1. Introduction

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La contribution du capital humain à la croissance des villes a fait couler beaucoup d'encre dans la littérature sur l'économie politique urbaine et la science régionale. Des travaux de recherche relativement récents menés par Glaeser (1994), Glaeser, Sheinkmen et Sheifer (1995), Glaeser et Saiz (2003), et Shapiro (2005) ont fait valoir l'idée que le succès concurrentiel des villes est étroitement lié aux compétences de leurs résidents. Aujourd'hui, on évoque souvent autant, pour expliquer la croissance urbaine, le bassin de compétences des diverses localités que les déterminants plus classiques, tels que l'existence d'économies d'agglomération ou de localisation.

Ces constatations ont servi de point de départ à une grande partie des récents travaux de Richard Florida (2002a et 2002b). Ce dernier soutient que certains types de compétences, concrétisées par un groupe de travailleurs qu'il qualifie de « classe créative », jouent un rôle particulièrement important dans la croissance urbaine. Cette classe créative englobe une gamme de professions étroitement liées au processus d'innovation, qu'il s'agisse de celles hautement techniques procédant du cerveau gauche (p. ex., professions en sciences et en génie) ou de celles plus artistiques procédant du cerveau droit (p. ex., professions en arts et en design).

Florida maintient aussi que cette nouvelle classe de travailleurs se distingue non seulement par ses compétences, mais aussi par ses goûts. Ces travailleurs sont attirés par les lieux dont la trame culturelle est favorable à une grande variété de modes de vie. La conséquence évidente est que les villes possédant cette juste combinaison de caractéristiques seront plus aptes à attirer les travailleurs de la « classe créative » et, dans le long terme, connaîtront des taux plus élevés de croissance de la population et de l'emploi.

Les travaux de Florida ont suscité beaucoup d'intérêt chez les chercheurs et les décideurs. Cet intérêt émane, du moins en partie, du fait qu'il a exprimé ce que beaucoup avait commencé à ressentir consciemment ou inconsciemment, c'est-à-dire que la population active a subi une transformation à l'avantage des travailleurs plus spécialisés et que les villes les mieux armées pour attirer ces catégories de travailleurs pourraient devenir les gagnantes de cette nouvelle ère. Florida essaie de décrire les caractéristiques de ces travailleurs et le rôle qu'elles jouent dans le choix de l'endroit où ils souhaitent vivre.

Dans le présent document, nous abordons deux thèmes connexes qui sous-tendent la littérature sur la croissance urbaine, à savoir : 1) le rôle des travailleurs qui ont beaucoup investi dans leur capital humain par la voie des études (diplômés) en tant que moteur de la croissance urbaine; et 2) la détermination des facteurs qui poussent ces travailleurs à se concentrer dans des villes particulières. Comme nous l'avons mentionné plus haut, il a été démontré qu'une population très instruite est associée à une croissance urbaine plus importante. Ici, nous étendons ces travaux, tels que ceux de Florida, en examinant l'effet de divers types de travailleurs ayant un niveau d'études très élevé sur la croissance de l'emploi. En particulier, nous nous intéressons au rôle joué par les scientifiques et les ingénieurs dans la croissance urbaine, puisque par définition, ces travailleurs sont engagés pour formuler, transmettre et mettre en œuvre de nouvelles idées. Nous prolongeons également les travaux publiés en cherchant à savoir si non seulement la prévalence des travailleurs très instruits, mais aussi leur combinaison importent. Les scientifiques et les ingénieurs sont certes les auteurs de nouveaux produits et procédés de production, mais leur efficacité pourrait aussi être influencée par leur interaction avec d'autres travailleurs spécialisés, tels que gestionnaires, concepteurs ou artistes, qui pourraient également jouer un rôle dans le développement de nouveaux produits et leur commercialisation éventuelle.

Si les scientifiques et les ingénieurs sont d'importants moteurs de croissance, comprendre les facteurs qui ont une incidence sur les taux relatifs de croissance des diverses villes importe également. Ici, nous nous inspirons de Florida pour dégager les facteurs qui pourraient rendre certaines villes plus attirantes que d'autres aux yeux des scientifiques et des ingénieurs, et nous étendons les travaux de cet auteur en appliquant des techniques économétriques destinées à tenir compte de variables manquantes et du biais de simultanéité.

Pour répondre à ces questions, nous utilisons des données de recensement complètes sur 242 villes canadiennes et américaines (26 canadiennes et 216 américaines) pour évaluer, en premier lieu, une gamme de caractéristiques urbaines dont l'effet déterminant sur les résultats de croissance a été postulé et, en deuxième lieu, les facteurs qui sous-tendent une composante spécialisée de ce processus de croissance, c'est-à-dire l'évolution du bassin de compétences en sciences et en génie (S-G) d'une économie urbaine.

La présentation de l'étude est la suivante. Au chapitre 2, nous décrivons les études récentes traitant de la relation entre la croissance urbaine et le capital humain qui motive notre analyse. Nous mettons l'accent sur les concepts et les méthodes utilisés pour évaluer l'importance de diverses formes de capital humain.

Au chapitre 3, nous exposons notre analyse de la croissance urbaine. Nous présentons des totalisations bivariées sur la relation entre la croissance, le capital humain et les attraits urbains. Puis, nous estimons une série de modèles de croissance urbaine en vue d'évaluer le lien entre la croissance de long terme de l'emploi et diverses mesures du capital humain. Plusieurs de ces modèles évaluent les effets de l'interaction de divers types de main-d'œuvre spécialisée.

Au chapitre 4, nous nous concentrons sur une catégorie particulière de travailleurs spécialisés qui est souvent décrite comme faisant partie intégrante de la compétitivité urbaine, à savoir les travailleurs ayant un très haut niveau d'études, occupés dans les professions en sciences et en génie. Des régressions multivariées nous permettent d'étudier la variabilité de la croissance de l'emploi en sciences et en génie. Nous estimons un modèle d'ajustement partiel qui examine le lien entre la croissance de l'emploi en sciences et en génie et un ensemble de facteurs initiaux. Nous nous intéressons particulièrement à la relation entre cette croissance et la taille de l'emploi dans le secteur culturel dans diverses villes au début de la période d'analyse, puisque les travailleurs du secteur culturel représentent un attrait urbain qui, selon certains, attirerait les scientifiques et les ingénieurs dans une localité particulière. Puis, nous estimons un modèle de différence première et un modèle de différence seconde pour vérifier quels sont les effets du biais dû respectivement aux variables omises et à l'endogénéité. Enfin, au chapitre 5, nous présentons nos conclusions.

Deux annexes suivent le corps du texte. L'annexe A contient les statistiques descriptives et les coefficients de corrélation pour certaines variables analytiques. L'annexe B donne une analyse supplémentaire du biais d'endogénéité dans nos modèles de croissance en sciences et en génie qui est axée sur la relation entre l'emploi dans les secteurs scientifique et culturel.