Rapports sur la santé
Analyse des tendances de la prévalence de la consommation de cannabis et des mesures connexes au Canada

par Michelle Rotermann

Date de diffusion : le 19 juin 2019

DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x201900600001-fra

Le cannabis est une des drogues les plus consommées au Canada, alors que près de la moitié des Canadiens âgés de 15 ans ou plus ont déclaré l’avoir essayéNote 1.

Alors que le cannabis peut être consommé à diverses fins médicalesNote 2Note 3, sa consommation, particulièrement une consommation régulière ou intense, une consommation dès un jeune âge ou pendant l’adolescence est liée à une variété de préjudices tant pour les consommateursNote 4Note 5Note 6Note 7que pour les autresNote 8Note 9Note 10.

Le 17 octobre 2018, le Canada est devenu le deuxième pays au monde à légaliser la consommation de cannabis chez les adultes à des fins non médicalesNote 11. De plus, les politiques légalisant la consommation de cannabis à des fins non médicales ou médicales sont de plus en plus courantes dans le monde, y compris dans de nombreux états américainsNote 12.

Les répercussions de la légalisation de la consommation de cannabis au Canada sont encore incertaines – en partie, parce que la Loi sur le cannabis est en vigueur depuis moins d’un an. Également, le cadre de la légalisation au CanadaNote 11 avec un accès régional varié, différents modèles de vente au détail provinciaux et territoriaux, des limites d’activité et de types de produits rend les comparaisons avec les autres secteurs de compétence difficilesNote 13.

Les données sur la consommation de cannabis ont toujours été importantes afin d’observer les tendances et de déterminer les sous-populations à risque. La Loi sur le cannabis a élargi l’intérêt pour les renseignements liés au cannabis.

Il est de plus en plus reconnu que l’information à propos de la prévalence de consommation de cannabis, bien que nécessaire, ne suffit pas pour observer toute la portée des répercussions de la légalisationNote 14Note 15Note 16. La plus récente littérature donne à penser que la quantité pourrait être un meilleur facteur de prédiction des préjudices liés au cannabis que la fréquenceNote 14Note 15 et on en sait très peu sur les produits de cannabis qui sont consommés actuellement. La légalisation a également des répercussions sur la disponibilité du produitNote 17, sur la manière de consommer le cannabis ou sur les préférences de produit, qui peuvent à leur tour avoir des répercussions pour la santé, l’utilisation des services de soins de santé, les revenus et le crimeNote 14Note 18Note 19.

Heureusement, le Canada dispose d’un grand nombre de sources de données permettant de faire un suivi des changements possibles d’habitudes de consommation de cannabis, y compris des enquêtes établies comme l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues (ECTAD)Note 20 et la plus récente enquête–l’Enquête nationale sur le cannabis (ENC)Note 21.

Cette étude comporte deux objectifs principaux. Premièrement, mettre à jour les tendances à long terme (historiques) préalablement établies en matière de prévalence de consommation de cannabis sur 12 mois, dans l’ensemble et selon certaines covariables pour la période allant de 2004 à 2017. Deuxièmement, examiner la consommation de cannabis et les comportements connexes (prévalence sur trois mois, consommation tous les jours ou presque (TJP), nombres et types de produits de cannabis et quantités de cannabis séché (fleurs ou feuilles)) en utilisant les données de l’ENC recueillies aux trois mois depuis le début de 2018 jusqu’en 2019.

Source de données

Prévalence de consommation de cannabis (sur 12 mois)

Les données sont tirées de l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada (ESUTC) annuelle transversale de 2004 à 2012 et de l’ECTAD de 2013, 2015 et 2017, qui fournit des estimations sur le tabac, le cannabis, l’alcool (ECTAD seulement) et d’autres drogues (ECTAD seulement)Note 20. Les enquêtes ont été menées par interviews téléphoniques assistées par ordinateur (ITAO) par Statistique Canada et commanditées par Santé Canada.

Les populations cibles de l’ESUTC/ECTAD étaient composées de la population à domicile âgée de 15 ans et plus dans toutes les provinces. Ces enquêtes sont à participation volontaire et les données sont recueillies sur 11 mois. Tailles des échantillons de l’ESUTC : 19 822 à 21 976 et elles correspondent aux taux de réponse suivants : 73,8 % à 83,5 %. Tailles des échantillons de l’ECTAD : 14 565 à 16 349 et avaient des taux de réponse de 35,7 % à 63,1 %. Les deux excluaient les résidents des territoires, les résidents à temps plein des institutions, les itinérants et les personnes incapables d’avoir une conversation en anglais ou en français.

Des recherches antérieures ont établi la compatibilité de l’ESUTC et de l’ECTAD aux fins d’analyse des tendances et ont noté que les deux enquêtes n’en constituent essentiellement qu’une seule et partagent bon nombre de questions et de concepts, méthodologies et caractéristiques de collecteNote 22.

Prévalence de consommation de cannabis (sur 3 mois), tous les jours ou presque, et autre

Les données de l’ENC volontaire transversale sont recueillies aux trois mois (trimestriellement) depuis février 2018Note 21. L’objectif principal est d’observer les changements d’habitudes liées au cannabis au cours des périodes précédant et suivant immédiatement la légalisation du cannabis à des fins non médicales.

L’enquête fait appel à un questionnaire électronique (QE) sur Internet. La majorité des répondants (61 %) ont rempli le questionnaire de l’enquête sans aide, en utilisant le code d’accès sécurisé envoyé par la poste. Les répondants qui n’avaient pas rempli le questionnaire d’enquête au bout de la troisième semaine de collecte sont joints par téléphone afin de leur demander de participer avec l’aide d’un intervieweur formé qui lit les questions et enregistre les réponses dans l’application du QE.

La population cible de l’ENC est la même que celle de l’ESUTC/ECTAD. À l’exception du trimestre 2 (T2) où les répondants des capitales des territoires ont été inclus. Les échantillons de l’ENC comportaient en moyenne 5 811 répondants (excluant les 1 217 résidents des territoires du T2) avec des taux de réponse de 51 % (qui dépassent les taux de réponse à l’ECTAD de 2017 (35,7 %) et de 2015 (48,3 %).

Définitions

Prévalence de consommation de cannabis, consommation tous les jours ou presque, produits et quantités de cannabis séché (fleurs/feuilles)

La consommation de cannabis (marijuana) au cours de l’année précédente se fondait sur les réponses fournies aux questions oui ou non suivantes de l’ESUTC/ECTAD : « Au cours des 12 derniers mois, en avez-vous consommé? » et « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous consommé de la marijuana? »

La consommation de cannabis au cours des trois derniers mois et TJP se fondait sur les réponses fournies à la question suivante de l’ENC : « Au cours des trois derniers mois, à quelle fréquence avez-vous consommé du cannabis? » Les répondants qui ont indiqué une fréquence (p. ex., une fois/deux fois, tous les mois, toutes les semaines ou tous les jours ou presque) ont été jugés en avoir consommé; les personnes ayant indiqué « pas au cours des trois derniers mois », non.

Les consommateurs au cours des trois derniers mois (ENC) ont par la suite été classés selon leur fréquence de consommation : TJP ou pas TJP.

La consommation des 8 différents produits de cannabis : séché (fleur/feuille), cartouches d’huile/vapoteurs, hachisch/kief, concentrés liquides, concentrés solides, comestible, autres liquides, autres (non précisé) se fondait sur la sélection d’une quantité ou d’une unité associée à chaque produit. On a demandé à tous les répondants ayant déclaré avoir consommé du cannabis s’ils avaient consommé chacun des produits et d’indiquer les quantités – en utilisant une combinaison d’unités (p. ex., grammes) et de nombre d’unités (p. ex., 1).

Les consommateurs de cannabis étaient jugés avoir consommé un produit en autant qu’une quantité valide ou une unité valide avait été sélectionnée. Le choix de cette définition garantissait que pratiquement tous les répondants ayant déclaré avoir consommé du cannabis avaient sélectionné au moins un produit. Les cent répondants qui n’avaient sélectionné aucune unité ni aucune unité de mesure ont été rejetés. Le nombre de produits du cannabis (codé 1, 2 ou 3 ou plus) a ensuite été calculé pour chacun des répondants.

Le nombre d’enregistrements pour lesquels il manquait une unité ou une quantité a été de 8 % (non pondéré) pour le cannabis séché (fleur/feuille) et en moyenne de 44 % pour les autres produits (annexe A). Ainsi, seules les quantités de cannabis séché (fleur/feuille) ont été estimées.

Afin d’estimer les quantités totale et moyenne de cannabis séché (fleur/feuille) par consommateur de cannabis, les quantités déclarées ont d’abord été normalisées en les convertissant en grammes (lorsque déclarées dans une autre unité (p. ex. onces) (annexe B). Une valeur de 1 a été assignée à 244 enregistrements de cannabis séché (fleur/feuille) lorsque la quantité était manquante. La valeur de 0,32 gramme (poids d’un joint)Note 23 a été donnée aux 8 enregistrements sans unité.

Les quantités moyennes de cannabis séché (fleur/feuille) ont été calculées pour tous les consommateurs de cannabis séché (fleur/feuille) (qu’ils aient déclaré un autre produit ou pas), ainsi que séparément : pour les personnes ayant déclaré du cannabis séché (fleur/feuille) seulement comparativement à du cannabis séché (fleur/feuille) avec d’autres produits.

Techniques d’analyse

Les analyses ont été réalisées au moyen du programme SAS/SUDAAN, version 11.0.3. On a appliqué des poids d’échantillonnage, afin que les analyses soient représentatives de la population canadienne.

Tandis que l’ESUTC, l’ECTAD et l’ENC ont toutes utilisé une estimation de la variance bootstrap pour tenir compte de son plan d’échantillonnage complexe, l’utilisation de répliques répétées équilibrées n’était pas exactement la même chose. L’ESUTC et l’ECTAD de 2013 ont utilisé 250 poids bootstrap moyens avec ajustement de FayNote 20, l’ECTAD de 2015 et de 2017 a utilisé 500 poids bootstrapNote 20 et l’ENC, 1 000Note 21.

Consommation historique de cannabis (de 2004 à 2017)

L’analyse des variations de la prévalence de la consommation de cannabis (sur 12 mois) pendant la période de 2004 à 2017 était fondée sur les données combinées et pondérées des ESUTC/ECTAD.

En raison du fait que le type d’estimation de la variance n’était pas cohérent à travers les cycles de l’ESUTC et de l’ECTAD, il a été nécessaire de normaliser les poids d’échantillonnage afin de pouvoir tester la tendance linéaire, au moyen de régressions logistiques comportant chacune la variable de temps linéaire (année) et la variable de résultat (p. ex., consommation de cannabis au cours des 12 derniers mois : oui/non). Chaque tendance propre à l’âge (sexes combinés), à la province et au sexe + âge a été testée séparément. L’ESUTC et l’ECTAD demandent le sexe du répondant.

Consommation actuelle de cannabis (2018-2019)

L’aperçu de la prévalence et les corrélats de consommation de cannabis en 2019 (au cours des 3 derniers mois) ont utilisé principalement les données pondérées du trimestre 1 de l’ENC de 2019 – les plus récentes. Pour contextualiser, des estimations correspondantes du T1 de 2018 de l’ENC, de l’ESUTC de 2004 et de l’ECTAD de 2017 sont fournies. L’estimation de la variance (intervalles de confiance à 95 %) et le test de signification (statistiques du test t) ont été réalisés au moyen de poids de rééchantillonnage bootstrap pour tenir compte de chacun des plans d’échantillonnage complexes de l’enquête.

L’analyse des variations de consommation de cannabis (sur 3 mois) et des indicateurs connexes (types et nombre de produits de cannabis, et quantité de cannabis séché) a été examinée selon l’âge, le sexe (genre), la province (variables sélectionnées seulement) et la fréquence de consommation (le cas échéant) en utilisant les données pondérées de l’ENC de tous les trimestres (5).

Contrairement à l’analyse de l’ESUTC/ECTAD, l’analyse de l’ENC a utilisé l’approche fondée sur le plan de sondage typique des données avec une stratégie d’échantillonnage complexe. Les variations linéaires des tendances de consommation de cannabis ont utilisé 5 trimestres de données de 2018 à 2019 et ont été évaluées au moyen de régressions logistique (variables dichotomiques) et linéaire pour les variables continues (p. ex., quantités de cannabis séché). Chaque âge (sexe combiné), et les tendances par groupe âge + sexe ont été séparément. L’ENC demande le genre du répondant.

Les résultats au niveau p < 0,05 étaient jugés statistiquement significatifs.

Résultats

Tendances historiques

Consommation de cannabis au cours de l’année précédente (2004 à 2017)

Selon des données comparables de 2004 à 2017 (12 points de données), la prévalence estimée de la consommation (au cours de l’année précédente) de cannabis chez la population canadienne à domicile âgée de 15 ans et plus a augmenté de 2004 à 2017 (figure 1). L’estimation la plus récente de cette série : ECTAD 2017 –14,8 %– était environ 60 % de plus que l’estimation de l’ESUTC de 2004 de 9,4 % (tableau 1). Selon l’ECTAD de 2017, 23,4 % des Britanno-colombiens ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours de l’année précédente; pourcentage significativement supérieur aux estimations pour le reste du Canada (toutes les autres provinces combinées). Les résidents du Québec (11,0 %) ont eu une consommation inférieure à la moyenne (tableau 1). L’analyse des tendances à l’échelle provinciale a également démontré que les taux avaient augmenté dans toutes les provinces, sauf au Québec (données non indiquées).

Les tendances à plus long terme de consommation au cours de l’année précédente ont varié selon le groupe d’âge (figure 1). Par exemple, la prévalence de consommation de cannabis a diminué chez les 15 à 17 ans, elle est restée stable pour les 18 à 24 ans et elle a augmenté chez les adultes âgés de 25 à 64 ans. Il a été impossible de réaliser une analyse de tendance pour les personnes âgées de 65 ans et plus. L’âge moyen des consommateurs de cannabis a aussi augmenté significativement pour passer de 29,4 ans en 2004 à 35,5 ans en 2017 (tableau 1). Ces schémas tenaient encore lorsque les estimations ont été calculées séparément selon le sexe (données non indiquées).

Consommation de cannabis – Trimestre 1, 2019 (après la légalisation)

Selon la plus récente ENC (T1 de 2019), environ 18 % des Canadiens (5,3 millions) âgés de 15 ans ou plus ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois derniers mois (figure 2 et tableau 1) et les consommateurs avaient en moyenne 38 ans, soit le même âge qu’au T3 de 2018 (la première fois que cela a pu être calculé) (données non indiquées).

La prévalence de consommation de cannabis au cours des trois derniers mois a été plus élevée chez les 18 à 24 ans (34,8 %) qu’au sein des autres groupes d’âge (de 4 % à 24 %) (figure 2 et tableau 1). Dans tous les groupes d’âge sauf les 15 à 17 ans, les hommes étaient aussi plus susceptibles que les femmes de déclarer avoir consommé au cours des trois derniers mois (figures 3 et 4).

En 2019, 21,5 % des Albertains et 20,0 % des Ontariens ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois derniers mois; pourcentages significativement supérieurs aux estimations pour le reste du Canada (autres provinces combinées). Les résidents du Québec et du Manitoba, à 11 % et 13 %, ont eu une consommation inférieure à la moyenne (tableau 1).

Une fréquence de consommation de cannabis plus élevée, définie dans l’ENC comme tous les jours ou presque (TJP), identifie les personnes qui sont plus à risque de souffrir d’une dépendance et d’autres préjudices liés au cannabis. En 2019, 6,1 % des Canadiens de 15 ans ou plus ont déclaré consommer du cannabis TJP (figure 5). La consommation TJP était également plus courante chez les hommes (7,6 %) que les femmes (4.5 %) et chez les 18 à 24 ans (12,5 %) comparativement aux 45 à 64 ans ou les personnes âgées de 65 ans ou plus (4,8 %, 2,1 %, respectivement) (figure 5, données non indiquées).

Tendances de la prévalence au cours des 3 derniers mois de 2018 à 2019 (5 trimestres)

Pendant la période de 2018 et 2019, la prévalence au cours des trois derniers mois (de la consommation de cannabis) a augmenté (c.-à-d., la tendance linéaire était significative) : à l’échelle nationale (de 14,0 % à 17,5 %), chez les hommes en général (de 15,8 % à 22,3 %), les personnes âgées de 45 à 64 ans (de 8,8 % à 14,0 %) et en Ontario (de 13,5 % à 20 %) (figure 2-4, tableau 1). Des hausses statistiquement significatives se sont aussi produites chez les hommes de 18 à 24 ans (de 28,6 % à 46,4 %), de 25 à 44 ans (de 23,6 % à 30,5 %) et de 45 à 64 ans (de 9,9 % à 16,1 %); variations qui ne se sont pas produites chez les femmes aux âges similaires, sauf chez les 45 à 64 ans (de 7,9 % à 11,7 %) (figure 3-4).

En revanche, le pourcentage de Canadiens consommant TJP est resté inchangé entre 2018 et 2019, quels que soient le genre, l’âge (figure 5) ou la province, à l’exception de la Colombie-Britannique, où la consommation TJP a augmenté pour passer de 5,4 % à 8,4 % (données non indiquées).

Nombres et types de produits de cannabis consommés au cours des trois derniers mois

  1. Les Canadiens qui ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois derniers mois ont été questionnés à propos du nombre et des types de produits du cannabis consommés. Selon le T1 de 2019 de l’ENC, près de 59 % des consommateurs de cannabis ont déclaré avoir consommé un produit, 20 % deux et le reste, soit 21 %, trois ou plus (tableau 2).

Le cannabis séché (fleur/feuille) était le plus populaire —consommé par plus de 8 consommateurs sur 10 (84,2 %). Pour environ 45 %, c’est le seul produit qui a été consommé, pour 39 %, le cannabis séché (fleur/feuille) a été déclaré avec au moins un autre produit et le reste des consommateurs (15,8 %) ont déclaré avoir consommé des produits autres que le cannabis séché, p. ex., comestible.

La variété de produits et la réponse quant à déterminer si le cannabis séché (fleur/feuille) était le seul produit consommé n’ont pas varié selon le genre ni l’âge, pour la plupart des groupes d’âge.

La fréquence de consommation de cannabis, toutefois, était liée non seulement à la consommation de plusieurs produits, mais aussi aux types de produits. Par exemple, la consommation de trois produits ou plus était environ 2,5 fois plus courante chez les consommateurs TJP (34,8 %) comparativement à ceux qui consommaient moins souvent (13,8 %). Les consommateurs TJP étaient aussi plus susceptibles de consommer du cannabis séché (fleur/feuille) en plus d’autres produits et moins susceptibles de consommer d’autres produits du cannabis (non séchés) exclusivement (53,6 % comparativement à 31 % et 11 % comparativement à 18,4 %).

Entre 2018 et 2019 aucune des lignes de tendance pour le nombre ou les types de produits n’a été statistiquement significative (données non indiquées). Puisque les résultats ont peu varié au cours des trimestres seulement les estimés du plus récent T1 de 2019 sont présentés.

Quantité de cannabis séché (fleur/feuille) consommé

Selon le T1 de 2019 de l’ENC, le consommateur de cannabis séché (fleur/feuille) typique a consommé 27,5 grammes sur une période de 3 mois (tableau 3). Même si les quantités consommées n’ont pas varié selon le genre, elles ont été supérieures pour les personnes ayant déclaré avoir consommé d’autres produits en plus du cannabis séché (fleur/feuille) (33,7 grammes comparativement à 22,1 grammes) et pour les consommateurs plus fréquents. Plus particulièrement, les consommateurs TJP ont consommé en moyenne 62,6 grammes sur une période de 3 mois, quantité de loin supérieure à celle des personnes qui ont consommé moins souvent : (2,6 grammes pour les personnes ayant déclaré avoir consommé une fois ou deux au cours d’une période de trois mois à 12,0 grammes pour celles qui consommaient chaque semaine). Aucune tendance entre T1 2018 et T1 2019 n’a été statistiquement significative (données non indiquées).

Discussion

Cette étude constitue une analyse de la prévalence de consommation de cannabis et des paramètres connexes en utilisant des données nationales canadiennes représentatives recueillies sur une période de quinze ans, y compris des données recueillies immédiatement avant et après l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis. La combinaison de données historiques et récentes fournit un contexte important et indique que la plupart des changements observés en 2018-2019, y compris l’augmentation de la prévalence dans l’ensemble, la hausse de l’âge des consommateurs de cannabis en général et les hausses significatives des taux pour certains groupes plus âgés, font partie d’une tendance à plus long terme qui a été amorcée il y a de nombreuses années et pas seulement au CanadaNote 14Note 22Note 24Note 25Note 26Note 27Note 28Note 29.

L’identification et l’observation des consommateurs réguliers de cannabis sont particulièrement pertinentes pour la santé publique, car ce groupe est plus à risque de développer une dépendance et de souffrir de préjudices liés au cannabisNote 5Note 15 et d’une piètre santé mentale.Note 6Note 7 En 2019, 6,1 % des Canadiens de 15 ans et plus (1,8 million) ont indiqué consommer du cannabis TJP, fréquence pareille à ce qu’elle était il y a un an (lorsque la consommation de cannabis à des fins non médicales n’était pas encore légale). Les données nationales canadiennes complètes et comparables sur les tendances de consommation TJP pour la période allant de 2004 à 2017 ne sont pas disponibles et les recherches menées par d’autres pays ne sont pas compatibles. Par exemple, les données de l’Union européenne et de la Norvège laissent supposer que les taux de consommation quotidienne sont stablesNote 30 tandis que la consommation TJP aux États-Unis a augmentéNote 14Note 28.

Compte tenu du fait que le cannabis à des fins non médicales est légal depuis moins d’un an et que des modificationsNote 31à la règlementation sur les produits potentiellement plus nocifs et plus puissants sont prévues, la surveillance de ce paramètre sera importante.

La hausse de consommation de cannabis (dans son ensemble mais pas TJP) chez les populations de 25 ans ou plus exige une surveillance et des recherches supplémentaires afin de mieux comprendre les motivations, les préférences et les préjudices potentiels. À l’instar de nombreuses autres études, la présente étude a également permis de constater que les consommateurs de cannabis sont plus âgés aujourd’hui qu’auparavantNote 14Note 22Note 24Note 25Note 26. Il se pourrait qu’au moins une partie des augmentations de taux observées chez les plus âgés soit attribuable à une déclaration plus exacte par une population plus sensible à la divulgation d’une consommation de drogue qui était illégale auparavantNote 26. La hausse de déclaration de consommation de cannabis chez les personnes plus âgées pourrait aussi être liée à la consommation de cannabis comme médicament ou dans le but de réduire les symptômes de plus en plus courants avec le vieillissement, comme l’insomnie et la douleurNote 32. Une autre étude fondée sur l’ENC a découvert que les consommateurs à des fins médicales (particulièrement les personnes détenant un certificat médical) sont plus âgés que les consommateurs à des fins non médicalesNote 33.

On en sait très peu sur les produits de cannabis consommés et la récente littérature donne à penser que la quantité pourrait être un meilleur prédicteur des préjudices liés au cannabis que la fréquence de consommationNote 14Note 15. On retrouve ailleurs bon nombre des conclusions de l’ENC, comme la popularité du cannabis séché (fleur/feuille) et les associations entre les quantités consommées et la fréquence de consommationNote 14Note 34Note 35. Les comparaisons entre les quantités moyennes consommées au cours d’une période de trois mois en utilisant les données de l’ENC et les estimations d’autres sources étaient moins comparablesNote 14Note 34Note 35. Les différences entre les méthodologies d’enquête et les périodes de référence, mais aussi les enjeux liés au rappel, pourraient contribuer à ces différences. En général, les estimations de quantités fondées sur l’ENC sont inférieures à celles déclarées ailleurs. D’un autre côté, certaines recherches ont découvert que les consommateurs de cannabis ont tendance à surestimer la taille du jointNote 23Note 36 et par conséquent, il se pourrait que les estimations de l’ENC soient plus exactes. En revanche, il se pourrait aussi que d’autres recherches aient été en mesure d’estimer l’exposition totale à tous les produits de cannabis, tandis que les quantités moyennes de cannabis séché (fleur/feuille) présentées ici sous-estiment l’exposition totale pour les personnes consommant divers types de produits.

Forces et limites

Cette étude comporte diverses forces, y compris l’utilisation d’une plus vaste gamme d’indicateurs de consommation de cannabis établis et émergents et l’inclusion tant d’indicateurs à court terme (récents) qu’à long terme (historiques). Néanmoins, les résultats de cette étude doivent être interprétés à la lumière de plusieurs limites.

L’information tirée des enquêtes était autodéclarée et n’a pas été vérifiée. Les études, qui ont été en mesure d’évaluer la cohérence logique entre la consommation de drogues au cours de la vie et au cours de la dernière année, ont tendance à détecter quelques incohérencesNote 30Note 38. La consommation de cannabis a tendance à être déclarée avec plus de précision que les autres droguesNote 30.

Les variations avec le temps dans la volonté des répondants d’admettre une consommation de drogues, dans leur définition de ce qui constitue une consommation de drogues et dans le risque perçu ou réel des conséquences juridiques ne pouvaient être contrôlées ni détectées, mais pouvaient avoir des incidences sur les tendances. Au Canada, à l’instar de nombreux autres pays, l’accès légal au cannabis à des fins médicales et plus récemment, au cannabis à des fins non médicales pourrait avoir influencé la volonté de déclarer sa consommation. Ces changements pourraient être particulièrement pertinents pour les adultes plus âgés, et à ce titre, certaines des augmentations observées pourraient indiquer non pas un changement de comportement, mais plutôt une nouvelle volonté de le déclarer.

Le fait d’être en mesure d’estimer avec exactitude la quantité totale de cannabis consommé intéresse le gouvernement, l’industrie et les communautés médicales. Différents produits sont associés à différents risques, généralement liés aux modes de consommation ou à la puissance du produitNote 19Note 37 et sont par conséquent importants pour la surveillance de la santé publique, mais aussi parce que les préférences de produit peuvent être influencées par la légalisationNote 18.

Malgré le fait qu’on demande aux consommateurs de fournir des renseignements détaillés à propos des produits qu’ils ont consommés, les répondants ont eu de la difficulté à fournir de l’information sur les détails des produits de cannabis qu’ils consomment, particulièrement pour les produits non séchés comparés aux produits séchésNote 16. Le cannabis séché (fleur/feuille) est plus facile à déclarer, même si la consommation non fréquente ou variée, et le partage, peuvent limiter la capacité de déclaration. Les autres produits de cannabis (non séchés) sont plus difficiles, en raison de l’emballage non standard, des étiquettes limitées (absentes) et de la confusion entre les quantités d’ingrédients actifs comparativement aux poids des produits, ou en raison de problèmes liés au manque de familiarité avec les unités métriques ou les conversions. Même s’il est vrai que l’information manquante entraînera un biais d’estimation des quantités consommées, la meilleure déclaration du cannabis séché (fleur/feuille) et sa popularité limitent l’impact.

Pour chaque enquête, il y a de multiples sources d’erreurs d’échantillonnage et d’erreurs non dues à l’échantillonnage. Les variations des facteurs connus pour avoir des incidences sur l’exactitude des estimations peuvent aussi avoir des répercussions sur leur comparabilitéNote 38Note 39Note 40. Il est possible de consulter un examen détaillé de la comparabilité entre l’ESUTC et l’ECTAD dans d’autres publicationsNote 22. Il existe d’autres différences entre l’ENC et l’ESUTC/ECTAD qui n’ont pas été présentées avant et qui sont dignes de mention.

L’ENC a été conçue afin d’observer les changements d’habitudes de consommation de cannabis avant et après la Loi sur le cannabis. Elle porte exclusivement sur le cannabis et non sur plusieurs droguesNote 21.

Tandis que la question à propos de la fréquence de consommation de cannabis semble similaire d’une enquête à l’autre, les catégories de réponse ne l’étaient pas. En particulier, l’ENC comporte la catégorie « pas au cours des trois mois précédents ». L’ESUTC et l’ECTAD posent des questions distinctes. Cela pourrait aussi avoir des incidences sur la comparabilitéNote 19.

L’ENC est menée plus régulièrement (aux trois mois/trimestriellement) que l’ESUTC annuelle ou l’ECTAD bisannuelle et elle utilise des périodes de collecte plus courtes (1 mois par rapport à 11 mois).

Contrairement aux ESUTC/ECTAD qui ont tendance à utiliser une période de référence de 12 mois, presque toutes les questions de l’ENC sur le cannabis renvoient à des comportements au cours des trois derniers mois. Le fait d’avoir plus de temps pour qu’un comportement se produise peut augmenter l’estimation. Cela est particulièrement bien documenté pour la consommation de drogue, d’alcool et de tabacNote 1 et pourquoi les comparaisons des estimations, en ce qui a trait au degré (niveau), fondées sur des périodes de référence de différentes longueurs devraient être évitées; d’un autre côté, les comparaisons de comportements, qui ne tiennent pas compte de la longueur de la période de référence, selon des caractéristiques sociodémographiques sont souvent valides.

Le mode de collecte des données peut influer les taux de réponse, la qualité des données et les erreurs non dues à l’échantillonnageNote 39. Contrairement à l’ESUTC/ECTAD qui utilisaient l’ITAO exclusivement, l’ENC se fait en ligne et la majorité des répondants y répondent sans aide. Le caractère anonyme qu’offre ce mode de collecte pourrait avoir eu une incidence sur la volonté des répondants à l’ENC de participer ou de divulguer leur consommation de cannabis. En effet, certaines études ont découvert que les enquêtes autoadministrées peuvent donner lieu à une déclaration supérieure de consommation de drogue Note 39; bien entendu, d’autres études indiquent que les intervieweurs bien formés, qui excellent à établir un rapport, peuvent aussi faire une différenceNote 41.

Aucune donnée de tendance n’est disponible pour les territoires. Les analyses se limitent aux répondants à domicile et par conséquent, certains groupes, connus pour être à haut risque de consommer de la drogue (p. ex., les itinérants), sont exclus.

Le but principal de l’ESUTC/ECTAD et de l’ENC est la surveillance du cannabis ou d’autres drogues. À ce titre, les tailles d’échantillon sont parfois petites et nécessitent alors des définitions de variables plus générales. Tandis que la puissance était généralement suffisante pour détecter des tendances et des associations à l’échelle nationale, les examens infranationaux étaient limités et les petites tailles d’échantillon dans certaines parties de l’analyse pourraient aussi avoir réduit la capacité d’obtenir une signification statistique. Pour la majorité de la période étudiée, il n’a pas été possible non plus de différencier la consommation à des fins médicales de la consommation à des fins non médicales et par conséquent, les résultats présentés ne font pas cette distinction.

Conclusions

Cette étude réunit les données nationales comparables de la plus haute qualité sur la consommation de cannabis recueillies auprès de la population générale au cours de la décennie (plus ou moins) précédant l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis, les données les plus récentes ayant été recueillies d’abord quelques mois avant la légalisation, et quelques mois après. L’inclusion de données recueillies avant et après la légalisation fournit un important contexte historique sur les récents changements (ou la stabilité) de comportements actuels à l’égard de la consommation de cannabis.

Les changements de politiques en cours concernant la légalisation, la réglementation et les restrictions de la consommation de cannabis à des fins non médicales et l’évolution de l’acceptation sociale en ce qui concerne sa consommation continueront d’avoir une incidence sur les tendances en matière de consommation, nécessitant ainsi une surveillance continue.

Références
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