5 Discussion et conclusion

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La présente étude montre que la majorité des immigrants et des personnes nées au Canada de parents immigrants ne travaillent pas dans des environnements ethniquement homogènes. Dans les huit plus grandes régions métropolitaines au Canada, environ 10 % des immigrants qui ne sont pas d'origine britannique ou française travaillent dans des environnements ethniquement homogènes. Le niveau est beaucoup plus élevé chez les Chinois (20 %) et les Portugais (18 %), et très faible chez la plupart des groupes d'immigrants européens. Environ 4,5 % des membres de groupes minoritaires nés au Canada travaillent dans des environnements ethniquement homogènes. Seuls les Italiens et les Portugais nés au Canada affichent un niveau substantiellement plus élevé que la moyenne globale.

Les Chinois, les Sud-Asiatiques et les Philippins nés au Canada affichent un très faible niveau de concentration de membres de la même collectivité ethnique en milieu de travail par rapport à leurs homologues immigrants. Pour ces groupes, le travail dans un environnement ethniquement homogène est probablement une étape de transition pour les nouveaux arrivants qui sont moins scolarisés et qui ne connaissent pas bien la ou les langues du pays hôte. Alors que les nouveaux arrivants continuent de renouveler leur population, les immigrants nés au Canada et les immigrants de longue date probablement bien scolarisés passent au marché du travail dominant. En comparaison, les Italiens immigrants et nés au Canada affichent des niveaux similaires de concentration de membres de la même collectivité ethnique en milieu de travail. Il semble que, pour ce groupe, la tendance de la concentration de membres de la même collectivité ethnique en milieu de travail est passée à la deuxième génération d'immigrants.

Même si le niveau de concentration ethnique en milieu de travail diminue substantiellement entre les immigrants et les personnes nées au Canada chez les Chinois, les Philippins et les Sud-Asiatiques, il existe peu de différences dans le niveau de concentration résidentielle entre les immigrants et les personnes nées au Canada dans ces groupes. Des études antérieures laissent supposer que les différences entre les groupes dans la concentration résidentielle au Canada reflètent principalement les variations dans le degré de préférence lorsqu'il s'agit de vivre à proximité des membres du même groupe et de la capacité de constituer des collectivités ethniques (Hou 2006; Myles et Hou, 2004). Il est possible que les personnes nées au Canada et les immigrants préfèrent vivre dans des quartiers ethniquement concentrés, parce que cela a peu de conséquences sur les résultats sur le marché du travail (Hou et Picot, 2003). Toutefois, étant donné que les environnements de travail ethniquement homogènes englobent des professions et des industries où la rémunération est faible, les contraintes au chapitre du capital humain jouent probablement un rôle majeur en ce qui a trait à la représentation plus grande des immigrants dans de tels environnements, que les personnes nées au Canada ont tendance à éviter.

Les travailleurs immigrants dans des environnements ethniquement homogènes ont une connaissance beaucoup moins bonne de l'anglais/du français que les autres immigrants qui ne travaillent pas, ou qui ont peu ou pas de collègues appartenant à la même collectivité ethnique qu'eux. Les travailleurs immigrants dans ces environnements ont aussi des niveaux beaucoup plus faibles de scolarité que les autres travailleurs immigrants. Ces résultats laissent supposer que les économies ethniques offrent une solution aux immigrants, qui autrement pourraient être incapables de trouver du travail en raison de leurs lacunes au chapitre du capital humain. Dans les environnements ethniquement homogènes, ces immigrants peuvent aussi faire face à un moins grand nombre de difficultés sur le plan des communications et des fonctions liées à leur emploi que dans d'autres environnements. Ces constatations correspondent aux observations antérieures concernant le rôle positif que les économies ethniques peuvent jouer pour les nouveaux immigrants qui éprouvent de la difficulté à trouver du travail sur le marché du travail dominant (Logan, Alba et Stults, 2003; Zhou, 2004b). Il existe une autre interprétation, toutefois, à savoir que le fait de travailler dans un environnement ethniquement homogène pourrait réduire les incitatifs pour les immigrants à apprendre la langue du pays hôte et à investir dans les compétences requises sur le marché du travail dominant.

Les hommes immigrants qui travaillent dans des environnements ethniquement homogènes gagnent en moyenne beaucoup moins (33 %) que les travailleurs immigrants qui ont peu ou pas de collègues appartenant à la même collectivité ethnique qu'eux. Cet écart au chapitre des gains est principalement attribuable aux différences dans les facteurs de capital humain et au fait que les environnements ethniquement homogènes sont surreprésentés dans les professions et les industries où la rémunération est faible. Parmi les femmes immigrantes et les personnes nées au Canada, le fait de travailler dans des environnements ethniquement homogènes n'est pas associé à un écart significatif au chapitre des gains.

Les travailleurs immigrants dans des environnements ethniquement homogènes sont moins susceptibles de déclarer de faibles niveaux de satisfaction à l'égard de la vie que les autres travailleurs immigrants. Il est possible que l'interaction avec d'autres immigrants qui partagent la même langue, la même culture et les mêmes origines ethniques profitent au bien-être psychologique des personnes, même si d'autres explications des effets de l'hétérogénéité non observée et de la taille de l'entreprise ne peuvent être complètement éliminées, en raison des limites des données (voir la discussion du dernier paragraphe). Parmi les personnes nées au Canada, il n'existe pas d'association uniforme entre le niveau de satisfaction à l'égard de la vie et la concentration de membres de la même collectivité ethnique en milieu de travail.

La présente étude souligne les mérites de l'examen de la concentration de membres de la même collectivité ethnique dans l'environnement de travail immédiat. La plupart des études antérieures sur les économies ethniques étaient fondées sur la concentration de membres de la même collectivité ethnique dans de grandes régions géographiques ou de grands secteurs professionnels/industriels. Toutefois, la surreprésentation de groupes à des niveaux aussi agrégés peut ne pas correspondre à la concentration de membres de la même collectivité ethnique en milieu de travail. Les Juifs et les Chinois de sexe masculin au Canada, par exemple, sont souvent surreprésentés dans des professions comportant un statut élevé — comme en santé, dans les services financiers et dans les technologies de l'information — où la majorité de leurs collègues n'appartiennent pas à la même collectivité ethnique qu'eux. Les Italiens, par ailleurs, sont plus concentrés au niveau de l'entreprise que dans des professions (Reitz, Calzavara et Dasko, 1981). L'accent mis sur la concentration de membres de la même collectivité ethnique en milieu de travail immédiat fournit une meilleure explication des causes et des conséquences de la participation aux économies ethniques pour les travailleurs au niveau individuel.

Certaines limites de données de la présente étude doivent être soulignées. L'Enquête sur la diversité ethnique (EDE) ne fournit pas de données sur l'origine ethnique des propriétaires ou des superviseurs d'entreprises, qui pourraient être utiles pour avoir un aperçu de la façon dont s'opère la concentration ethnique en milieu de travail. Par ailleurs, la petite taille de l'échantillon ne permet pas une analyse détaillée pour chaque groupe minoritaire identifié, selon le statut d'immigrant et le sexe. Les variables sociodémographiques observées dans le modèle des gains ne rendent peut-être pas pleinement compte de la possibilité que ceux qui sont très motivés ou qui ont des capacités non observées plus grandes sont aussi ceux qui ont une moins grande propension à travailler dans un environnement ethniquement homogène. Si cette sélectivité non observée pouvait être prise en compte, l'écart estimé au chapitre des gains serait même plus petit, étant donné qu'il est probable que les immigrants qui ont des capacités non observées élevées s'installeront à l'extérieur des enclaves ethniques dans une plus large mesure (Edin, Fredriksson et Åslund, 2003). Par conséquent, ce biais possible n'affectera pas les conclusions de l'étude concernant l'association non significative entre les gains et la concentration de membres de la même collectivité ethnique en milieu de travail. Par ailleurs, l'autosélection possible de personnes généralement satisfaites dans des environnements ethniquement homogènes mène à la possibilité d'une surestimation des avantages psychologiques liés à la concentration de membres de la même collectivité ethnique en milieu de travail. Par ailleurs, l'EDE ne permet pas de recueillir des données sur la taille de l'entreprise. Étant donné que les entreprises ethniques sont souvent petites (Nee, Sanders et Sernau, 1994; Reitz, 1990) et que les petites entreprises ont tendance à offrir une rémunération plus faible que les grandes entreprises, si on pouvait contrôler la taille de l'entreprise, l'écart restant au chapitre des gains lié au fait de travailler dans des environnements ethniquement homogènes serait même plus petit.