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  1. Introduction
  2. Persistance du profil de l'âge d'accession à la propriété d'une cohorte à l'autre
  3. Le plateau d'accession à la propriété a remonté et changé pour les aînés
  4. Les différences entre les cohortes varient selon le groupe d'âge
  5. Le revenu et la structure de la famille sont associés à d'importantes différences d'accession à la propriété entre les groupes d'âge semblables et à l'intérieur de ceux-ci
  6. Les maisons constituent un bien collectif pour les membres du ménage
  7. Conclusion

1   Introduction

L'accession à la propriété influe sur les décisions en matière d'investissement, de consommation et d'épargne, et elle joue un rôle important au regard du mieux-être à la retraite (Kendig, 1984; Engelhardt, 2008).

L'achat d'une propriété est l'un des investissements les plus importants que font les Canadiens. À ce titre, il permet de se constituer un patrimoine financier pendant toute la durée de la vie (c'est-à-dire selon le profil d'âge et la situation familiale aux différentes étapes de la vie). L'actif ainsi constitué produit des services de logement, qui sont particulièrement importants pour les familles avec enfants, et cet actif peut être réalisé plus tard pour servir de revenu de retraite ou pour répondre à d'autres besoins (Crossley et Ostrovsky, 2003; Thomas, 2005).

Deux aspects de cette réalité sont examinés ici. En premier lieu, dans quelle mesure les Canadiens acquièrent-ils et conservent-ils une propriété aux différentes étapes de leur vie, notamment après 65 ans? L'achat d'une maison constitue un investissement majeur pour un ménage. Nous nous intéressons particulièrement à la mesure dans laquelle les Canadiens de divers groupes d'âge, niveaux de revenu et structures familiales (y compris les couples avec et sans enfants) font un tel investissement.

Deuxièmement, le profil de l'âge d'accession à la propriété change-t-il d'une génération à l'autre? Les générations successives de Canadiens deviennent-elles moins susceptibles d'acheter une maison pendant leur vie, et les personnes âgées profitent-elles aujourd'hui dans une moindre mesure qu'auparavant des services de logement que l'acquisition d'une propriété apporte? La question toujours actuelle de savoir si les Canadiens peuvent ou ne peuvent pas subvenir à leurs propres besoins à la retraite porte presque exclusivement sur le revenu des retraités et ne tient généralement pas compte des avantages des services de logement que les propriétaires de maison sont en mesure de s'offrir.

À partir des données de huit recensements de la population du Canada menés de 1971 à 2006, nous répondons à ces questions en suivant les taux d'accession à la propriété de diverses cohortes nées des années 1910 aux années 1970, depuis les jeunes adultes de chaque cohorte jusqu'aux aînés.

Les auteurs d'études analytiques réalisées en Amérique du Nord et en Europe constatent que les ménages choisissent leur mode d'occupation et ajustent la qualité et le prix des services qu'ils consomment en fonction de leur situation économique et de leurs besoins en services de logement (Alegre et Pou, 2009; Engelhardt, 2008; Myers, 1999). Au fur et à mesure des transitions que traversent les ménages — des personnes seules aux couples, puis des couples sans enfants aux couples avec enfants tout en poursuivant la carrière —, les choix quant au type d'habitation vont souvent d'un logement locatif à une propriété, puis à une amélioration de la qualité de l'habitation et de sa valeur (Kendig, 1984). Bien que certains chercheurs se soient intéressés au moment et aux corrélats de ces transitions dans les modes d'occupation, les estimations fiables quant au profil de l'âge d'accession à la propriété au Canada 1  et dans d'autres pays développés sont rares. Cela s'explique ainsi : pour distinguer le profil d'âge des différences entre les cohortes de naissance, il faut réunir des observations s'étendant sur tout le cycle de vie d'une personne de même que des ensembles de données complètes portant sur une longue période. La présente étude bénéficie des données de huit recensements menés de 1971 à 2006, qui offrent des renseignements cohérents sur le mode d'occupation au niveau national. Nous présentons ici des estimations complètes, fiables et à jour par cohortes de naissance sur une période prolongée.

La compréhension des différences entre les cohortes quant à l'accession à la propriété et des causes possibles de ces différences nous aident à suivre l'évolution du mode d'occupation des membres des cohortes en début de carrière jusqu'aux cohortes qui sont à l'âge de la retraite ainsi qu'à prévoir les réalités de demain.

2   Persistance du profil de l'âge d'accession à la propriété d'une cohorte à l'autre

Afin de suivre le cycle de vie de l'habitation, les taux d'accession à la propriété sont calculés pour le ou les soutiens du ménage (la ou les personnes qui assument les coûts d'habitation), par tranche d'âge et pour chaque recensement de la population, et les résultats sont portés au graphique 1 (et au tableau explicatif 12  . Ces profils couvrent les cohortes de naissance de 1916-1920 à 1976-1980. Comme les taux d'accession à la propriété se rapportent au principal soutien du ménage, ils ne correspondent pas au pourcentage de la population générale vivant dans un ménage propriétaire de sa maison. La tendance relative à cette population générale est examinée à la section 6.

On constate qu'il existe une forte constance du profil de l'âge d'accession à la propriété d'une génération de Canadiens à l'autre 3  . Les trajectoires des diverses cohortes de naissance sont très homogènes, particulièrement chez les jeunes adultes et les groupes d'âge les plus actifs, et elles témoignent d'un profil d'âge régulier en matière d'accession à la propriété. Des différences existent entre les cohortes quant aux taux d'accession à la propriété pour le groupe d'âge de la préretraite et de la retraite, mais la forme des trajectoires de toutes les cohortes suit néanmoins la même courbe à ces deux étapes de la vie.

En général, le taux d'accession à la propriété augmente rapidement en même temps que l'âge du soutien du ménage avant le début de la quarantaine et continue d'augmenter plus lentement pour atteindre un plateau de plus de 75 % vers l'âge de 65 ans. Le taux d'accession à la propriété change peu chez les personnes de 65 à 74 ans, mais il commence à fléchir chez celles de plus de 75 ans.

Le modèle d'accession à la propriété après l'âge de 65 ans correspond à l'hypothèse d'un « effet de cliquet » : les ménages tendent à ajuster leur acquisition d'habitation à la hausse, mais ils la réduisent rarement (Kendig, 1984). Cette tendance signifie notamment qu'il n'y aura probablement pas de montée de la demande de logements locatifs ni d'augmentation massive du nombre de maisons à vendre au fur et à mesure que le nombre de personnes de 65 ans passera de 320 000 à 570 000 dans les 20 prochaines années et que la taille de cette population se stabilisera graduellement par la suite. L'expérience nous apprend que la plupart des baby-boomers sont susceptibles de garder leur maison pendant plus de 10 ans après l'âge de 65 ans.

Le Canada n'est pas le seul pays à afficher un modèle stable d'accession à la propriété pour les aînés. Des études menées aux États-Unis indiquent que les personnes âgées préfèrent demeurer dans leur maison jusqu'à ce qu'elles soient obligées de la quitter en raison du décès du conjoint ou de la détérioration de leur état de santé (Kendig, 1984; Myers, 1999). Une étude menée dans 15 pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques révèle que le pourcentage de l'accession à la propriété ne commence à diminuer qu'après l'âge de 70 ans dans la plupart des pays et qu'il diminue d'un point par année à partir de l'âge de 75 ans (Chiuri et Jappelli, 2009). La même étude montre que le Canada enregistre une diminution plus importante du taux d'accession à la propriété dans le groupe d'âge de 65 à 80 ans que ne le font les États-Unis et le Royaume-Uni. Ces résultats concernant le Canada se fondent sur l'expérience des personnes nées dans les années 1900 et 1910 4  . Bien qu'ils soient compatibles avec la tendance signalée ici concernant les cohortes de la fin des années 1910 et du début des années 1920, ces résultats ne sont pas compatibles avec les données relatives aux cohortes ultérieures, qui affichent des signaux moins évidents de baisse, peut-être en raison des gains plus élevés des membres de ces groupes pendant leur vie.

3   Le plateau d'accession à la propriété a remonté et changé pour les aînés

Les générations successives atteignent des taux d'accession à la propriété de plus en plus élevés quand elles approchent de la dernière partie de leur vie active. Dans notre étude, le niveau auquel l'accession à la propriété se stabilise a constamment remonté pour toutes les cohortes de naissance (graphique 2 et tableau explicatif 1). Le niveau le plus élevé est de 73 % pour la cohorte de naissance de 1916-1920, de 76 % pour celle de 1926-1930, de 77 % pour celle de 1936-1940 et même de 78 % pour la cohorte de 1941-1945.

Comme les personnes nées dans les années 1950 ont déjà dépassé les cohortes précédentes au regard des taux d'accession à la propriété dans les groupes d'âge de 45 à 49 ans et de 50 à 54 ans, il n'est pas déraisonnable de s'attendre à ce que le taux d'accession à la propriété le plus élevé de cette cohorte soit également plus élevé que ceux des cohortes précédentes. Les auteurs de récentes études internationales ont également constaté de puissants effets de cohortes positifs en ce qui concerne l'accession à la propriété chez les personnes âgées aux États-Unis et dans plusieurs pays européens (Alegre et Pou, 2009; Engelhardt, 2008).

Le plateau d'accession à la propriété change également pour les aînés. Les personnes nées dans les années 1910 et les années 1920 ont atteint un plateau à l'âge de 55 à 59 ans. Pour celles qui sont nées dans les années 1930 et au début des années 1940, ce plateau n'a été atteint qu'à l'âge de 60 à 64 ans.

Que réserve l'avenir aux membres des cohortes qui atteignent l'âge de la retraite, c'est-à-dire les personnes nées pendant la Seconde Guerre mondiale et les premiers baby-boomers? Il est difficile de faire des prévisions lorsque les séries sont très instables. Quoi qu'il en soit, les changements relatifs à l'accession à la propriété pendant un cycle de vie sont relativement constants d'une cohorte à l'autre. C'est ainsi que des chercheurs ont déjà essayé de produire des prévisions selon les cohortes fondées sur les régularités observées dans les profils d'âge des différentes cohortes de naissance (Myers, 1999). Comme les cohortes adjacentes ont tendance à avoir des profils d'âge affichant la même forme même si leur niveau à une fourchette d'âge donnée peut différer (Crossley et Ostrovsky, 2003), des projections sont calculées en commençant avec le niveau d'accession à la propriété pour une cohorte donnée à un point d'observation extrême et en ajoutant d'autres éléments de changement de l'accession à la propriété provenant de la pente de la cohorte observée le plus récemment. Par exemple, en ce qui a trait à la cohorte de 1941-1945, l'augmentation projetée de 60 à 64 ans jusqu'à 65 à 69 ans est fondée sur la pente de la cohorte de 1936-1940 dans la même fourchette d'âge, tandis que l'augmentation projetée de 65 à 69 ans jusqu'à 70 à 74 ans est fondée sur la pente de la cohorte de 1931-1935 pendant la même fourchette d'âge. Cette méthode de projection laisse croire que le plateau continue probablement d'augmenter pour se rapprocher de 80 % chez les personnes nées au début des années 1950 (voir le graphique 2).

4   Les différences entre les cohortes varient selon le groupe d'âge

La comparaison des différences d'accession à la propriété entre des groupes d'âge analogues à chaque Recensement de la population (graphique 3) présente un instantané des répercussions de la fluctuation de la conjoncture macroéconomique sur les régularités du cycle de vie de la propriété décrites plus haut. Le prix des maisons neuves, les taux d'intérêt, le taux de chômage et les taux d'inoccupation des logements locatifs exercent tous une incidence sur l'accession à la propriété par rapport à la location d'un logement. Signalons que le contexte macroéconomique a subi des changements marqués pendant la période faisant l'objet de notre examen (voir le deuxième graphique de l'annexe). De même, l'aisance relative de différentes cohortes a changé au fil du temps à mesure que les baby-boomers atteignaient l'âge de la maturité et que de nouvelles cohortes entraient sur le marché du travail.

La hausse du plateau d'accession à la propriété des cohortes à l'âge de la préretraite (55 à 64 ans) peut être constatée lorsque les taux d'accession à la propriété sont présentés de façon transversale par année de recensement (graphique 3 et tableau explicatif 2). Les personnes de 55 à 64 ans forment le seul grand groupe d'âge où nous pouvons observer une augmentation soutenue de l'accession à la propriété tout au long de la période de 35 ans à l'étude. Cette augmentation coïncide avec une généralement meilleure espérance de vie indépendante et en santé après la retraite. Entre 1951 et 2006, l'espérance de vie des Canadiens a augmenté de quelque 12 ans. En 2006, les personnes de 65 ans avaient une espérance de vie moyenne d'encore 20 ans (Millar, 1995 ; Statistique Canada, 2009). Cette espérance de vie prolongée pourrait expliquer en partie pourquoi les personnes ayant atteint l'âge de la préretraite sont de plus en plus nombreuses à accéder à la propriété et à la conserver. Bien plus, la perspective de disposer d'un revenu stable après la retraite s'est également améliorée grâce à l'expansion graduelle du système de revenu de retraite du Canada. La cohorte de naissance qui a eu 65 ans en 1976 a commencé à recevoir les pleines prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) et du Régime de rentes du Québec (RRQ), et les cohortes ultérieures ont encore bénéficié davantage de l'expansion des régimes privés de pensions qui a eu lieu entre les années 1950 et les années 1970 (Myles, 2000).

Pour les personnes âgées (65 à 74 ans et 75 ans ou plus), l'accession à la propriété a fléchi tôt durant la période à l'étude (les années 1970), particulièrement pour les personnes de 75 ans ou plus. Comme la majorité de ces personnes ont atteint l'âge de 65 ans au début des années 1970, elles ne touchaient pas les pleines prestations du RPC et du RRQ. Les années 1970 correspondent aussi à la période où le prix des maisons a augmenté rapidement (voir le deuxième graphique de l'annexe). Depuis les années 1980, l'accession des aînés à la propriété a augmenté graduellement, probablement en raison de l'augmentation du revenu de la famille, surtout à l'extrémité inférieure de la répartition des revenus. En 1980, 30 % des membres de ce groupe de population vivaient en situation de faible revenu. Ce pourcentage a chuté à 14 % en 2005 en raison de l'effet direct du revenu sous forme de transferts gouvernementaux (Picot, Lu et Hou, 2009).

Contrairement à la diminution du taux d'accession chez les aînés dans les années 1970, le taux d'accession a augmenté durant cette période chez les jeunes adultes de 20 à 34 ans et le groupe d'âge le plus actif (35 à 54 ans). C'était aussi l'époque où le marché des logements locatifs était resserré, une situation qui pesait lourd sur les épaules des jeunes adultes qui étaient majoritairement locataires (voir le deuxième graphique de l'annexe). Les premiers baby-boomers ont atteint l'âge de 25 ans en 1971, faisant passer du même coup de 13,6 % à 17,6 % la proportion de jeunes adultes de 25 à 34 ans au sein de la population totale au cours de la décennie suivante. Leur nombre croissant, conjugué à la tendance à la baisse à demeurer chez leurs parents, a fait fléchir les taux d'inoccupation, et les loyers ont augmenté en conséquence (Foot et Stoffman, 1998) 5  . Le marché locatif resserré et l'augmentation rapide du prix des maisons au début des années 1970 ont eu pour effet que l'achat d'une maison se révélait plus intéressant pour ceux qui en avaient les moyens (Myers, 1999).

À partir du début des années 1980 jusqu'au milieu des années 1990, l'accès à la propriété a diminué tant chez les jeunes adultes que chez le groupe d'âge le plus actif. C'était l'époque des taux d'intérêt élevés, des récessions du début des années 1980 et du début des années 1990 ainsi que du marché des logements locatifs relâché des années 1990. Même si le nombre de baby-boomers entrant sur le marché de l'habitation (c'est-à-dire la portion de la population formée par le groupe d'âge des 25 à 34 ans) a continué à croître jusqu'en 1989, la pression que ces derniers ont exercée sur le marché de l'habitation, en raison de leur grand nombre et de l'importante proportion de la population qu'ils représentaient, était en grande partie compensée par la tendance croissante des jeunes adultes à rester chez leurs parents. Alors que 8,3 % des jeunes adultes (de 25 à 34 ans) n'avaient pas quitté le domicile de leurs parents en 1981, ce taux a augmenté de façon continue par la suite pour atteindre 17,9 % en 2006. Du début des années 1980 au milieu des années 1990, la situation des jeunes hommes sur le marché du travail s'est détériorée d'une cohorte de naissance à l'autre. Ils étaient moins nombreux à travailler à plein temps toute l'année, et leur rémunération hebdomadaire avait également fléchi (Beaudry et Green, 2000).

Après le milieu des années 1990, les taux d'accession à la propriété ont augmenté de nouveau chez les jeunes adultes et le groupe d'âge le plus actif. Cela coïncidait avec une période où les taux d'intérêt et, par conséquent, le loyer de l'argent, étaient peu élevés et où les conditions du marché du travail s'amélioraient. En particulier, les salaires des jeunes travailleurs ont augmenté en chiffres absolus et aussi par rapport à ceux des travailleurs âgés (Morissette, 2008). Les changements apportés à la réglementation touchant les hypothèques ont aussi contribué à la croissance de l'accès à la propriété au cours de cette période. En 1998, la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) a transformé deux programmes temporaires en programmes permanents : le Régime d'accession à la propriété et le Programme d'assurance-prêts pour accédants à la propriété, lequel assure les hypothèques jusqu'à 95 % de la valeur d'une maison (Hulchanski, 2003). Il est également devenu plus facile d'obtenir une hypothèque auprès des prêteurs contre un versement initial peu élevé ou même nul (Thomas, 2005).

Pendant la période de 35 ans allant de 1971 à 2006, le taux global d'accession à la propriété est passé de 60 % à 69 % chez les ménages dont le soutien principal avait 20 ans ou plus. Environ la moitié de cette hausse est attribuable aux changements à la structure par âge de la société canadienne, particulièrement à l'importante augmentation du nombre de personnes de 45 à 59 ans et de plus de 75 ans. Une hausse du taux d'accession à la propriété a aussi été observée pour chaque tranche d'âge de cinq ans pendant toute la période à l'étude, malgré d'importantes fluctuations des taux d'accession à la propriété chez les jeunes adultes et les personnes âgées.

5   Le revenu et la structure de la famille sont associés à d'importantes différences d'accession à la propriété entre les groupes d'âge semblables et à l'intérieur de ceux-ci

Le profil de l'accession à la propriété selon l'âge et la cohorte présenté plus haut est un agrégat de taux d'accession par des individus qui diffèrent considérablement selon le revenu et les types de familles. L'accession à la propriété varie grandement selon les niveaux de revenu, et les besoins en logement varient pour leur part selon les types de familles. Les changements observés au fil du temps relativement aux taux d'accession correspondent aussi bien aux changements constatés dans le rapport entre ces caractéristiques et l'accession à la propriété qu'aux changements observés dans la composition de la population.

Le profil d'âge moyen observé relativement à l'accession à la propriété correspond en partie à la croissance des gains au cours des diverses étapes de la vie, le revenu augmentant en fonction de l'expérience de travail. Le rythme de la croissance des gains tend à être le plus rapide au cours des 10 à 15 années après l'entrée sur le marché du travail, et il ralentit et se stabilise dans la dernière partie de la vie professionnelle (Lemieux, 2006). L'accession à la propriété suit une trajectoire semblable.

L'évolution de la structure des ménages influe également sur les décisions en matière de logement. Les familles avec enfants ont besoin de plus d'espace que les personnes seules. Pour les personnes qui peuvent se permettre l'achat d'une maison, les diverses étapes de la vie peuvent influer sur la probabilité d'acheter et de conserver une maison, sans égard au revenu (Kendig, 1984). La constitution d'une famille peut également influer sur la disponibilité du revenu. Les personnes qui entreprennent une union conjugale peuvent voir leur revenu familial augmenter considérablement si les deux conjoints travaillent.

Notre étude met également à jour des différences de taux d'accession à la propriété selon le revenu aux diverses étapes de la vie des individus. Les différences les plus importantes entre les quintiles de revenu au regard de l'accès à la propriété s'observent chez les jeunes adultes. En 2006, dans le groupe des 20 à 34 ans, plus des trois quarts des ménages du quintile de revenu supérieur étaient propriétaires, contre moins d'un cinquième des ménages du quintile de revenu inférieur. Pour les jeunes ménages, le ratio des taux d'accession à la propriété des quintiles de revenu supérieur au quintile inférieur était de 4. Le ratio correspondant était de 2 pour le groupe d'âge des 35 à 54 ans et de 1,7 pour les trois autres groupes plus âgés.

Pour les familles à revenu élevé, le taux d'accession a été à la hausse à toutes les étapes de la vie de 1971 à 2006. Le quintile de revenu supérieur de chaque groupe d'âge a connu la hausse la plus rapide, suivi du quatrième quintile de revenu. Dans une moindre mesure, le taux d'accession à la propriété du second quintile de revenu a également été à la hausse, sauf pour les personnes de 75 ans ou plus. Pendant cette période, c'est le revenu réel de la famille (c'est-à-dire le revenu de la famille ajusté en fonction des changements d'après l'indice des prix à la consommation) du quintile de revenu supérieur de chaque groupe d'âge qui a aussi connu la plus forte hausse, suivi du quatrième quintile (tableau explicatif 3).

Contrairement à la tendance croissante à l'accession à la propriété dans les quintiles de revenu supérieurs pendant cette période, l'accès à la propriété a fléchi pour les ménages de la tranche inférieure (de 20 %) de la répartition du revenu. Il s'ensuit que l'écart dans l'accès à la propriété selon la répartition du revenu s'est élargi, particulièrement chez les jeunes adultes et le groupe d'âge le plus actif. Pour les 20 à 34 ans, le quintile de revenu supérieur se caractérisait par des taux d'accession de 23 % supérieurs en 1971, 119 % en 1981 et 300 % en 2006 à ceux du quintile du revenu inférieur. L'écart correspondant pour les 35 à 54 ans est passé de 18 % en 1971 à 45 % en 1981 et à 97 % en 2006. Pour les groupes d'âge plus avancé, l'augmentation de cet écart a eu lieu principalement dans les années 1970.

Le rôle du revenu dans l'accession à la propriété est important et a souvent pour effet d'atténuer les différences d'accès à la propriété attribuables aux diverses grandes étapes de la vie. Les jeunes ayant un revenu élevé affichent des taux d'accession à la propriété analogues à ceux de personnes de 10 à 20 ans plus âgées ayant un revenu inférieur. Comme l'indique le tableau 1, le taux d'accession en 2006 du quintile supérieur du revenu de la famille (ajusté par équivalence « membres adultes ») pour le groupe d'âge de 20 à 34 ans est analogue à celui du quintile de revenu médian pour le groupe d'âge le plus actif (35 à 54 ans) et à celui du second quintile de revenu pour les groupes d'âge de 55 à 64 ans et de 65 à 74 ans 6  .

À l'intérieur de chaque grand groupe d'âge, les ménages de différents quintiles de revenu n'ont pas suivi la même trajectoire ascendante que celle que nous avons observée pour le groupe d'âge dans son ensemble. Par exemple, dans les années 1970, le taux d'accession à la propriété pour les jeunes adultes et le groupe d'âge le plus actif a augmenté considérablement. Cependant, les ménages du quintile de revenu inférieur n'ont pas suivi le même parcours, soit par choix, soit par nécessité. Tandis que le marché locatif était très resserré à cette époque, l'acquisition d'une propriété devenait moins abordable en raison de la hausse du prix des maisons et des taux d'intérêt élevés. Dans les années 1980 et au début des années 1990, l'accession à la propriété a fléchi pour les deux groupes d'âge, mais ce fléchissement était plus prononcé dans le cas du quintile inférieur et du deuxième quintile. Ce n'est qu'après le milieu des années 1990 que le taux d'accession à la propriété a augmenté dans le cas de tous les quintiles de revenu.

La structure de la famille constitue un autre facteur expliquant les écarts entre les taux d'accession à la propriété. À des niveaux de revenu analogues, les taux d'accession varient selon le type de famille, probablement en raison des différences observées dans les besoins précis en matière d'habitation conjuguées aux différences quant aux relations conjugales et à l'activité de procréation.

Les personnes hors famille enregistraient le plus bas taux d'accession à la propriété dans chaque quintile de revenu et dans chaque groupe d'âge. Toutefois, la différence entre leurs taux d'accession à la propriété et ceux d'autres types de familles s'est considérablement atténuée au cours des 30 dernières années (tableau explicatif 4). La raison en est que le taux d'accession à la propriété augmente à un rythme beaucoup plus rapide (quoique l'augmentation en points de pourcentage ne soit pas nécessairement plus forte) pour les personnes hors famille que pour celles dans autres types de familles dans le deuxième quintile de revenu supérieur dans tous les grands groupes d'âge (à l'exception du groupe des 75 ans ou plus). Par exemple, dans le cas du groupe d'âge des 20 à 34 ans, les taux d'accession à la propriété pour les personnes hors famille du quintile de revenu supérieur sont passés de 12,5 % à 60,4 %, une hausse de 48 points de pourcentage, au cours des 35 dernières années, comparativement à une augmentation de 29 points de pourcentage (de 65,4 % à 93,6 %) pour les couples avec enfants.

Le taux global d'accession à la propriété au Canada pendant cette période a augmenté également à la suite de changements dans la composition de la population générale vers une plus grande proportion de personnes dont les taux d'accession à la propriété allaient en croissant. Ainsi, la proportion de personnes hors famille a considérablement augmenté au sein de deux groupes en âge de travailler (35 à 54 ans et 55 à 64 ans). Comme le fait de vivre seul devient de plus en plus courant, on peut dire qu'il s'agit d'une situation moins passagère, du moins sous l'angle de l'achat d'une maison.

Bref, les personnes hors famille et ayant un revenu supérieur étaient beaucoup plus susceptibles d'acheter une maison en 2006 que trois décennies auparavant. Chez les jeunes adultes et le groupe d'âge le plus actif, les personnes hors famille du quintile de revenu supérieur affichaient un taux d'accession à la propriété beaucoup plus élevé que les couples avec enfants du quintile de revenu inférieur en 2006. Il s'agit d'un reversement complet de la tendance observée en 1971, alors que les personnes hors famille affichaient un faible taux d'accession à la propriété, peu importe leur revenu (tableau explicatif 4).

Malgré les changements observés dans les groupes hors famille au fil des ans, un taux d'accession à la propriété plus élevé est davantage associé aux relations conjugales et à la présence d'enfants qu'aux personnes hors famille. L'importance relative des deux premiers facteurs, à savoir les relations conjugales et la présence d'enfants, varie selon l'âge et le revenu. Pour les jeunes adultes de 20 à 34 ans, davantage qu'uniquement la relation conjugale, c'est la présence d'enfants qui est rattachée à un niveau d'accession à la propriété plus élevé. Tandis que les couples avec enfants affichaient les taux d'accession à la propriété les plus élevés dans tous les quintiles de revenu, les parents seuls avaient aussi tendance à enregistrer des taux beaucoup plus élevés que les couples sans enfants dans les deuxième, troisième et quatrième quintiles de revenu. Cette tendance s'est maintenue de 1971 à 2006. Les mères seules du quintile de revenu inférieur affichaient des taux d'accession à la propriété plus faibles que les couples sans enfants. Comme les jeunes mères seules se retrouvaient surtout dans le quintile de revenu inférieur, le taux d'accession à la propriété de ce groupe était peu élevé.

Pour le groupe d'âge le plus actif et le groupe de la préretraite, la relation conjugale est plus importante que la présence d'enfants au regard de l'accession à la propriété. Les parents seuls, pères ou mères, sont répartis dans l'échelle du revenu et ont tendance à afficher des taux d'accession à la propriété beaucoup plus faibles que les couples avec ou sans enfants, particulièrement dans les deux quintiles de revenu inférieurs. Pour le groupe d'âge le plus actif, la présence ou l'absence d'enfants demeure un important facteur de distinction relativement à l'accession à la propriété, les couples sans enfants affichant un taux plus faible. Pour le groupe de la préretraite, la présence d'enfants adultes ne fait aucune différence au regard de l'accession à la propriété chez les familles biparentales.

Dans le même ordre d'idées, les taux d'accession à la propriété varient peu en fonction de la présence d'enfants adultes pour le groupe des 65 à 74 ans mais, pour le groupe des 75 ans ou plus, ce facteur est associé à un écart de quelques points de pourcentage. Pour les deux groupes d'âge, la présence d'enfants s'observait dans une faible proportion de familles, et les structures familiales prédominantes étaient les couples sans enfants et les personnes hors famille.

Il est intéressant de constater que la part des couples avec enfants a connu la plus forte augmentation dans les deux quintiles de revenu supérieurs parmi les ménages de personnes âgées (65 ans ou plus) et, en 2006, elle était beaucoup plus élevée dans les quintiles de revenu supérieur que dans les quintiles inférieurs. La même tendance s'observe dans le groupe d'âge de la préretraite (55 à 64 ans). Ces résultats donnent à penser que la tendance croissante des enfants adultes à demeurer chez leurs parents a eu lieu surtout dans les familles à revenu élevé. Dans l'ensemble, les taux d'accession à la propriété pour les personnes retraitées du quintile de revenu supérieur étaient élevés, quel que soit le type de famille.

6   Les maisons constituent un bien collectif pour les membres du ménage

La possession d'une maison a une double fonction : elle constitue un actif et elle permet aux ménages d'acquérir des biens de consommation. Bien que la maison puisse ne pas appartenir à tous les membres du ménage, tous participent à la consommation des services (c'est-à-dire le logement et les commodités connexes) que l'actif offre. En d'autres mots, cela signifie qu'une maison est un bien « collectif » pour les membres propriétaires et non propriétaires du ménage. Par « membres non propriétaires », nous entendons les enfants et les jeunes vivant avec leurs parents, les personnes apparentées et les amis vivant avec la famille ainsi que les personnes âgées vivant avec leurs enfants adultes.

Dans les sections précédentes, nous avons examiné l'accession à la propriété au niveau du principal soutien du ménage. Nous élargissons ici notre étude en la faisant porter sur la proportion de personnes qui vivent dans des maisons non louées. Le pourcentage de femmes et d'hommes membres de ménages et vivant dans des logements occupés par le propriétaire est présenté aux graphiques 4 et 5 (voir aussi le tableau explicatif 5).

En comparant le graphique 1, portant sur les ménages, aux graphiques 4 et 5, portant sur les particuliers, nous constatons que les jeunes adultes au début de la vingtaine, particulièrement les hommes, sont les plus susceptibles de vivre dans des maisons qui ne leur appartiennent pas. Par exemple, chez ceux qui sont nés de 1976 à 1980, bien que seulement 15 % des soutiens de ménage de 20 à 24 ans possèdent leur maison, 62 % des hommes et 56 % des femmes dans ce groupe d'âge vivent dans des maisons occupées par le propriétaire. Les hommes ont tendance à nouer des relations conjugales plus tard dans la vie que les femmes et, par conséquent, peuvent vivre dans la maison de leurs parents une année ou deux de plus que les femmes.

Une proportion croissante de personnes au début de la vingtaine vivent dans des maisons occupées par le propriétaire, même s'il n'y a aucune augmentation à long terme et constante du taux d'accession à la propriété chez les jeunes ménages. Cela témoigne du fait qu'un moins grand nombre de personnes au début de la vingtaine qu'auparavant quittent la maison de leurs parents. Au cours des 35 dernières années, davantage de membres de ce groupe d'âge vivaient avec leurs parents. La proportion de personnes au début de la vingtaine vivant dans des maisons appartenant au propriétaire est passée de 31 % à 56 % dans le cas des femmes et de 52 % à 66 % dans celui des hommes.

L'écart entre la proportion de personnes vivant dans des logements qu'elles possèdent et les taux d'accession à la propriété au niveau des ménages diminue rapidement à mesure que l'âge augmente. Dans le cas des femmes, l'écart disparaît dans une grande mesure au début de la cinquantaine et demeure très petit plus tard. Par comparaison, dans le cas des hommes, l'écart diminue jusqu'à la fin de la cinquantaine, mais il augmente de nouveau plus tard.

7   Conclusion

Il y a une forte régularité du profil de l'âge d'accession à la propriété dans toutes les générations de Canadiens. Cette constatation ressort clairement des données des recensements de la population du Canada menés de 1971 à 2006. Le taux d'accession à la propriété augmente rapidement parallèlement à l'âge du soutien du ménage avant l'âge de 40 ans, après quoi il continue d'augmenter à un rythme plus lent jusqu'à ce qu'il atteigne un plateau vers l'âge de la retraite. Le taux d'accession change peu dans les premières années de la retraite, puis il commence à fléchir lorsque la personne atteint la fin de sa septième décennie de vie. La majorité des aînés continuent donc de profiter des services associés au statut de propriétaire de leur maison pendant plus de 10 ans après l'âge de 65 ans.

Le plateau du taux d'accession à la propriété a constamment augmenté d'une cohorte de naissance à l'autre depuis les années 1970. Le niveau le plus élevé jamais atteint est passé de 73 % dans le cas des personnes nées au début des années 1910 à 78 % dans le cas de celles qui sont nées durant la Seconde Guerre mondiale. De nos jours, plus des trois quarts des ménages canadiens sont propriétaires de leur maison à l'âge de 65 ans. Compte tenu du fait que les personnes nées dans les années 1950 ont dépassé les cohortes précédentes pour ce qui est des taux d'accession à la propriété à l'âge de 50 ans, il sera intéressant de voir si le plateau pour ce groupe d'âge sera plus élevé que celui pour les cohortes précédentes à l'âge de 65 ans.

Il y a une corrélation étroite entre le revenu de la famille et à la fois au niveau d'accession à la propriété et la hausse observée depuis 1971. On a en effet observé une différence considérable entre les taux d'accession à la propriété des les quintiles de revenu au cours de la période, et cette différence s'est accrue au fil du temps parce que le taux d'accession à la propriété a fléchi pour la tranche de revenu la plus basse, mais il a augmenté pour les tranches de revenu supérieures.

Les familles avec enfants ont été les plus susceptibles de posséder une maison en 1971, et cette tendance s'est maintenue jusqu'en 2006, mais la différence relativement à d'autres groupes s'est atténuée au fil du temps. La probabilité de l'accession à la propriété a augmenté plus rapidement dans le cas des couples sans enfants et les personnes hors famille pendant cette période. La proportion de ces deux groupes dans l'ensemble de la population a également crû pendant cette période. Même s'ils ont toujours été moins susceptibles de posséder une maison que les couples avec enfants, leurs taux d'accession à la propriété plus faibles ont augmenté, neutralisant l'effet du changement de composition de la population globale en leur faveur.

Les maisons qui appartiennent à un ou des membres du ménage fournissent un toit et des commodités locales connexes aux propriétaires et aux non-propriétaires faisant partie du même ménage. Ce sont les jeunes adultes dans la vingtaine et la trentaine, particulièrement les jeunes hommes, qui ont tendance à profiter le plus des services que permettent d'obtenir les maisons appartenant à autrui, la plupart du temps à leurs parents. La tendance des enfants adultes à demeurer chez leurs parents a augmenté dans les trois dernières décennies.

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