4. Retourner à l'école

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4.1 Caractéristiques des décrocheurs et des retournants

Les jeunes hommes et les jeunes femmes ont des fréquences de décrochage et de retour à l'école très différentes. En règle générale, le profil des décrocheuses et celui des décrocheurs diffèrent à l'égard de plusieurs dimensions importantes. Le tableau 4.1 présente les caractéristiques selon le sexe de tous les décrocheurs qui étaient âgés de 18 à 20 ans en décembre 1999. Il s'agit des caractéristiques susceptibles d'intervenir dans la décision de retourner à l'école.

Encadré 4.1

Données et définitions

Les données de la présente analyse sont tirées des deux premiers cycles de l'Enquête auprès des jeunes en transition, cohorte B. Le premier cycle de cette enquête, qui s'est déroulé en 2000, a permis de recueillir de l'information auprès des répondants qui avaient de 18 à 20 ans en décembre 1999. Le deuxième cycle a eu lieu en 2002, les mêmes jeunes étant alors âgés de 20 à 22 ans.

Pour les besoins de l'analyse, le terme décrocheur désigne tout répondant qui ne fréquentait pas l'école en décembre 1999 et qui n'avait pas complété l'école secondaire.

Un décrocheur peut être classifié comme retournant ou non-retournant. Un retournant a fréquenté l'école secondaire ou un établissement postsecondaire à un moment ou un autre entre janvier 2000 et décembre 2002 alors que le non-retournant n'a fréquenté à aucun moment l'école durant cette période.

Toutes les caractéristiques personnelles et familiales des retournants et des nonretournants utilisées pour l'analyse sont celles qu'affichaient ces personnes en décembre 1999, c'est-à-dire avant leur retour à l'école.

Pour plus de renseignements, consulter l'annexe 2.

Les caractéristiques présentées au tableau 4.1 sont celles que l'on croit agir sur la décision de retourner à l'école. Deux caractéristiques sont utilisées pour déterminer la présence d'éventuelles contraintes financières : vivre seul et avoir un enfant. Avoir un enfant (ou des enfants) témoigne des responsabilités financières auxquelles la personne fait face. La scolarité des parents donne une idée de l'importance qu'elle accorde à l'école. Ainsi que nous le mentionnions ci-dessus, les parents qui sont titulaires d'un diplôme d'études postsecondaires accordent généralement beaucoup d'importance aux études et ont tendance à l'inculquer à leurs enfants.

Tableau 4.1
Statistiques descriptives, tous les décrocheurs1 et décrocheurs qui sont retournés à l'école entre janvier 2001 et décembre 2002

Pour avoir une idée des coûts d'un retour à l'école, nous utilisons la dernière année complétée, le temps écoulé depuis le départ de l'école et le redoublement d'une année à l'école primaire. Plus le retournant a besoin de cours pour terminer ses études, plus il mettra du temps à le faire. Le temps écoulé depuis l'abandon des études sert à déterminer les coûts associés à la perte des habitudes d'étude et, dans le cas de ceux qui travaillent, le coût de renonciation de la perte de l'ancienneté acquise au sein de l'emploi qu'occupe le retournant. Le redoublement d'une année peut être utilisé comme une mesure approximative d'aptitudes académiques plus faibles et potentiellement d'une confiance en ses capacités de réussite scolaire moindre, ce qui augmente les coûts du retour à l'école. Enfin, l'analyse apporte aussi des corrections en fonction des raisons invoquées par les décrocheurs pour avoir quitté l'école.

Trois variables servent à rendre compte du coût de renonciation d'un retour aux études. Les deux premières reflètent la situation vis-à-vis du travail à l'automne 1999. Une variable nominale indique si la personne avait occupé un emploi durant la période et, le cas échéant, le nombre d'heures travaillées. La dernière variable, soit le taux de chômage des 15 ans ou plus de la région économique14 de résidence, donne une idée des perspectives d'emploi.

L'identification d'un décrocheur intentionnellement temporaire se fait par l'entremise des aspirations d'études postsecondaires, car une personne qui souhaite faire des études postsecondaires n'a probablement pas songé à décrocher. Les aspirations d'études postsecondaires sont mesurées à l'aide de deux variables nominales : avoir suivi comme dernier cours de mathématiques un cours de mathématiques préparatoires au postsecondaire (ci-après appelé mathématiques prépostsecondaires) et aspirer à obtenir davantage qu'un diplôme d'études postsecondaires. Avoir suivi un cours de mathématiques pré-postsecondaires peut donc être vu comme le fait d'avoir eu des aspirations d'études postsecondaires et, de ce fait, l'intention de compléter ses études secondaires. Les cours de mathématiques pré-postsecondaires sont plus exigeants que ceux destinés aux élèves qui ont l'intention de travailler après avoir obtenu leur diplôme secondaire. Une personne qui songe à quitter l'école sans obtenir son diplôme ne choisirait probablement pas de suivre un cours de mathématiques plus exigeant.

Comme le montrent les colonnes 1 et 2 du tableau 4.1, les femmes décrochent moins que les hommes et ne représentent par conséquent que 39 % de l'échantillon. Elles sont aussi proportionnellement plus nombreuses (35 %) que les hommes (26 %) à retourner aux études. Les circonstances du décrochage varient légèrement selon que l'on soit un homme ou une femme. Les hommes décrochent du secondaire plus tôt que les femmes. Près de la moitié (49 %) des décrocheurs de sexe masculin quittent l'école avant d'avoir complété leur 11e année, c'est-à-dire en 10e année ou avant, comparativement à 43 % des femmes. Les hommes partent plus longtemps que ne le font les femmes, s'absentant de l'école pendant près de six trimestres, comparativement à 5,2 pour les femmes15.

On observe un autre biais lié au genre dans les proportions de répondants qui ont déclaré avoir décroché soit pour des motifs personnels, soit par désir ou besoin de travailler. Toutes proportions gardées, quatre fois plus de jeunes femmes que de jeunes hommes ont déclaré avoir quitté l'école pour des raisons personnelles, parmi lesquelles figurent s'attendre à prendre soin d'un enfant ou prendre bel et bien soin d'un enfant, éprouver des problèmes de santé et avoir des problèmes à la maison. En revanche, deux fois plus de jeunes hommes que de jeunes femmes ont déclaré avoir décroché par désir ou besoin de travailler. Les jeunes décrocheurs de sexe masculin semblent plus empressés de se joindre à la population active que ne le sont les décrocheuses. Il se peut également que certains jeunes hommes disent devoir ou vouloir travailler parce qu'ils doivent subvenir aux besoins d'un enfant. Il est à noter que les décrocheurs de sexe masculin participent davantage au marché du travail et font davantage d'heures de travail. Ce travail ne semble pas dépendre des conditions du marché local de l'emploi. En fait, le taux de chômage local était sensiblement le même pour les hommes que pour les femmes.

Au chapitre des expériences et des aspirations scolaires, aucune tendance claire ne se dégage des caractéristiques des hommes et des femmes. Les jeunes hommes de l'échantillon étaient proportionnellement plus nombreux que les femmes à avoir redoublé une année. Ils aspiraient un peu moins que les décrocheuses à faire des études postsecondaires. Pourtant, les décrocheurs de sexe masculin choisissaient de suivre des cours de mathématiques pré-postsecondaires dans une proportion supérieure à celle des femmes, plus nombreuses qu'eux à ne pas étudier les mathématiques au-delà de la 9e année.

L'on observe quelques différences de plus dans les caractéristiques personnelles et familiales. Les décrocheuses sont plus susceptibles d'avoir des enfants et de vivre seules. Une proportion plus élevée de décrocheurs de sexe masculin ignorent le niveau de scolarité de leurs parents16. Ainsi que nous le mentionnions précédemment, les décrocheurs des deux sexes font face à des conditions relativement semblables sur le marché du travail, comme en témoignent leurs taux de chômage. Enfin, on trouve des nombres disproportionnés de décrocheurs de sexe masculin et de sexe féminin au Québec et en Alberta.

Les retournants (colonnes 3 et 4 du tableau 4.1) ont quant à eux tendance, qu'ils soient hommes ou femmes, à se distinguer des autres décrocheurs en regard des mêmes caractéristiques. Si nous nous tournons vers les variables qui nous intéressent, en l'occurrence les variables relatives aux aspirations postsecondaires qui témoignent de l'intention de retourner aux études, nous voyons que les retournants sont plus susceptibles d'avoir suivi un cours de mathématiques prépostsecondaires et de vouloir obtenir un diplôme d'études postsecondaires. Aucune tendance claire ne se dégage de ces variables chez les retournants de sexe masculin ou féminin. Ainsi, s'il est vrai que les variables touchant les aspirations d'études postsecondaires expliquent l'écart de genre entres les taux de retour, la différence se manifestera fort probablement dans l'influence exercée par ces facteurs – les aspirations postsecondaires passées et présentes. La prochaine section présente les résultats de régressions pour les déterminants du retour après correction pour tenir compte en bloc séparément de toutes les caractéristiques des hommes et des femmes et traite de l'influence des intentions de retour aux études.

4.2 Qu'est-ce qui influence les jeunes décrocheurs dans leur décision de retourner à l'école?

Nous analysons la décision de retourner à l'école des jeunes hommes séparément de celle des jeunes femmes en utilisant pour ce faire la technique d'estimation du modèle de probabilité linéaire (voir l'encadré 4.2 pour plus de détails). Deux modèles sont estimés : un modèle de base et un modèle complet comprenant les aspirations scolaires et les raisons d'avoir décroché. Le tableau 4.2 présente les résultats des deux modèles.

Encadré 4.2

Méthode d'estimation

Le modèle de probabilité linéaire (MPL) est une technique d'estimation qui produit des résultats très faciles à interpréter. Les résultats indiquent en points de pourcentage l'effet à la hausse ou à la baisse d'une caractéristique donnée sur la probabilité de retourner à l'école. Par exemple, le coefficient de -0,10 associé au fait d'avoir un enfant suppose que cette caractéristique décroît la probabilité de retourner à l'école de 10 points de pourcentage par rapport à la moyenne. Cela facilitant l'interprétation des résultats, il est donc justifié d'utiliser la technique du MPL malgré la possibilité de prévoir des probabilités négatives et supérieures à 1. Nous calculons et précisons la proportion de probabilités hors de la fourchette 0-1. Pour valider les résultats, nous estimons également le modèle à l'aide du modèle probit.

Deux spécifications sont estimées : la première exclut les aspirations postsecondaires actuelles et les raisons de décrocher (la spécification de base) et l'autre inclut ces deux variables (la spécification complète). Ces deux variables pourraient introduire des problèmes d'endogénéité. Les aspirations postsecondaires courantes peuvent avoir changé entre le moment du décrochage et celui de l'enquête. Les aspirations individuelles pourraient avoir été modifiées par les mêmes facteurs que ceux influant sur la décision de retourner à l'école. Dans le même ordre d'idées, les raisons invoquées par la personne au moment de l'enquête pourraient avoir changé à cause de l'expérience hors scolaire de l'individu et de sa décision de retourner ou de ne pas retourner aux études. La stratégie d'estimation tient compte de ce problème potentiel en estimant les deux spécifications et en testant leur endogénéité.

Les résultats du MPL sont présentés ici, tandis que ceux de l'autre technique d'estimation, l'analyse probit, le sont à l'annexe A.3.1. Les valeurs prédictives apparaissent sous les coefficients. La proportion de prédictions hors de l'intervalle 0- 1 est indiquée au bas du tableau. Dans l'ensemble, le MPL ne produit pas plus de 5 % de prédictions hors de l'intervalle 0-1 et toutes les prédictions erronées sont des probabilités de retour négatives.

Les résultats du modèle de régression de base révèlent que les déterminants du retour à l'école sont parfaitement propres à chaque genre, c'est-à-dire qu'aucun facteur n'influe significativement à la fois sur les décisions des hommes et des femmes. Même la variable substitutive pour les départs intentionnellement temporaires « avoir suivi un cours de mathématiques pré-postsecondaires » qui figure à la rubrique « Expérience et aspirations scolaires » influence uniquement les jeunes hommes. Les décrocheurs de sexe masculin qui ont suivi un cours de mathématiques pré-postsecondaires sont 15 points de pourcentage, soit 60 %, plus susceptibles de retourner à l'école que ceux qui ne l'ont pas fait. Il y a donc lieu de croire qu'une proportion non négligeable de décrocheurs de sexe masculin avait l'intention de faire des études postsecondaires sous une forme ou sous une autre et qu'ils avaient donc vraisemblablement quitté l'école avant d'obtenir leur diplôme avec l'intention de revenir. Les femmes, par contre, ne sont pas influencées par leur préparation scolaire passée. Si les cours de mathématiques pré-postsecondaires passés influençaient les femmes de la même façon qu'ils influencent les hommes, l'écart de genre entre les retours aurait été supérieur à ses 10 points de pourcentage actuels.

Outre la préparation scolaire, un certain nombre de facteurs influencent les hommes, mais seulement deux influencent les femmes : la durée de leur absence de l'école et l'ignorance du niveau de scolarité de leurs parents. En effet, la probabilité pour une jeune décrocheuse de retourner aux études diminue de 6,7 points de pourcentage à chaque trimestre d'absence de plus. Élément d'aussi grande importance, le fait d'ignorer la scolarité de ses parents réduit la probabilité pour une décrocheuse de retourner à l'école. Bien que cette ignorance n'exerce probablement pas d'influence directe sur la décision de retourner à l'école, elle est sans doute révélatrice de l'importance accordée à l'éducation dans le milieu familial. Aucun autre déterminant ne semble influencer les femmes dans leur décision de retourner à l'école, y compris le fait d'avoir un enfant ou le nombre d'heures travaillées durant le mois.

En revanche, divers facteurs influencent les hommes dans leur décision de retourner aux études. Le plus important est d'avoir décroché en 12e année plutôt qu'avant. Les décrocheurs de sexe masculin qui ont suivi des cours de 12e année ne sont qu'à quelques crédits ou cours d'obtenir leur diplôme, ce qui signifie qu'ils auront de moindres coûts de renonciation à éponger pour obtenir leur diplôme d'études secondaires ou poursuivre des études collégiales. Ils sont deux fois plus susceptibles de retourner à l'école s'ils décrochent en 12e année que s'ils le font en 11e année ou plus tôt.

Parmi les autres facteurs influençant les hommes figurent le fait d'avoir un enfant ou d'avoir un parent titulaire d'un diplôme ou d'un grade d'études postsecondaires. Les obligations parentales ont un effet négatif sur la décision des jeunes hommes de retourner à l'école, réduisant de 10 points de pourcentage leur probabilité d'effectuer un tel retour. La nécessité de gagner leur vie explique probablement l'influence qu'exerce sur leur décision le fait d'avoir un enfant. Fait intéressant, les obligations parentales n'influencent pas les femmes dans leur décision de retourner à l'école.

Contrairement aux responsabilités parentales, travailler a très peu d'effet dissuasif sur les hommes. Le fait de travailler 40 heures de plus durant le mois, soit l'équivalent d'une semaine, réduit d'à peine 4 points de pourcentage la probabilité d'un retour à l'école. Par ailleurs, ceux qui ne travaillent pas du tout sont également moins susceptibles de retourner à l'école. Cela donne à penser que les raisons des jeunes hommes pour ne pas travailler font aussi obstacle à leur retour à l'école17.

Enfin, la scolarité des parents exerce autant d'influence que le redoublement d'une année ou le fait d'avoir un enfant, une influence assez forte pour annuler celle des deux autres facteurs. En effet, le fait d'avoir un parent possédant un diplôme d'études postsecondaires favorise le retour à l'école et accroît de 18 points de pourcentage ou de 70 % la probabilité un tel retour.

Tableau 4.2
Résultats du modèle de probabilité linéaire pour la décision de retourner à l'école

Encadré 4.3

Autres spécifications de modèle

D'autres modèles de régression ont été estimés, dont un sans le nombre de trimestres d'absence depuis l'abandon du secondaire. Cette variable et la dernière année d'inscription caractérisent le moment du décrochage et pourraient créer des problèmes de multicollinéarité. Rien n'indique que de tels problèmes existent. Nous avons établi une autre spécification comprenant une variable substitutive de la capacité : la moyenne pondérée cumulative (MPC). Cette variable codée ne présentait aucun pouvoir explicatif, les valeurs prédictives oscillant entre 40 % et 95 %. Cette absence de pouvoir explicatif pourrait découler d'un certain nombre de facteurs. D'abord, la MPC étant une valeur autodéclarée, il se peut que les gens la déclarent de manière inexacte, surtout si cela les rend mal à l'aise. Ensuite, la MPC déclarée s'applique à la dernière année complétée. Les répondants avaient quitté l'école à différents moments de leurs études (entre la 9e et la 12e année). On ne peut sans doute pas interpréter les capacités des individus de la même façon s'ils obtiennent un B en 9e année plutôt qu'en 11e. Le fait pour une personne d'être restée à l'école jusqu'en 11e année indique probablement qu'elle est plus douée. C'est pourquoi nous avons retenu la dernière année complétée et laissé tomber la MPC dans la spécification finale.

La spécification complète, aux deux dernières colonnes du tableau 4.2, présente les intentions courantes des décrocheurs en regard des études postsecondaires (étiquetées « veut obtenir un diplôme d'EPS » à la rubrique « Expérience et aspirations scolaires ») et les raisons qui les ont poussés à quitter l'école. L'inclusion des aspirations postsecondaires courantes et des raisons d'avoir décroché ne semble modifier significativement aucun des résultats. Les tests de Hausman ne permettent pas d'infirmer l'hypothèse voulant que l'inclusion de ces variables crée des problèmes d'endogénéité. Les valeurs prédictives sont de 0,998 pour les hommes et de 0,247 pour les femmes. Autrement dit, la spécification complète donne des résultats valides.

Les résultats révèlent que le désir de faire des études postsecondaires exerce beaucoup d'influence tant sur les hommes que sur les femmes. Les aspirations postsecondaires ont autant d'influence que la scolarité des parents sur les jeunes hommes. On notera par ailleurs que ce facteur semble influencer davantage les décrocheuses que les décrocheurs. La différence n'est toutefois pas significative sur le plan statistique18. À supposer que les aspirations postsecondaires n'aient pas ou que peu changé depuis le moment du décrochage, ce résultat prouve dans une certaine mesure que ceux qui ne jugeaient leur absence des études que temporaire sont bel et bien plus susceptibles d'y retourner.

Les raisons qui poussent les jeunes hommes à décrocher ne les influencent pas dans leur décision de retourner aux études. Les raisons de décrocher sont par ailleurs ce qui distingue les jeunes femmes qui retournent à l'école de celles qui n'y retournent pas. Celles qui quittent pour des raisons personnelles – y compris la grossesse ou le fait d'avoir un enfant – plutôt que pour aller travailler sont plus susceptibles de reprendre le chemin de l'école. Elles sont 15 points de pourcentage plus susceptibles de retourner à l'école que celles qui l'ont quittée pour aller travailler. Celles qui quittent l'école pour des raisons scolaires sont aussi 10 points de pourcentage plus susceptibles de retourner à l'école – le résultat est significatif à 11 % – que celles qui abandonnent pour des raisons liées au travail. Ce résultat semble indiquer qu'une bonne proportion des femmes qui quittent pour des raisons scolaires réévaluent les avantages et les coûts de s'instruire après avoir quitté et jugent, tout compte fait, qu'ils en valent la peine. Il est possible que celles qui abandonnent les études pour des raisons financières en réévaluent les avantages nets et les encore jugent négatifs ou se butent à des contraintes financières qui les empêchent de retourner à l'école.

Les autres déterminants de la décision de retourner à l'école demeurent essentiellement inchangés tant du côté des hommes que des femmes. Chez les premiers, les déterminants qui étaient significatifs au niveau de 10 % de la spécification de base (avoir un enfant et ne pas travailler) perdent de leur pouvoir explicatif, mais dans l'ensemble, l'introduction des aspirations postsecondaires courantes et des raisons n'a pas d'effet sur les résultats.

On notera avec intérêt que la situation du marché du travail n'influence ni les hommes ni les femmes dans leur décision de retourner aux études. Nous avons testé diverses mesures des conditions du marché du travail : le taux de chômage des 15 à 24 ans, la composition industrielle du marché du travail et la demande de compétences correspondant indirectement au pourcentage des travailleurs possédant un diplôme ou grade d'études postsecondaires. Les résultats ne changent pas. Cette absence d'influence sur le retour à l'école contraste avec les résultats obtenus pour les causes du décrochage. Parent (2006) utilise le taux de chômage pour expliquer la décision des écoliers du secondaire d'aller travailler et montre que plus les conditions du marché du travail sont bonnes, plus les écoliers du secondaire travaillent d'heures et plus les taux de décrochage augmentent. Mais Ferrer et Lauzon (2005) présentent des données concluantes montrant que les cohortes plus jeunes se laissent maintenant moins influencer par les conditions du marché du travail dans leur décision de décrocher. Si cette variable n'exerce aucune influence dans les présents résultats, peut-être faut-il y voir le fruit d'une variation insuffisante dans la mesure des conditions du marché du travail. Il faudrait étudier la question plus à fond avec les données d'années additionnelles afin que les données varient suffisamment pour nous permettre de déterminer de manière concluante le rôle des conditions du marché du travail dans le retour à l'école.

En terminant, le retour à l'école dépend de facteurs différents chez les jeunes hommes et les jeunes femmes. Ceux et celles-ci ont cependant en commun d'avoir d'importantes aspirations postsecondaires. Les aspirations postsecondaires et la préparation scolaire antérieure des hommes rendent plus probable le retour de ceuxci à l'école, ce qui donne à penser que le décrocheur considère son abandon non pas comme un départ permanent, mais comme une absence temporaire de l'école. Tout ce qui précède semble indiquer que le décrochage ne représente pour un nombre significatif de personnes qu'une interruption temporaire des études.

4.3 Et les retours sont-ils couronnés de succès?

Si les décrocheurs retournent parfois à l'école, ce qu'il faut surtout se demander, c'est si leur retour leur a permis d'obtenir un diplôme ou un certificat. Le tableau 4.3 présente la proportion des retours à l'école selon le type d'école et le statut scolaire en décembre 2002.

Environ les deux tiers des retournants avaient choisi de retourner au secondaire, les autres ayant préféré partir en quête d'un diplôme d'études postsecondaires. Les femmes étaient proportionnellement plus nombreuses (43 %) que les hommes (33 %) à avoir choisi d'aller poursuivre des études postsecondaires. En somme, quelque 26 % des hommes et 32 % des femmes qui étaient retournés aux études avaient complété celles-ci et obtenu leur diplôme. Près de 40 % avaient décroché de nouveau sans obtenir de diplôme et quelque 37 % des hommes et 33 % des femmes fréquentaient encore l'école. La proportion élevée d'échecs donne à penser que les jeunes se butent dans leur quête d'obtenir leur diplôme à d'autres obstacles que le seul retour à l'école.

Tableau 4.3
Résultat du retour à l'école, décembre 2002

Abstraction faite des répondants qui fréquentaient encore l'école, la proportion des redécrocheurs représentait plus de la moitié des hommes et environ la moitié des femmes qui étaient retournés à l'école. Il vaudrait la peine que de prochaines études s'intéressent aux raisons pour lesquelles certains décrocheurs échouent dans leur retour à l'école.