figuraient par exemple un indice des honoraires médicaux et un indice des industries du transport par autobus.

En juin 1978, le Centre d'étude de l'inflation et de la productivité, connu sous le nom de « fils de la Commission de lutte contre l'inflation » et relevant du Conseil économique du Canada, fut fondé dans le but d'analyser et de surveiller l'évolution des prix et des coûts ainsi que de mener un programme de recherche exhaustif. Il dut aussi surveiller ce que l'on appelait l'« IPC-2 », c'est-à-dire l'IPC sans les produits alimentaires très volatils. Le Centre ferma toutefois ses portes moins d'un an plus tard, en mars 1979. Il fut remplacé par la Commission nationale sur l'inflation, qui avait beaucoup moins de pouvoir que la Commission de lutte contre l'inflation, mais qui pouvait exiger des entreprises qu'elles fournissent des renseignements sur les augmentations de salaires, de prix et de bénéfices. Dans l'ensemble, bien que les mesures de contrôle permirent probablement de réduire les augmentations salariales de quelques points de pourcentage, ni ces mesures ni la politique monétaire ou budgétaire n'étaient suffisamment restrictives pour ralentir l'inflation.

L'organisme commença en 1975 à publier l'IPC désaisonnalisé chaque année, puis chaque mois lorsque les logiciels statistiques s'améliorèrent. En 1978-1979, la Division des prix effectua par ailleurs une révision de l'IPC canadien, la huitième de son histoire; celle-ci permit de mettre à jour les tendances des dépenses de consommation de 1967 à 1974. La Division mena également une étude de faisabilité sur la production d'un IPC pour les petits centres, étude portant sur des villes des Maritimes, y compris Charlottetown et Summerside. Les IPC des villes de Saskatoon, Regina, Edmonton et Calgary furent publiés pour la première fois en 1974 (la première année de l'indice étant alors 1973). En 1975-1976, l'IPC passa de 14 villes échantillonnées à environ 50. De plus, l'organisme commença à calculer les indices à l'échelle du Canada comme moyenne pondérée des indices pour les centres urbains. L'un des résultats importants de cette initiative fut une rapidité accrue; en 1978-1979, l'organisme fut en mesure de diffuser simultanément les estimations de l'IPC national et de l'IPC pour les villes, évitant ainsi un décalage de 10 jours entre les deux ensembles de données.

L'inflation continuait d'augmenter rapidement, et un deuxième choc pétrolier se produisit lorsque la guerre entre l'Irak et l'Iran éclata en 1979, entraînant une nouvelle hausse des prix mondiaux du pétrole. L'inflation annuelle moyenne mesurée par l'IPC atteignit un sommet de 12,5 % en 1981, et des questions commencèrent à être soulevées relativement à la validité de l'IPC.

Ne tirez pas sur le messager

La fiabilité de l'IPC comme mesure de l'inflation fut constamment remise en doute. En 1978-1979, les employés de la Division des prix organisèrent, à l'intention des représentants du gouvernement, des syndicats et d'autres parties intéressées, plus de 25 séminaires et présentations publiques sur l'IPC et sa révision à l'échelle du pays. En tant qu'annonceur des nouvelles relatives à l'inflation, Statistique Canada entreprit de façon proactive, à l'automne 1981, un examen, une évaluation et une analyse en profondeur des concepts et des méthodologies applicables à la mesure des prix, qu'il appela « Programme d'examen de la mesure de la variation des prix ». Trois colloques réunirent des experts canadiens et étrangers, qui discutèrent de divers aspects de la mesure des prix et du processus d'inflation. Des consultations nationales sur la mesure des prix furent par ailleurs tenues au début de 1982 auprès du milieu des affaires, du milieu universitaire, des gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que des groupes de consommateurs. Ces consultations servirent de tribune publique pour des analyses approfondies des concepts et des méthodologies associés à l'IPC et à d'autres mesures de la variation des prix. Les colloques et les consultations permirent par ailleurs de dégager des constatations qui servirent de fondements pour la recherche continue sur la mesure des prix et pour l'évolution à venir du programme. Des spécialistes de réputation nationale et internationale présentèrent ces constatations lors d'une conférence publique de deux jours et demi sur la mesure des prix tenue à Ottawa en novembre 1982. Le Comité consultatif sur la mesure des prix fut créé au moment de la conférence, et commença en 1983 à examiner les concepts, les méthodes et les priorités au chapitre des mesures de la variation des prix de l'organisme. Le Comité continue encore aujourd'hui à conseiller l'organisme sur les questions de mesure des prix.

Nomination d'un nouveau statisticien en chef

Peter G. Kirkham, statisticien en chef du Canada, 1975-1980

Lorsque Sylvia Ostry fut affectée au ministère de la Consommation et des Affaires commerciales à titre de sous-ministre en 1975, Peter Kirkham, alors statisticien en chef adjoint des Comptes économiques et de l'intégration, lui succéda. Même si deux ans et demi représentent une courte période, il n'était pas nécessairement anormal de déplacer des sous-ministres après si peu de temps. Il convient également de souligner que Sylvia Ostry était alors promise à un brillant avenir et que le gouvernement voulait apparemment que son expertise permette au ministère de la Consommation et des Affaires commerciales de surmonter les obstacles législatifs que présentaient les modifications à la nouvelle loi canadienne sur la concurrence.

Sylvia Ostry a réussi à secouer Statistique Canada, elle a apporté « du sang neuf » (ce qui est devenu un slogan à l'époque et qui l'est peut-être encore), et elle a inauguré une ère de plus grande ouverture au chapitre des communications entre le statisticien en chef et ses directeurs. Il convient de souligner que, pour expliquer la durée relativement courte de son mandat, ses proches ont indiqué qu'elle n'aimait pas trop l'administration ni la gestion. On dit aussi qu'elle aurait peut-être laissé entendre au greffier du Conseil privé de l'époque qu'elle aimait beaucoup l'initiative du premier ministre de déplacer les sous-ministres. En fin de compte, ses talents furent mis en évidence et peut-être mieux utilisés dans le cadre de son poste à l'OCDE, et plus particulièrement par la suite, lorsqu'elle fut sherpa du premier ministre.

Peter Kirkham n'entra pas en fonction comme statisticien en chef à un moment facile. Les changements apportés par Sylvia Ostry n'avaient pas encore tous porté fruit, et la poussière n'était pas encore tout à fait retombée après une transformation organisationnelle d'une telle importance. En seulement deux ans et demi, l'organisme avait adopté un programme de recouvrement des coûts, élargi son programme de commercialisation et de communication, étendu son programme de sensibilisation et recruté une foule de nouveaux employés de l'extérieur.

Peter Gilbert Kirkham

Peter Kirkham, diplômé du Collège militaire royal du Canada, servit dans les Forces armées canadiennes comme ingénieur de 1953 à 1961. Il obtint également un diplôme en génie civil de l'Université de la Colombie-Britannique, une maîtrise en économie et en administration des affaires de l'Université Western Ontario et un doctorat en économie de l'Université de Princeton. Avant de se joindre à Statistique Canada en 1973, il fut professeur agrégé à la School of Business Administration de l'Université Western Ontario. Il devint statisticien en chef adjoint des Comptes économiques et de l'intégration avant d'être nommé statisticien en chef, poste qu'il occupa de 1975 à 1980. Après avoir quitté Statistique Canada en 1980, Peter Kirkham fut nommé vice-président principal et économiste en chef de la Banque de Montréal. Il prit sa retraite en 1992 et vit actuellement à Kingston, en Ontario.

Le ciel s'écroule

Les problèmes de moral et de gestion qui couvaient à Statistique Canada furent étalés sur la place publique en 1975, lorsqu'un vétéran de 27 ans et cadre supérieur de l'organisme fit circuler, à l'occasion de sa retraite, une note de service cinglante de 18 pages dans laquelle il critiqua le style de gestion déconnecté de la haute direction, blâmant en grande partie Sylvia Ostry et Peter Kirkham. En 1976, des critiques furent peu à peu soulevées dans les médias et à la Chambre des communes, de même que par des membres du personnel, tant anciens qu'en poste. Statistique Canada fut accusé de mauvaise gestion, de manque d'intégrité et de manque de sensibilité aux besoins des utilisateurs, ainsi que d'utiliser une mauvaise méthodologie et des normes statistiques inefficaces. La réputation de l'organisme se détériora progressivement, et comme l'organisme n'avait pas de politique claire en matière de relations avec les médias, il était difficile de naviguer dans de telles eaux. À l'époque, l'approche privilégiée en matière de relations avec les médias était de rester tranquille et d'espérer que l'attention négative passe son chemin rapidement. Le public perdit confiance, et le moral atteignit son niveau le plus bas au sein de l'organisme.

L'un des facteurs ayant contribué à une telle « déconnexion » fut peut-être le peu de moyens dont disposait la direction pour évaluer ce que les employés pensaient ou comment ils se débrouillaient. Dans le cadre du système d'examen annuel du rendement des employés, chaque superviseur devait remplir un formulaire détaillé décrivant les tâches et les capacités nécessaires, puis évaluer le rendement de ses employés en fonction de ces tâches et capacités. Les superviseurs hésitaient à « offenser » leurs employés, de peur que ces derniers déposent des griefs officiels. Le système n'était pas très apprécié.

Dans le cadre d'une entrevue avec le journal du personnel, Peter Kirkham parla de la taille de l'organisme comme d'un facteur ayant contribué à la baisse du moral. Statistique Canada avait quadruplé depuis 1960, et il était difficile d'établir des relations personnelles dans une si grande organisation dont le personnel était dispersé dans huit immeubles. En réalité, l'organisme était passé d'un effectif de 1 700 personnes et d'un budget de 7,4 millions de dollars en 1960 à plus de 5 700 employés et à un budget de 100 millions de dollars en 1975. Peter Kirkham parla aussi des enjeux de gestion, comme la nécessité d'établir des objectifs plus clairs, et du travail continu d'élaboration des plans à moyen terme. Il fit remarquer que, historiquement, lorsque l'organisme était de plus petite taille, il pouvait fonctionner au moyen de la tradition orale, et chaque personne était au courant des décisions prises et des grands objectifs de l'organisme. En raison des changements techniques et sociaux, la demande de renseignements avait explosé, ce qui avait entraîné la croissance et le changement de l'organisme. Cette croissance s'était toutefois produite sans les mécanismes et les procédures de gestion nécessaires au fonctionnement d'une grande organisation.

La perception du public continua à se détériorer en 1976 lorsqu'on découvrit que quatre employés avaient contrevenu aux lignes directrices sur les conflits d'intérêts en exploitant une entreprise privée qui avait commencé en 1971 à offrir des services de consultation et à vendre des données personnalisées. Le gouvernement avait imposé des lignes directrices sur les conflits d'intérêts en 1973, obligeant les employés à divulguer tout intérêt qui pourrait vraisemblablement être interprété comme étant en conflit réel ou potentiel avec leurs fonctions. Lorsque Sylvia Ostry fut mise au courant des activités de ces employés en 1974, la GRC fut immédiatement appelée afin d'effectuer une enquête complète sur l'affaire; elle se présenta notamment à la maison d'un employé tôt le matin pour saisir des boîtes de documents. L'enquête révéla que la conduite des employés n'était pas illégale, puisque seules des données accessibles au public avaient été utilisées, mais que la situation constituait un conflit d'intérêts et qu'elle était contraire à l'éthique professionnelle.

L'organisme fut également critiqué pour ses pratiques d'embauche et de promotion relativement aux lignes directrices sur les conflits d'intérêts, le nombre soi-disant élevé de couples mariés faisant sourciller. Ces préoccupations firent couler beaucoup d'encre dans les médias, bien qu'une vérification de la Commission de la fonction publique ne révéla aucune irrégularité. Le ministre responsable de Statistique Canada au moment où cette information fut rendue publique, l'honorable Jean Chrétien, ministre de l'Industrie et du Commerce, demanda à Peter Kirkham d'enquêter sur tous les contrats externes conclus par des employés de Statistique Canada. À la suite des incidents en question, Statistique Canada clarifia et renforça ses règles en matière de conflits d'intérêts en 1978.

Les partis de l'opposition et les médias critiquèrent activement les pratiques de diffusion anticipée de l'organisme ainsi que les pratiques d'embauche utilisées pour le recensement. Bien que les travaux d'élaboration d'une politique de prédiffusion avaient débuté sous Walter Duffett en 1971, un énoncé de politique révisé et renforcé fut publié en 1974 afin d'assurer que les nouvelles statistiques soient mises à la disposition de tous les utilisateurs simultanément, et que toute possibilité de privilège soit donc évitée. La politique énonçait par ailleurs clairement les conditions de la prédiffusion de renseignements. La pratique offrant un accès préalable aux ministres était cependant toujours largement critiquée.

De nos jours, pour ce qui est de l'embauche effectuée pour le recensement, la Loi sur la statistique actuelle permet au ministre de contribuer au recrutement d'intervieweurs sur le terrain, y compris dans le cadre de l'Enquête sur la population active, de l'IPC, des enquêtes-entreprises et des recensements. Le processus était différent à l'époque; lorsque les bureaux régionaux déterminaient qu'ils avaient besoin de nouveaux intervieweurs, ils communiquaient avec le bureau central, qui communiquait à son tour avec le personnel du ministre pour savoir si des candidats précis étaient recommandés. Lorsque le bureau central en recevait la liste du bureau du ministre, il la transmettait au bureau régional, qui communiquait avec chaque personne pour lui faire passer une entrevue et un examen. Il ne s'agissait évidemment pas d'une situation idéale compte tenu du potentiel d'influence politique et de traitement préférentiel. Cette pratique était aussi largement critiquée par les partis de l'opposition, qui y voyaient une façon de distribuer des faveurs aux partisans du parti au pouvoir. Aujourd'hui, le ministre responsable de Statistique Canada détient toujours ce pouvoir, mais il n'est généralement pas exercé.

Changements organisationnels

Créé à l'automne 1976, le Secrétariat du Bureau était chargé de coordonner la correspondance que le bureau du statisticien en chef reçoit et expédie, y compris les documents parlementaires. Il devait documenter les enjeux, élaborer des propositions de politiques pour le Comité de direction et veiller à ce que l'on donne suite aux décisions du Comité. Il offrait aussi au statisticien en chef un soutien en matière de recherche, d'administration et de personnel.

La Division de la vérification des opérations de Statistique Canada fut elle aussi créée en 1976, et les postes y furent d'abord dotés, en vertu d'un contrat, par le Bureau des services de vérification d'Approvisionnements et Services Canada; le personnel de Statistique Canada se joignit à la division 18 mois plus tard. La Division effectuait des vérifications financières et opérationnelles, des études spéciales ainsi que des examens de l'efficience. En 1978-1979, 22 vérifications furent effectuées.

Conversion au système métrique

Statistique Canada était également en pleine conversion au système métrique, ou « métrisation ». En mai 1973, le journal du personnel, SCAN, publia un article au titre inquiétant : [traduction] « Le passage au système de mesure métrique s'en vient, et vous serez touchés ». Le gouvernement fédéral mit alors en œuvre les recommandations de son livre blanc de 1970 sur la conversion au système métrique au Canada. L'article de SCAN présenta des notions élémentaires sur les conversions et traita de certains des défis que devrait relever l'organisme lorsqu'il apporterait les changements nécessaires à ses systèmes et à ses questionnaires. Les travaux préliminaires sur l'incidence de la métrisation furent effectués par la nouvelle Division des normes, créée en 1973, qui était chargée de contrôler les classifications et les concepts de l'organisme. La mise en œuvre pratique du système métrique au sein de l'organisme commença en 1977-1978; la première étape fut la conversion permettant de montrer les quantités en unités métriques dans les publications, et la deuxième fut de fournir une option métrique dans les questionnaires d'enquête pendant un an, avant de convertir les questionnaires de manière à ce que seules les unités métriques soient indiquées.

Conversion du Canada au système métrique

La métrisation du Canada traversa d'abord une période de conversion « douce » au cours de laquelle les quantités furent exprimées à la fois en mesure impériale et en mesure métrique. Les quantités et les spécifications indiquées sur les contenants changèrent, et ce, même pour des articles comme le dentifrice, le shampooing et les produits pharmaceutiques. Le 1er avril 1975, les températures commencèrent à être exprimées en degrés Celsius seulement, et les précipitations furent données en millimètres à compter du 1er septembre 1975. La métrisation eut une incidence sur tout, du transport routier aux hôpitaux, en passant par le commerce des céréales et l'industrie des aliments et des boissons.

La conversion au système métrique au Canada devait produire des avantages importants, notamment dans le domaine du commerce international, car environ 90 % de la population mondiale utilisait le système métrique ou était en voie de l'utiliser à l'époque.

Réorganisation et décentralisation

En 1977, le Secteur du recensement fut combiné à la Direction de la statistique des ménages en vue de créer le Secteur du recensement et des enquêtes-ménages, et la Division du recensement de l'agriculture et la Division de l'agriculture furent transférées vers le Secteur de la statistique des institutions et de l'agriculture. Les Services financiers furent regroupés avec les Opérations de planification, formant la Division des services financiers. En 1978, le Secteur des services statistiques fut démantelé et décentralisé, ce qui permit d'intégrer des experts en méthodologie dans la structure des secteurs spécialisés, l'objectif étant d'améliorer la réactivité et la collaboration. Certains furent quelque peu indignés de cette décision et, en rétrospective, ils avaient raison, l'une des conséquences négatives étant l'arrêt de la recherche et du développement dans le domaine de la méthodologie. Cette détérioration fut plus tard considérée comme un facteur ayant contribué au déclin de l'expertise méthodologique au sein de l'organisme.

Déménagement proposé du bureau régional d'Ottawa

En 1978-1979, le bureau régional d'Ottawa devait être déménagé à North Bay, en Ontario, conformément à la politique de décentralisation du gouvernement, en vertu de laquelle des composantes de ministères ou d'organismes devaient être transférées d'Ottawa vers d'autres régions du Canada. Le personnel du bureau régional se vit offrir la possibilité d'être transféré à North Bay ou d'être considéré pour des nominations par priorité à Statistique Canada à Ottawa ou dans d'autres ministères dans la région d'Ottawa. Le bureau ouvrit officiellement ses portes en 1983 à Sturgeon Falls, en Ontario, à environ une demi-heure à l'ouest de North Bay.

La protection des renseignements personnels

Lorsque les ordinateurs devinrent des outils omniprésents et puissants à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la protection des renseignements personnels suscita de plus en plus de préoccupations. Conformément aux recommandations d'un groupe de travail du gouvernement fédéral sur la protection des renseignements personnels et les ordinateurs, la Loi canadienne sur les droits de la personne, promulguée en 1977-1978, contenait des dispositions sur la protection des données qui tenaient compte de la prolifération des fichiers de renseignements personnels. La Loi accorda aux individus un droit d'accès aux renseignements personnels les concernant que détenaient les banques de données fédérales. En vertu de la Loi, un index de toutes les banques de données fédérales contenant des dossiers administratifs dut être publié chaque année. Celui-ci devait dresser une liste du contenu de la banque et des utilisations des données. La Loi prévit un rôle pour Statistique Canada dans l'examen coordonné des banques de données gouvernementales existantes. Le Secrétariat de l'activité statistique fédérale, créé en 1978 à Statistique Canada, assuma le rôle de coordination des banques de données. Il s'agissait d'une nouvelle sous-section relevant du statisticien en chef et regroupant le personnel de la Division de la coordination des enquêtes spéciales affecté à la règle des 10 ainsi que le personnel de la Division des normes affecté au centre d'information. Le Secrétariat fit office de centre de coordination pour les grandes questions transversales qui touchaient tous les participants du gouvernement fédéral au système statistique. Le personnel du Secrétariat, agissant au nom du Secrétariat du Conseil du Trésor, examinait les propositions relatives aux banques de données statistiques, préparait des documents sur les dossiers de renseignements détenus par les banques fédérales et d'autres ministères, et créait et tenait à jour des centres d'information et des inventaires de données. En 1978, le Secrétariat participa à l'élaboration d'un plan directeur pour le système statistique fédéral.

Jalons importants du programme statistique

Statistique Canada continua de réaliser des progrès au chapitre des données administratives, y compris dans le domaine de l'agriculture. En janvier 1976, la production agricole de lait fut calculée à partir des données fournies par les offices provinciaux de commercialisation du lait, et les estimations d'oiseaux pondeurs dans les troupeaux de volaille furent produites à partir de renseignements sur le nombre de pondeuses composant les troupeaux enregistrés auprès de l'Office canadien de commercialisation des œufs, les troupeaux d'approvisionnement des couvoirs inspectés par Agriculture Canada et les troupeaux non réglementés répertoriés dans le cadre des enquêtes de la division. En 1977-1978, une fonction d'analyse de données fut créée au sein de la division, accordant ainsi une plus grande importance à la création de bases de données analytiques, y compris une base de données couplée du recensement et de l'agriculture.

Une nouvelle enquête sur l'activité aéroportuaire fut lancée en 1976-1977, couvrant en détail tous les vols intérieurs et internationaux réguliers exploités au Canada. La taxe canadienne de sécurité dans les aéroports, qui rapportait 4 millions de dollars de recettes par année, fut d'ailleurs perçue en fonction du nombre de passagers transportés mesuré par l'enquête. Cette dernière portait sur 50 grands aéroports, et les résultats étaient publiés tous les trimestres et tous les ans. De plus, un groupe de travail interministériel, auquel participaient des agents des douanes et des représentants de l'office du tourisme, se réunissait régulièrement en 1976-1977 pour explorer d'autres méthodes peu coûteuses permettant d'améliorer les taux de réponse et la fiabilité des enquêtes sur les voyages internationaux.

Dans le domaine de la justice, une enquête sur les utilisateurs et les propriétaires d'armes à feu parrainée par le ministère du Solliciteur général fut réalisée en 1976-1977 comme complément à l'Enquête sur la population active, et ses résultats servirent à planifier la législation sur le contrôle des armes à feu. Ce fut aussi l'année où furent menées une étude spéciale sur les jeunes délinquants transférés aux tribunaux pour adultes ainsi qu'une enquête-échantillon nationale sur les jeunes ayant des démêlés avec la justice. L'objectif de ces enquêtes était d'aider le ministère du Solliciteur général à planifier une nouvelle loi sur la délinquance juvénile. En avril 1978, le Groupe national de travail sur l'information et la statistique judiciaires fut constitué. Celui-ci était financé conjointement par Statistique Canada, le ministère du Solliciteur général et le ministère de la Justice. Au cours de sa première année d'existence, le groupe de travail réalisa une étude approfondie sur les systèmes d'information juridique fédéraux et provinciaux, et il approuva un plan de travail fédéral-provincial.

En 1976-1977, CANSIM put fournir des données sous forme de copies papier et sous forme lisible par machine par l'entremise d'un réseau téléphonique national géré par 12 distributeurs secondaires. Une capacité transversale fut ajoutée à CANSIM, ce qui permit l'intégration de données sociales. Les premières données entrées dans cette nouvelle base furent celles de la Division de la santé et de la Division de la justice. En 1979, une nouvelle Division CANSIM fut créée dans le Secteur des services de diffusion et de promotion afin que les activités de diffusion soient regroupées. La distribution des publications ainsi que certains employés affectés au recensement furent également transférés aux Services de l'assistance-utilisateurs du secteur.

La Division des opérations régionales, responsable de la collecte sur le terrain, gérait les huit bureaux régionaux et participait activement en 1975 à la réalisation en parallèle de l'Enquête sur la population active existante et révisée. La Division acheva par ailleurs à l'époque une très grande enquête spéciale dans le cadre de laquelle elle interviewa 75 000 ménages dans 23 villes sur une période de deux mois. Il s'agissait de l'Enquête sur les logements, menée pour le compte de la Société centrale d'hypothèques et de logement (SCHL); à l'époque, il s'agissait de l'une des plus grandes enquêtes gérées par la Division de la coordination des enquêtes spéciales. L'enquête pilote fut menée à Toronto et à Hull, après quoi la SCHL demanda des renseignements additionnels sur les dimensions des pièces. S'ensuivit un « mini-projet pilote », qui permit d'évaluer les méthodes possibles d'obtention de ces renseignements. Il s'avéra que la meilleure méthode fut de simplement laisser un ruban à mesurer à chaque répondant et de le rappeler quelques jours plus tard!

L'année 1976 marqua également la mise en œuvre d'un programme de la statistique de la culture, qui fut organisé en collaboration avec le secrétariat d'État. En 1978-1979, le programme fut élargi en vue de couvrir l'industrie du disque, les peintres et les sculpteurs, ainsi que les dépenses du gouvernement en matière de culture.

En 1976-1977, le remaniement du programme d'emploi et de rémunération fondé sur les établissements représentait un important projet. Un comité interministériel procéda à un examen et formula des recommandations relativement au contenu du programme. L'année suivante, la fréquence de la collecte des données fit l'objet de discussions avec les provinces. La nouvelle enquête proposée comprenait des renseignements provenant à la fois de sources de données administratives et d'enquêtes, et sa faisabilité fut mise à l'essai sur une période de deux ans. On prévoyait que le système révisé d'enquêtes serait opérationnel en 1981.

L'Enquête sur les postes vacants, qui était essentiellement une enquête parallèle à l'Enquête sur la population active, mais qui portait sur la demande du marché du travail, fit également l'objet d'un examen exhaustif auquel participèrent les principaux utilisateurs, dont le ministère fédéral de la Main-d'œuvre et de l'Immigration ainsi que les gouvernements provinciaux. Il s'agissait d'une enquête postale visant quelque 90 000 sociétés ou subdivisions déclarantes chaque mois. Même si l'examen devait être terminé à la fin de 1979, on y mit fin dans le cadre des réductions budgétaires.

La Conférence des sous-ministres de la Santé entreprit en 1977-1978 un examen important des statistiques de la santé, qui donna lieu à la création d'un comité spécial d'information sur la santé chargé d'examiner et de recommander des modifications aux systèmes d'information sur la santé. Le comité mit l'accent sur trois sous-groupes : les hôpitaux, les autres établissements et les soins primaires. En 1978-1979, le Programme de la statistique de la santé changea considérablement, en grande partie en raison des compressions budgétaires. La division créa une section de recherche et d'analyse chargée d'approfondir le travail d'analyse et assuma la responsabilité de l'analyse des statistiques de la sécurité sociale.

Professionnalisme au travail

Au milieu des scandales, qui amenèrent la presse à réagir rapidement à la moindre nouvelle relative à Statistique Canada, l'organisme continua de mettre l'accent sur le contrôle de la qualité. En 1976, Stewart Wells, alors directeur général de la Direction des comptes nationaux (courants), craignit que les données sur le revenu du travail et les dépenses de consommation alimentant les comptes nationaux soient incomplètes, car de nouvelles enquêtes sur le commerce de détail révélèrent certaines inexactitudes dans les données historiques sur le commerce de détail, qui avaient entraîné une sous-déclaration des dépenses de consommation. Des révisions à la hausse marquées durent donc être apportées aux estimations du produit national brut (PNB) pour les années 1971 à 1974. Parallèlement, la Division du travail découvrit des écarts entre son calcul du revenu du travail et le total de contrôle obtenu des données fiscales, écarts attribuables au fait que certaines nouvelles entreprises étaient passées entre les mailles du filet lorsque la responsabilité de déclarer les nouvelles entreprises à l'organisme fut transférée en 1972 de la Commission de l'assurance-chômage au ministère du Revenu national. Le revenu du travail fut donc lui aussi sous-déclaré dans le PNB. Dans une note de service adressée à son statisticien en chef adjoint de l'époque, Guy Leclerc, Stewart Wells avança l'hypothèse que ces importantes révisions à la hausse se répercuteraient sur d'autres indicateurs économiques. La note de service fit l'objet d'une fuite dans la presse, ce qui suscita un autre tollé au Parlement, tollé rapidement apaisé par le ministre Jean Chrétien, qui produisit une note technique expliquant le processus d'établissement du PNB. Il assura à la Chambre que l'organisme était en train de rationaliser l'Enquête sur le commerce de détail et qu'il participait à des négociations avec le ministère du Revenu national en vue d'améliorer la déclaration des données. Essentiellement, ce qui se passait découlait en grande partie de l'avènement de nouvelles technologies. L'informatisation permit la confrontation et la validation au microniveau de données tirées de diverses sources, ce qui permit de révéler des incohérences importantes.

Le Programme du recensement de 1976

Le Recensement de la population de 1976 fut réalisé le 1er juin 1976. Il comportait de nouvelles questions sur l'éducation et l'activité sur le marché du travail, même si, en tant que recensement de mi-décennie, il comportait moins de questions que les recensements décennaux. Ce fut le dernier recensement de mi-décennie à être un « mini-recensement », les recensements subséquents demeurant relativement de la même taille. Le taux d'échantillonnage pour le questionnaire détaillé du recensement demeura à un pour trois, bien que le recensement suivant, celui de 1981, vit un retour à un pour cinq. La Division des opérations régionales chapeautait huit bureaux régionaux du recensement, qui comptaient environ 35 000 employés temporaires effectuant la collecte et le traitement des données. À la fin des années 1970, le Secteur du recensement connut une croissance très rapide. Certains estimaient qu'il devenait de plus en plus autonome, car il disposait de ses propres capacités de diffusion ainsi que de ses propres spécialistes dans des domaines chevauchant le programme de la statistique sociale. Le Secteur fut finalement réintégré aux opérations générales de l'organisme par la création du nouveau Secteur du recensement et des enquêtes-ménages.

En 1979, on réunit le personnel de la Division de la diffusion des données du recensement et celui des Services de l'assistance-utilisateurs du Secteur des services de diffusion et de promotion, ce qui fournit un point de contact central aux utilisateurs des données. La bibliothèque du recensement, une bibliothèque secondaire desservant le personnel du recensement à un endroit différent, fut par ailleurs fermée; sa collection et le bibliothécaire du recensement furent alors intégrés à la bibliothèque principale.

Un recenseur du Recensement de l'agriculture de 1971
Peter Kirkham participe à une activité organisée dans le cadre de la campagne Centraide de 1979

La scène internationale

L'année 1976 vit la création de la Division des relations internationales, qui permit de consolider les activités statistiques internationales continues de l'organisme, y compris la fourniture de données canadiennes aux organisations internationales ainsi que la participation à l'élaboration de normes statistiques internationales et de futurs programmes de travail. L'organisme poursuivit par ailleurs son travail de collaboration bilatérale avec les organismes statistiques de certains pays. En 1974, le Canada devint officiellement membre de la Conférence des statisticiens européens, un organe subsidiaire de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, même si Statistique Canada participait officieusement aux travaux de la Conférence depuis le milieu des années 1960. Au fil des ans, l'organisme joua un rôle de fournisseur de données et contribua à l'amélioration de la qualité et de la comparabilité des statistiques à l'échelle internationale.

Restrictions budgétaires dans l'ensemble du gouvernement

Si le début des années 1970 fut difficile pour l'organisme, la fin de la décennie fut encore plus troublante. Les années 1977 et 1978 furent marquées par d'importantes compressions budgétaires, la seule directive donnée étant de « préserver les séries économiques nationales essentielles ». Ce fut en réalité une période de restrictions budgétaires dans l'ensemble du gouvernement. L'un des grands paradoxes d'un organisme statistique, c'est que lorsque les gouvernements cherchent à être plus efficaces en examinant et en mesurant rigoureusement les résultats de leurs programmes, ils ont besoin d'une plus grande quantité de données, y compris de données nouvelles. Toutefois, Statistique Canada étant également touché par les restrictions budgétaires, il dut donc chercher des moyens de répondre à des demandes nouvelles et croissantes avec moins de ressources.

À la suite des compressions budgétaires, le budget de l'organisme fut réduit de 16,4 millions de dollars, et 825 postes furent supprimés. Par rapport à 1974-1975, l'organisme comptait alors environ 1 200 personnes de moins, ce qui représente une réduction de plus de 20 % de l'effectif. Dans son édition du 2 novembre 1978, Le Quotidien de Statistique Canada publia une liste de 95 publications devant être abandonnées avant la fin de l'exercice 1978-1979 et de 28 autres devant être modifiées ou réduites, dont bon nombre dans les domaines de l'agriculture, de la fabrication, de l'énergie, de l'éducation et de la santé. Parmi les victimes des compressions budgétaires, mentionnons l'Enquête sur la profession des salariés et l'Enquête sur les postes vacants, ainsi que la nouvelle Enquête santé Canada, qui devait permettre à l'organisme d'évaluer la santé des Canadiens en ayant recours à des intervieweurs pour recueillir des données sur la santé ainsi qu'à des ambulanciers paramédicaux pour effectuer des examens cliniques. En vue de réduire les coûts de l'organisme, l'Annuaire du Canada, Le Canada et Statistiques de la culture au Canada furent publiés aux deux ans plutôt qu'à chaque année, et les prix des publications de l'organisme augmentèrent considérablement.

En imposant un gel du recrutement externe, en s'efforçant de pourvoir les postes vacants avec les employés excédentaires ainsi qu'en comptant sur l'attrition normale et certains départs accélérés à la retraite, l'organisme ne mit à pied que 59 employés après le 31 mars 1979. En fait, une équipe de réaffectation relevant des ressources humaines fut chargée d'aider tous les employés touchés à se trouver un autre emploi. L'équipe publia même, dans le bulletin du personnel, un article dans lequel elle demanda aux employés d'utiliser leurs relations dans le secteur privé afin de vérifier si celles-ci étaient à la recherche d'employés professionnels ou de bureau.

À l'époque, il y avait encore peu de mouvement entre les différents secteurs de Statistique Canada. Par conséquent, les employés devenaient experts dans un domaine particulier, et avaient ainsi peu d'occasions d'accroître leurs compétences, d'entreprendre de nouveaux projets et, surtout, de comprendre les enjeux auxquels les autres étaient confrontés. Non seulement l'organisme était-il relativement isolé du monde extérieur, mais les divisions qui le composaient étaient également isolées les unes des autres. En réalité, les employés qui passaient d'une division à une autre pour faire progresser leur carrière avaient tendance à être perçus comme déloyaux, non seulement par leurs collègues, mais aussi par les cadres supérieurs. Il est donc compréhensible qu'en période d'austérité, les employés se sentent exceptionnellement vulnérables et qu'ils craignent de perdre leur emploi si les compressions budgétaires touchent leur propre secteur de programme.

Dans le cadre de la planification de contraintes budgétaires permanentes, l'organisme produisit en 1978 un document de planification intitulé « Statistique Canada — les prochains cinq ans », qui fut rendu public. Rappelons que des plans à moyen terme avaient été recommandés par le groupe de travail de Sylvia Ostry au début des années 1970. Le document de planification représentait essentiellement le premier plan stratégique officiel établi par l'organisme, et il prévoyait quatre grandes orientations : l'amélioration des services aux utilisateurs, la réduction du fardeau de réponse, l'amélioration de l'efficacité ainsi que le leadership et la coordination en matière de statistiques. Au chapitre du leadership et de la coordination, une bonne partie du travail de production n'ayant pas besoin d'être effectué par un organisme statistique central fut dévolue à d'autres parties du système. Il semble par exemple que des organisations de l'industrie et d'autres groupes touchés par les compressions de programmes aient été disposés à poursuivre les enquêtes eux-mêmes ou à financer l'organisme pour qu'il fasse le travail en leur nom. L'élaboration du plan sur cinq ans fut coordonnée par la Direction de la politique, de la planification et de l'évaluation. Bien que les plans sur cinq ans permirent probablement d'organiser les pensées, il s'avéra qu'ils n'étaient pas axés sur les résultats réels à long terme, étant donné que les mécanismes nécessaires à leur exécution étaient absents.

L'Enquête santé Canada

En 1976, la composante des mesures physiques de la nouvelle et éphémère Enquête santé Canada fut mise à l'essai auprès de 260 ménages à Peterborough, en Ontario; ce fut le prélude du lancement de l'enquête de 1978. Après que les participants eurent monté et descendu un escalier pendant trois minutes, un intervieweur de Statistique Canada et une infirmière du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social mesurèrent leur taille, leur poids, leur pli cutané, leur tension artérielle et leur pouls. Ils effectuèrent également une analyse sanguine afin de vérifier leurs taux d'immunisation à certaines maladies, leur cholestérol et les traces de certains métaux. Pendant une période de trois semaines, les équipes d'intervieweurs apportèrent dans chaque ménage un escalier portatif et trois valises remplies de matériel. L'Enquête santé Canada, menée conjointement par Statistique Canada et le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, permit de recueillir des données sur la santé des Canadiens et sur les risques pour la santé auxquels ils s'exposaient délibérément.

Une atmosphère négative

La couverture négative continue des médias, les critiques à la Chambre des communes, les compressions budgétaires et la perspective que l'organisme ne répondait pas aux besoins de ses clients contribuèrent à la création d'un climat relativement toxique au sein de l'organisme. Les critiques à l'égard des problèmes firent place aux critiques à l'égard des personnes. Un bouleversement organisationnel important semblait par ailleurs se dessiner, comme quoi l'organisme pourrait être divisé en deux, les statistiques sociales et les statistiques économiques devenant deux entités presque entièrement séparées. Les tensions interpersonnelles s'intensifièrent, et l'époque fut décrite comme une ère de « guerre intestine ». En raison de l'atmosphère négative qui régnait au sein de Statistique Canada, la situation devint intenable pour bien des employés, et bon nombre d'entre eux quittèrent même l'organisme. En juin 1978, Ivan Fellegi prit un congé d'un an pour participer à un groupe de travail chargé d'examiner le système statistique fédéral américain. C'est seulement lorsque Peter Kirkham lui demanda de revenir pour assumer la responsabilité du Recensement de 1981 qu'il se sentit moralement obligé de revenir. Ivan Fellegi reçut par la suite un certificat d'appréciation du président américain Jimmy Carter pour le travail qu'il avait accompli dans le cadre du projet de réorganisation du système fédéral de la statistique du Président. Gordon Brackstone (qui devint plus tard statisticien en chef adjoint) quitta l'organisme afin de travailler pour l'organisme statistique de la Colombie-Britannique, et Jacob Ryten (qui devint également plus tard statisticien en chef adjoint) partit travailler pour les Nations Unies, pour lesquelles il dirigea un projet en Équateur. Ivan Fellegi, Gordon Brackstone et Jacob Ryten finirent par revenir à Statistique Canada afin d'occuper des postes supérieurs.

Un examen complet et constructif

En 1979, l'organisme fut de nouveau accusé de « trafiquer » les chiffres sur le revenu du travail et de dépenser de l'argent pour des projets soi-disant « futiles ». Ces accusations firent suite à la fuite d'une autre note de service interne, rédigée par un gestionnaire qui refusait d'être interviewé pour un poste de directeur de division parce qu'il estimait que deux collègues tout aussi qualifiés avaient été écartés du processus. Sa note à Peter Kirkham se solda par une longue critique de l'organisme et de ses dirigeants. Plus tard la même année, Statistique Canada fut également accusé de reporter la publication des données révisées sur le commerce des marchandises pour éviter qu'elle ne coïncide avec les élections générales de mai 1979, ce qui, selon la presse, avantagerait le gouvernement libéral.

En juin 1979, le Parti progressiste-conservateur fut porté au pouvoir, et l'honorable Sinclair Stevens, le critique le plus persistant de Statistique Canada à la Chambre des communes pendant le mandat du gouvernement libéral précédent, se vit confier la responsabilité de l'organisme. En décembre 1979, le ministre Sinclair Stevens commanda un certain nombre d'enquêtes sur les activités de Statistique Canada. Il déclara à l'époque que bon nombre des problèmes présumés semblaient être attribuables aux relations humaines et aux attitudes et non à la méthodologie, mais qu'un [traduction] « examen complet et constructif est maintenant nécessaire afin que les utilisateurs puissent continuer à avoir confiance dans les produits de l'organisme, qui sont essentiels à un si grand nombre de programmes et de décisions partout au Canada ». Il annonça qu'un examen de la gestion et des communications serait effectué par Price Waterhouse, qu'un examen professionnel de la méthodologie utilisée pour la production de certaines séries statistiques principales serait réalisé sous la direction de Sir Claus Moser, et qu'une enquête sur les allégations de malversation (soit que l'organisme « trafique les chiffres » et « gaspille de l'argent pour des projets inutiles ») serait effectuée par l'avocat d'Ottawa Peter Newcombe.

Dans le cadre de son étude, Price Waterhouse effectua 120 entrevues, y compris avec des gestionnaires de l'organisme, des représentants syndicaux, des représentants des organismes centraux, des spécialistes des prévisions économiques et d'autres importants utilisateurs de données des secteurs public et privé. Il examina également un certain nombre d'autres études internes, des manuels de politiques et de procédures, des coupures de presse, des publications et des mémoires particuliers. L'étude conclut que l'organisme connaissait de graves problèmes en matière de gestion interne et de communications externes, et elle formula un certain nombre de recommandations en vue de rétablir le moral des employés et de restaurer le respect du public. L'une des recommandations importantes de l'étude fut la création d'un Conseil national de la statistique se fondant sur un modèle semblable à celui du Conseil économique du Canada. Il fallut un certain nombre d'années avant que l'on commence à donner suite à la recommandation.

Si l'examen Moser fut réalisé, c'est parce qu'Ivan Fellegi indiqua à Peter Kirkham qu'un examen professionnel additionnel devrait être effectué puisque les critiques du public ciblaient également la réputation professionnelle de l'organisme. Ivan Fellegi formula par ailleurs des recommandations relativement aux membres qui devraient composer l'équipe d'examen. Sir Claus Moser était un ancien directeur extrêmement respecté du Government Statistical Service (Service statistique gouvernemental) du Royaume-Uni. Il obtint l'aide d'une équipe d'experts américains des domaines des comptes nationaux, de l'IPC, de la statistique du travail et de l'assurance de la qualité. Sir Claus Moser dut terminer son étude dans un délai de deux mois, et le rapport fut publié en mars 1980. Son équipe rencontra des membres de l'organisme, des ministres et des fonctionnaires de l'extérieur de l'organisme ainsi que d'importants utilisateurs de données, et elle examina la documentation, les communications et les articles des médias. Le ministre responsable de Statistique Canada à l'époque, Don Johnston, conclut que l'équipe de Sir Claus Moser [traduction] « n'a trouvé aucune preuve d'un manque d'intégrité ou d'impartialité, a dans l'ensemble été impressionné par le degré élevé de qualité des données produites par Statistique Canada, et a jugé que les critiques du public relativement à la méthodologie étaient en grande partie non fondées ou exagérées ». Bien que l'examen Moser releva certaines lacunes et certains besoins de perfectionnement, ces derniers n'étaient pas disproportionnés par rapport à ceux d'autres organismes statistiques nationaux dans le monde. En réalité, le plus préoccupant à l'époque fut ce que Sir Claus Moser appela un déclin de « l'expertise méthodologique » au sein de l'organisme, y compris le départ d'employés essentiels, la « disparition d'une préoccupation centrale pour la méthodologie », et l'érosion du rôle des comptes nationaux comme instrument d'intégration des données économiques.

De plus, le rapport mentionna l'utilisation de l'organisme comme « ballon politique » et indiqua que Statistique Canada devrait pouvoir compter sur un plus grand soutien ministériel et sur un contexte gouvernemental et public plus encourageant. Cette observation allait de pair avec une recommandation formulée dans l'étude de Price Waterhouse, selon laquelle l'organisme devrait être plus convaincant dans ses relations avec les médias et le Parlement. Le rapport indiqua que la politique sous-jacente de l'organisme avait été de se dérober aux critiques soulevées dans les médias et au Parlement en espérant que les attaques cessent. Une telle « position attentiste » avait toutefois probablement encouragé les critiques plus qu'elle ne les avait dissuadées. Les critiques avaient encouragé d'autres critiques et, en l'absence d'une réponse efficace, elles avaient nui au moral des employés. Sir Claus Moser recommanda que l'on réfute les critiques non fondées et que l'on dévoile les mesures prises pour régler les problèmes. Dans son rapport, il recommanda également la création d'un Conseil national de la statistique, mais dont le rôle différerait légèrement de celui proposé dans le rapport de Price Waterhouse. Le rapport de Sir Claus Moser recommanda qu'un tel conseil n'établisse pas de priorités, précisant qu'une telle tâche revenait à Statistique Canada, mais qu'il donne une voix aux communautés d'utilisateurs, permette à l'organisme de discuter des enjeux avec un groupe de personnes de haut niveau intéressées par les statistiques et fasse office de forum protecteur. Sir Claus Moser était d'accord avec le rapport de Price Waterhouse sur le fait qu'un groupe de travail devrait étudier la question et formuler des propositions relativement à un Conseil national de la statistique.

En vertu de la Loi sur les enquêtes, le gouvernement nomma l'avocat Peter Newcombe pour qu'il enquête sur les plaintes de conduite illégale et de négligence visant des fonctionnaires de l'organisme. Peter Newcombe disposa lui aussi de deux mois pour produire son rapport. Il publia dans les journaux d'Ottawa des annonces demandant aux parties intéressées ayant des motifs de plainte de présenter leurs preuves par écrit, et il tint des audiences privées. Son enquête ne révéla aucune preuve d'inconduite, de geste illégal ou de négligence de la part de l'organisme ou de ses employés, bien que le rapport ne fut pas rendu public étant donné qu'il contenait des références personnelles.

Peter Kirkham quitte l'organisme

La fête d'adieu du statisticien en chef, Peter Kirkham, 1980

Peter Kirkham annonça sa démission de Statistique Canada au début de l'année 1980, et il devint vice-président principal et économiste en chef de la Banque de Montréal le 1er avril. Larry Fry, sous-ministre des Approvisionnements et Services, se vit confier en avril 1980 les responsabilités additionnelles de statisticien en chef par intérim jusqu'à ce que le poste puisse être pourvu à temps plein. Il conserva son titre de sous-ministre des Approvisionnements et Services, tout en se déplaçant à Statistique Canada quelques fois par semaine. Larry Fry siégea également au comité de recrutement chargé de trouver le prochain statisticien en chef. Pendant son court mandat, d'avril à décembre 1980, il commença à superviser la mise en œuvre de bon nombre des recommandations formulées par les consultants externes. De plus, il retint les services d'une société professionnelle d'experts-conseils afin qu'elle sonde le personnel sur divers sujets de préoccupation, comme les communications internes et les pratiques de supervision et de planification du travail, et qu'elle puisse ainsi déterminer les points à améliorer et les mesures correctives à prendre. Larry Fry mit en place un système permettant d'améliorer les communications internes et encouragea les employés à lui communiquer directement leurs suggestions et leurs plaintes en toute confidentialité.

À l'automne 1980, une nouvelle politique de responsabilisation de gestion fut mise en œuvre à Statistique Canada, faisant suite aux travaux d'un groupe de travail visant l'amélioration des pratiques et des contrôles de gestion. Le groupe de travail travaillait sur les recommandations formulées dans une étude sur Statistique Canada effectuée par le Bureau du contrôleur général dans le but d'élaborer des politiques, des lignes directrices et des directives en matière de planification stratégique, de planification et de contrôle opérationnels, de systèmes d'information de gestion et d'information financière, de vérification interne, d'évaluation et de formation en gestion. Le groupe de travail se pencha également sur les recommandations de l'étude de Price Waterhouse qui portaient sur ces activités. La politique de responsabilisation de gestion établissait que chaque employé devrait rendre compte à une personne clairement désignée pour chacune de ses fonctions et responsabilités. Elle prévoyait également un processus d'établissement des objectifs, d'attribution des responsabilités, de présentation des rapports d'avancement ainsi que d'examen des résultats. De plus, les divisions ayant des responsabilités interdépendantes pour des projets durent conclure des ententes contractuelles précisant les quantités, les caractéristiques, les coûts et les calendriers de réalisation.

La fin d'une époque

Les années 1970 touchèrent à leur fin, et furent décrites comme une époque de « survie ». D'une certaine façon, cette décennie fut une suite de changements technologiques radicaux, de compressions budgétaires sans précédent, d'instabilité organisationnelle et de réduction de l'importance accordée à la recherche et au développement, ce qui entraîna une mauvaise presse et un moral bas. En réalité, si quelqu'un avait dit à la fin des années 1970 qu'en l'espace de deux décennies Statistique Canada serait reconnu comme l'un des meilleurs organismes statistiques au monde, il y a fort à parier que personne ne l'aurait cru.

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