Petite enfance et services de garde de langue française au Canada hors Québec, 2001 et 2016
par Catherine Frigon et Étienne Lemyre
Les milieux de garde peuvent être des environnements stimulants au plan linguistique pour les jeunes enfants qui les fréquentent. C’est particulièrement le cas pour les enfants dans les communautés de langue française en situation minoritaire. Pour ces enfants qui vivent au Canada à l’extérieur du Québec, la fréquentation d’un service de garde de langue française peut encourager l’acquisition et le développement de compétences linguistiques en français et peut favoriser l’intégration future à un milieu scolaire de langue françaiseNote . L’importance de ces services est inscrite dans le Plan d’action pour les langues officielles de 2018-2023 du gouvernement du Canada, lequel prévoit des investissements dans le développement de services de garde pour la petite enfance de langue officielle minoritaire.
Or, une enquête de 2019 révélait que plus d’un tiers (36,4 %) des parents canadiens avaient eu de la difficulté à trouver des services de garde pour leur enfantNote . C’est dans ce contexte que ce feuillet a pour objectif d’estimer l’écart qu’il pourrait y avoir entre la demande et l’offre potentielles de services de garde à la petite enfance de langue française dans différentes régions du Canada à l’extérieur du Québec.
Les renseignements présentés dans ce feuillet proviennent des recensements de la population de 2001 et de 2016, en particulier des réponses aux volets A et B des questions sur les langues utilisées au travail et les langues parlées à la maison, ainsi qu’aux questions relatives aux activités sur le marché du travail.
Dans ce feuillet, les « enfants de langue française » désignent les enfants vivant au Canada à l’extérieur du Québec susceptibles de fréquenter un service de garde de langue française. Ces derniers sont définis comme étant tous les enfants âgés de 1 à 4 ans qui vivaient au sein d’une famille de recensementNote avec au moins un parentNote qui parlait le français le plus souventNote à la maison. Ainsi, les enfants inclus dans cette étude sont ceux qui vivaient : dans une famille biparentale où les deux parents parlaient le français le plus souvent à la maison, dans une famille biparentale où un seul des deux parents parlait le français le plus souvent à la maison; ou dans une famille monoparentale où le parent parlait le français le plus souvent à la maison. Les enfants âgés de moins d’un an sont exclus de cette étude puisqu’ils ne sont pas acceptés par plusieurs services de garde. En 2017 au Canada, 15 % des parents d’enfants de moins de 1 an utilisaient un service de garde, alors que c’était le cas de 51 % des parents d’enfants âgés de 1 an et de plus de 70 % des parents d’enfants âgés de 2 à 4 ansNote .
Bien que ces enfants soient considérés comme étant les plus susceptibles de fréquenter un service de garde de langue française, il est important de mentionner que ce ne sont pas tous les parents qui parlent le français à la maison qui choisiront d’utiliser de tels services. De même, les parents qui ne parlent pas le français à la maison pourraient choisir d’utiliser des services de garde de langue française. Pour ces raisons, ce texte porte sur la demande potentielle de services de garde de langue française plutôt que sur la demande réelle.
Les « travailleurs des services de garde » incluent les gardiens et gardiennes d’enfants en milieu familialNote et les éducateurs, éducatrices, aides-éducateurs et aide-éducatrices de la petite enfance (selon la Classification nationale des professions (CNP)). Une autre étude qui portait sur le personnel des services de garde d’enfants au Canada utilisait les mêmes codes de la CNPNote . À l’inverse de cette dernière, les travailleurs inclus dans ce feuillet se limitent à ceux qui travaillaient dans l’industrie des services de garderie (selon le Système de classification des industries de l'Amérique du Nord) à une adresse fixe au Canada à l’extérieur du Québec, et qui utilisaient le français le plus souventNote au travail. Bien que ces travailleurs soient les plus susceptibles d’offrir des services de garde en français, il n’est pas assuré qu’ils le fassent. De même, les travailleurs qui utilisaient au moins régulièrement le français au travail pouvaient aussi offrir des services de garde de langue française. Par ailleurs, il est possible qu’ils travaillaient auprès d’enfants plus jeunes ou plus vieux que ceux âgés de 1 à 4 ans. Ainsi, ce texte porte sur l’offre potentielle de services de garde de langue française plutôt que sur l’offre réelle.
Enfin, afin d’évaluer l’adéquation entre l’offre et la demande potentielles en matière de services de garde à la petite enfance de langue française, cette étude propose des ratios du nombre d’enfants de langue française par travailleurs des services de garde pour différents niveaux de géographieNote .
Provinces ou territoires | 2001 | 2016 | ||||
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Enfants âgés de 1 à 4 ans | Enfants âgés de 1 à 4 ans | |||||
Total | Dont un parent parlait le français le plus souvent à la maison | Total | Dont un parent parlait le français le plus souvent à la maison | |||
Nombre | Pourcentage | Nombre | Pourcentage | |||
Total : Canada hors Québec | 1 061 600 | 29 795 | 2,8 | 1 148 210 | 33 735 | 2,9 |
Terre-Neuve-et-Labrador | 20 030 | 75 | 0,4 | 17 855 | 130 | 0,7 |
Île-du-Prince-Édouard | 6 200 | 165 | 2,7 | 5 600 | 135 | 2,4 |
Nouvelle-Écosse | 38 480 | 955 | 2,5 | 33 600 | 750 | 2,2 |
Nouveau-Brunswick | 30 470 | 8 630 | 28,3 | 27 520 | 7 555 | 27,4 |
Ontario | 541 865 | 16 265 | 3,0 | 555 305 | 18 355 | 3,3 |
Manitoba | 55 675 | 925 | 1,7 | 62 065 | 1 345 | 2,2 |
Saskatchewan | 48 485 | 290 | 0,6 | 56 335 | 410 | 0,7 |
Alberta | 148 090 | 1 440 | 1,0 | 207 985 | 3 060 | 1,5 |
Colombie-Britannique | 165 825 | 980 | 0,6 | 174 500 | 1 775 | 1,0 |
Territoires | 6 490 | 80 | 1,2 | 7 450 | 225 | 3,0 |
Sources : Statistique Canada, recensements de la population de 2001 et 2016. |
En 2016, près de 1 150 000 enfants âgés de 1 à 4 ans vivaient avec au moins un parent au sein d’une famille de recensement au Canada à l’extérieur du Québec. Parmi ceux-ci, 33 735 (2,9 %) avaient au moins un parent qui parlait le français le plus souvent à la maison. Cette proportion était relativement stable par rapport à 2001 (2,8 %).
Les nombres et les proportions d’enfants de langue française ont augmenté en Ontario et dans les provinces de l’Ouest canadien de 2001 à 2016. En Alberta, le nombre d’enfants dont un parent parlait le français le plus souvent à la maison a plus que doublé au cours de cette période. Toutefois, les nombres et les proportions d’enfants de langue française étaient à la baisse de 2001 à 2016 dans les provinces de l’Atlantique, excepté Terre-Neuve-et-Labrador.
Provinces ou territoires | 2001 | 2016 | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Travailleurs des services de garde | Travailleurs des services de garde | |||||
Total | Qui utilisaient le français le plus souvent au travail | Total | Qui utilisaient le français le plus souvent au travail | |||
Nombre | Pourcentage | Nombre | Pourcentage | |||
Total : Canada hors Québec | 127 195 | 3 925 | 3,1 | 137 900 | 6 310 | 4,6 |
Terre-Neuve-et-Labrador | 1 935 | 15 | 0,7 | 2 645 | 30 | 1,1 |
Île-du-Prince-Édourad | 790 | 25 | 3,0 | 940 | 30 | 3,4 |
Nouvelle-Écosse | 4 350 | 85 | 2,0 | 4 840 | 150 | 3,1 |
Nouveau-Brunswick | 3 695 | 975 | 26,4 | 4 655 | 1 625 | 35,0 |
Ontario | 61 620 | 2 335 | 3,8 | 66 130 | 3 545 | 5,4 |
Manitoba | 7 630 | 230 | 3,0 | 8 880 | 290 | 3,3 |
Saskatchewan | 5 875 | 45 | 0,8 | 6 965 | 105 | 1,5 |
Alberta | 17 620 | 120 | 0,7 | 21 525 | 295 | 1,4 |
Colombie-Britannique | 22 755 | 70 | 0,3 | 20 500 | 190 | 0,9 |
Territoires | 930 | 25 | 2,1 | 810 | 30 | 4,5 |
Sources : Statistique Canada, recensements de la population de 2001 et 2016. |
En 2016, il y avait près de 138 000 travailleurs des services de garde au Canada hors Québec. De ceux-ci, 6 310 (4,6 %) utilisaient le français le plus souvent au travail. Cette proportion était moindre en 2001 (3,1 %). En effet, de 2001 à 2016, les nombres et les proportions de travailleurs des services de garde utilisant le français le plus souvent au travail ont augmenté dans chacune des provinces et dans les territoires. Au Nouveau-Brunswick, cette proportion est passée de 26,4 % en 2001 à 35,0 % en 2016.
Tableau de données du graphique 1
Provinces | Nombre d'enfants de langue française par travailleur des services de garde utilisant le français le plus souvent au travail | |
---|---|---|
Ratio | ||
2001 | 2016 | |
Total : Canada hors Québec | 7,6 | 5,3 |
Provinces de l'AtlantiqueTableau de données du graphique 1 Note 1 | 9,6 | 4,8 |
Nouveau-Brunswick | 8,8 | 4,6 |
Ontario | 7,0 | 5,2 |
Manitoba | 4,0 | 4,6 |
Saskatchewan | 6,5 | 3,9 |
Alberta | 11,8 | 10,4 |
Colombie-Britannique | 13,9 | 9,2 |
|
Le graphique 1 indique que les ratios d’enfants de langue française par travailleur des services de garde étaient à la baisse de 2001 à 2016 dans chaque province, à l’exception du Manitoba. En 2016, les ratios se situaient de
3,9 à 10,4 enfants de langue française par travailleur des services de garde. Au Nouveau-Brunswick et ailleurs en Atlantique, le ratio a presque diminué de moitié de 2001 à 2016, passant respectivement de 8,8 à 4,6 enfants de langue française par travailleur des services de garde et de 9,6 à 4,8 enfants de langue française par travailleur des services de garde. Au cours de la période observée, le nombre d’enfants de langue française était à la baisse dans les provinces de l’Atlantique (excepté à Terre-Neuve-et-Labrador) alors que le nombre de travailleurs des services de garde était à la hausse.
Bien que le ratio d’enfants de langue française par travailleur ait diminué au cours de la période à l’étude en Alberta (11,8 enfants par travailleur en 2001 et 10,4 en 2016) et en Colombie-Britannique (13,9 enfants par travailleur 2001 et 9,2 en 2016), il demeurait environ deux fois plus élevé que celui de l’Ontario en 2016 (7,0 enfants par travailleur en 2001 et 5,2 en 2016). À titre de contexte, selon les différentes législations provinciales, la réglementation actuelle pour les ratios d’enfants par travailleur varie de 3 enfants à 10 enfants par travailleur, selon l’âge des enfants. Ainsi, pour toutes les provinces, à l’exception de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, les ratios se situaient près du centre de cet intervalle.
La baisse des ratios alimentée par la croissance du nombre de travailleurs des services de garde utilisant le français au travail est le signe d’une disponibilité grandissante des services de garde de langue française partout au pays au cours de la période observée, malgré des ratios plus élevés en Alberta et en Colombie-Britannique. De plus, à l’exception de ces deux provinces, les ratios d’enfants de langue française par travailleur des services de garde étaient plus bas en 2016 que les ratios totaux d’enfants par travailleurs, sans égard à la langue (5,9 enfants par travailleur au Nouveau-Brunswick, 7,0 au Manitoba, 8,1 en Saskatchewan et 8,4 en Ontario). Cela suggère que la disponibilité des services de garde en français est relativement meilleure que pour l’ensemble de la population. C’était la situation inverse en Alberta et en Colombie-Britannique ; les ratios totaux d’enfants par travailleurs (9,7 et 8,5, respectivement) étaient plus bas que ceux des enfants de langue française.
Tableau de données du graphique 2
Régions métropolitaines de recensement (RMR) ou agglomérations de recensement (AR) | Nombre d'enfants de langue française par travailleur des services de garde utilisant le français le plus souvent au travail |
---|---|
Ratio | |
Edmonton | 9,0 |
Toronto | 8,4 |
Vancouver | 7,9 |
Bathurst | 5,8 |
Grand Sudbury | 4,8 |
OttawaTableau de données du graphique 2 Note 1 | 4,4 |
Winnipeg | 4,4 |
Edmundston | 3,6 |
Moncton | 3,5 |
Fredericton | 2,7 |
|
Le graphique 2 montre que les ratios étaient en deçà de 5 enfants de langue française par travailleur des services de garde dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) ou les agglomérations de recensement (AR) de Grand Sudbury (4,8), OttawaNote (4,4), Winnipeg (4,4), Edmundston (3,6), Moncton (3,5) et Fredericton (2,7). Les ratios les plus élevés s’observaient dans les RMR d’Edmonton (9,0), de Toronto (8,4) et de Vancouver (7,9). Ces trois RMR avaient en commun d’avoir de petites proportions d’enfants de langue française (Edmonton : 2,0 %, Toronto : 1,5 % et Vancouver : 1,0 %). À l’exception de Bathurst (5,8), les AR et les RMR du Nouveau-Brunswick étaient celles où les ratios étaient les plus bas. C’est aussi dans cette province que les nombres et proportions d’enfants de langue française et de travailleurs des services de garde utilisant le français le plus souvent au travail étaient les plus élevés. Il pourrait donc y avoir un lien entre la proportion de la population qui est de langue française, sa dispersion sur le territoire et l’équilibre entre l’offre et la demande potentielles de services de garde dans cette langue.
Il y a plusieurs autres enfants qui seraient susceptibles de fréquenter un service de garde en français, notamment ceux dont au moins un parent parlait au moins régulièrementNote le français à la maison. De même, les travailleurs qui utilisaient le français au travail au moins régulièrementNote étaient aussi susceptibles d’offrir des services de garde en français. En 2016, 68 060 enfants âgés de 1 à 4 ans, soit 5,9 %, avaient au moins un parent qui parlait le français au moins régulièrement à la maison au Canada hors Québec. Qui plus est, 8 785 (6,4 %) travailleurs des services de garde utilisaient le français au moins régulièrement au travail. À titre informatif, les ratios d’enfants par travailleur calculés à partir de ces effectifs sont généralement plus élevés que ceux présentés précédemment. Ainsi, le portrait de la situation peut varier selon les critères utilisés.
Pour tous les ratios présentés, la géographie utilisée est relativement vaste. Toutefois, la proximité d’un service de garde est parmi les principales raisons mentionnées par les parents pour choisir un milieu de gardeNote . Ainsi, même si les ratios d’enfants par travailleur sont bas, cela ne veut pas nécessairement dire que les services sont accessibles à l’échelle locale. De plus, la réglementation est différente selon l’âge de chaque enfant et dans chaque province. Une étude plus détaillée permettrait d’évaluer dans quelle mesure l’offre de services répond à la demande pour chaque groupe d’âge et selon la composition des familles, et ce à une échelle plus locale.
Ce feuillet a montré que les ratios d’enfants susceptibles de fréquenter un service de garde en français pour chaque travailleur des services de garde qui utilisait le français le plus souvent au travail ont diminué de 2001 à 2016 au Canada hors Québec, excepté au Manitoba. La disponibilité de services de garde de langue française semble donc s’être améliorée au cours de la période à l’étude. Néanmoins, les ratios d’enfants de langue française par travailleur des services de garde demeuraient plus élevés en Alberta et la Colombie-Britannique, ainsi que dans certaines RMR et AR avec une petite proportion de leur population qui était de langue française.
Une fois disponibles, les renseignements de l’Enquête sur la population de langue officielle en situation minoritaire de 2022 permettront de réaliser une étude plus approfondie sur le sujet, notamment grâce à de nouvelles questions portant sur la petite enfance.
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