Logo StatCan et la COVID-19: Des données aux connaissances, pour bâtir un Canada meilleur Le transport en commun au Canada après la COVID-19

par Marlene Simeus-Kabo, Michelle Tait et Lawrence McKeown

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L’Enquête sur la population active fait ressortir les défis liés au nombre d’usagers du transport en commun

À la fin de janvier 2020, le premier cas du nouveau coronavirus (COVID-19) a été documenté au Canada. Moins de deux mois plus tard, les mesures de santé publique, y compris les fermetures d’entreprises et d’écoles ainsi que l’éloignement physique, ont entraîné un virage massif vers le travail et l’apprentissage à distance, contribuant à une baisse historique du nombre d’usagers du transport en commun au cours des mois qui ont suivi. Depuis, l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada a fait le suivi de la proportion de travailleurs non absents travaillant à domicile.

Plus tôt, l’organisme a examiné deux aspects particuliers du travail à domicile pendant la pandémie. Dans un premier temps, des questions ont été ajoutées à l’EPA de février concernant la productivité et les préférences des Canadiens travaillant à domicileNote . Ensuite, l’incidence potentielle de la réduction des temps de navettage et de la congestion routière sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) a fait l’objet d’un examenNote . Notre étude suit l’incidence du travail à domicile sur le nombre de passagers des transports en commun et souligne les facteurs qui peuvent être essentiels à l’établissement d’une nouvelle norme pour l’industrie du transport en commun.

Le travail à domicile réduit les déplacements sur les réseaux du transport en commun

En mai 2021, le nombre de Canadiens qui travaillaient à domicile s’élevait à 5,1 millions, ce qui correspond à 30,6 % de la population active, un pourcentage comparable à celui observé en juin 2020Note . Après avoir baissé l’été dernier par rapport au sommet de 41,4 % atteint en avril 2020, la proportion de Canadiens travaillant à domicile est tombée à 25,3 % en septembre. Toutefois, la proportion a lentement augmenté depuis, jusqu’à la fin de l’année 2020, en grande partie en raison du resserrement des restrictions sanitaires pour lutter contre une deuxième vague du virus.

En mai 2021, on a enregistré 49,3 millions d’usagers du transport en commun, un nombre beaucoup plus élevé que celui enregistré en mai dernier lors du premier confinement. À mesure que les restrictions ont été assouplies, le nombre de passagers s’est graduellement accru l’été dernier et a atteint près de 63 millions en septembre. À la suite de l’imposition de nouvelles restrictions vers la fin de l’année, le nombre d’usagers est de nouveau passé sous la barre des 50 millions au début de 2021. Alors que le nombre d’usagers a atteint près de 54 millions en mars 2021, le printemps a été marqué par une diminution du nombre de navetteurs au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique en raison de l’instauration de mesures plus strictes pour lutter contre une troisième vague du virus.

Graphique 1 : Proportion de personnes travaillant à domicile et du nombre d’usagers du transport en commun, avril 2020 à mai 2021

Tableau de données du graphique 1 
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Personnes travaillant à domicile (pourcentage) et Nombre d'usagers du transport en commun (millions)(figurant comme en-tête de colonne).
Personnes travaillant à domicile (pourcentage) Nombre d'usagers du transport en commun (millions)
Avr. 20 41,4 25,7
Mai 20 37,5 28,4
Juin 20 30,6 38,5
Juill. 20 28,2 53,8
Août20 26,1 55,5
Sept. 20 25,3 62,9
Oct.20 25,9 58,4
Nov. 20 27,1 58,1
Déc. 20 28,4 54,2
Janv. 21 33,1 48,0
Févr. 21 30,9 48,2
Mars 21 29,1 53,7
Avr. 21 30,6 50,2
Mai 21 30,6 49,3

Les données mensuelles enregistrées depuis avril 2020 rendent clairement compte de la relation forte et négative entre la proportion de la population active occupée travaillant à domicile et la proportion d’usagers du transport en commun, les deux évoluant dans des sens opposés (graphique 1). Par exemple, la plus faible proportion de personnes travaillant à domicile a été enregistrée en septembre 2020 (25,3 %), ce qui coïncidait avec le plus grand nombre de déplacements de passagers sur une base mensuelle (62,9 millions) depuis le début de la pandémie.

Un coefficient de corrélation de PearsonNote  a été calculé en fonction des données d’avril 2020 à mai 2021, et la valeur r de -0,94 confirme une forte relation inverse dans l’ensemble. Autrement dit, chaque augmentation moyenne de 10 % du pourcentage de Canadiens travaillant à domicile pendant la pandémie s’est traduite par une diminution presque équivalente (c.-à-d. 9,4 %) du nombre de passagers du transport en commun. Évidemment, la force de cette relation varie selon l’endroit où l’on vit et le type de travail effectué.

Variations régionales et industrielles

Bien que la pandémie ait entraîné une baisse marquée de la demande de transport en commun à l’échelle nationale, il y avait des différences entre les provinces. Au cours de la période d’avril 2020 à mai 2021, la proportion de passagers du transport en commun par rapport au même mois avant la pandémie se situait, en moyenne, à un peu moins du tiers (30,9 %). Dans le Canada atlantique, les sociétés de transport en commun des quatre provinces ont maintenu plus de 40 % de leur achalandage mensuel de 2019 pendant la pandémie (graphique 2)Note . De même, le nombre d’usagers du transport en commun au Manitoba et en Saskatchewan atteignait près de 40 % du niveau observé avant la pandémie. Au cours de cette même période de la pandémie, la proportion moyenne de la population active occupée travaillant à domicile dans ces provinces était légèrement supérieure ou légèrement inférieure à 20 %.

Graphique 2 : Travail à domicile et nombre d’usagers du transport en commun par province pendant la COVID-19

Tableau de données du graphique 2 
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2 Moyenne mensuelle d’avril 2020 à mai 2021, T.-N.-L., Î.-P.-É., N.-É., N.-B., Qc, Ont., Man., Sask., Alb. et C.-B., calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Moyenne mensuelle d’avril 2020 à mai 2021
T.-N.-L. Î.-P.-É. N.-É. N.-B. Qc Ont. Man. Sask. Alb. C.-B.
pourcentage
Proportion de personnes travaillant à domicile 17,9 20,0 23,2 20,5 29,5 36,0 21,6 19,6 26,7 27,7
Proportion de passagers du transport en commun avant la pandémie 47,5 47,5 47,5 41,7 32,8 25,6 38,3 38,3 30,7 37,7

En revanche, le Québec, l’Ontario et l’Alberta ont enregistré, en moyenne, un plus grand nombre de personnes travaillant à domicile entre avril 2020 et mai 2021 (29,5 %, 36,0 % et 26,7 % respectivement). Ces trois provinces ont connu des proportions plus faibles d’usagers du transport en commun au cours de cette période, celles-ci s’établissant à près de 30 % ou moins. La Colombie-Britannique se situe entre ces deux groupes de provinces, affichant une proportion mensuelle moyenne relativement élevée de personnes travaillant à domicile (27,7 %), tout en maintenant un nombre d’usagers du transport en commun à plus du tiers (37,7 %) à ce qu’il était avant la pandémie. Dans une certaine mesure, ces variations provinciales reflètent les différences sous-jacentes dans la structure urbaine et économique.

La proportion de Canadiens qui travaillent à domicile varie selon le secteur. Au moment du sommet d’avril 2020, les trois quarts (75,6 %) des travailleurs du secteur des services professionnels, scientifiques et techniques travaillaient à domicile. Ce pourcentage a diminué pour s’établir aux deux tiers (68,2 %) à la fin de 2020 et s’est maintenu à ce niveau en mai (graphique 3). Alors que plus des quatre cinquièmes (82,1 %) des travailleurs des services d’enseignement travaillaient à domicile en avril 2020, ce pourcentage est tombé à un tiers (33,3 %) en décembre et est revenu à près d’une moitié (47,4 %) en mai, évoluant en parallèle à l’imposition de mesures de santé publique concernant l’apprentissage en classe.

Graphique 3 : Travail à domicile pendant la pandémie, par secteur, certains mois

Tableau de données du graphique 3 
Tableau de données du graphique 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 3 Avril 2020, Décembre 2020 et Mai 2021, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Avril 2020 Décembre 2020 Mai 2021
pourcentage
Services professionnels, scientifiques et techniques 75,6 68,2 67,9
Finance, assurance, secteur immobilier, location et crédit-bail 67,5 64,4 66,2
Administration publique 62,6 55,6 58,4
Services d'enseignement 82,1 33,3 47,4
Fabrication 23,1 14,6 15,9
Hébergement et restaurationTableau de Note 1 8,3 3,0 6,3

En revanche, moins du quart (23,1 %) des travailleurs du secteur de la fabrication travaillaient à domicile en avril 2020 et, depuis, ce pourcentage a diminué pour s’établir à environ 15 %. Dans le secteur des services d’hébergement et de restauration, où le travail exige généralement une proximité physique étroite avec les autres, une fraction seulement des employés travaillaient à domicile pendant la pandémie. D’autres secteurs se situent entre les deux. Enfin, ces différences sectorielles peuvent avoir une incidence plus marquée sur certains groupes de travailleurs que sur d’autres, selon des facteurs socioéconomiques comme, par exemple, l’âge, la scolarité, la race et le statut d’immigrant.

La voie de l’avenir pour le transport en commun

Comme le travail à domicile et d’autres mesures se poursuivent maintenant pour une deuxième année, la question à se poser n’est peut-être pas de savoir quand, mais plutôt si le nombre d’usagers du transport en commun reviendra entièrement aux niveaux pré- pandémiques. Dans une étude antérieure (voir la note 2 en fin de texte), Statistique Canada a estimé qu’une transition vers une pleine capacité de télétravail pourrait réduire le nombre total de déplacements au cours d’une année donnée pour les travailleurs qui utilisaient auparavant le transport en commun d’environ la moitié (52 %), ce qui réduirait grandement la demande de transport en communNote . Toute réduction de la demande de transport en commun varierait selon la région.

Par exemple, dans le cadre de l’étude, on a estimé que le nombre annuel de déplacements en transport en commun — à une pleine capacité de télétravail — pourrait diminuer d’aussi peu que 26 % à Windsor, en Ontario, et de jusqu’à 62 % à Ottawa–Gatineau. Cette différence illustre l’importance de l’endroit où l’on vit et du type d’emploi occupé. Windsor est une région urbaine plus décentralisée, sans transport en commun rapide, et comptant davantage sur les emplois du secteur de la fabrication. En revanche, à Ottawa-Gatineau, il y a plus de travailleurs dans les administrations publiques situées dans des carrefours d’emploi plus denses desservis par le transport en commun rapide.

Cette analyse antérieure suppose que l’économie canadienne peut faire la transition vers une pleine capacité de télétravail. Bien qu’une telle transition semble improbable, une certaine forme de travail à domicile pourrait continuer d’être une option après la pandémie. Pour explorer cette question et d’autres connexes, l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises (deuxième trimestre de 2021) de Statistique Canada, qui couvre l’ensemble des secteurs d’activité, comprenait des questions sur les mesures précises adoptées par les entreprises pendant la pandémie et la probabilité qu’elles soient maintenues de façon permanenteNote .

Parmi les entreprises qui ont adopté le travail à domicile pendant la pandémie, un peu plus de la moitié (57,7 %) sont susceptibles d’exiger que les employés retournent au travail sur place, la proportion allant du tiers (33,8 %) des entreprises du secteur des services professionnels, scientifiques et techniques, aux deux tiers (67,8 %) de celles du secteur des services d’hébergement et de restauration. Toutefois, parmi ces mêmes entreprises, plus du quart ont l’intention d’offrir à plus d’employés la possibilité de faire du télétravail (27,1 %) et d’accroître l’infrastructure de TI pour appuyer le télétravail (29,8 %) comme mesures permanentes.

Il semble qu’il y ait plusieurs voies possibles et, pour chaque société de transport en commun, cela dépendra de différents facteurs comme la taille de la ville et sa structure urbaine et économique, le soutien stratégique des administrations locales et provinciales, les restrictions sanitaires, et les taux de vaccination. La technologie jouera un rôle déterminant, d’une part, en amélioration les solutions de télétravail pour appuyer le travail à domicile et, d’autre part, en offrant des options comme le paiement sans contact et d’autres garanties pour atténuer les inquiétudes des passagers en matière de santé. Quoi qu’il en soit, il y aura une nouvelle norme pour le transport urbain.

Données et définitions

L’Enquête mensuelle sur le transport de passagers par autobus et le transport urbain de Statistique Canada recueille des données sur les recettes d’exploitation totales (à l’exception des subventions) et le nombre total de passagers (c.-à-d. les déplacements). L’enquête couvre un panel dans chaque province où des établissements effectuent des activités de transport urbain et qui, ensemble, représente au moins 75 % des recettes d’exploitation du transport en commun.

L’Enquête mensuelle sur la population active de Statistique Canada fournit des estimations sur l’emploi, les heures et les conditions de travail selon l’industrie, la profession et le secteur. Au début de la pandémie, des questions ont été ajoutées sur le travail à domicile, défini comme la proportion de travailleurs non absents qui ont travaillé au moins la moitié de leurs heures habituelles à domicile.

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